
- Au jour le jour, octobre 2010
Un paris censitaire
Le 6 octobre 1726, un nommé Pierre Quiscacon reçoit une concession des Jésuites. Il profite déjà depuis 1725 de cette terre du rang Saint-François-de- Borgia, ou rang de La Bataille, située dans la seigneurie de Laprairie-de-la-MadeleineBibliothèque et Archives nationales du Québec, Centre d’archives de Montréal (BAnQ-M), notaire G. Barette, concession à Pierre Quiscacon. . La terre voisine appartient à François Leber fils, laquelle jouxte celle de son frère Jacques. Les deux frères sont fils de François Leber, futur capitaine de milice de La Prairie (première mention en 1729).
Dans les registres de cette paroisse, il n’y a aucun acte de baptême, de mariage ou de sépulture au nom de Quiscacon ou d’une quelconque variante orthographique. Les greffes des notaires de l’époque ne contiennent aucun acte libellé sous ce nom (achat, vente, échange, rétrocession, donation, etc.).
MAIS QUI EST DONC PIERRE QUISCACON ?
Un premier indice apparaît dans l’acte de concession d’une terre à Jean-Baptiste Munié (Meunier) dit Lafleur en date du 26 juin 1742BAnQ-M, le même, 26 juin 1742, concession à J. Bte Lafleur. . L’acte stipule que la terre avait été concédée à Pierre Quiscacon, panis, le 6 octobre 1726, lequel demeurait chez le sieur Leber. La terre fut ensuite cédée à ce dernier puis rétrocédée en 1740 aux seigneurs jésuites. Le terrier de la seigneurie, en date de 1751Société d’histoire de La-Prairie-de-la-Magdeleine (SHLM), Fonds des Jésuites, Seigneurie de Laprairie-de- la-Madeleine, Terrier de 1751, p. 244, précise que :
Pierre Quiscacon est mort à la fin de mai 1727 et son père adoptif, François Leber père a hérité de lui, du consentement des seigneurs qui ont bien voulu lui faire cette grâce.
Ainsi, Pierre Quiscacon est un Amérindien adopté par François Leber père. L’acte de concession (à Munié dit Lafleur) de la terre qu’il a occupée le qualifie de panis. Il ne faut pas prendre ici panis au sens d’esclave. Le terrier nous apprend en effet que François Leber était bien son père adoptif et non son maître ou propriétaire. Un esclave ne pouvait pas contracter devant notaire, du moins sans l’accord explicite de son maître ou propriétaire. Tout indique que si Pierre avait déjà été esclave, il ne l’était plus à ce moment. Il était probablement originaire de la nation pawnee ou panise.
D’OÙ VIENT LE NOM DE QUISCACON ?
Nous avançons une hypothèse. Les Kiskakons formaient l’un des quatre clans de la tribu des Outaouais. KoutaoiliboeDonald Chaput, « Koutaoiliboe », Dictionnaire biographique du Canada, vol. II, 1701-1740, www.biographi.ca , un important chef outaouais appartenant au clan des Kiskakons de Michillimakinac vers les années 1700-1706, fut l’un des alliés les plus fervents et fidèles des Français. Peut-être notre Pierre provenait-il du clan des Kiskakons. Le notaire, en rédigeant l’acte de concession, tenait à lui attribuer un nom et il aurait choisi celui de son clan comme patronyme. On peut penser que les Kiskakons, ayant capturé cet enfant de la nation panise, l’ont ensuite troqué ou offert aux Français.
Dans le Dictionnaire des esclaves de Marcel TrudelMarcel Trudel, Dictionnaire des esclaves et de leurs propriétaires au Canada français, Cahiers du Québec/Histoire, Hurtubise HMH, Ville LaSalle, 1990, p. 33. , nous ne trouvons pas de Pierre Quiscacon ou Kiskakon. Par contre, il y figure un Pierre, amérindien, demeurant chez François Leber, baptisé le 15 juillet 1714, à l’âge de 9 ou 10 ans. Le registre paroissialJean-Pierre Pepin, Fonds Drouin numérisé, Paroisse de La Nativité-de-la-Sainte-Vierge-Marie de La Prairie, 1700-1715, p. 154 mentionne Marie-Anne Magnan, en tant qu’épouse de François Leber et marraine. Pierre y est qualifié de « petit sauvage », résidant chez François Leber. C’est notre Quiscacon, sans son patronyme.
François Leber et Marie-Anne se sont mariés à Montréal le 29 octobre 1698. Le couple a eu 13 enfants, dont 12 baptisés à La Prairie entre 1701 et 1720Bertrand Desjardins, Dictionnaire généalogique du Québec ancien, Programme de recherche en démographie historique (PRDH), Gaétan Morin éditeur, 2002. . En 1714, lors du baptême de Pierre Quiscacon, la famille Leber compte déjà 7 enfants vivants dont Jacques et François qui recevront des concessions en 1726, en même temps que Pierre Quiscacon. Toujours dans le dictionnaire de Trudel, juste au-dessous de l’entrée précédente, on trouve un Pierre, panis (l’acte de sépulture note panis de nation), inhumé le 22 mai 1727, en présence de Pierre Lefebvre. C’est encore notre Quiscacon que le terrier de 1751 dit être décédé à la fin de mai 1727. Ces deux Pierre sont donc le seul et même Quiscacon de l’acte de concession déjà cité.
Pierre a donc une dizaine d’années à son baptême en 1714. Il reçoit une concession en 1726, à l’âge de 22 ans et décède l’année suivante, à l’âge de 23 ans environ. Notons que, selon Marcel Trudel, à cette époque, la durée de vie moyenne des Amérindiens de sa condition (panis, esclaves ou adoptés) était de 20 ans. Chez les Amérindiens, les cultivateurs sont rares et les censitaires, encore plus. Pourtant, Pierre Quiscacon est bien un panis censitaire de la seigneurie de Laprairie-de-la-Madeleine, dans le rang de La Bataille.
N.D.L.R. Cette recherche de l’auteur fut publiée initialement sous la forme d’une notule généalogique dans le cahier 262 (volume 60, numéro 4, hiver 2009, pages 322 et 323) des Mémoires de la Société généalogique canadienne-française.

