- Au jour le jour, mai 2003
Lexique Seigneurial (Partie 3 – Fin)
Prescrire : v.tr. Acquérir, se libérer par prescription. Prescrire un héritage, une dette. V. intr. Se dit dans le second cas. Se prescrire : se perdre par prescription; Le droit de commutation se prescrit par trente ans (C.-A. Geoffrion).
Profit de vente ou profit censuel ou parfois profit de fief: lods et ventes.
Racheter une rente, une redevance : S’en libérer en en remboursant le capital.
Redevance : Somme due à termes réguliers.
Régime seigneurial : Régime dans lequel le propriétaire d’un fief ou seigneur donnait à des paysans une terre et recevait en contrepartie des versements en nature ou en argent, des corvées de toutes sortes. En certains cas, il a été également leur juge et il fut une époque où il exerçait sur eux son ban (commandement).
Rente : Revenu donné périodiquement en retour d’un capital aliéné ou d’un fonds affermé.
Rente constituée : Rente établie comme prix de l’aliénation d’un capital mobilier.
Rente foncière : Rente établie comme prix de l’aliénation d’un fonds.
Rente perpétuelle : Rente qu’on ne peut racheter, amortir, dont le capital ne peut être remboursé. (On disait souvent : non rachetable.)
Rente amortissable : Rente qui peut être rachetée, amortie, dont on peut rembourser le capital. (On disait souvent : non rachetable.)
Roture : État d’une personne ou d’un héritage, qui n’est pas noble : Être né dans la roture. Lorsqu’un fief tombe en roture…Ensemble des roturiers.
Roturier : adj. Et n. qui n'est pas noble.
Saisine : Prise de possession. Droit dû au seigneur pour la prise de possession d’un héritage relevant de lui.
Seigneur : propriétaire féodal, seigneur d’une ville, d’une terre.
Seigneuresse : Au Canada, une femme propriétaire d’une seigneurie portait le nom de la seigneuresse. Les journaux utilisaient couramment ce mot et les religieuses de l’Hôtel-dieu étaient désignées sous ce nom dans certains actes de notaires. En France, ce mot n’était peutêtre pas d’un usage très répandu, mais Frédéric Godefroy, dans son Dictionnaire de l'ancienne langue française, note qu’il était utilisé dans le Boulonnias.
Seigneur dominant : Celui duquel relevait un autre fief.
Seigneur censier ou Foncier: Celui duquel relevait un héritage tenu en censive.
Seigneurie : Droit, puissance, autorité d’un homme sur la terre dont il est le seigneur : la seigneurie de cette terre s’étendait fort loin. Droits féodaux d’une terre, indépendamment de la terre même : Vendre une terre et s’en réserver la seigneurie. Terre seigneuriale : le roi érigea cette seigneurie en marquisat. Source : Denis-Benjamin Papineau
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À la ferme de grand-père Desrosiers (suite)
La vie domestique
Grand-mère apprêtait un bon lot de légumes pour la conservation : ketchup, betteraves dans le vinaigre et cornichons salés. On cannait aussi des tomates et du maïs. La cave servait à garder au frais certains légumes récoltés à l’automne : carottes, navets, choux, pommes de terre, betteraves… On échangeait avec un cousin de Saint-Rémi qui avait des pommiers quelques caisses de tomates pour l’équivalent en pommes. Grand-mère aimait orner le devant de la maison d’un peu de fleurs qu’elle disposait dans deux cuves de bois. A l’automne, elle entreposait ses plants de quatre-saisons à la cave, dans des boîtes à beurre. Elle n’oubliait pas de les arroser deux fois au cours de l’hiver.
A la maison, il n’y avait, en ce temps-là, ni électricité, ni téléphone, ni eau courante. On s’éclairait à la lampe à l’huile. Une fournaise à charbon de forme cylindrique, près de la paroi séparant le salon des deux chambres du rez-de-chaussée, assurait le chauffage ailleurs que dans la cuisine. La chaleur produite se répandait dans les deux chambres dont les portes demeuraient ouvertes et montait à l’étage adoucir la température de la grande pièce sous les combles où les garçons dormaient dans leurs lits sur de confortables paillasses bourrées de feuilles de maïs séchées. Le poêle de la cuisine chauffait au bois. Grand-père récoltait son bois au bout de la terre et, après l’avoir scié en rondins et fendu, il le laissait sécher dans la remise attenante à l’étable. Chaque jour où il fallait chauffer, il allait en quérir pour remplir la boîte à bois près du poêle.
