Au jour le jour, octobre 1998
Je m’en vais à La Prairie. Cette simple phrase semble bien banale aujourd’hui mais, au 17e siècle, elle avait une signification lourde de sens. La seigneurie de Saint-François-Xavier des Prez à La Prairie avait été concédée aux pères Jésuites qui en firent dès le début une mission pour évangéliser les Amérindiens. Mais l’évangélisation n’était pas le seul but des pères. Ils voulaient aussi lutter contre ce qu’ils considéraient comme les deux plus grands fléaux présents parmi les nations amérindiennes, soit l’alcoolisme et l’impureté.
Le père Claude Chauchetière nous a laissé un récit vivant des premières années de La Prairie. Écrit en 1686, il trace le récit des missions de la Prairie et du Sault de 1667 à 1685. Pour l’année 1670, il raconte qu’on avait mis à l’entrée du village deux arbres avec des messages non équivoques sur ce qu’on attendait des résidents de la mission :
« Ce fut alors qu’on mit à l’entrée du village deux arbres mémorables à l’un desquels on attacha l’yvrognerie, à l’autre l’impudicité, toutes deux subjuguées par la foy. »
Le message aux Amérindiens est clair, pour venir s’établir à La Prairie, il faut suivre un certain code moral. Pour être bien compris, les Jésuites inventèrent même un dicton ou proverbe :
« On fit un proverbe aux Iroquois de ce mot : je m’en vay à la Prairie, c’est-à-dire : je quitte la boisson et la pluralité des femmes, parce que quand quelqu’un parloit de demeurer à La Prairie on luy proposoit d’abord ces deux articles qu’il falloit passer sans restriction et sans limite, autrement on n’estoit point receu. »
Les Amérindiens n’avaient pas les mêmes restrictions en matière sexuelle que les Européens. Cela choquait les religieux français du 17e siècle qui appartenaient à un monde où le respect à un code moral strict était essentiel au salut. De même l’alcool était inconnu des Amérindiens avant l’arrivée des premiers Européens. Il fallait donc « policer » les Autochtones en les regroupant dans des missions ou « réductions » qui furent en quelque sorte les ancêtres des réserves actuelles. Mais au tout début, les Amérindiens de La Prairie vivaient avec les Français, ce qui causait parfois des différents entre les deux communautés. En 1678, des Français voulurent tenir un « cabaret » à La Prairie, ils avaient même l’appui du gouverneur Frontenac, malgré son ordonnance interdisant la vente des bisons aux Indiens. On tint donc un cabaret à la Prairie, mais en secret. D’ailleurs, la mission amérindienne s’était déplacée plus à l’ouest en 1677. Ceci afin de cultiver de nouvelles terres suite à l’épuisement de celles de La Prairie, mais aussi pour éloigner les amérindiens de « l’influence néfaste » des blancs. La mission se déplacera encore à trois reprises pour finalement s’établir définitivement à Kahnawake (Caughnawaga) en 1716.
On peut retrouver le texte intégral de la Narration du père Chauchetière sur le site Internet de la Nouvelle-France à l’adresse suivante : http://www.culture.fr/culture/nllefce/fr/sault/indexsa.htm
Pour ceux et celles qui n’ont pas accès au réseau Internet, vous pouvez toujours venir consulter le document à notre local de la rue Sainte-Marie.
Heureux d’avoir déniché l’oiseau rare nous allions poursuivre notre démarche afin de mieux cerner le milieu naturel habité par nos ancêtres. Déjà dans le numéro de septembre 1998 de ce bulletin il était question du frêne noir. Hélas le canard dont il est ici fait mention n’était pas un familier de nos rivages. Égaré dans son périple vers le nord, c’est tout à fait par hasard qu’il fut abattu à La Prairie au siècle dernier. Le fait mérite toutefois d’être souligné.
On croit que le Canard du Labrador (Camptorthynchus labradorius) nichait sur les côtes du Labrador et de la Basse-Côte-Nord même si aucun nid de cette espèce aujourd'hui disparue n'a jamais été découvert. En hiver, il se rencontrait le long de la côte atlantique, de la Nouvelle-Écosse jusqu'au New Jersey.
L'unique mention québécoise attestée par un spécimen est celle d'un mâle adulte abattu en migration au printemps 1862 dans le bassin de La Prairie. Ce spécimen naturalisé est conservé à 1'American Museum of Natural History de New York (# 734023). Le dernier Canard du Labrador a été tué le long de la côte de Long Island, dans l'état de New York à l'automne 1875 et le dernier spécimen canadien a été abattu près de l'île Grand-Manan (Nouveau-Brunswick), en 1871.
On ne connaît pas vraiment les causes de sa disparition. Ce canard n'a jamais été très abondant et même si on le retrouvait sur les marchés américains, sa chair au goût de poisson était peu prisée et les oiseaux abattus étaient peu vendus. Son aire de nidification était peut-être très restreinte et il aurait pu être décimé par les chasseurs de plumes et les ramasseurs d'œufs, très actifs au siècle dernier sur la Côte-Nord. Peut-être nichait-il très localement sur des îles près de la côte: dans ce cas, l'introduction de chats ou de chiens aurait pu lui être néfaste. Son bec très particulier (avec une maxille souple et une mandibule avec lamelles très nombreuses) correspond à un régime alimentaire très spécialisé de moules et de palourdes : ses proies seraient-elles devenues trop rares pour assurer sa survie?
Quoi qu'il en soit, les véritables raisons de la disparition du Canard du Labrador demeureront probablement toujours inconnues.
N.B. L’essentiel de cet article est dû à la précieuse collaboration de M. Gaétan Duquette, ornithologue.
Notes sur l’auteur Jean de Valrennes (Frère Ernest Rochette)
Ernest Rochette, F.I.C., religieux enseignant, (1895-1983) a œuvré la majeure partie de sa vie à La Prairie. Homme de grande culture et reconnu pour sa compétence d’éducateur, il a publié plusieurs volumes à l’usage des enseignants. Membre fondateur de la Société historique de La Prairie en 1972, il a mis ses talents d’écrivain à la diffusion de l’histoire de La Prairie sous plusieurs facettes. Utilisant de nombreux pseudonymes, dont celui de Jean de Valrennes, il nous fait connaître dans le texte qui suit un mets traditionnel de La Prairie en soulignant la fête que ce bouillon accompagnait.