- Au jour le jour, septembre 2010
Notre prochaine conférence: L’histoire de la croix à la mémoire du 2e combat de La Prairie au rang de la Bataille
EXCEPTIONNELLEMENT, LA CONFÉRENCE AURA LIEU AU COMPLEXE
SAINT-LAURENT, SALLE LANCTOT (500, RUE SAINT-LAURENT, À LA PRAIRIE)
Érigée par la population locale et entretenue par elle depuis plus de 100 ans, cette croix de chemin commémore un événement historique (la bataille de 1691) et revêt un caractère tout à fait exceptionnel. Inauguration, bénédiction, allocutions prononcées, l’auditoire pourra revivre l’histoire de la croix à partir de photographies datant d’environ 1900 jusqu’à 2009. Une enquête verbale menée auprès d’une quinzaine de résidents et ex-résidents du rang de la Bataille révèle le rôle et l’importance de la croix dans la vie de la population locale, les noms des artisans de la rénovation majeure qu’elle a subie et une photographie datée, ainsi que des informations sur la famille de ces artisans.

- Au jour le jour, mars 2010
Le curé Florent Bourgeault de La Prairie
L’abbé Florent Bourgeault, curé de La Prairie de 1877 à 1892, est connu pour avoir participé aux grandes réalisations suivantes : l’ouverture du nouveau cimetière, l’établissement du noviciat des Frères de l’Instruction chrétienne, l’érection du monument à Kathéri Tekakwitha et l’érection de la croix du rang de La Bataille. Il a laissé un journal historique qui a déjà fait l’objet d’articles dans notre bulletin Au jour le jour.
Mais que savons-nous de lui avant son arrivée à La Prairie et après son départ ?
Florent Bourgeault est né le 23 février 1828 à Lavaltrie. Il est le fils de Victor Bourgeault et de Marie-Josephe Bourque.
Il a entre autres cousins le célèbre Victor Bourgeau, menuisier, charpentier, sculpteur et architecte, lequel a signé la façade et la décoration de l’église actuelle de La Prairie.
À la suite d’études classiques et théologiques à l’Assomption, il est ordonné prêtre à Lavaltrie en 1851. Il enseigne ensuite la philosophie et la théologie au collège de l’endroit jusqu’en 1855. Il devient alors vicaire à Saint-Polycarpe puis, la même année, le premier curé de Saint-Joseph-du- Lac et ce, jusqu’en 1859. Il est ensuite nommé curé de la Pointe-Claire où il remplace Mgr Fabre durant 18 ans, soit de 1859 à 1877, puis curé de La Prairie durant 15 ans, soit de 1877 à 1892. Devenu chanoine honoraire puis titulaire de la cathédrale de Montréal, il quitte la cure de La Prairie à la fin de septembre 1892, tout juste après avoir été désigné vicaire général à l’archevêché de Montréal.
À la mort de Mgr Fabre, il occupe l’important poste de vicaire capitulaire et administrateur de l’archidiocèse de Montréal. Il fait à cette occasion la première page du journal Le Monde illustré du samedi 16 janvier 1897, sur laquelle apparaît la photo ci-contre. Il s’agit plus précisément d’une gravure faite à partir d’une photographie signée L.-E. Desmarais, l’une des rares que nous connaissions de lui. Le journal souligne que Mgr Fabre avait souhaité, avant sa mort, voir son vicaire général, Monsieur le chanoine Florent Bourgeault, devenir vicaire capitulaire et administrateur de l’archidiocèse. Le Monde illustré se dit « heureux de lui payer un juste et public tribut d’hommage, de respect et de gratitude », à la suite de sa nomination.
À l’intérieur de l’édition du 17 juillet du même journal, la même photo réapparaît, cette fois malheureusement pour annoncer son décès survenu le 9 juillet 1897, en soirée. On affirme alors que M. le chanoine Florent Bourgeault remplaçait dignement le regretté Mgr Fabre. Il serait décédé des suites d’une congestion cérébrale.
Dans le dictionnaire biographique du clergé canadien-français, on le qualifie de conseiller prudent, profondément pieux, confident discret, doux et ferme à la fois, d’ami complaisant et de patriote ardent. Sa science théologique, ajoute-t-on, lui permettait de répondre sur-le-champ aux consultations les plus difficiles et les plus variées.
Notons aussi que Florent Bourgeault a fait partie du bureau de direction du journal catholique de Montréal, le Nouveau-Monde. Ainsi, après son départ de La Prairie à l’âge de 64 ans, loin de prendre une retraite paisible, notre curé connaît une vie fort active et assume d’importantes responsabilités.
Références
Allaire, J.-B.-A., Dictionnaire biographique du clergé canadien-français, St-Hyacinthe, 1908
Au jour le jour, décembre 1998, SHLM Dictionnaire biographique du Canada en ligne Journal d’un curé de campagne, SHLM
Le Monde illustré, 1897, BANQ, sur microfilm
Registres de la paroisse St-Antoine-de-Lavaltrie, 1809, 1867, Family Search en ligne
Registres de la paroisse St-Charles-sur- Richelieu, 1818, Family Search en ligne

- Au jour le jour, décembre 2008
Les marchands de la rue Sainte-Marie
Nous sommes en 1842. Vous habitez les environs de La Prairie et vous cherchez un magasin général où vous pourrez acheter quelques articles. Étant récemment établi dans la région, vous ne savez trop où aller.
Pas de problèmes : il faut vous rendre sur la rue Sainte-Marie. Pourquoi? Simple : on compte pas moins de dix (10) magasins généraux sur cette rue; vous y trouverez sans doute ce que vous cherchez.
Et si tel n’était pas le cas, tournez sur Saint-Joseph La rue Saint-Joseph deviendra plus tard la rue Saint-Georges., au bout de Sainte- Marie, vous y verrez deux autres magasins. En désespoir de cause et si vous n’êtes pas superstitieux, il en existe un treizième devant l’église, à l’autre bout de Sainte-Marie!
