
- Au jour le jour, juin 2025
Fête de la Saint-Jean-Baptiste
Les festivités de la Saint-Jean-Baptiste sont de retour après une année d’absence dans le parc du Sentier du Vieux-Fort de La Prairie le 24 juin prochain et la SHLM sera responsable de l’organisation d’un camp militaire de l’époque de la Nouvelle-France.
Ce camp sera animé par les membres de la Garnison de Montréal, groupe de reconstitution historique spécialisé sur l’époque des Compagnies franches de la Marine en Nouvelle-France (1685-1760).
Venez passer la journée avec les vaillants soldats qui ont défendu le fort de La Prairie à l’époque des rois Louis XIV et Louis XV.
Plusieurs activités sont prévues : défilé militaire, école du soldat pour les jeunes, atelier sur l’histoire de l’uniforme et visite du campement de la garnison.
Nos locaux seront ouverts toute la journée et les visites guidées seront gratuites.
Bonne Saint-Jean-Baptiste !

- Au jour le jour, juin 2025
Décès de monsieur René Barbeau
C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès du doyen de nos membres.
Monsieur René Barbeau est décédé le vendredi 23 mai dernier à l’âge vénérable de 102 ans.
Il avait fêté son dernier anniversaire de naissance le 30 avril. J’ai eu le privilège de passer une entrevue d’histoire orale avec monsieur Barbeau en 2024.
Ses mémoires vivantes du passé de La Prairie sont précieusement conservées dans nos archives.

- Au jour le jour, juin 2025
Mot du président
Départ de madame Caroline Laberge
Lors de la dernière réunion du conseil d’administration de la SHLM, le 8 mai dernier, notre archiviste et directrice générale, madame Caroline Laberge, nous a annoncé qu’elle quittait son poste pour un nouvel emploi avec la MRC des Maskoutains. Femme de cœur et de tête,
Caroline a toujours su mener à terme les projets spéciaux de la SHLM (conférences, expositions estivales, archives à voix haute, Société d’histoire de la seigneurie de La Prairie, les visites effrayantes…) et gérer avec brio les opérations quotidiennes avec nos bénévoles et nos membres.
C’est le cœur lourd que nous avons accepté sa démission et son mandat à la SHLM s’est terminé le 13 juin dernier. Nous tenons ici à la remercier pour ses quatre années avec nous et nous lui souhaitons les meilleurs succès dans ses nouvelles fonctions. C’est monsieur David Barrette, étudiant en archivistique et ancien guide, qui assurera l’intérim jusqu’à l’automne. Le conseil d’administration décidera de la suite des choses à ce moment-là.
Au revoir, Caroline, à bientôt et merci encore !
Antoine Simonato, président