On pouvait dire autrefois que la ville de La Prairie se distinguait par ses briqueteries, ses inondations, l’uniformité des terres environnantes, les schistes de son sous-sol, la simplicité de ses habitants. De plus, si la Provence, en France, a sa bouillabaisse, La Prairie a ses bouillons. Je m’explique.
« Le Club de Chasse et pêche » donne un bouillon sous peu, me dit-on un jour, vous y viendrez? »
– Oui, certes répondis-je; et j’achetai un billet séance tenante.
On était à la mi-novembre. Quelques jours avant l’événement, j’en parlais à des compagnons de travail pour constater que tous avaient leur billet en poche. La réunion s’annonçait un succès.
On en était venu à confondre la réunion elle-même que l’on appelait « bouillon » et le mets principal ou unique du souper, le traditionnel BOUILLON. Mais qu’était-ce que ce fameux bouillon!
Je me promettais bien de faire des observations minutieuses afin de donner à mon épouse tous les renseignements possibles sur ce mets des dieux.
Nous étions convoqués pour 8 heures du soir, mais j’étais rendu une bonne demi-heure avant le temps désigné. Je voulais tout voir, tout examiner.
Tout en bavardant, et en brûlant des cigarettes, on prenait place autour des tables disposées à cet effet, et couvertes de hors-d’œuvre, de pain, de beurre, de céleri, d’olives, etc… Et comme on peut aussi commander une bière, on ne manque pas de le faire, les organisateurs ayant prévu qu’à un moment donné, les convives pourraient éprouver la soif.
Un fumet caractéristique montait du sous-sol de la salle de l’école où on avait préparé le bouillon et où s’achevait la cuisson. On échangeait des regards entendus. « Qui prépare le bouillon », demanda l’un de mes voisins? C’est Benoît, répondit aussitôt l’un des organisateurs. Un autre ajouta en connaisseur : « Il n’y en a pas comme lui pour préparer un bon bouillon ».
Les marmites fumantes furent bientôt montées et disposées sur des petits chariots avec les bols à soupe dans lesquels le bouillon est toujours servi. Et jusqu’à épuisement du fameux bouillon, on passera ainsi deux, trois, quatre fois et plus. On en offre tant qu’il y en a.
Le régal terminé, on cause quelque peu; on va complimenter Benoît pour son bon travail, on s’assure qu’il recevra une gratification de la part des organisateurs et l’on entre tôt à la maison, où l’on parlera du bouillon. Parfois, sur un coin de table, on jouera une partie intéressée avant le départ. La salle est déserte à 10 heures 30 minutes; le bouillon est terminé. S’il arrivait – la chose est plutôt rare – qu’une quantité importante du précieux bouillon restât, les RR. Sœurs de la Providence en recevront le lendemain matin afin d’en faire bénéficier les vieillards de l’Hospice et les pensionnaires de l’Institution. Et en dégustant le bouillon, certains vieillards diront d’un air entendu : « Oui c’est un vrai bon bouillon; Benoît a la vraie bonne recette pour ce faire; qu’il veuille bien la transmettre à l’un de ses fils, à Bernard par exemple, afin que toujours le bouillon de La Prairie soit apprécié. À La Prairie, le bouillon, cela fait partie des traditions ».
Mais que met-on à mijoter dans les marmites pour obtenir le délicieux bouillon? Voici, grosso modo ce que j’ai pu obtenir de renseignements :
La vraie recette…
a) 8 poules bien coupées en moreaux plutôt petits; les os peuvent demeurer, les convives les disposent dans une petite assiette pendant la dégustation;
b) 50 livres de jeune esturgeon que l’on coupe comme on a coupé les poules. On obtient également d’excellents résultats en employant 25 livres de jeune esturgeon et 25 livres de doré;
c) Du céleri bien haché – 5 à 6 pieds;
d) Des oignons haché finement; les oignons blancs sont préférés;
e) 4 à 5 livres de beurre – le beurre, non la margarine;
f) 3 gallons de lait au moins;
g) sel, poivre à volonté… suffisamment pour relever le goût. Si l’on y met de l’ail, il faut qu’il soit haché, pulvérisé de manière qu’il soit invisible tout en relevant quelque peu le goût de l’ensemble. Les poireaux sont préférables à l’ail.
Le tout doit mijoter lentement pendant plusieurs heures. Le beurre s’ajoute lorsque la cuisson est complète; le lait s’ajoute en dernier lieu, après le beurre.
Vous obtiendrez ainsi de 12 à 15 gallons de bouillon. Peut-être plus. Ce qui est certain, c’est que cent bouches affamées engloutiront le tout.
Il se peut qu’il se soit glissé quelques erreurs dans ce qui précède. Je m’en excuse; mais la recette doit se rapprocher assez près de la vérité. Il fut un temps où toutes les organisations : Chevaliers de Colomb, Chambre de Commerce, Club de Chasse et de Pêche, Amicale des Anciens élèves, etc… avaient leur bouillon à tour de rôle chaque année. Les réunions annuelles prenaient souvent la forme d’un bouillon.
Les parties d’huîtres ont fait concurrence au bouillon; les buffets froids, les dégustations de vins et fromage ont fait concurrence au bouillon qui tend à prendre un caractère archaïque, quelque chose de dépassé, de révolu, de trop simple. L’excès de la civilisation confine à la barbarie dit-on. Ne soyons pas des barbares. Ne boudons pas le progrès moderne, ce qui serait tomber dans le ridicule, mais sachons allier le passé avec le présent et préparer ainsi un avenir acceptable aux jeunes et aux moins jeunes.
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Nouvelles au sujet de la crypte
Comme vous le savez sûrement, notre président Jean L’Heureux et son équipe de recherchistes sont à informatiser tous les baptêmes et sépultures de la paroisse de La Nativité, depuis les débuts de La Prairie jusqu’en 1990. Ce travail minutieux leur a également permis de retracer tous les noms des personnes inhumées dans les caveaux de la crypte. Nous avons recensé trois cents trois personnes reposant dans ce lieu béni. Cette liste est offerte à la consultation au local de la Société.