Le puits dont on tirait l’eau était situé dans l’étable. C’était commode pour abreuver les animaux qui en consommaient une bonne quantité. Pour les besoins de la maison, on la transportait chaque jour dans des chaudières. En dehors de la saison froide, on recueillait l’eau de pluie dans une tonne qui la recevait de la gouttière du toit au bout de la maison. On se servait de cette eau pour laver les légumes, le plancher et ce qui était assez sale. Elle était cependant trop dure pour le lavage. A cette fin, grand-père allait en chercher au fleuve dans une tonne placée sur le stone boatstone boat : traîneau servant à transporter de la pierre. Le vocable bob désigne un traîneau de chantier. Il est possible que dans le langage populaire boat ait remplacé bobque tirait un cheval. Sauf quand il faisait froid, grand-mère faisait la lessive sur la galerie à l’aide d’une machine à laver actionnée manuellement. Elle utilisait le savon Barsalou.
Durant la belle saison, on mangeait dans la cuisine d’été. C’était une petite construction située à une vingtaine de pieds de la maison. Le bâtiment avait deux portes pleines, l’une faisant face au fleuve et l’autre au chemin public. La porte avant était doublée d’une porte avec moustiquaire. Une fenêtre, de chaque côté éclairait l’intérieur. On y trouvait un poêle à l’huile pour la cuisson des aliments, une table à abattants couverte d’une nappe cirée et des chaises. Les aliments périssables étaient conservés dans une glacière. La glace utilisée était récoltée sur le fleuve, en janvier, par grand-père. Il l’entreposait alors dans un abri adapté chez un voisin, le juge Pelletier, qui passait l’été dans sa grande maison de pierre (encore existante). Le temps venu, la famille Desrosiers avait sa part de cette glace.
Au début, il n’y avait pas de cabinet d’aisance dans la maison. On allait faire ses besoins dans les latrines situées de l’autre côté du chemin pour éviter que les odeurs qui pouvaient en émaner ne viennent indisposer les habitants du logis. Cet éloignement relatif était peu pratique pour les besoins d’évacuation nocturnes et hivernaux. On utilisait alors le pot de chambre dont on se hâtait de disposer du contenu en lieux appropriés le moment venu. Pour agrémenter un peu les courtes visites aux closets, on en avait tapissé l’intérieur de feuilles du Supplément de la Presse, surtout celles comportant des photographies de la blonde Pearl White, une actrice de l’époque. Un peu plus tard, grand-père installa une toilette dans la maison. Du genre de la précédente, on y recouvrait les éléments malodorants de chaux pour en atténuer les relents et on en effectuait régulièrement la vidange. En ces temps, le papier hygiénique était constitué de carrés de papier journal.
Les divertissements
Les fins de semaine d’été, il y avait du cinéma au village. Grand-père aimait y aller avec sa plus jeune. On s’y rendait à pied par le chemin d’en bas qui longeait le fleuve. Le cinéma était situé sur la rue Saint-Ignace, du côté du fleuve. Il était dans la cour de la troisième maison en arrivant au village, après celles de Médor Moussette et de Joseph Dubois. Entre la demeure des Dubois et celle de Joseph Paul Hébert, le propriétaire, un étroit passage donnait accès au guichet où on payait son droit d’entrée au cinéma. Il s’agissait d’une construction fort simple dont le toit était constitué de feuilles de tôle. Ce toit était percé d’un trou pour laisser place au tronc d’un arbre dont les ramures s’épanouissaient plus haut. Le plancher de la salle était pavé de briques et accommodait une cinquantaine de chaises. Le prix d’entrée pour une représentation était de 25 cent. La guichetière à qui on payait cette somme était la voisine du propriétaire, Madame Purissima Dubois. Personne accueillante au teint pâle accentué par une chevelure noire frisottante, elle portait un beau chemisier d’un blanc toujours impeccable mettant en valeur ses formes rondelettes. Conquis par son sourire, plusieurs de la gent masculine s’attardaient un moment pour un brin de causette au moment de payer le droit d’entrée. Quant aux films qu’on présentait au cinéma, ils étaient muets. L’action qui s’y déroulait était habilement accompagnée par la musique du pianiste Harold Sainte-Marie.