- Au jour le jour, décembre 2022
Brossard et La Prairie – la guerre du Golfe
Introduction
L’opinion publique et les conflits modernes évoluent en fonction des technologies de l’information qui changent et se perfectionnent année après année. La dernière décennie a été marquée par les téléphones intelligents qui permettent d’enregistrer et diffuser rapidement du contenu au moment des faits tandis que les années 80 et 90 avaient vu l’émergence de reportages télévisés en direct, surtout en Occident. Les auditeurs assistaient depuis leur foyer, grâce aux grandes chaînes médiatiques, à la guerre en temps réel.
Trente ans auparavant, l’Occident s’embarquait dans la guerre du golfe Persique. Le Canada y prit part militairement et les répercussions de cette guerre se répercutèrent jusque sur la Rive-Sud de Montréal, où des acteurs de Brossard et La Prairie se sentirent concernés. Le journal Brossard-Éclair documenta les actions et propos de ceux-ci pendant les 48 jours que la guerre dura.
Les étudiants
Au matin du mardi 15 janvier 1991, une coalition comprenant les États-Unis et leurs alliés déclenchèrent l’opération « Desert Shield » avec pour but de libérer le Koweït de l’occupation irakienne[1] qui avait commencé le 2 août 1990. Le 15 janvier était la date limite donnée à l’Irak pour qu’elle retire ses troupes du Koweït.
C’est aussi cette même journée, selon les dires du Brossard-Éclair, que spontanément, une centaine d’élèves de l’école secondaire Antoine-Brossard sortirent dans les rues de la ville de Brossard en manifestant pour la paix[2]. Ces étudiants marchèrent jusqu’à l’école Monseigneur-A.-M.-Parent à Saint-Hubert, soit environ une heure de marche pour 5,5 kilomètres.
La manifestation regroupait près de 300 personnes[3]. De plus, la manifestation, par sa spontanéité et le fait qu’elle se déroula durant des examens, laissa planer une exclusion de ces élèves des évaluations pour absence non motivée. Les élèves revinrent de leur marche vers 12 h 30.
Le lundi 16 janvier, un groupe plus petit d’étudiants d’une autre école secondaire, celle de la Magdeleine à La Prairie, allèrent manifester eux aussi pour la paix en marchant jusqu’à Antoine-Brossard, en solidarité.
La Maison Internationale de la Rive-Sud
Les étudiants ne furent pas les seuls acteurs à manifester leur opposition à la guerre.
Le directeur de la Maison Internationale de la Rive-Sud[4] à l’époque, Rafael Hernandez, se vit consacrer une page dans le Brossard-Éclair la semaine suivante[5].
En plus de militer pour la paix, Hernandez déplora l’intervention du Canada dans cette guerre en faisant remarquer que le pays était une terre d’accueil pour les réfugiés de ces conflits. Hernandez commenta aussi l’aspect du contrôle de l’information de la guerre :
« La censure énorme empêche les individus d’avoir des informations pertinentes alors que les gens ont droit de savoir ».
Huit mois suivant la fin de la guerre, le 25 octobre, la MIRS, dans le but de conscientiser les habitants de la Rive-Sud de Montréal sur les effets locaux de la guerre, organisa une conférence gratuite à Brossard intitulée « La guerre du Golfe, impact sur la population locale ». La sociologue Aida Kaouk du Centre d’Étude des Arabes pour le développement vint parler des conséquences psychologiques, sociales et politiques de la guerre du Golfe sur les populations du Moyen et Proche-Orient[6].
Fernand Jourdenais
À l’époque, la circonscription fédérale de La Prairie comprenait aussi la ville de Brossard. Son député, Fernand Jourdenais, élu sous la bannière des progressistes-conservateurs, parti de Brian Mulroney, appuya la résolution votée en chambre. Celle-ci voulait que le Canada soutienne les actions militaires de l’ONU contre l’Irak. Cependant, Jourdenais était tiraillé par les nombreux intérêts divergents qu’il y avait au sein de son comté.
D’une part, la circonscription de La Prairie comptait autour de 550 militaires y résidant[7]. Il faut comprendre que lors de cette guerre, aucune infanterie canadienne ne fut envoyée dans les combats terrestres. Ce fut plutôt un soutien mutu
el entre les forces navales et aériennes de l’armée canadienne appelé « opération Friction »[8]. D’autre part, Jourdenais était conscient qu’il y avait plusieurs communautés musulmanes, presque entièrement concentrées à Brossard, qui ne soutenaient pas l’intervention militaire canadienne.
Dans l’édition du 24 février 1991, Jourdenais se positionne unilatéralement en faveur de l’intervention canadienne tout en tentant de se justifier auprès de ses détracteurs au sein de sa circonscription :
« Je suis complètement contre la guerre […], mais c’est dommage que pour avoir la paix, il faut la guerre. Saddam Hussein […] doit sortir du Koweït ou qu’on le sorte de force ».
Coïncidemment, la même journée que les propos du député fédéral furent rapportés dans le journal fut celle où la coalition menée par les États-Unis prit part aux premiers combats terrestres contre les forces irakiennes[9] occupant le Koweït. Les forces aériennes et navales canadiennes continuèrent ainsi leur soutien aux forces terrestres de la coalition jusqu’au 28 février, soit le jour de la libération du Koweït.
Le conseil des musulmans de la Rive-Sud
Comme tous les aut
res acteurs locaux, le conseil des musulmans de la Rive-Sud s’opposait lui aussi à la guerre du Golfe tout en faisant valoir sa position ferme quant à l’implication du Canada dans la guerre.
Le pays devait se retirer immédiatement d’une guerre jugée immorale et plutôt négocier avec l’Irak pour trouver une solution à l’amiable[10].