Treize magasins généraux à La Prairie? Vous ne me croyez pas? Je vais vous en donner les noms :
Sur la rue Sainte-Marie :
Bourassa, J. B. V.,
Charlton, John, & Co.,
Dupré, J. B. E.,
Dupré, A. E.,
Hébert & Couturier,
Hébert, J. A.,
Lacombe, C.,
Lanctôt, J. B.,
Powell, A. H.,
Sauvageau, A.,
Sur la rue Saint-Joseph (plus tard Saint-Georges) :
Sainte-Marie, Pierre,
Thomson, John, & Co. Voir La monnaie de John Thomson, Au Jour le jour, Octobre 2008, p. 2.
Sur la place du Marché : Probablement celle en face de l’église; elle a existé comme telle jusqu’aux environs de 1840.
Gariépy, D.
Voici le meilleur trajet pour vous y rendre.
Quand vous arrivez par le chemin de Saint-Jean, passez devant notre toute nouvelle église La nouvelle église de la Nativité, construite en 1840 et 1841. que vous ne manquerez sûrement pas d’admirer puis, tournez à votre gauche à la première rue.
Voilà; vous êtes sur la rue Sainte-Marie. Vous ne pouvez pas la manquer!
Sachez bien que je n’ai pas inventé tout ça pour faire mon Ti-Jos connaissant. Je l’ai lu dans le bottin des professionnels et hommes d’affaires de La Prairie, publié par Lovell. BANQ, Lovell’s Directory, 1842, Montréal et sa banlieue, La Prairie, pp. 264-266.
À vrai dire, c’est en anglais avec quelques fautes d’orthographe dans certains noms francophones mais, ça n’empêche pas de les reconnaître.
Le titre exact est « Lovell’s Business and professional directory for Laprairie (1842) » Et nous sommes bien en 1842, n’est-ce pas?
Maintenant que vous savez tout, je vous souhaite un bon magasinage et je demeure à votre disposition pour toute autre information.

- Au jour le jour, octobre 2008
La monnaie de John Thomson
Après la monnaie de François Plante, décrite dans le bulletin de novembre 2007, voici maintenant celle de John Thomson. Cet autre marchand de La Prairie, à l’instar de son confrère commerçant, utilise le même stratagème pour pallier à la pénurie de petite monnaie.
Nos lecteurs se souviendront que la crise financière de l’époque avait fait en sorte que les banques avaient suspendu leurs paiements et que les petits épargnants ne pouvaient plus retirer leurs économies. Les deux marchands de La Prairie ont choisi d’émettre des billets payables éventuellement au porteur, une fois la crise réglée, faut-il préciser.
Le billet ci-dessous, ou bon de marchand, vaut 30 sous ou 15 pence. Il a été émis par John Thomson, le 20 décembre 1837 à La Prairie et imprimé par Adolphus Bourne. On y voit au centre une pièce de monnaie coiffée de l’inscription « Quarter dollar ». Mais comment concilier tout cela?
En 1837, la monnaie canadienne n’existe pas et plusieurs devises circulent au Bas-Canada : la livre française, la livre anglaise, le dollar américain et même la piastre d’Espagne qui provient des colonies espagnoles.
La piastre d’Espagne et le dollar américain sont au pair et valent 6 livres françaises de 20 sous, soit 120 sous. Le billet de trente sous vaut donc un quart de piastre, ou un quart de dollar.
De son côté, la livre anglaise de 20 shillings de 12 pence, soit 240 pence, vaut 4 piastres d’Espagne. On compte donc 60 pence dans une piastre et 15 dans un quart de piastre, comme l’indique bien le billet de Thomson.
Voilà trois façons identiques de nommer une même valeur. Sur cet aspect, la monnaie de Plante demeure championne avec ses cinq nomenclatures. Par contre, celle de Thomson affiche une particularité intéressante : la pièce au centre de son billet ressemble étrangement à l’endos d’une piastre d’Espagne, à un détail près. La piastre espagnole qui circule alors au Bas-Canada est en réalité une pièce de 8 réaux, alors que celle affichée en est une de 2 réaux, soit un quart de piastre. Le compte est bon!
C’est Monsieur André Montpetit, président de l’Association de Numismatique et de Philatélie de Boucherville, qui nous a signalé ce bon de marchand apparaissant dans un catalogue de Charlton Standard.
John Thomson possédait un magasin général à La Prairie. Dans les années 1830 et 1840, il effectue plusieurs transactions immobilières sur divers lots du village. En 1837, il détient un terrain donnant sur la rue Saint-Joseph, situé derrière l’emplacement occupé de nos jours par les locaux de la Société d’histoire. Dans le bottin des professionnels et hommes d’affaires de 1842, son commerce a pignon sur la rue Saint-Joseph, devenue aujourd’hui Saint-Georges. Il exploite son entreprise sous la raison sociale de « John Thomson and Company » et est associé à John Dunn. Au recensement de 1852, tous deux habitent le village, se disent marchands, nés en Écosse et de religion baptiste. En 1861, John Thomson, alors âgé de 58 ans, demeure encore au village et se déclare toujours commerçant.
Thomson devient donc le deuxième marchand de La Prairie à émettre des billets payables au porteur, le 20 décembre 1837, après Plante, les 26 août et 1er septembre. Il faut croire que la formule avait du succès !
Sources :
BANQ, Annuaire Lovell, Montréal et sa banlieue, 1842, Business and professional directory.
JOLY, Jean, La monnaie de François Plante, Au jour le jour, vol. XIX, no 9, novembre 2007.
SHLM, ibidem, Le Bulletin, ANPB, vol. 41, no 4, novembre 2007
Musée de la monnaie, http://www.museedelamonnaie.ca/fre
Recensement de 1852, http://automatedgenealogy.com
Recensement de 1861, http://collectionscanada.ca
SHLM, Fonds des Jésuites, chemise 4.01.08

- Au jour le jour, juin 2008
La grande épopée du petit Jean-Baptiste
En l’année 2000, le gouvernement américain frappe le « golden dollar », en prévision du deuxième centenaire de l’expédition de Lewis et Clark. À l’endos, figurent un bébé et sa mère amérindienne qui le porte sur son dos.