A part ces visites estivales au cinéma, parents et enfants sortaient peu ensemble sauf, bien entendu, pour aller en voiture à la messe du dimanche. Après la messe, on s’attardait un peu à jaser avec des connaissances avant de reprendre le chemin du retour.
- Au jour le jour, mai 2003
Nouvelles de la SHLM
La SHLM accueille régulièrement de nouveaux membres. Il nous fait plaisir de souligner l’adhésion des dernières personnes à joindre nos rangs et de leur souhaiter la bienvenue :
· Émile Leduc, Saint-Hubert (450)
· Ronald Perras, La Prairie (451)
· Bruno Robidoux, Saint-Bernard Lacolle (452)
SOUPER DE HOMARD – RAPPEL
Cette année encore, la Fondation Histoire Patrimoine La Prairie, anciennement Fondation de la Société d’histoire de La Prairie, tiendra son activité de Souper de homard le 31 mai 2003, à 19h au complexe Saint-Laurent à La Prairie.
Le homard est servi à volonté, accompagné d’un buffet et suivi d’une soirée dansante. Les fonds sont recueillis au profit de la (Fondation Histoire Patrimoine La Prairie) et La Prairie en Fête. Vous pouvez vous procurer des billets à la SHLM au coût de 60.00$ par personne. Il y d’autres points de vente pour l’achat de billets.
Pour obtenir plus d’informations, veuillez communiquer avec la SHLM au (450) 659-1393.
VENTE DE LIVRES USAGÉS
Une grande vente de livres usagés très intéressants, à des prix vraiment exceptionnels et défiant toute concurrence, aura lieu à la Société d’histoire de La Prairie, 249 rue Sainte-Marie aux dates suivantes :
Vendredi le 30 mai 2003 de 13h00 à 22h00
Samedi 31 mai 2003 de 9h00 à 17h00
Les profits de cette vente seront versés à la bibliothèque de la SHLM afin de nous permettre d’enrichir nos collections. Voici une liste de catégories de livres à vendre à cette occasion :
· Archéologie
· Architecture
· Archives publiques du Canada
· Art
· Biographie
· Bulletins de recherches historiques (magazines)
· Droit ancien du Canada
· Encyclopédies diverses
· Familles
· Généalogie
· Histoire du Canada, du Québec, de la Nouvelle-France, des États-Unis
· Histoire de l’Amérique française (revue)
· Mémoires de la Société de généalogie canadienne-française (revue) · Rapports de l’archiviste du Québec
· Romans
· Villes et paroisses – Histoire
· Voyages
Dites-le à vos parents, à vos amis et à vos voisins.
La SHLM est présentement à réaménager ses locaux afin d’avoir plus d’espace pour les chercheurs, les employés et les bénévoles. D’ici l’automne, nous devrions avoir terminé. Nous ferons aussi l’acquisition de nouveaux classeurs et ordinateurs afin de répondre à la demande de plus en plus grandissante des nombreux visiteurs.
Nous vous remercions de votre appui et de votre présence.
BRUNCH ANNUEL DE LA SHLM
Le 14 septembre 2003 à midi aura lieu notre brunch annuel au restaurant le Vieux-Fort. N’oubliez pas d’inscrire cet événement à votre agenda.
GUIDES TOURISTIQUES
La saison estivale arrivant à grands pas nous aurons besoin de 4 guides touristiques pour les visites guidées. Une annonce sera faite bientôt dans le journal Le Reflet dès que nous aurons la confirmation d’une subvention de Placement-Carrière-Été.
À la différence des années précédentes, nous aurons cette année, la collaboration de Ville de La Prairie via le service de l’urbanisme. Le bureau touristique étant fermé, nous assurerons les visites et l’information touristique aux nombreux visiteurs. La ville nous fournira une subvention afin que nous puissions allonger les heures de travail des guides qui seront embauchés.
Nous pourrons donc combler le manque à gagner auquel nous faisons face depuis les coupures budgétaires dans les emplois étudiants.