Le conseil s’était réuni le dimanche 3 février au centre Émile-Nelligan à Brossard pour y tenir une conférence de presse. Cinq organismes musulmans y étaient présents : la communauté musulmane de la Rive-Sud, la Société d’éducation de l’Arabe aux musulmans, l’école El-Nour et la Mosquée de Longueuil.
Bien que tous les organismes musulmans s’entendissent sur un retrait des forces armées canadiennes, il y avait des divergences d’opinions quant à l’interprétation de la situation au Moyen-Orient. Certains le percevaient comme servant les intérêts de l’impérialisme américain, d’autres évoquaient des comparaisons avec Israël, le Liban et les Palestiniens.
Mais, ce que voulut mettre de l’avant le conseil lors de la conférence de presse, ce fut surtout la discrimination, le racisme et le harcèlement dont des membres de leurs communautés furent victimes dans leur vie de tous les jours sur la Rive-Sud de Montréal :
« J’étais avec mon épouse et mon enfant de 15 ans lorsque le chauffeur nous a fermé la porte au nez. [Et de s’être fait dire :] Maudits misérables, retournez donc chez vous. »[11]
Le conseil craignait qu’une longue implication du Canada dans la guerre aille endommager l’acceptation sociale des Arabes et musulmans dans la société canadienne.
Conclusion
La guerre du Golfe se termina avec la libération du Koweït et l’occupation temporaire de la partie sud-ouest de l’Irak par les membres de la coalition. En se retirant du Koweït, les troupes de Saddam Hussein mirent le feu à plus de 600 puits de pétrole dont certains continuèrent de brûler durant quelques mois. Un cessez-le-feu fut annoncé par le président Bush le 28 février. Le 3 mars, un armistice fut négocié avec l’Irak[12].
Malgré sa courte durée, la guerre du Golfe interpella plusieurs acteurs sur la Rive-Sud de Montréal, dans ce cas-ci, surtout à La Prairie et Brossard. Le professeur universitaire français en science politique, Arnaud Mercier, dans un article publié deux ans après le conflit, tenta d’expliquer comment les médias et les armées des pays occidentaux réussirent à contrôler la violence diffusée :
L’analyse qui a guidé le comportement des acteurs de cette guerre est que la violence, les images de douleur et de mort, sont devenues insupportables dans les sociétés occidentales. Il faut donc les cacher pour ne pas occasionner dans l’opinion un choc émotionnel propre à contrarier la conduite des objectifs politiques de l’État, passant ici par la guerre. […]
La violence a été montrée, mais elle fut euphémisée, mise en scène, simulée, voire esthétisée. […] La mise en scène. Elle a été recherchée systématiquement par les acteurs du conflit. Ainsi, l’adversaire a-t-il été stigmatisé comme la brute, celui qui recourt de façon illégitime à la violence. Les catégories de jugement manichéennes du bon et du mauvais se sont plaquées sur les présentations médiatiques de la guerre. […] Il fallait, face à la perte des repères de la guerre froide, retrouver immédiatement un ennemi qui redonne une identité et justifie le prolongement des programmes militaires[13].
Ainsi, y avait-il consensus pour la majorité des populations de la Rive-Sud de Montréal en faveur de l’intervention militaire du Canada dans la guerre du Golfe? Est-ce que les acteurs s’y opposant n’étaient finalement que des groupes minoritaires? La guerre du Golfe marqua néanmoins les débuts de l’ère du direct en Occident pour les guerres qui s’ensuivirent.
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[1] Richard Gimblett, « Guerre du golfe Persique (1990-1991) », l’Encyclopédie Canadienne (2016) : dernière modification le 17 juin 2020, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/guerre-du-golfe-persique-1990-a-1991.
[2] Brossard-Éclair, édition du dimanche 20 janvier 1991, p. 3. Les photos en noir et blanc ont été prises par les journalistes du Brossard-Éclair Léo Gagnon, Robert Côté et Jean Laramée.
[3] Idem.
[4] La MIRS est un organisme créé en 1975 à Brossard avec pour but, entre autres, d’accueillir les nouveaux arrivants et d’aider à leur intégration au Québec et dans la région de Montréal. L’organisme est toujours actif aujourd’hui : https://mirs.qc.ca/nos-services/.
[5] Brossard-Éclair, édition du dimanche 20 janvier 1991, p. 4.
[6] Brossard-Éclair, édition du dimanche 13 octobre 1991, p. 14.
[7] Idem.
[8] Gimblett, Guerre du golfe Persique (1990-1991). 2016.
[9] Gouvernement du Canada, « Bataille et phases : Gulf phase 2 », dernière modification le 1er janvier 2020, https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/battles-and-stages/gulf-stage-2.
[10] Brossard-Éclair, édition du dimanche 10 février 1991, p. 3.
[11] Brossard-Éclair, édition du dimanche 10 février 1991, p. 3.
[12] Richard Gimblett, « Guerre du golfe Persique (1990-1991). » l’Encyclopédie Canadienne (2016) : dernière modification le 17 juin 2020. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/guerre-du-golfe-persique-1990-a-1991.
[13] Arnaud Mercier, « Médias et violence durant la guerre du Golfe », Cultures & Conflits 9-10 (1993) : https://doi.org/10.4000/conflits.296.
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Bibliographie
Journal Brossard-Éclair, éditions de janvier à octobre 1991.
Gimblett, Richard. « Guerre du golfe Persique (1990-1991) ». L’Encyclopédie Canadienne (2016); Dernière modification 17 juin 2020. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/guerre-du-golfe-persique-1990-a-1991.
Gouvernement du Canada. « Bataille et phases : Gulf phase 2 ». Dernière modification le 1er janvier 2022, https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/battles-and-stages/gulf-stage-2.
Mercier, Arnaud. « Médias et violence durant la guerre du Golfe ». Cultures & Conflits 9-10 (1993) : https://doi.org/10.4000/conflits.296.