La mère est Sacagawea, originaire de la tribu des Shoshones; elle fut capturée dans les Rocheuses par les Indiens Hidatsas et ramenée loin des siens par ces derniers. Le bébé se nomme Jean-Baptiste; il est le fils de Sacagawea et de Toussaint Charbonneau.
Toussaint, né à Boucherville le 22 mars 1767 du mariage de Jean-Baptiste Charbonneau et de Marguerite Deniau, vivait avec les Hidatsas quand Lewis et Clark l’engagèrent comme membre de l’expédition, à titre de guide et interprète. Toussaint parlait plusieurs dialectes indiens; il avait déjà travaillé pour la Compagnie du Nord-Ouest et l’American Fur Company. Au moins deux membres de l’expédition notent dans leur journal que Toussaint avait trois femmes (squaws). Seule Sacagawea l’accompagne dans le voyage.
Lewis et Clark sachant bien qu’ils auraient à traverser le pays des Shoshones comptaient sur la présence de Sacagawea pour leur faciliter la tâche. Aussi, la présence d’une femme et d’un enfant allait-elle donner un caractère pacifique à leur expédition avant tout militaire.
Ainsi donc, Toussaint et sa femme joignent l’expédition aux villages des Mandanes. Le convoi était parti le 14 mai 1804, non loin de Saint-Louis; il avait atteint ces villages le 26 août 1804. Les deux capitaines décidèrent de construire un fort pour y passer l’hiver. L’endroit se situe de nos jours non loin de Bismarck, ville du Dakota Nord.
Le 11 février 1805, à cet endroit, le journal du capitaine Lewis mentionne la naissance de Jean-Baptiste, le premier enfant de Sacagawea que Toussaint avait épousée officiellement, trois jours avant. Le 7 avril 1805, l’expédition part vers les pays inconnus du Nord; les villages des Mandanes représentaient en effet la limite ouest de l’exploration du continent par les Blancs. La troupe comprend alors les capitaines Meriwether Lewis et William Clark, 26 soldats, Toussaint Charbonneau et Georges Drouillard, engagés, Sacagawea et le petit Jean-Baptiste, York l’esclave noir de Clark et Seaman le chien de Lewis.
Le petit Jean-Baptiste voyagera 17 mois sur le dos de sa mère jusqu’à son retour en août 1806, âgé de 19 mois. Il aura franchi les Rocheuses, puis navigué sur le fleuve Columbia jusqu’au Pacifique et hiverné à 15 miles des rives de l’Océan.
Lewis l’appelle le papoose de l’expédition. Clark s’y attache particulièrement; il le surnomme son « little dancing boy » et aussi « Pomp ». Il donnera le nom de Pompey’s Tower à une formation rocheuse située sur le bord de la rivière Yellowstone, en l’honneur du petit Baptiste. On y trouve aujourd’hui le site national historique de Pompey’s Pillar. C’est Clark qui réussit à guérir le bébé, âgé alors de 15 mois, d’une enflure à la mâchoire, au cou et à la gorge en lui appliquant des cataplasmes de pelures d’oignons et de crème de tartre.
À la fin de l’expédition, Willian Clark habite Saint-Louis; il offre aux parents du jeune Baptiste de le prendre en charge chez lui afin de voir à son éducation. La ville, alors capitale des pelleteries, est prospère et francophone à 90 %. Clark paie les frais rattachés à l’instruction de son protégé et le jeune apprend à lire, à écrire et à calculer; il étudie ensuite l’histoire romaine et les auteurs classiques à l’Académie de Saint-Louis, fondée en 1818, devenue une université en 1838.
À l’âge de 18 ans, Jean-Baptiste rencontre le prince Paul Wilheml de Württember que son père Toussaint a guidé dans un voyage d’exploration dans la région du Missouri. Les aristocrates européens de l’époque sont fascinés par l’Ouest américain. Le prince Paul apprécie la personnalité et le vécu de Jean-Baptiste. Il devient son ami si bien qu’il rentre en Europe avec lui, en 1823.
Paul et Jean-Baptiste fréquentent les palais princiers et voyagent en France, en Angleterre, en Allemagne et même en Afrique, souvent dans des excursions de chasse. Après six ans de cette vie, Jean-Baptiste décide de rentrer dans son pays natal (1829).
Il travaille alors comme guide, interprète et « mountain man »; il parle français, anglais, allemand, espagnol, et aussi shoshone. On dit qu’il récite Shakespeare, le soir auprès du feu de camp. Jean-Baptiste se montre habile à choisir les routes, à trouver de l’eau et à estimer les distances. Il conduit un bataillon de Mormons du Nouveau-Mexique jusqu’en Californie, durant la guerre contre le Mexique en 1846-47. Il fait connaissance avec des hommes qui deviendront ensuite célèbres dont, entres autres, le fameux Kit Carson.
Le gouverneur de la Californie le nomme Alcade (fonctionnaire d’État) du district de San Diego en 1847. Il prend aussi part à la ruée vers l’or de 1848.
Jean-Baptiste travaille comme commis dans un hôtel d’Auburn en Californie (1861) puis part pour le Montana, toujours en quête d’or. Chemin faisant, il attrape une pneumonie et meurt à Inskip’s Ranche en 1866, âgé de 61 ans. Une plaque rappelle son souvenir près du village de Jordan Valley, dans le sud-est de l’Orégon.
Quelques biographies de Jean-Baptiste ont été rédigées par des auteurs américains dont au moins une à l’intention des jeunes. La fondation « Lewis and Clark Trail Heritage Foundation » a même organisé un « Pomp Party » à l’occasion du 200e anniversaire de sa naissance. Radio-Canada lui a consacré l’an dernier une émission de la série De remarquables oubliés. Fabuleuse, cette grande épopée du petit Jean-Baptiste!
Les sources :
Chaloult, Michel, « Les Canadiens de l’expédition Lewis et Clark », Septentrion, Québec. 2003.
Godbout, Archange, O.F.M., Les passagers du Saint-André, La Recrue de 1659, SGCF, Montré 1964.
