
- Au jour le jour, janvier 2022
Jean-Baptiste Cantin et les De Montigny (3)
Par la suite, Cantin reviendra à quelques reprises sur la bataille d’Ypres avec deux cartes qu’il envoie le 23 juillet. Il insiste beaucoup sur les effets dévastateurs qu’a eus cette bataille sur la ville belge.


Les mois passent et les cartes postales envoyées au couple De Montigny se résument à des messages très courts sur sa santé et sur le temps qu’il fait. Les combats se poursuivent dans les tranchées en sol français.
Le 22 décembre, Cantin et le corps expéditionnaire rentrent à Londres passer les vacances de Noël. Le soldat montréalais en profite pour envoyer quatre cartes postales.
À Domina, il fait sa grande annonce : « Monsieur, j’ai l’honneur de vous dire que je suis nommé sergent maintenant alors j’ai porté trois galons que j’ai gagné sur la ligne de feu. »
À Albina, il lui fait part en trois cartes postales de sa visite des endroits touristiques de Londres.




- Au jour le jour, janvier 2022
Jean-Baptiste Cantin et les De Montigny (2)
Les attaques aux gaz ainsi que les conditions de vie dans les tranchées semblent avoir marqué Cantin au point de se demander si l’opinion publique de son pays s’indignera des horreurs de la guerre.
Le 4 juillet, Cantin envoie quatre cartes postales, deux à De Montigny et deux autres à Albina. Celles-ci, en plus d’être très révélatrices de la relation amicale entre le couple et le soldat montréalais, nous montrent aussi la perception genrée de la guerre. Domina, l’homme, s’intéresse aux objets de guerre tandis que Albina, la femme, reçoit des cartes à connotation positive symbolisant le souvenir, l’amitié et l’espoir.





- Au jour le jour, janvier 2022
En préparation…

- Au jour le jour, janvier 2022
Jean-Baptiste Cantin et les De Montigny (1)
Candidat à la maîtrise en histoire à l’Université de Montréal (UdeM), Antoine Simonato est membre du CA de la SHLM depuis quelques années.
Domina De Montigny et Albina Guérin, quelques années après leur aventure au Klondike, décidèrent en 1907 d’acheter et de rénover l’Hôtel Martin (l’actuel 228 rue Sainte-Marie). Ils tinrent cet hôtel ouvert aux voyageurs et gens des environs jusqu’en 1922[1]. C’est durant cette période, à partir de 1915, que le couple De Montigny a entretenu une correspondance par cartes postales avec un certain Jean-Baptiste Cantin, un de leur ami montréalais qui se porta soldat volontaire dans les forces expéditionnaires canadiennes.
C’est une courte partie de l’histoire de Jean-Baptiste Cantin qui sera racontée à travers la correspondance qu’a reçue le couple De Montigny. C’est aussi une histoire qui lie deux habitants de La Prairie au conflit sans précédent que fut la Première Guerre mondiale. Même s’il est souvent question d’histoire locale, celle-ci est interconnectée d’une manière ou d’une autre aux évènements ailleurs dans le monde.
Qui est Jean-Baptiste Cantin?
Jean-Baptiste Cantin naquit le 29 avril 1879 dans le village de Pointe-aux-Trembles, situé à l’extrémité est de l’île de Montréal. Selon son dossier du Corps expéditionnaire canadien[2], il s’est enrôlé le 22 septembre 1914 à l’âge de 35 ans. Il mesurait 1,75 mètre, avait les yeux bleus et les cheveux poivre et sel. Il fut affecté à l’unité du 14e bataillon des forces expéditionnaires canadiennes avec pour matricule 26175[3].
Dans son dossier, il n’est mentionné que deux membres de sa famille immédiate, soit sa sœur Béatrice Tardif, à laquelle il lègue dans son testament tous ses avoirs s’il venait à mourir. Son autre sœur est Mme Joseph Marrn[4]. Célibataire, il occupait précédemment les emplois de jardinier et de cocher.