- Au jour le jour, janvier 2022
Jean-Baptiste Cantin et les De Montigny (4)
1916
Le 2 janvier, Cantin et le corps expéditionnaire retournent aux tranchées. L’ami du couple en profite pour envoyer quelques cartes postales à De Montigny annonçant son départ. Ces cartes illustrent la destruction dont sont témoins les troupes canadiennes partout où elles passent.


Le 15 janvier, Cantin reçoit un paquet de tabac canadien de la part de De Montigny. Le soldat lui envoie quatre autres cartes postales l’informant sur sa santé et le temps qu’il fait.
De février à avril, la correspondance de Cantin se résument surtout à deux bagues qu’il souhaite envoyer aux De Montigny :
6 février : « Monsieur, j’ai fait un oubli en vous demandant vos mesure de doigts pour les bagues. Envoyer moi la mesure de votre demoiselle svp. D’un ami. »
19 mars : « Monsieur, je dois vous envoyer vos bagues ces jours ici. »
18 avril : « Monsieur, je vais vous expédier vos bagues ces jours ici. Écrivez immédiatement sur reception s.v.p. En bonne santé tout est bien pour le moment. »
Cantin passa l’été 1916 à combattre en Belgique.
Vers la fin du mois d’août, le corps expéditionnaire se dirigea vers le front de la Somme[1], en France qui avait commencé presque deux mois plutôt, le premier juillet.
Selon les rapports médicaux contenus dans son dossier militaire, Cantin fut blessé gravement le 8 septembre 1916, quelque chose lui ayant perforé le milieu du bras gauche. Il fut déclaré sourd de l’oreille droite, crachant du sang en plus d’avoir été gazé[2]. Le 26 septembre, il se remit de ses blessures et fut déclaré apte à reprendre son poste de sergent du corps expéditionnaire.

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1917-1919
Jean-Baptiste Cantin fut libéré de ses fonctions militaires le 29 juin 1919, à l’âge de 40 ans[3]. On peut supposer que Cantin retourna à La Prairie retrouver le couple De Montigny à leur hôtel pour y passer du bon temps, raconter ses faits d’armes et probablement prendre un verre.
D’ailleurs, dans l’une de ses nombreuses lettres envoyées en 1915 à De Montigny, Cantin fit part de son amour pour la bière canadienne : « […] 5 cents la bière vous souvenez-en juger maintenant par vous-même.
Quand on sort des tranchées et que nous sommes sur la réserve, on peut acheter de la bière a 2 sous le verre elle est forte comme la petite bière d’épinette canadien on pense souvent a la Molson et le cheval noir[4] de Lachine. »
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[1] Roy, R.H., et Richard Foot, « Le Canada et la bataille de la Somme ». Dans l’Encyclopédie Canadienne. Historica Canada. Article publié décembre 21, 2006; Dernière modification décembre 11, 2018. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/bataille-de-la-somme
[2] Bibliothèque et Archives Canada, Dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, Recherche : base de données, Item : Cantin, John Baptiste (26175), https://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-militaire/premiere-guerre-mondiale/dossiers-personnel/Pages/item.aspx?IdNumber=86651
[3] Idem.
[4] Il s’agit de la bière Black Horse très populaire à l’époque.

- Au jour le jour, janvier 2022
Jean-Baptiste Cantin et les De Montigny (3)
Par la suite, Cantin reviendra à quelques reprises sur la bataille d’Ypres avec deux cartes qu’il envoie le 23 juillet. Il insiste beaucoup sur les effets dévastateurs qu’a eus cette bataille sur la ville belge.