PRDH Programme de recherche en démographie historique : www.genealogie.umontreal.ca
Société Radio-Canada : www.radio-canada.ca/radio
The Lewis and Clark Trail Heritage Foundation : www.lewisandclark.org
The Unites State Mint : www.usmint.gov
Image du golden coin : http://centercoin.com

- Au jour le jour, avril 2008
Qu’ont en commun ces résidents de La Prairie?
Qu’ont en commun Jean-Baptiste Bertrand, Joseph Payant, Jean-Baptiste Guérain (sic) et Louis Martin, à part d’être résidents de La Prairie, en 1821, avoir une bonne santé et aimer voir du pays?
Non, ils n’ont pas répondu à une publicité de l’armée canadienne parce que nous sommes à l’époque des deux Canadas, le Bas et le Haut et que l’armée canadienne n’existe pas encore, du moins souveraine!
Ils sont Voyageurs. En effet, le 7 mars 1821, ils se rendent à Montréal pour conclure, avec William Wallace Matthews, un contrat notarié de « voyageurs et hyvernants » d’une durée de trois ans. BANQ Centre des Archives de Montréal, greffe du notaire Griffin, bobine #3617.La veille, Joseph Houle et Pierre Binette font la même chose et le lendemain, c’est au tour de Louis Dupuis. Enfin le 10 du même mois, François Bourdeau et Joseph Guénette joignent le groupe.
Rappelons que le voyageur est un homme embauché sous contrat par une compagnie de traite pour transporter de la marchandise en canot entre les postes de traite et les entrepôts. www4.tfo.org/television/emissions/ rendezvous voyageur
L’hyvernant passe de plus tout l’hiver dans la forêt, dans un petit poste de traite, avec les amérindiens locaux. www.thecanadianencyclopedia.com
Dans le cas de ces neuf Laprairiens, le contrat spécifie un engagement d’une durée de trois ans, pour un montant annuel de 500 livres de « vingt copres », soit 1500 livres ancien cours, au total. Cette somme payable « en argent des États-Unis » équivaut à 250 piastres. ibidem réf. #1
Plusieurs monnaies circulent au Bas-Canada à cette époque. On y trouve, entre autres, des devises anglaises, françaises et espagnoles. JOLY, Jean, La monnaie de François Plante, Au jour le jour, vol XIX, no 9, SHLM.
Les neuf contrats ont ceci de particulier, à savoir que William Wallace Matthews y agit comme agent ou commis, pour le compte de l’American Fur Company et que le lieu de travail de nos voyageurs se situe quelque part « dans les limites ou les dépendances des États-Unis et les Pays Sauvages, dans le Haut Canada ». http://webtext.library.yale.edu/beinflat/ western.voyageur.htmCette compagnie, une rivale de la Compagnie de la Baie d’Husdon, appartient à John Jacob Astor, un homme d’affaire de New-York. http://digital.library.mcgill.ca/nwc/french/ history/ 03b.htm
Les engagés devront « se nourrir en bled d’Inde ou autre aliment obtenue (sic) dans les Pays Sauvages », en plus, bien sûr, de prendre soin de tout le matériel qui leur est confié et de s’abstenir de faire, comme certains déjà, la traite des fourrures pour leur propre compte.
De plus, ils agiront toujours dans le meilleur intérêt de la Compagnie et promettent aussi d’obéir à leur « bourgeois ». On appelle ainsi un agent de la Compagnie ou un associé qui assume la responsabilité d’un convoi de canots de voyageurs. http://digital.library.mcgill.ca/nwc/french/ reference/gloss.htm
L’engagé reçoit 6 piastres lors de la signature du contrat, ou quand il y appose son « X », et 4 piastres, à son départ; le tout en acompte sur ses gages, évidemment. Joseph Houle, qui contracte plus tôt que les autres, le 6 mars, en touche 8, à la signature et 2, au départ.
N’oublions pas l’équipement fourni : « une couverte de trois points, une couverte de deux points et demi, deux chemises de coton, une paire de souliers de bœuf, et un collier. »
C’est une offre que nos Laprairiens ne peuvent refuser, en prenant soin de trouver quelqu’un pour les endosser ou se porter garant, comme l’exige le contrat.
Ainsi, Joseph Houle père signe pour son fils et Pierre Binette père pour le sien. De son côté, l’aubergiste de Laprairie, Amable Barbeau, endosse les sept autres engagés; le fait-il à titre de philanthrope, ou promoteur, ou agent recruteur? Impossible de préciser.
Le retour prévu, et par le fait même la fin du contrat, apparaît ainsi dans la marge : « dans le cours du mois d’août 1824 ».
Bon voyage!

* * *
1 BANQ Centre des Archives de Montréal, greffe du notaire Griffin, bobine #3617.
2 www4.tfo.org/television/emissions/rendezvous voyageur
3 www.thecanadianencyclopedia.com
4 ibidem réf. #1.
5 JOLY, Jean, La monnaie de François Plante, Au jour le jour, vol XIX, no 9, SHLM.
6 http://webtext.library.yale.edu/beinflat/western.voyageur.htm
7 http://digital.library.mcgill.ca/nwc/french/history/ 03b.htm
8 http://digital.library.mcgill.ca/nwc/french/reference/gloss.htm

- Au jour le jour, février 2008
Le grand dérangement du chemin de St-Jean
Nous sommes le 17 mai 1815. Louis-René Chaussegros de Léry, Écuyer et Grand-Voyer pour le district de Montréal, s’amène chez Michel Dupuis, au village de La Prairie, où sont rassemblés l’inspecteur Joseph Hébert, le capitaine Joseph Hébert, Jean-Baptiste Raymond, écuyer, François-Jérémie Denau, Louis Denau, le capitaine Raphaël Brosseau, Nicolas Gagnon, Louis Demers et une trentaine d’autres propriétaires de terres ou d’emplacements de la paroisse.
