Sélection d'une édition

    Les mariages dans nos campagnes autrefois

    Bulletin de recherches historiques,  vol 6, 1900, Histoire de la seigneurie de Lauzon, vol. IV, p. 187.

    Que dire des fêtes qui accompagnaient jadis les mariages dans nos campagnes. Il n’y avait pas de véritable noce à moins qu’elle ne durât trois jours et trois nuitsAu commencement de la colonie, on était dans l’habitude de célébrer aussi les fiançailles, mais l’évêque de Saint-Vallier abolit ces cérémonies dès 1698..

    En 1790, l’évêque Hubert avait ordonné de ne plus marier que le mardi. Cela devint un tort réel pour les campagnes, Les noces qui n’étaient que de deux jours, le dimanche et le lundi, le furent bientôt de trois et de quatre parce que les habitants les anticipaient. Il est difficile pour un jeune de tenir la charrue le lundi quand il pense que le lendemain il sera un homme marié, disait le coadjuteur Bailly, grand censeur de son évêque.

    Il fut un temps où une famille de cultivateur se mésalliait quand elle épousait un tailleur, un menuisier, un ouvrier quelconque, fut-il plus riche qu’elle.

    Un riche habitant, dit M. de Gaspé, achetait à sa fille, en la mariant, une robe d’indienne, des bas de coton et des souliers chez le boutiquier. Cette toilette passait souvent aux petits-enfants de la mariéeIl est évident, car à l’ordinaire, le trousseau sans être abondant était convenable. L’épousée apportait toujours en dot quelques bestiaux, des animaux de basse-cour, du linge de maison et une petite somme en argent..

    Tous ceux qui devaient se marier avaient l’habitude d’appeler un notaire pour lui faire rédiger les clauses, traités et conventions de mariage; c’était une grande cérémonie qui avait lieu ordinairement le dimanche précédant la noce et à laquelle étaient conviés tous les parents et les amis.

    Ces conventions de mariage sont à peu près toujours les mêmes. Les futurs époux promettent réciproquement se prendre l’un et l’autre par nom et loi de mariage pour mari et femme et légitimes époux, et icelui mariage de faire célébrer et solenniser en face de la sainte église catholique, apostolique et romaine, le plus tôt que faire se pourra. Ils déclarent vouloir être communs en tous biens meubles et conquêts immeubles, suivant la Coutume de Paris usitée dans la province. Le futur doue la future d’un douaire préfix qui varie de est réciproque (sic) consiste ordinairement en une somme fixe de cent cinquante livres à prendre en deniers comptants ou en meubles, suivant la prisée de l’inventaire, hors part et sans crue. Les linges et joyaux, à l’usage des époux, un buffet ou trois cents à cinq cents livres de vingt sols. Le préciput qui un coffre (sic) et le lit garni de la communauté forment aussi partie du préciput.

    Enfin, en considération de la bonne amitié que les futurs époux ont l’un pour l’autre ils se font donation mutuelle de tous les biens que le premier survivant délaissera pourvu qu’alors il n’y ait pas d’enfants nés ou à naître du futur mariage, car en ce cas le don mutuel devient nul et caduc.

    Au moment où le notaire lisait la clause de don mutuel, il s’approchait vivement de la fiancée et lui donnait un baiser sonore sur les deux joues. C’était un privilège reconnu de toute antiquité à ces bons notaires, et ils en usaient largement. Ce droit de prélibation était évidemment un vestige – mais combien dégénéré – des anciennes coutumes des seigneurs du moyen âge. Le futur mari qui avait déjà assisté à des cérémonies du même genre cherchait à devancer le notaire, mais ce dernier, toujours sur le qui-vive, prenait le soin de ne pas perdre gauchement le plus clair de ses honoraires. Il y avait parfois, entre les deux, une course folle pour savoir qui arriverait bon premier et c’était un des grands délices de la réunion. La victime se prêtait de bonne grâce à ce sacrifice voulu par la coutume.