Décès
C’est avec regret que nous vous annonçons le décès de M. Claude Yelle, survenu le 5 septembre 1998. M. Yelle a été membre de la Société historique durant de nombreuses années au cours desquelles il nous avait remis plusieurs documents consacrés à la généalogie.
Dons reçus
Suite au désir manifesté par M. Maurice Spénard avant son décès, nous avons reçu de sa nièce, Madame Andrée Spénard, 10 caisses de volumes reliés à l’histoire, l’architecture et l’art.
Site internet
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Au jour le jour, septembre 1998
Le projet Dialogue avec l'histoire a produit une abondante correspondance avec les étudiants de l'école La Magdeleine de La Prairie. En plus de correspondre avec des personnages de notre histoire, certains étudiants (tes) ont choisi d'aborder certains thèmes comme entre autres la mode, les passe-temps d'autrefois, les instruments aratoires, les métiers anciens. Aujourd'hui, nous allons aborder le thème des églises de La Prairie, soit les trois églises qui ont été construites sur le site de l'actuelle église de la Nativité sur le chemin de Saint-Jean dans le Vieux-La Prairie. Dans cette première lettre, on parle de la première église construite au 17e siècle.
Comme tu le sais probablement, la vieille église de pierre que nous voyons sur le chemin de Saint-Jean dans le Vieux-La Prairie, est la troisième à avoir été construite. Il y aussi une autre église dans la paroisse du Christ-Roi sur la rue Lavoie. Cette dernière a été construite récemment et ne présente pas autant d'intérêt que celles qui ont été construites dans la vieille paroisse de La Nativité. Je parlerai donc uniquement de ces trois églises.
La seigneurie de la Prairie a été concédée aux pères Jésuites en 1647 par le gouverneur François de Lauzon. Toutefois, les Jésuites ne commenceront à distribuer les premières terres aux blancs qu'en 1668, grâce à l'accalmie dans la guerre avec les Iroquois qui suit le traité de 1666-67. Les premiers Amérindiens à venir s'établir ici arrivèrent en 1667. Car, il ne faut pas oublier qu'à cette époque La Prairie était aussi une mission amérindienne appelée Saint-François-Xavier des Prez. Les Blancs et les Amérindiens vécurent ainsi ensemble jusqu'en 1676.
On ne construisit pas la première église tout de suite. Les célébrations de 1667 jusque vers 1670 avaient lieu dans une grande cabane de planches où vivaient Blancs et Amérindiens. Vers 1670, il y avait une chapelle dans la maison des pères Jésuites. Cette petite chapelle de bois était divisée en deux appartements, l'une pour les Français, l'autre pour les Sauvages comme on disait à l'époque.
La première église véritable fut construite en 1687. Faite de bois, elle avait 30 pieds de long par 20 pieds de large. L'extérieur était couvert de planches embouvetées. À l'intérieur, les murs étaient lambrissés de planches embouvetées et blanchies. Le plancher était fait de madriers embouvetés eux aussi, mais non blanchis. Les murs étaient percés de quatre fenêtres avec des contrevents faits de chêne. Au tout début, les fenêtres avaient des châssis de toile cirée.
On posa des vitres seulement en 1692. On entrait dans l'église par les deux portes situées à l'avant. Il n'y avait pas de véritable clocher, mais un chevalet supportait la cloche. Un petit presbytère en bois fut ajouté sur le côté en 1690 (voir dessin).
Le mobilier et la décoration étaient vraiment très simples à cette époque. Au tout début, il n'y avait que 9 bancs, 2 autres s'ajoutèrent après 1695. En 1690, on vit apparaître un confessionnal et en 1693, les marguilliers commandèrent deux grandes armoires. L'une était à tiroirs et l'autre à volets, moitié de merisier et moitié pin. En ce qui a trait aux ornements et linges fabriqués par les religieuses, on retrouve un surplis en toile de Hollande, des nappes d'autel de toile blanche, des chasubles en soie rouge ou verte selon la liturgie. Les devants de l'autel sont recouverts de brocard rouge ou vert et doublés de toile grise. Une moquette recouvre les gradins et des pots à fleurs viennent ajouter à la décoration. Grâce à un don en argent de Julien Averti dit Langevin (un de premiers marguilliers avec Jean Cailloud dit Baron), on put acheter en 1687 un ciboire en argent doré, un missel et un bénitier. À cela, s'ajoutèrent 6 chandeliers dorés et des burettes de métal en 1691.
Cette petite église de bois n'avait pas de poêle, elle était donc très froide en hiver. Il fallait s’habiller chaudement pour aller à la messe. Le prêtre officiant se réchauffait tant bien que mal à l’aide d’un petit réchaud de cuivre posé sur l’autel dans lequel on faisait brûler du charbon de bois. En 1691, les marguilliers achetèrent un grand réchaud de cuivre. On en ajoutera un autre en 1695. Malgré tout cela, quand le sermon était un peu long, certains paroissiens en profitaient pour aller se chauffer dans une maison voisine.
Cette première église était orientée dans la même direction que l'église actuelle. Elle faisait donc face à la rue l'Ange-Gardien (actuelle rue Saint-Jean) un peu plus près du fleuve que l'église actuelle.
Dans les prochains numéros, il sera question de la deuxième et de la troisième église.
Du 8 au 20 juin 1998 la firme Arkéos inc. avait reçu de la Ville de La Prairie le mandat de dresser l'inventaire archéologique du site de l'ancienne Boulangerie Lussier à l'angle ouest des rues Saint-Georges et Saint-Ignace.
L'équipe, composée de Mario Bergeron (chargé de projet), François Grondin (assistant archéologue) et François Bélanger (technicien), devait déterminer quelles zones avaient été affectées et quelles zones n'avaient jamais été perturbées. On souhaitait également localiser les restes de la palissade de frêne noir construite à la fin du 17e siècle et évaluer son état de conservation. L'ensemble de l'opération permettant par la suite à la municipalité de faire un aménagement léger sur le site, en s'assurant que l'implantation des pilotis n'ait pas lieu dans les zones dites « sensibles » et qu'il y ait possibilité de fouilles futures.