À cette époque, le Grand-Voyer est responsable du développement et de l’entretien des voies publiques dont, entres autres tâches, celles de construire les chemins ainsi que les ponts, de les modifier ou réparer. Depuis 1766, une ordonnance du gouverneur Murray accorde un Grand-Voyer à chaque district de la province. En 1796, une loi confirme ses fonctions et permet même à ce dernier de nommer des inspecteurs locaux, tel l’inspecteur des chemins, Joseph Hébert, cité ci-haut.
Que se passe-t-il donc pour mobiliser tout ce beau monde? En fait, un groupe de propriétaires avait fait parvenir, à Louis-René Chaussegros de Léry, une demande de modification majeure au chemin de St-Jean. Suite à la réception de la requête, le Grand-Voyer l’avait fait lire et afficher à la porte de l’église paroissiale, après la messe du dimanche, le 14 mai, avec une invitation à tous les intéressés à se rendre chez Michel Dupuis, le mercredi suivant. C’était la procédure habituelle dans pareil cas.
En 1815, le chemin de St-Jean part près du fleuve, passe par la rue actuelle du Boulevard, donc derrière l’église, et se dirige vers la rivière St-Jacques qu’il longe jusqu’au chemin de Fontarabie. D’ailleurs, par la suite, dans certains actes notariés, la rue du Boulevard portera aussi le nom de « Ancien chemin St-Jean ». Sur le plan figuratif dressé par le Grand-Voyer, la ligne brisée, apparaissant au bas, représente l’ancien chemin (le surligné est un ajout pour fins d’illustration).
Les habitants s’intéressent vivement aux chemins, non seulement à ceux qui passent à leur porte mais aussi à ceux qu’ils doivent emprunter pour vaquer à leurs activités. Ainsi, beaucoup se plaignent de ne pouvoir entrer au village, à deux périodes de l’année, à cause des inondations, soit au printemps et à l’automne.
La requête concernée vise à déplacer le chemin de sorte qu’il parte près du fleuve, en plein village, passe devant l’église et quitte le village en longeant la Commune jusqu’au chemin de Fontarabie, soit grosso modo, son tracé actuel. Sur le même plan figuratif, la ligne presque droite, apparaissant au haut, représente le nouveau chemin (le surligné est un ajout pour fins d’illustration). Tous ne voient pas ce changement du même œil. Près du village, la veuve Nolin s’y oppose ainsi que six autres propriétaires de terres du côté de Fontarabie, situées un peu avant que la rivière ne bifurque. D’autres de la Bataille, La Fourche, Ste-Catherine et La Tortue s’y objectent également.
Le projet constitue vraiment un « grand dérangement », d’abord parce que le déplacement envisagé est physiquement important; il touche un segment du chemin de 24 arpents de long; ensuite parce que les répercussions chez certains habitants sont majeures. Pensons en effet à ceux dont les maisons et bâtiments sont situés près de l’ancien chemin ou entre celui-ci et la rivière; ils n’apprécient guère voir le chemin reporté à l’autre bout de leur terre. Pas moins de 24 petits ponts enjambent les ruisseaux et les coulées pratiquées par les habitants pour l’égouttement de leurs terres, en plus du grand pont qui franchit la rivière.
Ainsi donc, tout indique que l’on discute fort lors de la réunion du 17, dans la maison de Michel Dupuis. D’autant plus qu’une requête identique avait déjà été soumise au même Grand-Voyer, au cours de l’année 1809 et qu’une pareille assemblée avait eu lieu. Toutefois, Louis-René Chaussegros de Léry, par la suite, n’avait pas rédigé de procès-verbal. Il faut savoir que la décision d’un Grand-Voyer, dans le cas d’une construction de chemin, se manifeste par la rédaction d’un procès-verbal, lequel devient exécutoire une fois homologué par une instance judiciaire. Or, la requête et l’assemblée de 1809 n’ont pas eu de suite. Probablement que les requérants ne représentaient pas la majorité et que les opposants au projet l’ont emporté.
Mais, en 1815, le contexte diffère malgré l’expression de plusieurs oppositions, si bien qu’à l’assemblée du 17 mai, le Grand-Voyer fait lecture de la requête, entend les avis et opinions puis invite tous les intéressés à se rendre sur les lieux du tracé envisagé, le vendredi suivant. À dix heures, le matin du 19 mai 1815, le Grand-Voyer, accompagné du Major Raymond, de François-Jérémie Denau, du capitaine Raphaël Brosseau, de Nicolas Gagnon, Louis Demers, Amable Robert, Charles Duquet, Raphaël Demers, Joseph Côté, Jacques Senécal, Joseph Barilles, Joseph Normandin, Étienne Duclos, l’inspecteur Joseph Hébert et beaucoup d’autres se rend sur les lieux et, après avoir entendu les avis favorables et défavorables, prend la décision d’ordonner le changement demandé et rédige son procès-verbal.
Ce procès-verbal précise le tracé du nouveau chemin, à partir du fleuve jusqu’au chemin de Fontarabie et mentionne tous les propriétaires des terres et des emplacements qu’il traverse. Il ordonne l’abolition de l’ancien chemin, puis la construction d’un pont sur la rivière St-Jacques et celle de deux levées pour prévenir les inondations. Les travaux prescrits prennent la forme de corvées réparties entre tous les habitants concernés, depuis La Bataille, St-Raphaël, Fontarabie jusqu’à La Tortue et Ste-Catherine. Pas surprenant que les gens suivent alors le dossier de près. On dirait aujourd’hui un projet de route 30!
Mais, le procès-verbal ne constitue pas le point final. La procédure stipule qu’il doit être lu et affiché à la porte de l’église, après la messe du dimanche de même que les lieu et date de l’homologation prévue. L’inspecteur des chemins, Joseph Hébert, s’en charge et conserve le procès-verbal chez lui pendant huit jours, conformément à la procédure, avant de l’envoyer au Grand-Voyer; ce mécanisme permettra aux opposants de préparer une riposte en vue de l’homologation prévue le dix juillet, à la Cour de Quartier des Sessions de la Paix, à Montréal.
