 
															- Au jour le jour, mars 1999
Lettre à Monseigneur J. Octave Plessis
Laprairie 7 janvier 1808
Monseigneur,
Votre Grandeur voudra-t-elle bien me permettre de lui faire les meilleurs souhaits au commencement de la nouvelle année. J’ai imposé à ceux qui ont pris part active au charivari 80tt pour réparation des torts et dommages; 42tt qu’ils se sont fait donner; 2tt pour une petite croisée qu’ils ont cassée a coups de pierre, et 36tt pour six soirées que les nouveaux époux ont été troublés dans leurs ventes— je ne leur ai alloué 6tt par soirée qu’après avoir consulté un autre cantinier qui de lui-même a reconnu que quelquefois ils pouvoient gagner d’avantage. J’ai déduit le Dimanche et deux jours où ils n’avoient pas voulu vendre—– aucune réparation ou restitution n’a encore été faite.
La lecture de mandement se fit le 4e Dim: de l’Avent; et l’amende honorable au prône; quelques uns, dit-on se comportèrent pendant cette cérémonie d’une manière très impie.
La fermentation, du Village, est passée dans les Campagnes. La messe de minuit; les bouts de chandelle que la fabrique y auroit gagnés, l’argent a intérêt, les indulgences, quelques ouvrages faits dans le cours de l’année sans assemblée, et que je leur ai offert de reprendre, tout cela fait chez eux un pot-pourri avec le charivari. un trouve là dedans quatre points de foi d’attaqués , un autre m’a parlé des lois du charivari, que le charivari se faisoit partout et de tout tems, et c’étoit la conséquence qu’ils avoient tiré de la lecture du Mandement de Monseig: de Laval, que je leur avoit faite dès le premier Dimanche. le Sr. Jacques Poupart, j’en suis fâché pour lui, devenu opulent depuis quelque tems, est à la tête des mécontens de la campagne, et le Sr. Nolin qui est à la veille de périr d’un cancer, est le chef de ceux du Village. Votre Grandeur recevra peut-être bientôt d’eux une ingénieuse production sous le nom de placet, et il sera signé par quelques uns des masques.-Je leur ai annoncé qu’ils n’obiendroient la procession et la Messe de Minuit qu’à la demande des Marguilliers en l’assemblée que votre Grandeur fera à la visite.—
 
															- Au jour le jour, février 1999
Lettre à Monseigneur J. Octave Plessis (suite)
Lettre adressée à Monseigneur J. Octave Plessis, évêque de Québec, par l’abbé Jean-Baptiste Boucher de Belleville, curé de La Praire de 1792 à 1839.*
  
Laprairie 17 déc 1807
Monseigneur,
Le mandement de votre Grandeur, au sujet du charivari, me parvint jeudi de la semaine dernière et conformément à l’avis de Mr Legrand Vicaire n’appercevant point encore dans les coupables des dispositions à des sentiments de repentance, je ne fis, Dimanche dernier qu’en annoncer la réception, et j’en remis, à dimanche prochain, la lecture à laquelle je tâchai de les préparer le charivari ne finit que le 25 Nov: et ne finit que parce que les époux payèrent 7 piastres. J’avais annoncé d’avance que j’exigerois la restitution de l’argent ainsi extorqué. Après l’avoir encore répété depuis, j’ajoutai dimanche dernier qu’elle faisoit une partie de la satisfaction imposée par Votre Grandeur, et personne n’a encore paru pour le faire. Ils se sont fait un principe que cette extorsion étoit légitime en donnant une partie de l’argent aux pauvres… je donnerai à votre Grandeur connoissance de l’effet que produira la lecture du mandement … Je suis avec le plus profond respect,
Monseigneur,
De votre Grandeur,
Le très humble et très obéissant serviteur,
J.B. Boucher Ptre
  
…suite au prochain numéro de «Au Jour le Jour»
N.B. Il sera question des réactions du curé Boucher au charivari lors de la conférence donnée par Gaétan Bourdages en mars prochain.
 