- Au jour le jour, mai 2003
Conférence: Madeleine de Verchères
Notre prochaine conférence aura lieu le 20 mai 247, rue Sainte-Marie (théâtre), à 20h.
Madeleine de Verchères
Le conférencier :
M. Raymond Arseneault
P.S. La conférence sur les Acadiens, par Madame Nicole Martin-Verenka est reportée à l’automne.
- Au jour le jour, mai 2003
Mot du président
Cher(e) membre, Nous voilà déjà rendus à la fin de l’année financière pour la SHLM. Les bénévoles responsables des comités rédigent le bilan de l’année.
Je dois mentionner que les douze mois qui viennent de passer ont été des plus chargés. Entre les cours de généalogie, les visites guidées, les visiteurs et les chercheurs, les employés et les bénévoles n’ont pas chômés. Vous serez à même de le constater dans le rapport annuel qui sera distribué aux membres lors de notre assemblée générale annuelle qui se tiendra le 18 juin 2003, à 20h au 247 rue Sainte-Marie. Vous recevrez sous peu le procès-verbal et une invitation. Votre présence est importante pour nous.
En terminant, un petit mot pour vous dire que « Au jour le jour » fera relâche de juin à août inclusivement. Nous reprendrons la publication en septembre. N’oubliez pas que si vous avez des histoires, anecdotes ou autres, il nous fera plaisir de les publier.
Au plaisir de vous voir le 18 juin prochain.
- Au jour le jour, mai 2003
Le Sulte
« Le Sulte » figurait parmi les acquisitions du Coin du livre, dans le dernier bulletin de la Société. Ce disque compact regroupe 32 volumes entiers de l’historien Benjamin Sulte et j’en ai fait une brève exploration que je vous rapporte aujourd’hui.
Le cédérom reproduit un grand total de 4 556 pages réparties en 32 documents : d’abord l’Histoire des Canadiens-Français en 8 volumes, ouvrage principal de Sulte, disponible à la bibliothèque de la Société en version imprimée, ensuite les Mélanges Historiques en 21 volumes, composés de divers articles de Sulte, compilés par Malchelosse, dont les 10 premiers volumes seulement se retrouvent à la Société; puis, s’ajoutent à ces 29 volumes, l’Histoire de la Baie -du-Febvre, l’Expédition militaire de Manitoba et La bataille de Châteauguay. Enfin on trouvera les cartes du Sieur de Catalogne (Lac Saint-Pierre, Grondines-Neuville, Québec et Île d’Orléans, Cap Tourmente et Île -auxCoudres) ainsi que des données de recensements (Acadie 1671, Port-Royal 1686, Nouvelle -France 1666, 1667, 1681 et 1698).
Chaque document possède sa table des matières et, par un simple clic de souris, le lecteur peut sauter d’un chapitre à l’autre, ou à une page de son choix.
La bibliothèque de la Société s’enrichit donc ainsi de l’équivalent numérisé de 14 nouveaux volumes, dont certains plutôt rares, tels que les documents concernant la bataille de Châteauguay.
« Le Sulte », produit par Pierre Connolly et donné à la Société par Madame Marie Gagné, est distribué par la Société de généalogie des Cantons de l’Est et tous les documents qu’il contient proviennent de la banque numérique de la Bibliothèque nationale du Québec. Le mérite de l’auteur consiste à avoir eu la patience de convertir les ouvrages concernés en format PDF avec une indexation aux sujets et aux mots. L’amateur d’histoire et de généalogie pouvait déjà consulter ces documents sur le site de la BNQ, mais sans pouvoir y effectuer de recherches par mots ou sujets.
Le fonctionnement du cédérom s’appuie sur le logiciel Reader d’Acrobat, fourni sur le disque et disponible aussi gratuitement sur le site d’Adobe. L’usager peut tout simplement lire les documents à l’écran, ou encore effectuer des recherches à l’aide de sujets ou mots-clés. La lecture est facile, mais la recherche nécessite une connaissance de cette fonction du Raeder que l’utilisateur devra posséder ou, à tout le moins, prendre le temps d’acquérir.