Maître Stuart, avocat, présente alors à la Cour une opposition à l’homologation du fameux procès-verbal, au nom de Raphaël Brosseau, écuyer et de plusieurs autres habitants du village, de La Fourche, Fonrarabie, La Bataille, Ste-Catherine et La Tortue. De toute évidence, il n’obtient pas gain de cause puisque la Cour de Quartier de Session de la Paix décide de procéder à l’homologation du procès-verbal, le 19 juillet 1815, ce qui le rend exécutoire.
Et le nouveau chemin de St-Jean fut, puisque nous roulons aujourd’hui dessus. Fait cocasse à noter : au sortir du village, il passait devant l’entrée du verger de l’inspecteur des chemins.
Le lecteur intéressé trouvera le procès-verbal au local de la SHLM avec le plan figuratif dressé par le Grand-Voyer, pour consultation seulement, trop tard pour une opposition!
Sources :
BANQ, Centre des archives de Montréal, E2, S1, D4
Procès-verbaux du Grand-Voyer Louis-René Chaussegros de Léry, 16 mars 1813-11 septembre 1816 : pp. 81-86, no 182, 19 mai 1815
Procès-verbal qui change une partie du chemin qui conduit de La Prairie à St-Jean dans la Paroisse de la Prairie de la Magdeleine (#182)
BANQ, Centre des archives de Montréal, P60, S7, P8
Plan Figuratif d’un Espace de Terre Enclavé entre La Commune Et le Chemin du Roy telle quillexiste depuis le Chemin de descente chez Pierre Gagnon à venir Jusques dans le Village des Prairies.
S. R. C. de Léry G.V.
Fonds Élisée Choquet, SHLM
http://www.ville.quebec.qc.ca/fr/ Grand-Voyer

- Au jour le jour, décembre 2007
Nicolas Joly 1686-1774 (suite)
Nicolas Joly, « hommes d’affaires »
Notre aubergiste, à l’affût des bonnes affaires, ne dédaigne pas les transactions immobilières. Il met à profit son réseau de miliciens et de militaires.
Il vend des emplacements, ou des lots, à Pierre Perro (sic), soldat de la compagnie de Monsieur de St-Ours (1729), à François Guy, ancien capitaine de milice (1765), à Louis Drinville, capitaine de milice (1765). Il reçoit le transport d’une obligation de la part d’Antoine Boyer, fils d’Antoine, le capitaine de milice (1743).
L’aubergiste ne limite pas ses affaires à ce réseau. Par exemple, il achète, de Pierre Pépin, une terre à la côte Saint-Philippe (1728). Il vend, au tisserand Guillaume Lemaître (1738), un emplacement situé au fort de La Prairie. Il achète d’Anne Dumas, veuve de Louis Bertrand, un emplacement situé au « bourg de La Prairie » qu’il vend à Pierre-Joseph Rainville, 17 jours plus tard (1743). Ainsi donc, pas moins de 12 transactions immobilières furent retracées, entre 1728 et 1767.
Le schéma ci-dessous identifie, par leur numéro, les emplacements situés au village, acquis puis cédés par Nicolas, entre 1728 et 1767, soit par échange, achat, vente ou donation :
Nicolas Joly, père de famille
En bon père de famille, notre Nicolas s’occupe de l’avenir de ses quatre filles. Il n’aura pas toutefois de descendance qui perpétuera son patronyme.
Marie-Marguerite épouse André Roy, le fils d’André maître-forgeron, le 3 février 1744. Marie-Suzanne Roy, fille de ce couple et donc petite-fille de Nicolas, mariera Jacques Robert, à Saint-Philippe en 1765 et sera la mère de Joseph-Marie Robert, le patriote.
Françoise-Catherine épouse Louis-Amable Perthuis, interprète pour le roi et fils de Nicolas, le 17 janvier 1757, à La Prairie. Le couple s’établit au Sault-au-Récollet, à Montréal.
Louise-Antoinette marie Jacques Sauvage, veuf de Marie-Anne Bardet, le 20 février 1770, à La Prairie. Le couple vit à Montréal.
Marie-Madeleine Joly entre dans la Congrégation Notre-Dame et devient soeur Sainte-Julienne. Son père est alors dit « bourgeois négociant » dans l’acte notarié daté du 21 octobre 1754. Il s’engage à payer en dot, à la Congrégation, la jolie somme de 2000 livres. Selon Élisée Choquet, la bonne soeur terminera une belle et longue carrière religieuse, à l’âge de 83 ans, dont 56 passés en communauté.
Nicolas Joly, retraité
En 1765, le couple Joly-Baudet vend ses lots 97, 98 et 99, situés au village de La Prairie puis se retire de la vie active. Nicolas fera quelques prêts par la suite mais sans plus. Le couple se retrouve chez leur fille Françoise et leur gendre Louis Perthuis, à Montréal, au Sault-au-Récollet. En 1767, Nicolas Joly et son épouse font donation de tous leurs biens à leur fille Louise, célibataire; cette dernière se mariera ensuite à Jacques Sauvage, en 1770.
Nicolas décède le 6 juin 1774, à l’âge réel de 88 ans et 5 mois, même si son acte de sépulture du 8 juin lui en donne 96. Il est inhumé à la paroisse Saint-François-Régis (St-Philippe). Son épouse, Marie-Madeleine Baudet, le suivra en 1776, âgée de 85 ans et sera inhumée au même cimetière.
Que ces quelques notes biographiques puissent contribuer à faire connaître ce Nicolas Joly, de La Prairie, ainsi que sa famille.