															- Au jour le jour, février 1999
Don du mois
Du frère Jean Laprotte, deux volumes :
La Décennie des Pionniers 1 et 2, 1886-1896, implantation mennaisienne en Amérique du Nord
auteur : F. Jean Laprotte
éditeur : Études Mennaisiennes
rédaction : Rome, novembre 1998
 
															- Au jour le jour, février 1999
La Société historique de La Prairie de la Magdeleine hier, aujourd’hui et demain (suite)
L’année 1980 est marquée par d’importants travaux dans le quartier historique. On y restaure entre autres le Musée du Vieux marché grâce au Programme Amélioration de Quartier (PAQ) financé par les trois paliers gouvernementaux (fédéral, provincial et municipal). Pendant cette même année, la SHLM organise une exposition, participe à l’élaboration de panneaux historiques dans le sentier piétonnier et publie un dépliant sur l’arrondissement historique ainsi qu’un calendrier avec des reproductions de photos anciennes. À cette même époque, de plus en plus de gens de l’extérieur viennent nous visiter. La SHLM s’enrichit du fonds “Les Biens administratifs des Jésuites”. On photocopie les milliers d’actes, suit alors une étude et une classification du fonds.
La diffusion a toujours été au cœur des préoccupations de la SHLM. En 1981, un dépliant sur l’Arrondissement historique est publié en collaboration avec l’Association touristique Rive-Sud et le Ministère des Affaires culturelles. Un premier bulletin, Le Bastion, voit le jour la même année. L’ancêtre du Au Jour le Jour sera publié 4 fois l’an pendant deux ans. Des guides touristiques (4) sont publiés ainsi que la liste des habitants de la Seigneurie de La Prairie. Et ce n’est qu’un début ! De nombreuses publications verront le jour par la suite. On peut mentionner “Le train des retrouvailles” (1986), quatre volumes de généalogies par Viateur Robert (1984-1987), quatre cahiers de recensements de la Seigneurie de La Prairie (1987), matériel didactique et guide pédagogique pour les étudiants du primaire “Je découvre l’archéologie”, “Bibliographies des œuvres de Jean-Jacques Lefebvre et d’Élisée Choquet”(1995), dépliant touristique “Circuit patrimonial au cœur du village” (1995-1996).
L’année 1982 marque le début d’une implication de la SHLM dans le milieu scolaire. Un document pédagogique intitulé “Connais-tu La Prairie ?” est produit pour les élèves du 2e cycle du primaire. Suit en 1984 un diaporama pour les jeunes, “Le coffre aux ancêtres”. Des jeux éducatifs seront produits par la suite (Archéo-Logic, le Parcours historique). Le projet “Dialogue avec l’Histoire” poursuit donc l’action de sensibilisation commencé auprès de la jeunesse étudiante voilà plus de 15 ans.
Aimer l’histoire ne veut pas dire que nous soyons “passéistes”. En effet, la SHLM n’a jamais craint d’utiliser les outils informatiques pour la gestion de ses nombreuses données archivistiques et bibliographiques. Dès 1990, on commence l’informatisation du Fonds des Jésuites. Vient ensuite celle des photos, des baptêmes et sépultures et de la bibliothèque. La recherche est maintenant grandement facilitée grâce à ces nouveaux outils performants et rendent de nombreux services aux visiteurs ou chercheurs de La Prairie et d’ailleurs. En 1995, le programme informatique ARCHI-LOG est créé. Il sert à la gestion et à la description des documents d’archives selon des normes reconnues mondialement. La SHLM peut être fière de cette réalisation dont la qualité a été reconnue par l’attribution du prix annuel (organisme privé) de l’Association des Archiviste du Québec en 1998. Enfin depuis 1997, le site Web de la SHLM peut être consulté partout dans le monde, assurant une large diffusion de l’histoire et du patrimoine laprairien.
On pourrait aussi parler du service de guides touristiques offert aux nombreux étudiants et touristes qui viennent découvrir notre passé en faisant une agréable balade parmi nos vieilles demeures. L’abondance des ressources archivistiques et les recherches en cartographie historique aident grandement les archéologues qui mettent à jour depuis plus de 20 ans les richesses de notre patrimoine enfoui. Ils ont ainsi pu découvrir des vestiges de toutes les époques de notre histoire jusqu’à des sites amérindiens de près de 2 000 ans.
Il y aurait bien des choses à dire encore que ce trop bref résumé n’a pu aborder. De nombreux noms ont été omis, car même une simple énumération de toutes les personnes qui ont contribué à faire ce qu’est la SHLM aujourd’hui prendrait plusieurs pages. Ce sont ces personnes et celles qui poursuivront l’œuvre de notre organisme qui font la force et donne une âme à la Société historique de La Prairie.
 