Six tranchées mécaniques ainsi que des fouilles manuelles horizontales ont mené à d'intéressantes découvertes. D'abord la façade du terrain sur la rue Saint-Ignace est sans potentiel à cause de l'incendie de 1992 et aussi parce que la boulangerie était dotée d'un sous-sol. La partie sud-ouest, où l'édifice jouxtait une autre maison, est également sans valeur archéologique.
Découverte majeure : le mur de crue actuel ne marque pas la berge d'origine qui, loin d'être une plage en pente douce, était un véritable talus escarpé situé à 10 mètres plus à l'est que le rempart de béton. De plus les traces de l'ancienne palissade ont permis de déterminer qu'elle avait été implantée au bord de l'eau. L'absence de plage évitait tout débarquement et l'escarpement du talus permettait aux défenseurs d'avoir plus de hauteur face à d'éventuels attaquants venant du fleuve.
Sans doute saurons-nous un jour faire une synthèse des connaissances accumulées sur le tracé de l'ancienne palissade et les différentes étapes de sa construction. Cette synthèse est intimement liée à l'évolution de La Prairie ainsi qu'à la présence amérindienne des débuts.
Il y a quelques années des fouilles archéologiques effectuées sur le terrain sis à l'angle des rues Sainte-Marie et Saint-Georges avaient permis d'extraire la base d'un pieu de la palissade de l'ancien fort de La Prairie. Le précieux artefact fut aussitôt expédié à Québec pour y subir un examen approfondi en laboratoire. De retour au Musée du Vieux Marché après quelques années d'attente, ce vestige du fort en bois est maintenant conservé sous verre. Le verdict est tombé : il s'agit d'une pièce de frêne noir (fraxinus nigra) aussi appelé frêne à feuilles de sureau, frêne de grève ou frêne gras. De là à conclure que toute la palissade était de frêne noir il n'y a qu'un pas, qu'il faut éviter de franchir. Car ici la prudence s'impose.
Le Père Louis-Marie dans sa Flore-manuel de 1953 (p. 213) le décrit ainsi : c'est un arbre petit (?) et peu résistant que l’on retrouve dans les marécages; il est bien adapté aux milieux humides. Il est certain que le frêne noir était au 17e siècle un arbre indigène à La Prairie puisque le milieu naturel était propice à sa dispersion. C’est une espèce limitée aux endroits humides et ouverts : rivages périodiquement inondés, marécages froids, étangs et bois inondés. On devait donc le trouver en abondance ici, d’où son utilisation dans la construction du fort.
Les frênes indigènes sont tous de taille plutôt moyenne et possèdent un bois bien particulier : lorsqu'on le frappe à coups répétés, on obtient des feuillets minces qui se laissent diviser en lamelles. Les Amérindiens et nos ancêtre en fabriquaient des cerceaux pour tonneaux, des paniers de toutes sortes et des fonds de chaise. De plus la cendre de ce bois est riche en potasse.
Outre son abondance à La Prairie et sa résistance à l'humidité, c'est sans doute aussi à cause de son tronc droit et élancé atteignant presque le sommet de la cime qu'il fut récolté pour construire la palissade. Son bois est résistant, dur et de droit fil. À cause de ses nodosités et de ses loupes on l'utilise aujourd'hui en ébénisterie (ex. tables et chaises de salle à manger), ainsi que pour des boiseries intérieures, des boîtes, des caisses et des palettes.
Il m'a été impossible de déterminer s'il se trouve encore du frêne noir sur le territoire de La Prairie. Je lance donc ici un appel à nos membres : si vous êtes capable d'identifier cet arbre sur le terrain et que vous connaissez l'emplacement d'un peuplement à La Prairie, prière de me le faire savoir par télécopieur au 450-659-2857.
La recherche généalogique, toujours passionnante, mène parfois à de curieuses découvertes, parfois décevantes, quelquefois surprenantes, mais toujours stimulantes.
En voici un exemple… où nous avons découvert une souche commune.
De Mme Denise Falcon
De Ville de La Prairie
Des Frères de l’Instruction Chrétienne
De Monique Loranger-Tessier
De M. Marcel Lamarche
De Réal Legault
De Mme Hélène Charuest
À cause des travaux effectués dans nos locaux, il n'y aura pas de conférences avant janvier 1999…
La Société historique se voit attribuer un prix pour ARCHI-LOG
Lors de la réunion annuelle de l’association des archivistes du Québec, en mai dernier, notre logiciel ARCHI-LOG a reçu le prix décerné dans la catégorie « Innovation ». Le président de l’association a largement louangé notre logiciel en soulignant qu’il devient un outil de grande qualité pour tous les centres d’archives. En effet ARCHI-LOG est le premier logiciel conforme aux Règles de Description des Archives (RDDA) qui, depuis, a été traduit en anglais. Partout au Québec, et au Canada tout entier, il s’avère l’instrument qui permet des échanges archivistiques suivant des règles uniformes. Avec le temps il deviendra de plus en plus connu et utilisé. Plusieurs sociétés d’histoire l’utilisent déjà ainsi que des cégeps et des universités. Reconnaissant sa valeur, la Ville de Montréal en a fait l’acquisition depuis peu.
Nos membres peuvent deviner le temps et les énergies déployés pour sa création. ARCHI-LOG est le logiciel de la SHLM et tous nos membres peuvent en être fiers.
Décès
C'est avec tristesse que nous vous annonçons le décès de M. Maurice Spénard, survenu le 11 août 1998 à l’âge de 71 ans. Membre de La Société historique de La Prairie de la Magdeleine depuis de nombreuses années, M. Spénard était un passionné d'histoire et de généalogie.
Conférences
Veuillez prendre note qu'il n'y aura pas de conférence avant janvier 1999 à cause des travaux prévus dans nos locaux.
Élections au C.A.
Lors de l’assemblée générale annuelle tenue en juin dernier madame Claudette Houde a été réélue au poste de secrétaire et monsieur Charles Beaudry a été nommé 2e vice-président en remplacement de madame Céline Lussier.
Télécopieur
Il est maintenant possible d’expédier des documents aux locaux de la Société grâce au télécopieur. Vous devez composer le 450-659-2857.