1914
Si l’on se fie à l’histoire du corps expéditionnaire canadien[5], bien que le Canada, en tant que dominion de l’Empire britannique, entra immédiatement en guerre en août 1914 contre les empires centraux dont l’Allemagne, le pays n’avait pas de force militaire prête à s’engager dans la Grande Guerre.
C’est ainsi que le Canada proposa à l’Angleterre l’envoi de 25 000 hommes. 35 000 se portèrent volontaires, dont 30 617 composèrent le premier contingent[6].
Jean-Baptiste Cantin fut l’un d’eux. Avec le corps expéditionnaire, il entreprit jusqu’en octobre, un entraînement rapide à la base militaire de Valcartier (Québec) pour ensuite être envoyé en Angleterre[7]. Cantin et le reste du corps expéditionnaire s’entraînèrent alors jusqu’à la fin janvier 1915 avant d’être envoyés en France où se déroulaient alors les combats du front de l’Ouest.
1915
Le 27 janvier 1915, le soldat montréalais envoya cette carte postale (voir au haut de cette page) à Domina De Montigny avec la note suivante:
« Monsieur, Je crois que se sont les dernières nouvelles que je vous envoie sur le sol anglais. Nous somme en bonne santé. Nous partons pour la France le 1 février. J.B. Cantin »
Celle-ci est la plus vieille carte postale de Cantin que la SHLM possède dans le fonds d’archives P20[8]. Cantin et le corps expéditionnaire canadien avaient alors terminé leur formation dans la zone d’entraînement militaire se trouvant sur la plaine de Salisbury, dans le sud-est de l’Angleterre.
Il faudra attendre jusqu’au 30 avril avant que Cantin ne réécrive à De Montigny. Cette fois-ci, il s’agit d’une lettre envoyée à La Prairie par l’entremise du YMCA (Young Men’s Christian Association). Dans celle-ci, Cantin raconte sa blessure subie lors de la deuxième bataille d’Ypres, en Belgique :
[…] J’ai été blessé à l’épaule gauche et a la jambe droite a la hauteur de la cuisse. J’ai a vous dire que les obus des allemands sont dur car il u en a une qui a fait explosion pret de moi j’étais sur une hauteur et quand je me suis réveillé j’étais dans un fossé a plusieurs verges. Je suis encore souffrant du gaz que j’ai respiré les journeaux doivent vous en avoir parler avant moi.[9] […]
En effet, la deuxième bataille d’Ypres a vu, pour la première fois de la guerre, l’utilisation d’armes chimiques[10] par les Allemands. Cantin et le corps expéditionnaire y subirent de graves blessures.
Pendant le mois de mai, le soldat montréalais écrivit une autre lettre ainsi qu’une carte postale mettant au courant De Montigny de l’évolution de son séjour à l’hôpital.
Cantin se remit de ses blessures le 10 juin et envoya une carte postale avec une question adressée à De Montigny : « Monsieur, […] quel est l’opinion de la guerre nous il suffit d’être aux tranchées pour ne rien connaitre. Écrire c’est notre seule satisfaction que nous avons dans les tranchées. Quand les obus ne nous inonde pas trop. […][11] »
Note: Toutes les transcriptions sous les images sont exactes. Aucune correction orthographique ou grammaticale n’a été appliquée.
______________________________
[1] Lucien Martin, La Prairie. Regard sur un passé glorieux. 2017, 41-51.
[2] Bibliothèque et Archives Canada, Dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, Recherche : base de données, Item : Cantin, John Baptiste (26175), https://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-militaire/premiere-guerre-mondiale/dossiers-personnel/Pages/item.aspx?IdNumber=86651
[3] Idem.
[4] Idem.
[5] Stacey, C.P., « Corps expéditionnaire canadien ». Dans l’Encyclopédie Canadienne. Historica Canada. Article publié février 06, 2006; Dernière modification mars 29, 2020. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/corps-expeditionnaire-canadien
[6] Idem.