Voici ce que l’on obtient en lançant une recherche à travers tous les documents avec le mot « esclave » :

Le tableau montre que le mot « esclave » apparaît dans 6 documents, soit dans l’Histoire des Canadiens-Français, vol. 2,5,6 et dans les Mélanges historiques, vol. 16, 19 et 6.
En cliquant sur « Afficher », on voit la page concernée avec le mot demandé en surligné.
Cette fonction de recherche, dans plusieurs documents à la fois, est certes la plus puissante et la plus souple, d’autant plus que des opérateurs booléens (et, ou, non) et des caractères génériques (?, *) peuvent être ajoutés. Sur un ordinateur Pentium II ou III, la rapidité est étonnante.
L’auteur prévient que des mots n’ont pu être indexés pour des raisons techniques. L’usager lui pardonnera facilement. Rien n’est parfait! Félicitations pour avoir su regrouper cette quantité impressionnante de données précieuses sur un disque de moins de 12 centimètres de diamètre.
Bonne lecture et bonnes recherches.
- Au jour le jour, mai 2003
À la ferme de grand-père Desrosiers
D’après les souvenirs de Viviane Desrosiers.
La terre occupée par la famille de grand-père Arthur Desrosiers, à partir de 1905, était louée des syndics de la Commune. Elle s’étendait du fleuve jusqu’au rang Saint-José. La voie ferrée qui existe toujours la traversait. Le boulevard Taschereau n’existait pas alors. La terre était bornée au Nord par la route Montréal-Malone (boulevard Salaberry) et, au Sud, par la terre d’Adolphe Sainte-Marie. Dans sa partie sud, elle était amputée d’une petite portion réservée à la Commune et d’une autre occupée par un cimetière destiné aux vaches mortes de maladie. Près de son extrémité ouest, elle était traversée par le tournant de la route Montréal-Malone qui se poursuivait par la suite sur le bord du fleuve. La maison était située à l’Ouest de la route et les bâtiments à l’Est.
La grange à foin avec sa tasserie à l’étage était couverte de tôle et, à bonne hauteur, sur une de ses faces visibles du chemin public, une enseigne encadrée de bois peint de couleur orangée indiquait : terre des syndics. Était accolé à la grange un autre bâtiment divisé en deux parties : l’écurie abritant quatre chevaux et l’étable occupée par sept vaches. Quand on avait des veaux, ils avaient été engendrés par un taureau étranger. À l’occasion des crues du Saint-Laurent, grand-père a dû, à quelques reprises mettre ses veaux à l’abri dans la tasserie de la grange.
Deux des chevaux, les plus costauds, étaient utilisés pour les durs travaux de la ferme. Corneille, la jument noire, tirait les voitures destinées au transport des membres de la famille et aux produits de la ferme. L’oncle Edgar qui assistait son père comme fermier avait son cheval, Pégase. Il l’attelait à sa rubbertie, une petite voiture à deux roues qu’il utilisait pour ses sorties. Cette voiture moderne aux jantes caoutchoutées était censée attirer l’attention des demoiselles et susciter leur désir d’une petite promenade à deux. Un peu comme les belles autos décapotables d’aujourd’hui.
La laiterie, de petite dimension, était adossée à la grange, du côté nord. On y écrémait le lait et fabriquait le beurre à l’aide de la baratte. Avec un moule de bois acheté au village et fait pour contenir une livre de beurre, on façonnait des blocs rectangulaires comme ceux d’aujourd’hui. Remplissant le moule à la spatule, on tassait le beurre à l’aide d’une planchette incisée d’une figure de losange étoilé qui laissait son empreinte sur le dessus de la livre. On entreposait le beurre dans la cave de la maison. Ce qui n’était pas requis pour la consommation domestique était vendu au magasin Rothers, au village, rue Saint-Louis.
Edgar avait souvent la tâche de tourner la manivelle de l’écrémeuse qui séparait la crème du petit lait. Il n’est pas sûr qu’il appréciait outre mesure cette tâche de l’écrémage. Tournant la manivelle, il avait coutume de chanter à haute voix des ritournelles pour stimuler l’énergie requise par l’activité. Certains jours, quand ce travail lui plaisait moins et pour évacuer ses sentiments de protestation, il lui arrivait de glisser entre les rimes de la chanson des vocables plus ou moins convenables. L’ardeur de son chant avait pour conséquence qu’on l’entendait très bien du chemin public qui passait tout près de là. Ce qui devait arriver arriva. Un jour que le refrain était bien assaisonné, passe une certaine dame qui croit qu’on s’adresse à elle. Eh toé là, lui crie-t-elle, cé tu à moé qu’tu dis ça? Il paraît que par la suite notre homme fut plus circonspect dans ses effusions lyriques.