    Bulletin de recherches historiques,  vol 6, 1900, Histoire de la seigneurie de Lauzon, vol. IV, p. 187. Que dire des fêtes qui accompagnaient jadis les mariages dans nos campagnes. Il n’y avait pas de véritable noce à moins qu’elle ne durât trois jours et trois nuitsAu commencement de la colonie, on était dans l’habitude de célébrer aussi les fiançailles, mais l’évêque de Saint-Vallier abolit ces cérémonies dès 1698.. En 1790, l’évêque Hubert avait ordonné de ne plus marier que le mardi. Cela devint un tort réel pour les campagnes, Les noces qui n’étaient que de deux jours, le dimanche et le lundi, le furent bientôt de trois et de quatre parce que les habitants les anticipaient. Il est difficile pour un jeune de tenir la charrue le lundi quand il pense que le lendemain il sera un homme marié, disait le coadjuteur Bailly, grand censeur de son évêque. Il fut un temps où une famille de cultivateur se mésalliait quand elle épousait un tailleur, un menuisier, un ouvrier quelconque, fut-il plus riche qu’elle. Un riche habitant, dit M. de Gaspé, achetait à sa fille, en la mariant, une robe d’indienne, des bas de coton et des souliers chez le boutiquier. Cette toilette passait souvent aux petits-enfants de la mariéeIl est évident, car à l’ordinaire, le trousseau sans être abondant était convenable. L’épousée apportait toujours en dot quelques bestiaux, des animaux de basse-cour, du linge de maison et une petite somme en argent.. Tous ceux qui devaient se marier avaient l’habitude d’appeler un notaire pour lui faire rédiger les clauses, traités et conventions de mariage; c’était une grande cérémonie qui avait lieu ordinairement le dimanche précédant la noce et à laquelle étaient conviés tous les parents et les amis. Ces conventions de mariage sont à peu près toujours les mêmes. Les futurs époux promettent réciproquement se prendre l’un et l’autre par nom et loi de mariage pour mari et femme et légitimes époux, et icelui mariage de faire célébrer et solenniser en face de la sainte église catholique, apostolique et romaine, le plus tôt que faire se pourra. Ils déclarent vouloir être communs en tous biens meubles et conquêts immeubles, suivant la Coutume de Paris usitée dans la province. Le futur doue la future d’un douaire préfix qui varie de est réciproque (sic) consiste ordinairement en une somme fixe de cent cinquante livres à prendre en deniers comptants ou en meubles, suivant la prisée de l’inventaire, hors part et sans crue. Les linges et joyaux, à l’usage des époux, un buffet ou trois cents à cinq cents livres de vingt sols. Le préciput qui un coffre (sic) et le lit garni de la communauté forment aussi partie du préciput. Enfin, en considération de la bonne amitié que les futurs époux ont l’un pour l’autre ils se font donation mutuelle de tous les biens que le premier survivant délaissera pourvu qu’alors il n’y ait pas d’enfants nés ou à naître du futur mariage, car en ce cas le don mutuel devient nul et caduc. Au moment où le notaire lisait la clause de don mutuel, il s’approchait vivement de la fiancée et lui donnait un baiser sonore sur les deux joues. C’était un privilège reconnu de toute antiquité à ces bons notaires, et ils en usaient largement. Ce droit de prélibation était évidemment un vestige – mais combien dégénéré – des anciennes coutumes des seigneurs du moyen âge. Le futur mari qui avait déjà assisté à des cérémonies du même genre cherchait à devancer le notaire, mais ce dernier, toujours sur le qui-vive, prenait le soin de ne pas perdre gauchement le plus clair de ses honoraires. Il y avait parfois, entre les deux, une course folle pour savoir qui arriverait bon premier et c’était un des grands délices de la réunion. La victime se prêtait de bonne grâce à ce sacrifice voulu par la coutume. ...

    Le temps des Fêtes autrefois

    Un extrait de Histoire de la seigneurie de Lauzon, par J. Edmond ROY, vol. IV, p. 190, cité dans Bulletin des Recherches historiques, 1924, pp. 47 et 48.

    « L’hiver du Canada est tellement rigoureux qu’il semble à prime abord qu’il devrait resserrer et paralyser toutes les facultés actives de l’intelligence. Au lieu de fouetter le sang ne devrait-il pas au contraire l’engourdir? Cependant, contre les inconvénients de cette ennuyeuse saison le Canadien avait trouvé un antidote salutaire, c’était de se livrer aux plaisirs, à la danse (sic), aux festins.

    Le temps des fêtes commençait à la messe de minuit, au réveillon de Noël pour ne se terminer qu’à la veille du samedi des Cendres.

    Dans la nuit de Noël, à l’heure où les morts se lèvent de leurs sépulcres et viennent s’agenouiller autour de la croix du cimetière et qu’un prêtre – le dernier curé de la paroisse – en surplis et en étole, leur dit la messe, alors que les montagnes s’entrouvrent et laissent entrevoir les trésors enfouis dans leurs flancs, alors que les animaux parlent dans les granges et se disent la bonne nouvelle, voyez dans tous les villages les maisons s’illuminer comme par enchantement.

    C’est le commencement de la grande semaine qui se terminera par le jour de l’an. On ne dit pas le premier de l’an mais le jour de l’an, parce que ce jour-là à lui seul vaut toute l’année.