															- Au jour le jour, février 1999
Les cours d’archéologie de la SHLM
La Société historique de La Prairie a le plaisir de vous offrir une toute nouvelle série de cours portant sur l’archéologie québécoise. Venez découvrir les richesses insoupçonnées de notre patrimoine enfoui. Suivez les pas des premiers Américains arrivés il y a plus de 30 000 ans sur notre continent. Voyez comment ils ont vécu et ont migré au Québec en suivant le retrait des glaciers. Suivez de près leur évolution jusqu’à l’arrivée des premiers Européens (Vikings, Basques, Espagnols, Français, Anglais). Redécouvrez l’histoire d’une façon dynamique. Venez toucher des outils vieux de plusieurs milliers d’années, apprenez comment on les fabriquait en redécouvrant les vieilles techniques de taille de la pierre. Plongez dans l’histoire de La Prairie et de la région en venant vous balader avec nous et découvrant des vestiges d’un passé lointain ou plus récent.
  
Les cours d’archéologie c’est:
– Des rencontres avec l’archéologue Charles Beaudry qui vous fera profiter de son expérience.
– Des films et des diaporamas.
– Des excursions dans la région pour découvrir des sites archéologiques.
– Un magnifique voyage dans le temps de la préhistoire jusqu’à nos jours.
– Sept rencontres et trois excursions.
  
Où: Au local de la SHLM, 249, rue Sainte-Marie, La Prairie
Quand: À partir du 14 avril, à 19h00, les excursions se feront le samedi après-midi
Coûts: cours et excursions: 30,00$ pour les membres, 35,00 $ pour les non-membres
excursions seules: 5,00 $ par excursion (membres ou non-membres)
Inscription :
Par la poste à la Société historique de La Prairie, 249 rue Sainte-Marie, C.P. 25005 La Citière, La Prairie, Québec, J5R 5H4. Les chèques doivent être faits au nom de la Société historique de La Prairie. On peut aussi s’inscrire directement en venant au local de la Société.
Informations : (450) 659-1393, téléphone
(450) 659-2857, télécopieur
[email protected], courrier électronique
 
															- Au jour le jour, février 1999
SHLM Nouvelles
Viateur Robert (1919-1999) décédé le 10 janvier dernier, a oeuvré à la Société historique de La Prairie où il a laissé sa marque pour l’important travail accompli dans le domaine de la généalogie.
Pendant de nombreuses années, il a été à l’accueil les mardis soir de chaque semaine au local de la SHLM. Il aidait les chercheurs qui y venaient afin de trouver leurs racines. Disponible et compétent il apportait une aide efficace à ceux qui avaient recours à son expertise.
Il rédigeait régulièrement une chronique généalogique pour le journal régional Le Reflet; il sélectionnait les familles anciennes en donnant l’essentiel de leur histoire.
Viateur a publié 4 volumes qui sont une précieuse source de renseignements:
1e Des familles fondatrices de la Seigneurie de La Prairie, 1647-1988.
2e Généalogie des familles anciennes de La Prairie et des environs, 1647-1988
3e Généalogie des pionniers de La Prairie
4e Généalogie de la famille de Jean-Louis Robert et Albertine Bisaillon
Ce résident de La Prairie a servi son pays dans la carrière militaire depuis 1940. À la fin de la deuxième guerre mondiale il quitte son poste en Angleterre et s’enrôle dans les Casques bleus. Il sera successivement affecté en Corée, au Congo belge dans les rangs des effectifs de l’ONU et dans la bande de Gaza.
Il a également servi dans les Territoires du Nord-Ouest. Revenu à la vie civile en 1979 il s’intègre, à titre de bénévole, à la Société historique de La Prairie. Pendant près de 20 ans il devient chercheur en généalogie. La maladie met un frein bien involontaire à ses activités en 1997.
Hommage à Viateur Robert, généalogiste, pour l’oeuvre accomplie.
 
															- Au jour le jour, février 1999
Conférence: Travail et réalisations en cours, les industries dans le Vieux La Prairie
Prochaine conférence mercredi le 17 février, 20h
Julie Hamel, commissaire au développement à La Prairie: son travail et les réalisations encours, les industries dans le Vieux La Prairie.
 