Au jour le jour, juin 1998
Dans le numéro du mois de mai, je vous ai parlé du projet « Dialogue avec l’histoire », qui est mené par la Société historique de La Prairie avec l'école secondaire La Magdeleine. Cette fois-ci, je vous présente des extraits de la correspondance que j'ai entretenue avec une vingtaine d'étudiants (tes).
Deux étudiantes ont choisi le Huron Pierre Tonsohoten et ont pu découvrir avec lui les débuts de l'histoire La Prairie à l'époque de la mission. Dans l'extrait qui suit, Tonsohoten explique pourquoi on retrouve les mots amérindiens écrits de différentes façons.
« Koué! Koué! Mon cœur se réjouit que vous ayez décidé de m'écrire.
Vous me demandez comment on doit écrire mon nom. Il est difficile pour moi de vous répondre avec exactitude, car je ne sais pas écrire. C'est le père Chauchetière qui transcrit ce que je lui dis. Comme vous le savez peut-être, la langue huronne n'est pas une langue écrite. Elle a été transmise par nos mères depuis des temps lointains. C'est une langue orale comme disent les François. Ce sont les robes noires qui ont pour la première fois essayé de mettre notre langue par écrit. Parce qu'ils n'avaient jamais vu nos mots sur le parchemin, ils les ont écrits comme ils les entendaient. C'est pourquoi différents pères ont écrit le même mot de différentes façons. »
Dans une lettre, il parle aussi de la destruction de la Huronnie, des guerres indiennes et du conflit entre les Anglais et les Français. C'est donc toute une partie de l'histoire de l'Amérique du Nord qui se retrouve sous sa plume.
Avec la Borgnesse, on entre plus à fond dans l'explication du mode de vie des Iroquoiens et l'importance des femmes dans leur société. On peut apprendre aussi la façon de se soigner à l'aide des plantes médicinales.
« On m'appelle la Borgnesse, je suis une femme de la nation des Kanien'kehaka qui veut dire le peuple de la pierre car il y en a beaucoup d’où je viens. Ce sont les femmes qui s’occupent de cultiver les plantes chez les Odonossone. Nous connaissons donc mieux que les hommes le pouvoir de celles-ci. C’est pourquoi les Indiens et parfois des Blancs viennent me consulter pour soulager différents maux. Si vous avez de la fièvre par exemple, vous pouvez prendre de l'écorce d'aulne ou de l'achillée qu'on appelle aussi herbe à dinde. Vous trempez ces plantes dans l'eau bouillante, le liquide fait tomber la fièvre. Pour la constipation, il y a la rhubarbe, la sanguinaire, le cyclamen. Pour faire sortir les poisons du corps, il n’y a rien de mieux que de faire suer. Le tilleul, le sureau et la bardane servent à cela. »
Dans la mesure du possible, j'ai tenté de respecter les noms véritables que les Amérindiens utilisaient pour se désigner. Ainsi les Kanien'kehaka sont ceux que nous appelons aujourd'hui les Mohawks et le mot est l'équivalent d'iroquois soit de la ligue des cinq Nations qui vit au sud du lac Érié.
Les débuts de La Prairie revivent aussi sous la plume de Jean Cailloud dit Baron. C'est ainsi qu'on peut illustrer concrètement à partir des données archivistiques présentes au local de la Société ce qu'était le régime seigneurial.
« Je vais vous donner les conditions écrites sur le contrat de concession de ma terre sur la rivière Saint-Jacques. Celui-ci est en date du dix neuf juin mille six cents septante deux. La terre a deux arpents de front donnant sur la dite rivière et vingt cinq arpents de profondeur. La rente foncière de bail est d'un sol par arpent, soit de cinquante sols par année. Le cens est à deux chapons vifs ou la valeur dyceux. Je dois y avoir feu et lieu et faire défricher incessamment la dite concession en plus de découvrir les deux voisins qui sont Jean Rou à l'est et Charle Boyer à l'ouest. Je dois aussi ouvrir le chemin pour le public, faire les fossés. J'ai aussi l’obligation de faire moudre les grains au moulin des dits pères. Les seigneurs se réservent le droit de coupe du bois sur la concession, excepté le bois de chauffage que je peux me réserver. Si je ne respecte pas ces conditions, ils pourront reprendre la terre. Mais jusqu'à présent, ils n'ont pas eu à se plaindre de moi. »
Les mots que j'ai soulignés ont intrigué les étudiantes qui correspondaient avec M. Cailloud. Elles ont donc demandé des explications sur le sens dyceux ou devrais-je dire de ceux-ci.
En parlant avec le notaire Edme Henry, une autre étudiante a pu constater que notre régime municipal tel que nous le connaissons aujourd'hui n'a pas toujours existé.
« Vous me demandez de vous parler des femmes importantes dont celle du maire. Malheureusement, quant à cette dernière, je ne puis vous répondre car le poste de maire n'existe pas encore. On parle cependant de voter une loi pour établir un régime municipal. En effet, l’administration du territoire se fait par la seigneurie. »
Ce qu'il y a d'intéressant dans notre approche, c'est que le jeune qui nous écrit entre facilement dans le jeu et s'adresse directement au personnage.
« Bonjour Mère Gamelin. Comment allez-vous? J'espère que votre santé et votre moral sont bons. Votre ami Charles m’a parlé de vous et de vos œuvres. Ses propos ont piqué ma curiosité et c'est pourquoi je souhaiterais mieux vous connaître. »
La correspondance avec Mère Gamelin est l'occasion d'ouvrir d'autres pages importantes de notre histoire. Elle permet aussi de faire revivre une époque où le soin des pauvres était assuré presque entièrement par les communautés religieuses et les œuvres charitables.