Le poulailler avec son enclos était un peu isolé des bâtiments. Les oeufs étaient réservés à la consommation domestique, mais on laissait aussi couver les poules et on élevait les poussins. À l’occasion, on mangeait un bon coq. C’était un mets apprécié quand on avait la visite de la parenté venant de Montréal.
A l’écart de tous les bâtiments de la ferme, une petite cabane en hauteur servait de fumoir pour le jambon. La ferme n’avait pas, à proprement dit, une soue pour porcs. Au printemps, grand-père allait en voiture chez un cultivateur du rang Fontarabie chercher quatre cochonnets qu’il ramenait dans une grande poche à l’arrière de la voiture. Il paraît que ça bougeait et que ça criait là-dedans. On faisait boucherie à l’automne. On mangeait sans tarder ce qui devait être consommé rapidement, on fumait le jambon et on faisait une provision de lard salé dans deux grands bocaux de grès qu’on gardait à la cave. Peu de choses se perdaient des cochons. Avec les vessies proprement apprêtées on faisait des blagues à tabac. Comme la majorité des agriculteurs, grand-père cultivait son carré de la plante à Nicot qui, une fois bien séchée et hachée, lui servait à bourrer sa pipe.
La ferme produisait le foin et l’avoine nécessaires à l’alimentation des animaux ainsi que du sarrasin, mais elle était surtout spécialisée dans la culture maraîchère, une culture bien à l’honneur dans les campagnes de La Prairie. Grand-père cultivait beaucoup de tomates dont il partait les plants en couche chaude, près du fumoir à jambon. Il avait un contrat avec la conserverie De Gruchy du village où il écoulait le gros de ses tomates. A l’époque des récoltes, partant très tôt le matin, il se rendait aussi en voiture au marché Bonsecours de Montréal vendre ses produits : boîtes de tomates, poches de patates, haricots jaunes et oignons. Dans ses champs il cultivait aussi maïs, haricots secs, pois, ail, carottes, betteraves, navets et choux.
- Au jour le jour, mai 2003
Une saga des Demers de La Prairie (Partie 1 – Les origines)
Au milieu du XVIIe siècle, trois frères, ou plutôt deux frères et un demi-frère viennent s’établir en Nouvelle-France. Ils se prénomment Étienne, André et Jean et ils constitueront, à eux trois, la souche des familles Demers en Amérique. Ces Demers avaient leurs racines dans la partie cauchoise de la Normandie et le nom de famille s’écrivait d’abord Dumoys, puis Dumay avant d’évoluer vers Dumets, Dumer et Demers.
Partis de Dieppe en 1643 avec leur père Jean Dumay, les trois frères laissaient derrière eux Barbe Mauger, la deuxième épouse de leur père et la mère d’André et de Jean, leur sœur Catherine et leur frère Laurent.
Ils s’installent d’abord avec leur père dans la région de Québec, mais, quelques années plus tard (1648), André quitte le toit paternel pour aller tenter sa chance à Ville-Marie, suivi de près par Étienne. Ce dernier s’était déjà marié, à Notre-Dame de Québec, à Françoise Morin, veuve d’Antoine Pelletier, et il faut croire que Ville-Marie ne lui plaisait pas puisqu’il est retourné, en 1650, s’établir définitivement dans la région de Québec.
À son tour, Jean, le cadet des trois, va rejoindre son frère André à Ville-Marie. C’est à peu près à cette époque que leur père, Jean Dumay, retourne en France pour y finir ses jours.
En 1654, André et Jean se marient et, bien que Paul Chomedey de Maisonneuve leur ait concédé à chacun une terre, Jean décide de retourner auprès de son demi-frère Étienne et sa descendance, la plus nombreuse, essaimera dans la seigneurie de Lauzon.
