Sélection d'une édition

    Le dîner interrompu, 1873, extrait

    « Le dialogue entre Jocrisse, le cuisinier et Plumet, son maître, nous permet de saisir l’influence française dans le choix de mets et le langage quotidien de l’homme du peuple.»

     

    PLUMET

    Allons ! Bon !…Ah ! à propos, Jocrisse, as-tu bien cherché dans ta tête à nous trouver quelques morceaux choisis ? hein ! mon gaillard, toi qui connais les bons mets ?

    JOCRISSE (riant)

    Ah ! ma foi, not’maître, à votr’école on n’peut pas aimer les mauvais.

     

    LAFLUTE (à part)

    En a t’y ! En a-t’y dans sa tête !

     

    PLUMET

    Voyons, voyons, un petit aperçu de ce que tu vas me donner, sauf ce que je dois apporter en revenant.

    JOCRISSE

    Dame ! not’maître, j’ai tout r’passé dans ma mémoire les mets que j’sais d’voir goût : primà, premièrement, d’abord : Un salmis aux fines herbes, pomme d’amour pour entourage.

     

    PLUMET

    Bravo ! c’est excellent ce plat-là !

    JOCRISSE

    Seconda, pour le second plat : la persillade en vinaigrette, redoublement de tomates ou pommes d’amour avec addition de cornichons

    PLUMET (il passe la langue sur ses lèvres à chaque mot)

    De mieux en mieux, continue donc !

    JOCRISSE

    Troissio… Canards aux oignons, sauce parisienne à la russe et gélatine.

    PLUMET

     

    Excellent! excellent! Ensuite? ensuite?

     

    JOCRISSE

    "Quatritia" Un petit cochon d’lait farcé aux truffes.

    PLUMET (vivement)

    Un petit cochon de lait, Jocrisse, ah ! tu me mets dans le ravissement ! Un p’tit cochon d’lait Ah !… après ?

    JOCRISSE

    Après…après… Dame, not’maître, j’crois qu-c’est déjà pas mal raisonnable.

    PLUMET

    Oh ! Jocrisse ! Jocrisse ! toi dont les idées fourmillent… tu oublies mon mets favori !

    JOCRISSE

    Quoi ?… Quoi ?… ma foi, du diable si j’y suis.

    PLUMET

    Il est vrai qu’il y a diablement longtemps que je n’en ai mangé ! Eh bien, Jocrisse… ce met… c’est… des oreilles de cochons piquées, entrelardées de truffes et de fines herbes!… Hein ? ……

    « Le dialogue entre Jocrisse, le cuisinier et Plumet, son maître, nous permet de saisir l’influence française dans le choix de mets et le langage quotidien de l’homme du peuple.»   PLUMET Allons ! Bon !...Ah ! à propos, Jocrisse, as-tu bien cherché dans ta tête à nous trouver quelques morceaux choisis ? hein ! mon gaillard, toi qui connais les bons mets ? JOCRISSE (riant) Ah ! ma foi, not’maître, à votr’école on n’peut pas aimer les mauvais.   LAFLUTE (à part) En a t’y ! En a-t’y dans sa tête !   PLUMET Voyons, voyons, un petit aperçu de ce que tu vas me donner, sauf ce que je dois apporter en revenant. JOCRISSE Dame ! not’maître, j’ai tout r’passé dans ma mémoire les mets que j’sais d’voir goût : primà, premièrement, d’abord : Un salmis aux fines herbes, pomme d’amour pour entourage.   PLUMET Bravo ! c’est excellent ce plat-là ! JOCRISSE Seconda, pour le second plat : la persillade en vinaigrette, redoublement de tomates ou pommes d’amour avec addition de cornichons PLUMET (il passe la langue sur ses lèvres à chaque mot) De mieux en mieux, continue donc ! JOCRISSE Troissio… Canards aux oignons, sauce parisienne à la russe et gélatine. PLUMET   Excellent! excellent! Ensuite? ensuite?   JOCRISSE "Quatritia" Un petit cochon d’lait farcé aux truffes. PLUMET (vivement) Un petit cochon de lait, Jocrisse, ah ! tu me mets dans le ravissement ! Un p’tit cochon d’lait Ah !... après ? JOCRISSE Après…après… Dame, not’maître, j’crois qu-c’est déjà pas mal raisonnable. PLUMET Oh ! Jocrisse ! Jocrisse ! toi dont les idées fourmillent… tu oublies mon mets favori ! JOCRISSE Quoi ?... Quoi ?... ma foi, du diable si j’y suis. PLUMET Il est vrai qu’il y a diablement longtemps que je n’en ai mangé ! Eh bien, Jocrisse… ce met… c’est… des oreilles de cochons piquées, entrelardées de truffes et de fines herbes!... Hein ? ……...