« En 1846, à la demande du curé de La Prairie, le Révérend Père Rémi Tellier, nous nous rendîmes à La Prairie pour prêter main forte à l'association de charité fondée en 1842 par des dames du coin. Elles avaient loué un immeuble qu'on appelait la "Maison de la Providence". Mlle Émilie Denaut y prenait soin des miséreux La joie de notre arrivée fut bientôt assombrie par un terrible incendie qui se déclara dans la nuit du 4 au 5 août, détruisant plus de trois cents maisons. Étant alors à Montréal, je me dépêchai de me rendre à La Prairie par le premier bateau que je pus trouver. Je trouvai là 14 pauvres rassemblés sur le quai depuis trois heures du matin. J’amenai à Montréal les vieillards qui furent aimablement hébergés par les Sœurs Grises. Les vieilles demeurèrent dans la partie de l'asile qui avait échappé à l'incendie. Nos Sœurs s'occupèrent ensuite de la distribution des dons en aliments et vêtements aux familles en détresse. »
Mère Gamelin a vécu aussi à l'époque des rébellions des Patriotes de 1837 et 1838. Une étudiante en a profité pour lui demander des renseignements sur ce conflit et s'en est servie dans son cours de français pour écrire un texte d'opinion.
« Les années qui précédèrent l'insurrection furent catastrophiques. Les récoltes diminuèrent sensiblement, ce qui amena la disette et la famine dans nos villes et nos campagnes. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, le choléra se répandit, apporté par les nombreux immigrants venant d'Angleterre et d'Irlande. Certaines personnes blâmèrent le gouvernement de Londres qui avait favorisé, selon elles, cette émigration vers la colonie canadienne. De nombreux Canadiens se plaignaient aussi de favoritisme dans l’attribution des terres par la British American Land Company à des Anglais au détriment des Canadiens. Ces derniers avaient de plus en plus de difficultés à s’établir sur de nouvelles terres, les seigneuries commençaient à être surpeuplées.
De plus, il existait depuis un certain temps une crise politique. Un conflit vit le jour entre la Chambre d'assemblée (élus du peuple) et le conseil législatif dirigé par le représentant de Sa Majesté britannique, le Gouverneur. Les représentants de la Chambre d'assemblée demandaient entre autres le contrôle sur les subsides (revenus de la colonie) et que le gouverneur soit responsable (contrôlé) devant la chambre plutôt que directement par le gouvernement de Londres. Il y avait beaucoup d'autres réclamations, 92 en tout, qui furent adressées au parlement impérial. Mais, Londres ne donna pas suite à celles-ci. La situation devint de plus en plus tendue et le parti Patriote dirigé par Louis-Joseph Papineau prit des positions de plus en plus radicales, certains prônaient en autres l'indépendance totale du Bas-Canada. »
Cette lettre de Mère Gamelin poussa l'étudiant à faire des recherches plus approfondies.
« Depuis votre précédente lettre, j'ai fait quelques recherches […] Pour m'aider dans ma tâche que je me suis donnée, j'ai demandé à Normand, mon professeur d'histoire, de m'aider. Cependant, j'ai tout de même besoin de vous pour comprendre certaines choses. […] après avoir lu en quasi-totalité l'œuvre de Louis-Joseph Papineau… »
Avec le dernier exemple, nous relatons une époque que certains de nos lecteurs et lectrices ont connue, mais qui est totalement étrangère pour un adolescent, soit l'époque où nous devions faire appel au forgeron. M. Charles Bouthillier nous explique son travail, voici un extrait d'une de ses lettres.
« Donc, une fois que le feu est prêt, on peut commencer. D'abord, on doit faire la manucure du sabot. Avec une bonne lime, on enlève la vieille corne, on adoucit le sabot, on l'arrange pour lui donner la bonne forme pour qu'il s'adapte au fer. C'est un peu moins délicat que pour la manucure d'une femme… Un bon forgeron peut ferrer environ 6 chevaux par jour. Ça lui prend en moyenne une heure par cheval, ça dépend bien entendu de la fatigue du forgeron. Pis des fois, quand on était pas pressé, on prenait un peu plus de temps, on pouvait parler. Dans le temps, la boutique de forge c'était la place pour avoir des nouvelles. Les gens se réunissaient autour du feu, puis ça discutait. C'était une espèce de presse, la presse forgée comme je disais. »
Ces quelques exemples ont pu nous faire découvrir l'immense potentiel de cette nouvelle approche pédagogique qui permet aux étudiants de voyager dans le temps en dialoguant avec des personnages réels de notre histoire. En plus des textes, nous avons pu aussi faire parvenir des images. De plus, nous entrevoyons pour l'avenir la possibilité de transmettre du son et de l'animation. Souhaitons que notre projet se poursuive, il en vaut la peine.
Charles Beaudry, Société historique de La Prairie.
N’oubliez pas notre assemblée générale annuelle, le mardi 16 juin 1998 à 20 heures.
– Notre rencontre annuelle autour d'une bonne table fut un franc succès et la grande majorité des convives présents s'est prononcée en faveur de la formule « brunch ».
– Le local de la SHLM subira d'importantes transformations : escalier extérieur à l'abri du climat, nouvelles salles de toilette, voûte sous terre afin d'y ranger une partie des archives etc.
– Le Vieux-La Prairie sera également l'objet d'améliorations majeures. Profitez de l'été et de la piste cyclable pour venir apprécier ces changements de visu. Il serait même question de transformer l'hôtel Tourist en véritable lieu d'hébergement pour les visiteurs.
– Le manuel d'utilisation du logiciel Archi-log est maintenant disponible dans sa traduction anglaise.
Au jour le jour, mai 1998
Depuis le mois de septembre dernier, la Société historique de La Prairie et l'école secondaire La Magdeleine de La Prairie participent à un projet pilote en enseignement. L'idée du projet est née durant l'été de 1997, répondant à un besoin exprimé par le professeur du cours d’informatique, Mme Marie-Thérèse Dreux-Ribière.
C'est ainsi que Mme Patricia McGee Fontaine a élaboré, de concert avec le professeur d'informatique, une méthode pour rendre accessibles les données contenues dans les archives de la Société historique via le réseau Internet.
Les étudiants peuvent ainsi communiquer avec la Société historique de La Prairie à l'aide du courrier électronique et demander des informations sur notre histoire. Pour rendre le projet encore plus vivant, on a pensé faire correspondre chaque étudiant (te) avec un personnage réel de notre histoire. C'est ainsi qu'une liste d'une trentaine de personnes leur a été fournie au début de l'année. Dans celle-ci, le personnage se décrivait brièvement en indiquant ce qu'il avait fait. À partir de cette liste, les étudiants devaient par la suite se choisir un personnage et engager une correspondance avec celui-ci.