[7] Idem.
[8] Fonds d’archives P20, Archilog, SHLM.
[9] Fonds d’archives P20, Archilog, SHLM.
[10] Roy, R.H., et Richard Foot, « Le Canada et la deuxième bataille d’Ypres ». Dans l’Encyclopédie Canadienne. Historica Canada. Article publié juillet 27, 2006; Dernière modification décembre 04, 2018. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/deuxieme-bataille-dypres
[11] Fonds d’archives P20, Archilog, SHLM.

- Au jour le jour, janvier 2022
Mot du président pour la nouvelle année
En 2022, la SHLM soulignera les 50 ans de sa fondation. Hélas, au moment d’écrire ces quelques lignes, la situation avec la pandémie est plus qu’inquiétante, ce qui nous empêche de dresser la liste de nos activités ainsi que de nos événements à venir. Pourrons-nous reprendre nos conférences mensuelles en mode présentiel à partir du 18 janvier ? Nos locaux seront-ils fermés à moyen ou à long terme ?
La plupart des activités en marge du 50e de la SHLM sont prévues entre la mi-juin et la mi-novembre. Cette période de l’année est la moins touchée par la contamination. Dès que nous serons fixés sur la suite des événements, nous pourrons produire un calendrier plus précis des animations planifiées afin de souligner cette année historique.
Malgré un agenda difficile à prévoir, vous pouvez nous aider à remplir notre mission en posant un geste simple, mais combien important ; renouveler votre carte de membre au cours du mois de janvier.
Bonne et heureuse année 2022
Bonheur, prospérité et santé !
Stéphane Tremblay
Président

- Au jour le jour, décembre 2021
Chœur classique de La Prairie
Dans le but de remercier la SHLM d’avoir participé à la gestion du piano du Sentier du Vieux-Fort l’été dernier, la Ville de La Prairie a offert aux bénévoles de la SHLM une paire de billets pour le concert du Choeur classique de La Prairie.
Nous avons effectué un tirage le jeudi 25 novembre en présence de Caroline Laberge, Michel Daoust (nouveau membre) et Stéphane Tremblay. La gagnante est Mme Nicole Surprenant, bénévole à la vente de livres usagés d’octobre dernier.
À cause des mesures sanitaires en vigueur, le concert, qui devait avoir lieu le 11 décembre, a dû être reporté au 12 mars 2022.

- Au jour le jour, décembre 2021
Renouvellement de la carte de membre
Décembre c’est Noël, mais c’est aussi le temps de
renouveler votre carte de membre de la SHLM !
Si l’année 2021 a plutôt été tranquille en raison de la
pandémie, l’année 2022 sera grouillante d’activités !
Oui : en 2022 la SHLM fêtera ses 50 ans d’existence !
Et plusieurs activités sont prévues tout au long de l’année afin de
souligner ces 50 années de labeur bénévole !
Les activités sont gratuites pour les membres comme vous le savez, alors pourquoi s’en passer ?
- 40 $ abonnement individuel
- 65 $ abonnement conjoint
Vous pouvez renouveler votre adhésion de plusieurs façons:
- sur notre site web à la page https://shlm.info/abonnement/
- par chèque par la poste
- par Interac en utilisant l’adresse courriel [email protected]
- en passant à nos bureaux (chèque, débit, crédit, comptant).
Passez le mot à votre entourage ! Défi recrutement lancé !
Caroline Laberge, archiviste et directrice générale

- Au jour le jour, décembre 2021
Le ministère de la Culture sous la loupe
La Maison Chevalier, dans le Vieux-Québec a fait les manchettes depuis sa vente par le musée de la civilisation à Gestion 1608, une filiale du Groupe Tanguay.
De nombreux spécialistes s’opposaient fermement à la vente de ce bâtiment classé il y a 65 ans. Puis voilà que l’historien Luc Noppen tente de nous démontrer que la restauration de 1956 n’en fut pas vraiment une; les démolisseurs n’y seraient pas allés de main morte, l’architecte aurait confondu latrines et cheminées, etc. En conséquence, le bâtiment ne serait pas aussi « patrimonial » que certains le prétendent.