Toutefois, c’est la descendance d’Étienne qui devra retenir notre attention. En effet, le couple Étienne Dumay – Françoise Morin a eu de nombreux enfants, mais les quatre fils qui sont à la source d’une grande descendance sont partis de la région de Québec pour aller s’établir sur ce qu’on appelle aujourd’hui la rive sud de Montréal. Ce sont eux qui sont à l’origine d’une des grandes familles de La Prairie. Il s’agit d’Étienne (Jeanne-Françoise Ménard), de Joseph (Marguerite Guitaut dit Jolicoeur, Marguerite Perras, Angélique Brunel, Françoise Petit), d’Eustache (Catherine Perras) et de François (Jeanne Roanais-RoannesIl s’agit de la même Jeanne Roanais dont il a été question dans « Au jour le jour » de mars 2003 (Vol. XVI, No 3).).
Dire que ces premières générations de Demers avaient la «bougeotte » tiendrait de l’euphémisme. Cependant les générations de Demers qui leur ont succédé ont prouvé que le même sang coulait dans leurs veines.
Le lecteur ou la lectrice pourra d’ailleurs le constater en lisant les autres épisodes de cette saga peu ordinaire d’une lignée de Demers de La Prairie. Le prochain article sera donc consacré à Jacques Dumay-Demers, petit-fils de Joseph Dumay et de Marguerite Guitaut dit Jolicoeur, dont les aventures méritent d’être racontées.
- Au jour le jour, avril 2003
Divers
Recherches
Qui sont les parents de Joseph Hébert, marié à PHÉBÉE LANCTOT, à Saint-Constant, le 21 novembre 1831 ?
Yvon Trudeau membre (434)
Information diverse
Dans notre article du mois de mars 2003, à la page 5, veuillez prendre note que les enfants sur la photo prise en 1922, sont les 3 filles de Benjamin Houghting.
L’information nous a été transmise par M. Yvon Trudeau qui nous avait fait don de celle-ci. Merci pour l’information.
- Au jour le jour, avril 2003
1903-2003: un bien triste centenaire
Article envoyé à La Presse le 17 mars 2003
Le 18 mars 1903, la Chambre des députés du parlement français, par 300 voix contre 252, votait une loi qui supprimait les congrégations de religieuses et de religieux.
Quant aux oeuvres et aux biens que ces sociétés pouvaient posséder, ils passaient tout simplement aux mains de l'état. Avant ce vote, le président du Conseil de l’époque Émile Combes, obtint du Conseil d'État un avis aux termes duquel le vote négatif de l'une des deux chambres suffirait à entraîner la suppression des congrégations.
Et pour être assuré du contrôle des quelques congrégations déjà autorisées, Combes fit voter une loi (1904) qui interdisait I'enseignement à ces congrégations, quels que soient leurs titres, leurs aptitudes et les services rendus.
Tous ces religieux se retrouvaient devant trois attitudes possibles: la laïcisation complète: rupture définitive avec la congrégation; la laïcisation extérieure seulement: respect de la loi, mais lien secret avec la congrégation, malgré la visite subite des gendarmes, les poursuites, la comparution devant les tribunaux, les amendes, etc.
Pour demeurer dans la congrégation et être fidèles à leurs engagements, des milliers d'autres religieux s’exilèrent sur les cinq continents. Le Québec, pour sa part, accueillit plus de 1300 sœurs, frères et pères de 1900 à 1904.
Comment une telle situation a-t-elle pu se produire en France, pays de toutes les libertés? C'est que depuis un quart de siècle les divers gouvernements qui se sont succédés à la tête du pays, aiguillonnés par une franc-maçonnerie agressive qui avait ses entrées au Parlement, ont multiplié les projets de lois, les décrets et les mesures vexatoires qui s'attaquaient plus ou moins ouvertement aux personnes, aux oeuvres catholiques et à toute manifestation religieuse dans la vie publique, et en particulier dans l'école, l’armée, la magistrature et les hôpitaux.
En terminant, il faut souligner que le maréchal Philippe Pétain, le 3 septembre 1940, abrogeait la loi de 1904 et I'article 14 de celle de 1901 dont nous n'avons pas parlé. Enfin, la Ve République redonna en 1977 la personnalité légale aux congrégations par un décret signé du Premier ministre Raymond Barre.