Jusqu'à maintenant, une vingtaine d'étudiants (tes) des secondaires 4 et 5 ont décidé de participer à l'expérience. Ils ont choisi huit personnages différents, soit Pierre Tonsohoten, La Borgnesse, Mère Émilie Gamelin, Edme Henry, Jean Cailloud dit Baron, Jean-Marie Langlois, Charles Bouthillier et le milicien Frantois Leber. En plus de ces personnages, certains en ont profilé pour effectuer des travaux de recherche sur des sujets divers tels les passe-temps d'autrefois, les outils de la ferme et la mode.
Une étudiante a même questionné son personnage, Mère Émilie Gamelin, afin de comprendre les causes de la rébellion de 1837-1838. Ce dialogue lui a servi pour écrire un texte d'opinion dans son cours de français. C'est à titre d'historien que j'ai été engagé par la Société historique de La Prairie de la Magdeleine pour mener à bien cette expérience.
Dans un premier temps, j'ai dû faire un inventaire des ressources archivistiques et documentaires disponibles. J'ai rapidement constaté que la Société historique de la Prairie possède à ce niveau une richesse que bien d'autres Sociétés d'histoire pourraient lui envier. On peut mentionner à cet effet le fonds des Jésuites qui est constitué par des centaines d'actes (concession, achat, inventaire, liste de terrier, etc.) qui couvrent toute la période de la Nouvelle-France depuis les débuts de la seigneurie de La Prairie ainsi que le régime anglais jusqu'au milieu du 19e siècle approximativement.
Il y a aussi le fonds Élisée Choquet qui est une collection de données diverses sur les différents aspects de la vie de La Prairie depuis le début de son histoire jusqu'à la fin des années 60. Ce fonds est le fruit du patient travail du docteur Thomas-Auguste Brisson dont nous avons déjà parlé dans ces pages, il a été poursuivi par l'abbé Élisée Choquet auquel il a donné son nom. En plus de ces deux principales sources d'informations, j'ai pu bénéficier des ressources documentaires de la bibliothèque de la Société ainsi que des autres fonds (Trudeau, La Prairie d'hier à aujourd'hui, etc.).
Il faut aussi ajouter que notre Société possède une riche collection de cartes et de photos anciennes. Mon travail de recherche m'a été grandement facilité grâce à l'informatisation de la plupart de ces données, ce qui permet de sauver beaucoup de temps lors de la recherche.
Les étudiants engageaient donc un dialogue avec des personnages historiques ayant réellement existé. À l'aide du courrier électronique, ils pouvaient s'adresser directement à ces personnages et recevoir une réponse personnalisée aux différentes questions qu'ils leur adressaient. Bien entendu, c'est moi qui jouais le rôle des différents personnages. Toutefois, l'avantage de cette formule est que l'étudiant ne voit jamais son interlocuteur. Ainsi, lorsqu'il reçoit son courrier, il lui est facile de s'imaginer que c'est vraiment une personne du passé qui lui parle.
Les étudiants ont joué le jeu dès le début. Mon plus grand défi était de conserver un souci d'authenticité dans mes lettres. En plus de la vérité historique que je devais respecter, j'essayais autant que possible d'écrire en me conformant à la personnalité du personnage, une sœur ne parle pas tout à fait comme un forgeron. Il y a aussi la langue du temps qui devait être conséquente avec le personnage. Une attention particulière a été mise sur le vocabulaire afin d'employer des mots qui étaient contemporains de l'époque à laquelle se situait le correspondant historique. Plus le personnage appartenait à une époque lointaine, plus le défi était grand.
J'ai dû cependant faire quelques concessions. En effet, il est extrêmement difficile pour ne pas dire impossible d'écrire en vieux français du 17e siècle. Pour ce faire, au lieu d'écrire une lettre entière dans ce style, je glissais de temps à autre des mots anciens dans ma lettre. Ce qui avait pour objet d'attirer l'attention et la curiosité de l'étudiant. Ainsi, pour parler de sa terre, Jean Cailloud utilisait des mesures anciennes telles les arpents el les perches. Après les pluies verglaçantes du mois de janvier, il a parlé du grand « verreglaz ».
À ce titre, les Relations des Jésuites constituent une source inépuisable de termes anciens. Elles le furent aussi pour les personnages amérindiens tels Pierre Tonsohoten et La Borgnesse qui vécurent à La Prairie à l'époque de la mission. C'est ainsi que les étudiants ont pu découvrir la petite et la grande histoire de La Prairie. Le temps de la mission leur a été raconté par Pierre Tonsohoten et La Borgnesse qui leur ont parlé aussi des cultures huronnes et iroquoises. Jean Cailloud a fait revivre l'époque de la colonisation et des seigneuries, ainsi les étudiantes qui correspondaient avec lui ont participé à l'ouverture des premières terres de La Prairie le long de la rivière Saint-Jacques.
Mère Gamelin a relaté la fondation des Sœurs de la Providence et parlé du grand feu de 1846, l'année même de l'arrivée des Sœurs à La Prairie. Le notaire Edme Henry a rappelé le début du 19e siècle, une époque riche en événements à La Prairie où on a vu fleurir, après la guerre de 1812, l'économie régionale grâce au premier chemin de fer canadien notamment. M. Henry a aussi collaboré à titre d'agent pour les seigneuries de Gabriel Christie au développement du Haut-Richelieu.
À une époque plus récente, Jean-Marie Langlois et Charles Bouthillier ont tour à tour fait découvrir à nos jeunes une époque pas si lointaine où on vendait la glace du fleuve et on ferrait les chevaux. C'est ainsi que l'histoire a pu revivre sous la plume (ou le clavier) des gens qui l'ont vécu.