Cette vente à la hâte n’est que le plus récent chapitre illustrant l’incapacité du ministère de la Culture et des Communications (MCC) de protéger les plus beaux joyaux de notre patrimoine bâti. Depuis quelques décennies et davantage récemment, le patrimoine québécois a subi des pertes irrécupérables. Que ce soit par indifférence, par ignorance, par mauvaise foi ou par manque de financement, les municipalités et les propriétaires privés laissent se détériorer des bâtiments exceptionnels qui autrement pourraient être récupérés. On démolit trop souvent sous de fallacieux prétextes.
En 2012, la nouvelle loi sur le patrimoine culturel transférait aux municipalités des responsabilités en matière de gestion du patrimoine que ces dernières, faute d’expertise, d’encadrement et de financement, étaient incapables d’assumer correctement. Pour corriger cette situation, il faut absolument revoir la loi et les orientations du MCC.
C’est dans ce sens qu’en juin 2020, le Vérificateur général du Québec présentait à l’Assemblée nationale un rapport sur les performances du ministère de la Culture et des Communications dont voici les principales conclusions :
Il n’y a pas de stratégie d’intervention en matière de patrimoine immobilier, alors qu’une telle stratégie aiderait notamment le MCC à susciter l’adhésion collective et à résoudre des enjeux de sauvegarde qui existent depuis des décennies.
Le MCC encadre peu les actions des municipalités, alors qu’elles sont des actrices incontournables en ce qui concerne la sauvegarde du patrimoine immobilier.
Le MCC ne détient pas l’information qui lui permettrait de bien intervenir sur le patrimoine immobilier québécois.
Le classement de biens patrimoniaux ne fait pas l’objet d’un traitement équitable et diligent par le MCC.
Le MCC n’offre pas aux propriétaires d’immeubles patrimoniaux les outils et le soutien appropriés pour leur permettre de bien orienter leurs interventions et d’assurer la conservation de ces immeubles. (À La Prairie, grâce au programme d’aide à la restauration des bâtiments d’intérêt patrimonial et du site patrimonial, une aide financière substantielle a récemment été rendue disponible aux propriétaires de bâtiments anciens.)
L’État ne fait pas preuve d’exemplarité en matière de sauvegarde et de valorisation du patrimoine immobilier. (Le cas de la bibliothèque Saint-Sulpice, classé monument historique en 1988, en est un exemple flagrant.)
Malgré les multiples efforts d’un comité de sauvegarde, après cinq années d’intervention, le sort de la maison Brossard du chemin des Prairies à Brossard n’est toujours pas fixé. De plus, de nombreux propriétaires de maisons anciennes restaurées selon les règles ont de la difficulté à trouver preneur lorsqu’ils souhaitent s’en départir. Notre patrimoine bâti vit actuellement des heures sombres.

- Au jour le jour, décembre 2021
L’abbé Choquet et la Société littéraire de La Prairie : histoire d’un échec (4)
C’est un retour aux sources, aux principes fondateurs de la Société littéraire, que vise l’abbé Choquet. Les expressions qu’il emploie dans sa lettre à Emmanuel Desrosiers le montrent bien : il veut « reformer la tradition des conférences […] à la Société littéraire », « ressusciter Laprairie l’endormie » (je souligne). Ces propositions sont bien accueillies, comme en témoigne l’extrait cité plus haut. La même année, Élisée Choquet est nommé « membre à vie, et sans contribution [financière], de la Société littéraire de La Prairie, en reconnaissance du grand intérêt qu’il sait porter au bon fonctionnement de ladite Société[1] ».