															- Au jour le jour, février 1999
La Société historique de La Prairie de la Magdeleine hier, aujourd’hui et demain
Avoir dans la vingtaine, être jeune et dynamique avec plein de projets d’avenir. Voilà un bien beau portrait que plusieurs aimeraient présenter. C’est celui de la Société historique de La Prairie de la Magdeleine(SHLM) qui aura 27 ans le 18 septembre prochain. À cet âge, on a quitté depuis un certain temps l’adolescence, l’expérience commence à se faire sentir et ce, tout en conservant une jeunesse certaine. Votre Société est donc rendue à cette étape, et malgré qu’elle ait déjà beaucoup de réalisations à son actif, elle ne veut pas s’asseoir sur ses lauriers. C’est pourquoi, il serait bon de faire un bilan de l’action passée afin de mieux entrevoir ce qui reste à venir.
Fondée en 1972 par un groupe de citoyensRéal Legault, Yves Duclos, Ernest Rochette, Denise Landry, Claudette Houde, Réal Cuillierriersoucieux de préserver le patrimoine architectural du Vieux-La Prairie, la SHLM a réussi à contrôler l’appétit vorace des promoteurs, préservant ainsi le caractère unique du vieux quartier entourant l’église de la Nativité. Les recherches de M. Lazlo Demeter et de ses étudiants de la Faculté d’architecture de l’Université de Montréal ont aussi grandement aidé à préserver le Vieux-La Prairie. Elles ont mené directement à la déclaration d’Arrondissement historique par le Ministère des Affaires culturelles en 1975. La SHLM y a participé directement en aidant le groupe de chercheurs de l’Université de Montréal. Aujourd’hui, La Prairie peut se vanter d’avoir un des rares arrondissements historiques du Québec qui a su préserver son patrimoine bâti tout en demeurant un lieu de résidence paisible.
Parmi les premières activités auxquelles la SHLM a participé, il y eut les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste de 1972 et 1973. Mais très vite, les membres de la Société sentirent le besoin de faire mieux connaître les richesses du patrimoine laprairien. Une exposition de photos anciennes fut organisée grâce à une contribution financière du gouvernement fédéral (Projet initiatives locales, PIL). Bien d’autres expositions vont suivre au cours des années subséquentes: église de la Nativité (1991), outils anciens (1992), les travaux de la maison (1993), les briqueteries (1994), voie maritime du Saint-Laurent (1995), les Frères de l’Instruction chrétienne et les écoles avant 1950 (1996), les contenants amérindiens anciens (1997), les 25 ans de la Société historique de La Prairie (1997).
En 1975, un autre projet PIL permit de publier l’Inventaire des actes notariés du village de La Prairie (1670-1860). Un outil précieux pour les chercheurs. Lentement, la SHLM devint peu à peu un lieu de préservation et de consultation de copies d’archives. C’est ainsi que de 1978 à 1979, Mme Patricia Mc Gee-Fontaine, aidée par des bénévoles, se rendit aux Archives nationales du Québec à Montréal afin de classer les 30 000 documents du fonds Élisée Choquet. De plus, l’équipe entreprit un lent et fastidieux travail de photocopie de 20 000 documents du fonds. C’est pourquoi la SHLM est aujourd’hui, après les Archives nationales du Québec, le seul dépositaire de ces précieuses données portant sur l’histoire de La Prairie et de sa région.
 