    La veille, à la tombée de la nuit, les jeunes gens se sont réunis. Armés de longs bâtons et de sacs profonds, ils vont de porte en porte chanter la guignolée :

    Bonjour le maître et la maîtresse
    Et tous les gens de la maison
    Nous avons fait une promesse
    De venir vous voir une fois l’an…

    Ils battent la mesure avec leurs bâtons, et dans leurs sacs, ils recueillent la chignée, c’est-à-dire l’échine d’un porc frais, que l’on destine aux pauvres, car il faut bien, eux aussi, qu’ils aient leur part de joie au jour de l’an.

    Longtemps d’avance, on a eu soin de dire aux enfants de ne pas pleurer, de ne point se quereller, mais d’être bons et obéissants. Ceux qui pleurent au jour de l’an ont les yeux rouges toute l’année. Aussi voyez comment ils sont graves, le matin, bien avant l’aube, lorsque tous ensemble, les plus âgés en tête, ils vont dans la grande chambre demander la bénédiction des vieux parents. Et comme les étrennes pleuvent de toutes parts.

    Ce jour-là tout le monde se visite et s’embrasse. Les ennemis se réconcilient et chacun en se serrant la main dit : Je vous la souhaite bonne et heureuse et le Paradis à la fin de vos jours.

    Nous avons parlé de la table frugale de nos ancêtres, mais pour le temps des fêtes, on interrompt d’une façon éclatante le perpétuel ordinaire. La femme, et par ce mot il faut entendre la maîtresse de la maison, cuisine pendant toute la semaine. Il n’y en a pas comme elle pour mettre la main à la pâte.

    Les longues tables se dressent, toutes couvertes de nappes ou de beaux draps blancs, et quelle hécatombe de pâtes, de tourtières, de ragoûts de toutes sortes, sans parler des jambons roses, dont la couenne enlevée a été remplacée par un damier de clous de girofle artistement piqués. L’habitant aime à ce que sa table ploie sous l’abondance des mets.

    Le petit verre de rhum de la Jamaïque circule de main en main et les pipes s’allument.

    Nos ancêtres avaient pour habitude, même aux moindres réunions de chanter à leurs dîners et soupers; les hommes et les femmes alternaient. On peut juger si au temps des fêtes les plus chanteux du village s’en donnaient.

    Dans les derniers jours qui précédaient le carême et que l’on appelle plus spécialement encore le carnaval ou les jours gras, les chevaux s’attellent, les carrioles glissent sur la neige et l’on va par bande festoyer gaiement chez les parents et les amis. Les violoneux battent la mesure de leurs talons, l’archette grinche et chacun choisit sa compagnie. En avant, la danse, c’est la gigue, c’est le cotillon, qui font tourner les couples endiablés. Bientôt les montagnards écossais passionnés pour la danse comme les Canadiens, introduiront le scotch reel et la hornpipe.

    Quelquefois des masques affublés de grossières défroques, feront irruption au milieu du bal : ce sont les mardis gras, et chacun leur fera la politesse, tout en essayant de découvrir qui ils sont, car souvent le diable s’est présenté ainsi déguisé chez des braves gens qui avaient entamé une gigue sur les premières heures du carême.

    Les premiers voyageurs anglais qui visitèrent le Canada, gens mornes et taciturnes qui traînaient avec eux partout où ils allaient les tristes ennuis de leur climat brumeux, ne pouvaient comprendre cette gaieté du paysan canadien toujours exubérante, hachée de rires sonores.

    Hélas un temps viendra ou cette belle gaieté disparaîtra. Le Canadien, imprévoyant comme le sauvage qui coupait l’arbre pour avoir des fruits, pour avoir voulu trop fricoter, perdra comme le savetier de la fâble (sic) ses chansons et son somme mais ce ne sera pas pour les mêmes raisons.

    Les mauvaises années se succèderont, les terres fatiguées rendront moins. La mollesse et le luxe, en donnant la main aux aubergistes du coin de la route à Dumais, crayonneront d’un trait noir et lugubre ces images d’abondance rurale et de copieux bonheur que nous avons essayé de tracer.