En plus des textes, le réseau Internet nous permet aussi d'envoyer des images, ce qui rend encore l'échange plus vivant et permet à nos jeunes qui vivent à l'ère du visuel de « voir » le passé à l'aide de dessins, de gravures et de photos anciennes. On prévoit même pour l'avenir de faire parvenir du son et de l'animation. Qui pourra dire après que l'apprentissage de l'histoire est ennuyeux…
Et maintenant, que reste-t-il de tout cela? Comme c'était un projet pilote, nous avons ainsi expérimenté les forces et les faiblesses d'une telle approche. Nous pouvons dire qu'il a rempli la plupart de ses promesses et qu'il est tout à fait pertinent de poursuivre l'expérience. C'est pourquoi la Société historique de La Prairie a déposé une demande de subvention auprès du Secrétariat de l'autoroute de l'information qui relève du Ministère de la Culture et des Communications. Si la demande est acceptée, le projet qu'on a nommé « Dialogue avec l'histoire », pourra se poursuivre pendant deux ans. Ce qui nous donnera le temps de bien structurer celte nouvelle approche pédagogique et d'en faire un projet permanent facilement exportable dans les autres régions du Québec.
Les nombreuses archives privées qui se trouvent dans nos régions auront donc une seconde vie au service de la connaissance et de la diffusion de notre patrimoine historique.
Charles Beaudry,
Société historique de La Prairie de la Magdeleine.
D’entrée de jeu deux questions s'imposent : Mgr Lartigue et le clergé ont-ils bien compris les enjeux en présence au moment des troubles de 1837-38? Et se sont-ils montrés trop sévères envers les patriotes morts les armes à la main en les privant de la sépulture ecclésiastique?
On sait que le clergé était en général sensible à la misère et aux griefs des Canadiens, d'autant que plusieurs curés de campagne furent des témoins privilégiés des événements. Ainsi, en octobre 1837, près de six mille personnes assistent à l'Assemblée des Six Comtés tenue à Saint-Charles, dont le curé Blanchette qui est fortement impressionné par ce qu'il a vu et entendu ce jour-là. Le soir même il écrit à Mgr Lartigue pour l'inciter à la prudence. Hélas la lettre de Blanchette à l'évêque arrivera trop tard, le mandement de Lartigue du 24 octobre 1837 était déjà parti vers les paroisses. Quelques jours plus tard Blanchette écrira au gouverneur Gosford pour l'avertir qu'il ne faut plus compter sur le clergé pour arrêter le mouvement patriote.
Le mandement condamne de façon non équivoque le mouvement révolutionnaire. S'appuyant sur les récents enseignements du pape, l'évêque y insiste sur le fait que toute autorité vient de Dieu et que celui qui résiste à la puissance légitime, c'est à Dieu même qu'il résiste. Plusieurs contestaient à l'époque cette doctrine de l'Église.
Plus tôt, en juillet 1837, Lartigue avait servi ses directives à une centaine de curés réunis à l'occasion de la consécration de Mgr Bourget. Ils devaient travailler à rétablir la charité et l'union au sein de leurs ouailles et leur rappeler qu'il n'est jamais permis de se révolter contre l'autorité légitime du pays. Enfin il leur défendait d’absoudre ceux qui se révoltent ou qui violent les lois.
Réuni à l'automne 1837, le clergé de la région de Richelieu, par esprit de justice supplie Lartigue de rappeler également au gouvernement anglais ses devoirs envers le peuple.
L'historien Gilles Chaussée s.j. prétend qu'en dépit de son mandement, non seulement Lartigue n'était pas un traître, mais qu'au contraire il était un grand patriote qui souffrait des injustices dont les siens étaient victimes. Preuve en est qu'en privé il s'était opposé en 1822 au projet d'union des deux Canadas et qu'en 1828 il dénonce le harcèlement et les provocations des Anglais de même que leur attitude anti-canadienne. Apparenté à Papineau et à Denis Benjamin Viger, dans sa correspondance privée il s'insurge en 1832 contre la politique de promouvoir l'immigration de protestants anglais au Bas-Canada et dénonce l'envahissement des terres incultes par l'immigration britannique.
Aylmer, en privé, le considérait également comme un grand patriote.
Mais alors pourquoi cette condamnation sévère envers les patriotes?
C'est que Mgr Lartigue considérait la résistance comme légitime tant qu'il s'agissait d'une résistance constitutionnelle, tel le refus des députés de voter les subsides en Chambre. Fidèle à la doctrine, de son point de vue il n'était pas légitime que cette résistance dégénère en révolte armée contre l'autorité en place. Ce radicalisme lui fait peur, ce qui crée un schisme entre l'Église et les patriotes.
Mais Lartigue n'a pas excommunié les patriotes et son mandement s'appuie sur un fondement théologique. Ceux qui sont morts les armes à la main encouraient de fait les peines prévues au Droit Canon et étaient privés de l'enterrement en terre bénite.
Comme les chefs modérés ou moins radicaux, le prélat doutait fortement que le recours aux armes soit couronné de succès. Il entretenait également de sérieux doutes sur les motifs de certains chefs patriotes, dont quelques-uns entretenaient des visions d'une société laïque. Enfin, à son avis, le mouvement insurrectionnel souffrait d'une faiblesse puisqu'il ne faisait pas l'unanimité dans le peuple (le fallait-il?), faiblesse aggravée par le manque d'appuis externes, que ce soit de la France ou des États-Unis.
Les vues personnelles de Lartigue s’accordaient donc fort bien avec la doctrice de l’Église dont il était le porte-parole. Sa condamnation des patriotes n’en fut pour lui que moins douloureuse.
Mais comme en un juste retour des choses, en 1987 l’assemblée des évêques du Québec lèvera les sanctions encourues par les patriotes morts au combat. C’était en quelque sorte cautionner ouvertement le mouvement nationaliste.
Gaétan Bourdages : résumé de la conférence de Gilles Chaussée donnée à la SHLM le 18 mars 1998.
Rappel : n'oubliez pas notre rencontre annuelle, un « brunch » Au vieux fort de La Prairie, dimanche, le 17 mai 1998 à midi!
Élections en juin
En cette soirée du mardi 16 juin prochain madame Isabelle Parisien, résidente de La Prairie, vous invite à visionner un diaporama sur le Vieux-La Prairie et son patrimoine bâti. Cet aperçu visuel témoigne de la valeur historique de plusieurs de nos bâtiments et rend justice aux efforts constants de la SHLM depuis plus de vingt-cinq ans afin de sauvegarder ces témoins du passé.
Cette présentation sera suivie des élections au Conseil exécutif de la SHLM pour l'année 1998-1999. À suivre dans la parution de juin…
BRUNCH ANNUEL : 17 MAI
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