Sources
BANQ, Centre d’archives de Montréal :
Greffe du notaire Antoine Adhémar, CN601, S2,
Greffe du notaire Joseph Lalanne, CN601, S228
Greffe du notaire Pierre Lalanne, CN601, S229
Greffe du notaire François Lepailleur, CN601,S259
Greffe du notaire Antoine Foucher, CN601, S158
Greffe du notaire Guillaume Barette, Cn601, S15
Dictionnaire biographique du Canada en ligne,
www.biographi.ca
Joly, Jean, « Le combat de la coulé Grou : 300 ans déjà », in Mémoires de la Société généalogique canadien-ne-française, vol 41, no 2
Lavallée, Louis, La Prairie en Nouvelle-France, 1647-1760, McGill-Queen’s University Press, Montréal et al., 1993
Lefebvre, Jean-Jacques, « Les Officiers de milice de Laprairie…. » in Mémoires de la Société royale du Canada, 4e série, tome VII, 1969
RAB du PRDH, Université de Montréal,
Actes des baptêmes, mariages et sépultures
www.genealogie.umontreal.ca/
Société d'histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine :
Fonds Élisée Choquet,
Plan du Village de La Prairie de La Magdeleine,
Inventaire des ordonnances des intendants de la Nouvelle-France
Société historique du Marigot,
Fonds Drouin numérisé :
paroisse St-Joseph de Chambly,
paroisse La Nativité de La Prairie-de-la-Magdeleine

- Au jour le jour, décembre 2007
Nicolas Joly 1686-1774
Nicolas Joly, fils de Nicolas et de Françoise Hunault, est né à Rivière-des-Prairies en 1686; il est baptisé le 14 janvier, à l’église de Pointe-aux-Trembles car les registres de la paroisse Saint-Joseph de Rivière-des-Prairies ne seront ouverts qu’en 1687. Nicolas, le père, décède le 2 juillet 1690, tué par les Iroquois à la bataille de la coulée Grou. Lorsque la veuve se remarie en 1691, un inventaire des biens est alors préalablement dressé et le jeune Nicolas, fils du défunt, y est mentionné. Aucune trace de lui par la suite.
Le couple Nicolas Joly et Marie Baudet fait baptiser une fille à La Prairie, en 1724. Le mariage demeure introuvé. René Jetté estime qu’il devrait avoir eu lieu vers 1723. Le couple ne figure pas au recensement ni dans la documentation courante concernant les pionniers de La Prairie.
Les parents de Marie Baudet, souvent appelée Marie Grandin, sont demeurés longtemps inconnus jusqu’à ce que le PRDH, par présomption, identifie Marie comme étant le dixième enfant né du couple Jean Baudet et Marie Grandin. Dans les registres et les actes notariés, Marie porte parfois le nom de sa mère (Grandin).
Comment expliquer l’absence de mention de Nicolas Joly dans les documents, de 1691 jusqu’à 1724?
Nicolas Joly, soldat
Le 20 septembre 1722 à Chambly, lors du baptême d’un enfant Bessette, un Nicolas Joli (sic) figure comme parrain. Il est dit soldat de la compagnie de Sabre-vois et il signe l’acte en présence de son capitaine. Comment savoir qu’il est bien le même individu? En comparant sa signature et celle de l’époux de Marie Baudet, aucun doute ne persiste : tous les deux signent « N. Joly » accompagné d’une paraphe. Le soldat, parrain à Chambly en 1722, se marie donc peu de temps après pour s’établir à Laprairie. Il apposera toujours cette même signature. Son métier de soldat explique l’absence de mention au recensement et sa présence à Chambly; son mariage lui permet de quitter la vie militaire, vers 1723
Jacques-Charles de Sabrevois devient en 1702 capitaine d’une compagnie des troupes du détachement de la marine; il participe quelques années après, en 1709, à la défense du pays contre Nicholson qui attaque par la voie du Lac Champlain. Il occupe le poste de commandant de Détroit, de 1715 à 1717, et du fort Chambly, de 1720 à 1724.
Impossible malheureusement de trouver traces du soldat Joly dans les missions de son commandant.
Nicolas Joly, huissier royal
Gilles Hocquart, intendant de la Nouvelle-France, émet une ordonnance, le 26 juillet 1730, par laquelle il confère à Nicolas Joly, habitant de Laprairie de la Madeleine, une commission d’huissier royal dans l’étendue des seigneuries de Châteauguay et de Laprairie de la Madeleine.
Le huissier royal administre la justice dans sa région. Il voit à l’affichage et à la lecture des ordonnances de l’intendant. Il distribue et récolte les amendes, livre aux habitants les sommations à comparaître et procède aux arrestations. Le huissier était une personne respectée par les habitants, vu ses fonctions.
Nicolas, en 1730, a une famille de 4 enfants; deux autres sont déjà décédés peu après leur naissance. Il possède un terrain avec une maison, sur la rue de l’Ange-Gardien, près du presbytère et de l’église. Il s’agit des lots 57 et 58 où il affiche son enseigne.
Nicolas Joly, aubergiste
En effet, dans diverses transactions de lots, faites par actes notariés en 1738 et en 1744, à La Prairie, ainsi qu’au mariage de sa fille en 1745, Nicolas est qualifié de « maître-aubergiste ». Il apparaît encore comme aubergiste et témoin en 1751 (Hodiesne, 17 juillet). Dans son ouvrage « La Prairie en Nouvelle-France 1647-1760 », Louis Lavallée en fait mention, en parlant des cabaretiers :
…mais l’un des plus remarquables demeure, certes, ce Nicolas Joly qui est maintes fois présent comme témoin dans les minutes notariales et dont l’auberge a été sous le régime français l’un des hauts lieux de la sociabilité villageoise. »
Il est certain qu’à titre d’ancien soldat Nicolas s’était fait un important réseau d’amis et de connaissances parmi les militaires et officiers de milice de la région, soit une clientèle de choix pour une auberge!
Nicolas agit et signe comme témoin dans le contrat intervenu entre les seigneurs, les Pères jésuites et les censitaires de Laprairie pour un changement de date de paiement des rentes seigneuriales. Pas moins de 13 officiers de milice signent le document daté de 1745 (notaire Souste, 26 septembre).
Mais les liens subsistent en dehors de l’auberge, comme par exemple lors des mariages. Ainsi, Jean Lefort, capitaine de milice, est présent au mariage de Marie, la fille de Nicolas. Jacques Hubert, capitaine de milice de Laprairie, assiste au mariage de Françoise-Catherine, la cadette des soeurs Joly.
Inversement, Nicolas Joly est présent au mariage de Jean Matignon Sansoucy, soldat de la compagnie de M. de St-Ours (1729), à celui de René Dupuy, fils du capitaine de milice du même nom (1739), ainsi qu’à celui de Margueri-te Lefebvre, fille de Pierre, capitaine de milice (1746).