    Un extrait de Histoire de la seigneurie de Lauzon, par J. Edmond ROY, vol. IV, p. 190, cité dans Bulletin des Recherches historiques, 1924, pp. 47 et 48. « L’hiver du Canada est tellement rigoureux qu’il semble à prime abord qu’il devrait resserrer et paralyser toutes les facultés actives de l’intelligence. Au lieu de fouetter le sang ne devrait-il pas au contraire l’engourdir? Cependant, contre les inconvénients de cette ennuyeuse saison le Canadien avait trouvé un antidote salutaire, c’était de se livrer aux plaisirs, à la danse (sic), aux festins. Le temps des fêtes commençait à la messe de minuit, au réveillon de Noël pour ne se terminer qu’à la veille du samedi des Cendres. Dans la nuit de Noël, à l’heure où les morts se lèvent de leurs sépulcres et viennent s’agenouiller autour de la croix du cimetière et qu’un prêtre – le dernier curé de la paroisse – en surplis et en étole, leur dit la messe, alors que les montagnes s’entrouvrent et laissent entrevoir les trésors enfouis dans leurs flancs, alors que les animaux parlent dans les granges et se disent la bonne nouvelle, voyez dans tous les villages les maisons s’illuminer comme par enchantement. C’est le commencement de la grande semaine qui se terminera par le jour de l’an. On ne dit pas le premier de l’an mais le jour de l’an, parce que ce jour-là à lui seul vaut toute l’année. La veille, à la tombée de la nuit, les jeunes gens se sont réunis. Armés de longs bâtons et de sacs profonds, ils vont de porte en porte chanter la guignolée : Bonjour le maître et la maîtresse Et tous les gens de la maison Nous avons fait une promesse De venir vous voir une fois l’an… Ils battent la mesure avec leurs bâtons, et dans leurs sacs, ils recueillent la chignée, c’est-à-dire l’échine d’un porc frais, que l’on destine aux pauvres, car il faut bien, eux aussi, qu’ils aient leur part de joie au jour de l’an. Longtemps d’avance, on a eu soin de dire aux enfants de ne pas pleurer, de ne point se quereller, mais d’être bons et obéissants. Ceux qui pleurent au jour de l’an ont les yeux rouges toute l’année. Aussi voyez comment ils sont graves, le matin, bien avant l’aube, lorsque tous ensemble, les plus âgés en tête, ils vont dans la grande chambre demander la bénédiction des vieux parents. Et comme les étrennes pleuvent de toutes parts. Ce jour-là tout le monde se visite et s’embrasse. Les ennemis se réconcilient et chacun en se serrant la main dit : Je vous la souhaite bonne et heureuse et le Paradis à la fin de vos jours. Nous avons parlé de la table frugale de nos ancêtres, mais pour le temps des fêtes, on interrompt d’une façon éclatante le perpétuel ordinaire. La femme, et par ce mot il faut entendre la maîtresse de la maison, cuisine pendant toute la semaine. Il n’y en a pas comme elle pour mettre la main à la pâte. Les longues tables se dressent, toutes couvertes de nappes ou de beaux draps blancs, et quelle hécatombe de pâtes, de tourtières, de ragoûts de toutes sortes, sans parler des jambons roses, dont la couenne enlevée a été remplacée par un damier de clous de girofle artistement piqués. L’habitant aime à ce que sa table ploie sous l’abondance des mets. Le petit verre de rhum de la Jamaïque circule de main en main et les pipes s’allument. Nos ancêtres avaient pour habitude, même aux moindres réunions de chanter à leurs dîners et soupers; les hommes et les femmes alternaient. On peut juger si au temps des fêtes les plus chanteux du village s’en donnaient. Dans les derniers jours qui précédaient le carême et que l’on appelle plus spécialement encore le carnaval ou les jours gras, les chevaux s’attellent, les carrioles glissent sur la neige et l’on va par bande festoyer gaiement chez les parents et les amis. Les violoneux battent la mesure de leurs talons, l’archette grinche et chacun choisit sa compagnie. En avant, la danse, c’est la gigue, c’est le cotillon, qui font tourner les couples endiablés. Bientôt les montagnards écossais passionnés pour la danse comme les Canadiens, introduiront le scotch reel et la hornpipe. Quelquefois des masques affublés de grossières défroques, feront irruption au milieu du bal : ce sont les mardis gras, et chacun leur fera la politesse, tout en essayant de découvrir qui ils sont, car souvent le diable s’est présenté ainsi déguisé chez des braves gens qui avaient entamé une gigue sur les premières heures du carême. Les premiers voyageurs anglais qui visitèrent le Canada, gens mornes et taciturnes qui traînaient avec eux partout où ils allaient les tristes ennuis de leur climat brumeux, ne pouvaient comprendre cette gaieté du paysan canadien toujours exubérante, hachée de rires sonores. Hélas un temps viendra ou cette belle gaieté disparaîtra. Le Canadien, imprévoyant comme le sauvage qui coupait l’arbre pour avoir des fruits, pour avoir voulu trop fricoter, perdra comme le savetier de la fâble (sic) ses chansons et son somme mais ce ne sera pas pour les mêmes raisons. Les mauvaises années se succèderont, les terres fatiguées rendront moins. La mollesse et le luxe, en donnant la main aux aubergistes du coin de la route à Dumais, crayonneront d’un trait noir et lugubre ces images d’abondance rurale et de copieux bonheur que nous avons essayé de tracer....