															- Au jour le jour, février 1999
Lettre à Monseigneur J. Octave Plessis
Lettre adressée à Monseigneur J. Octave Plessis, évêque de Québec, par l’abbé Jean-Baptiste Boucher de Belleville, curé de La Praire de 1792 à 1839.*
La Prairie, 24 nov. 1807
Monseigneur,
C’est avec une véritable douleur que je me vois forcé de donner à votre Grandeur connoissance des désordres qui ont eu lieu dernièrement dans notre Village, formé en grande partie, il faut le dire pour l’honneur de la Prairie, de pièces rapportées de tous les lieux. Il s’est fait tous les soirs, hors dimanche, depuis mardi le 17 du courant, un charivari où se sont commis tous les excès, toutes les impiétés dont est capable une vile canaille sans honneur, sans foi, sans moeurs et sans frein, et où se sont vociférés les injures les plus atroces, les propos les plus orduriers, les plus infames, qui décéloient les coeurs les plus corrompues, masques hideux, travestissements abominables de garçons en filles, profanations des cérémonies et chants funèbres de l’Église, toutes les horreurs ont été employés, enfants, jeunes gens, pères de famille, filles et femmes, presque tous, l’exception n’est pas considérable, y ont pris part ou par leur conseil ou leur présence et leurs applaudissements, ou par leurs paroles ou leurs actions; ou en fabriquant ou prêtant masques, cercueils, vêtements, ou autres apparaux de charivari. Jamais on ne vit semblable désordre dans nos campagnes.
Dimanche dernier, après avoir dit tout ce que je pus pour arrêter le désordre, j’annoncai qu’en attendant les ordres de Votre Grandeur, je n’admettrois aux sacremens aucun de ceux qui avoient pris part active au charivari, ceux qui ont fourni ou fabriqué soit masques, ou quoique se soit pour le foin. Les filles et femmes qui ont eu la bassesse de prêter pour cela leurs vetements, enfin les pères et mères, maitres et maitresses qui ont souffert que leurs enfans ou domestiques y prissent part.
J’annoncier de plus que cette année je ne ferois point la neuvaine de St-Francois Xavier dont il m’y avait guère que les personnes du village qui profiter, et dont peu étoient dignes, et que si le tumulte ne cessoit point, il n’y auroit point de Messe de Minuit.
Le désordre si ce point cessé; en mépris de ce que j’avois prêché, les noms de curé et de prône ont retenti la nuit dernière parmi les atrocités addressées aux Epoux; et à une espèce de convoi funèbre auquel assitoient peut-être 100 personnes, dix environ sans le masque, on a remarqué un surplis et un camail … parmi les coupables, plusieurs étoient pour être confirmés …. Les gens de campagnes n’ont point pris de part à ses horreurs, on en accuse deux ou trois.
Je suis avec le plus profond respect de Votre Grandeur
Le très humble et obéissant serviteur
J. B. Boucher
ptre
 
															- Au jour le jour, janvier 1999
Steven Simmons, l’itinérant (suite)
Steven prenait part aux récoltes de pommes de terre, tomates, haricots, etc. Vers 3h.de l’après-midi, il se rendait à la maison et demandait : «Madame, me garderiez-vous à coucher ?» mais oui, reste mon prophète, lui répondait la maîtresse de maison. Pour témoigner sa reconnaissance, Steven prenait part à la corvée de la lessive en brassant manuellement le moulin et en effectuant les changements d’eau.
Le coucher à l’étage, amusait les garçons et ceux-ci faisaient de gros efforts pour ne pas rire du spectacle de la prière de Steven. Agenouillé au pied du lit, à haute voix, le très catholique Irlandais s’adressait longuement et directement à Dieu.
«Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
J’aime Dieu, je me donne à Dieu,
J’ai un grand regret d’avoir offensé Dieu »
Suivait ensuite le Je vous salue Marie et un grand nombre d’autres prières héritées de son enfance. Ayant terminé, il s’allongeait sur son matelas très confortable, dont l’enveloppe de coutil était bourrée de feuilles de blé-d’Inde séchées.
Dans les campagnes, lorsqu’arrivait Steven, on disait, voilà prophète celui qui prédit la température. Le rituel était le suivant : prophète appuyait son oreille sur le mur extérieur, frappait quelques coups et écoutait longuement. Avec assurance il rendait son pronostic : demain, il fera beau ou mauvais ! On le croyait, ou presque, et les cultivateurs qui le logeaient organisaient en conséquence la journée du lendemain.
Tous les fermiers qui logeaient prophète entretenaient ses vêtements et lui donnaient également pantalons, chemises et autres. Chez Ulric Page et Alfred Lefort on le recevait particulièrement bien et on se montrait généreux envers l’itinérant, ami de tous.
Arriva un été où prophète ne revint plus ; personne ne connut jamais ce qu’il lui était advenu.
Dans les mémoires, on se souvint longtemps de l’Irlandais, foncièrement bon, qui visitait annuellement la campagne de La Prairie. Plusieurs même regrettaient son passage, l’étranger des vieux pays était devenu un des leurs.
 
    