Mais l’engouement initial est bientôt dissipé, et la Société littéraire peine à réaliser ses objectifs. Le programme de conférences ne demeure qu’une intention, pour des raisons que les procès-verbaux des assemblées ne permettent pas d’élucider. Le programme d’acquisition de livres, lui aussi, reste sans écho. L’assemblée du 6 septembre 1933 révèle à cet égard un véritable échec : « Le bibliothécaire [Élisée Choquet] fait rapport qu’après s’être intéressé à la location des livres pendant plus d’un mois, il s’en présenta si peu qu’il dut abandonner sa tâche ». La Société littéraire étant financièrement indépendante, elle se détourne vite de l’avenue peu lucrative que lui désigne l’abbé Choquet, d’autant plus qu’elle enregistre d’importants déficits[2]. On cesse donc, lors des assemblées, de s’intéresser à la bibliothèque ou au programme de conférences. On planifie plutôt un tournoi de bridge (12 sept. 1933), on autorise les jeux de cartes (8 mars 1934), on acquiert une table de ping-pong (17 nov. 1934), une table à cartes (29 nov. 1934), des accessoires de billard (13 févr. 1935) et un jeu de sacs de sable (4 sept. 1935).
Est-ce par esprit de compromis que l’abbé Choquet commence alors à émettre ou à seconder des propositions qui n’ont, à première vue, rien à voir avec la régénération de la Société littéraire ? Espère-t-il mieux faire accepter — ou mieux financer — ses projets ambitieux en cédant du terrain aux divertissements ? Dans le registre des assemblées, le 4 octobre 1933, on le voit notamment proposer « une légère dépense qui mettra en mouvement un tournoi de dames ». Plus curieusement encore, Élisée Choquet seconde le 11 avril 1934 une proposition voulant que « les membres en règle soient autorisés à jouer à l’argent sauf en cas de visite ». Cela, de la part d’un prêtre licencié en droit canonique, et au mépris de la constitution de la Société littéraire, qui interdit en toutes lettres les jeux d’argent [3]!
Du 5 mars 1930 au 6 mars 1935, Élisée Choquet assiste à toutes les assemblées de la Société littéraire, où il cumule les fonctions de bibliothécaire (depuis 1930) et de secrétaire (depuis 1933). Durant cette période, ses interventions se font toutefois de plus en plus rares, et bientôt il n’émet plus aucune proposition relative à la bibliothèque ou aux conférences. À partir de mars 1935, il se montre de moins en moins assidu, s’absente de plusieurs assemblées. Après le 7 octobre 1936, où un nouveau secrétaire note son absence, son nom n’apparaît plus. Depuis septembre 1936, en effet, Élisée Choquet est vicaire à Longueuil. Malgré l’enthousiasme initial, le projet de ressusciter la Société littéraire finit sans succès et sans bruit, comme un pétard mouillé.
La régénération de la Société littéraire était-elle vouée à l’échec ? Beaucoup d’associations s’épanouissent au Québec dans les années 1920 et 1930. Mais la tendance est décidément au militantisme nationaliste et catholique : ce sont surtout l’Action française, l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC) et Jeune-Canada qui mobilisent la jeunesse et forment l’esprit public à force de publications, de conférences et de rassemblements.
Or la Société littéraire de La Prairie est, depuis ses débuts, résolument apolitique[4], et les vagues ambitions d’Élisée Choquet, qui aspire à « l’édification scientifique et littéraire de son pays[5] », étaient parfaitement étrangères à l’activisme en vogue. Voilà peut-être une des causes de l’échec de l’abbé Choquet : sa vision de la Société littéraire semble anachronique, figée dans des principes et des idéaux qui pouvaient électriser la nation au milieu du XIXe siècle, mais qui, dans les années 1930, paraissent ternes et dépassés. Certes, son souci de rejoindre l’ensemble du village, « y compris les dames et les jeunes filles », apportait une touche de modernité à son projet. Mais c’était manifestement trop peu. Pour réveiller « Laprairie l’endormie », il aurait peut-être fallu donner une nouvelle orientation à la Société littéraire, l’ouvrir à la politique, aux questions religieuses, à la défense de la langue, à tous les débats brûlants de l’époque, au lieu de renouer avec un passé révolu.
______________________________
[1] Ibid., 5 mars 1930.
[2] Ibid., 6 septembre 1933, 8 mars 1934, etc.
[3] Constitution & Règlements de la Société littéraire du village de Laprairie, 1885, règlement no 10. Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine, Fonds Élisée Choquet : P1, S4, D173.
[4] Constitution et Règlements de la Société littéraire de La Prairie, 1855, article 28 (ajouté le 24 mars 1858). Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine, Fonds Élisée Choquet : P1, S45, D174.
[5] Lettre d’Élisée Choquet à Emmanuel Desrosiers, 31 mars 1930. Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine, Fonds Emmanuel Desrosiers : P17, S2.

- Au jour le jour, décembre 2021
L’abbé Choquet et la Société littéraire de La Prairie : histoire d’un échec (3)
Plus loin, après avoir invité son correspondant à donner une conférence à la Société littéraire, il renchérit :
Vous devinez bien que je n’oserais garantir salle comble, mais tout de même assistance convenable, en faisant appel aux gens susceptibles de s’intéresser aux choses de l’esprit : il n’en pleut pas sur le sol qui vous a vu naître [1]!
En évoquant les « pétards » qu’on tire à la Saint-Jean-Baptiste, Élisée Choquet condamne en réalité l’ensemble des amusements frivoles auxquels se livrent ses concitoyens. Il est probable que cette critique vise en grande partie le cinéma, qui s’installe justement à La Prairie dans les années 1920[2] et dont le clergé canadien-français dénonce les effets corrupteurs et abêtissants[3]. Selon un pamphlet de l’époque, le cinéma entraînerait en effet « l’absence de toute énergie, de toute vigueur, la mort aux nobles sentiments[4]. »
Ayant diagnostiqué le problème, Élisée Choquet décide de mettre en branle une activité intellectuelle digne de ce nom à La Prairie. C’est par le biais de la Société littéraire qu’il espère y parvenir. Cette vieille institution sera l’instrument qui élargira petit à petit l’esprit de ses concitoyens, qui leur inculquera le goût des lettres et des sciences. De fait, le 7 mars 1930, moins d’un an après être redevenu vicaire à La Prairie, Élisée Choquet présente aux membres de la Société une série de propositions dont le registre des assemblées conserve la trace :
Monsieur l’abbé Choquet fait d’intéressantes suggestions pouvant rehausser le cachet littéraire de la Société :
1 o Bibliothèque – il propose de voir au rapaillage de tous les volumes de la société qui manque [sic] dans les rayons. Afin de donner à la bibliothèque un caractère paroissial, il conseil [sic] la formation d’un comité spécial à la bibliothèque qui verrait à son entretien et à la distribution des volumes à tous les paroissiens, y compris les dames et les jeunes filles […].
2 o Conférences publiques — il informe le comité qu’avec un consentement, il pourra faire venir, chaque mois, un conférencier étranger. Le projet est accepté avec enthousiasme […][5].
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[1] Lettre d’Élisée Choquet à Emmanuel Desrosiers, 31 mars 1930. Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine, Fonds Emmanuel Desrosiers : P17, S2.
[2] Houde Claudette, « La “culture” à La Prairie aux XIXe et XXe siècles », Au Jour le Jour : Bulletin de la Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine, vol. XI, no 7, 1997, p. 5.
[3] Lever Yves, « L’église et le cinéma : une relation orageuse », Cap-aux-Diamants, no 38, 1994, p. 24-29.
[4] Hamel Oscar, Le Cinéma : ce qu’il est dans notre province, l’influence néfaste qu’il exerce, les réformes urgentes qui s’imposent, Montréal, École sociale populaire, 1928, p. 4.
[5] Registre des assemblées de la Société littéraire de La Prairie, 7 mars 1930. Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine, Fonds Société littéraire de La Prairie : P4, D1, P2.