Les mois passent et les cartes postales envoyées au couple De Montigny se résument à des messages très courts sur sa santé et sur le temps qu’il fait. Les combats se poursuivent dans les tranchées en sol français.
Le 22 décembre, Cantin et le corps expéditionnaire rentrent à Londres passer les vacances de Noël. Le soldat montréalais en profite pour envoyer quatre cartes postales.
À Domina, il fait sa grande annonce : « Monsieur, j’ai l’honneur de vous dire que je suis nommé sergent maintenant alors j’ai porté trois galons que j’ai gagné sur la ligne de feu. »
À Albina, il lui fait part en trois cartes postales de sa visite des endroits touristiques de Londres.




- Au jour le jour, janvier 2022
Jean-Baptiste Cantin et les De Montigny (2)
Les attaques aux gaz ainsi que les conditions de vie dans les tranchées semblent avoir marqué Cantin au point de se demander si l’opinion publique de son pays s’indignera des horreurs de la guerre.
Le 4 juillet, Cantin envoie quatre cartes postales, deux à De Montigny et deux autres à Albina. Celles-ci, en plus d’être très révélatrices de la relation amicale entre le couple et le soldat montréalais, nous montrent aussi la perception genrée de la guerre. Domina, l’homme, s’intéresse aux objets de guerre tandis que Albina, la femme, reçoit des cartes à connotation positive symbolisant le souvenir, l’amitié et l’espoir.





- Au jour le jour, janvier 2022
Jean-Baptiste Cantin et les De Montigny (1)
Candidat à la maîtrise en histoire à l’Université de Montréal (UdeM), Antoine Simonato est membre du CA de la SHLM depuis quelques années.
Domina De Montigny et Albina Guérin, quelques années après leur aventure au Klondike, décidèrent en 1907 d’acheter et de rénover l’Hôtel Martin (l’actuel 228 rue Sainte-Marie). Ils tinrent cet hôtel ouvert aux voyageurs et gens des environs jusqu’en 1922[1]. C’est durant cette période, à partir de 1915, que le couple De Montigny a entretenu une correspondance par cartes postales avec un certain Jean-Baptiste Cantin, un de leur ami montréalais qui se porta soldat volontaire dans les forces expéditionnaires canadiennes.
C’est une courte partie de l’histoire de Jean-Baptiste Cantin qui sera racontée à travers la correspondance qu’a reçue le couple De Montigny. C’est aussi une histoire qui lie deux habitants de La Prairie au conflit sans précédent que fut la Première Guerre mondiale. Même s’il est souvent question d’histoire locale, celle-ci est interconnectée d’une manière ou d’une autre aux évènements ailleurs dans le monde.
Qui est Jean-Baptiste Cantin?
Jean-Baptiste Cantin naquit le 29 avril 1879 dans le village de Pointe-aux-Trembles, situé à l’extrémité est de l’île de Montréal. Selon son dossier du Corps expéditionnaire canadien[2], il s’est enrôlé le 22 septembre 1914 à l’âge de 35 ans. Il mesurait 1,75 mètre, avait les yeux bleus et les cheveux poivre et sel. Il fut affecté à l’unité du 14e bataillon des forces expéditionnaires canadiennes avec pour matricule 26175[3].
Dans son dossier, il n’est mentionné que deux membres de sa famille immédiate, soit sa sœur Béatrice Tardif, à laquelle il lègue dans son testament tous ses avoirs s’il venait à mourir. Son autre sœur est Mme Joseph Marrn[4]. Célibataire, il occupait précédemment les emplois de jardinier et de cocher.
1914
Si l’on se fie à l’histoire du corps expéditionnaire canadien[5], bien que le Canada, en tant que dominion de l’Empire britannique, entra immédiatement en guerre en août 1914 contre les empires centraux dont l’Allemagne, le pays n’avait pas de force militaire prête à s’engager dans la Grande Guerre.
C’est ainsi que le Canada proposa à l’Angleterre l’envoi de 25 000 hommes. 35 000 se portèrent volontaires, dont 30 617 composèrent le premier contingent[6].
Jean-Baptiste Cantin fut l’un d’eux. Avec le corps expéditionnaire, il entreprit jusqu’en octobre, un entraînement rapide à la base militaire de Valcartier (Québec) pour ensuite être envoyé en Angleterre[7]. Cantin et le reste du corps expéditionnaire s’entraînèrent alors jusqu’à la fin janvier 1915 avant d’être envoyés en France où se déroulaient alors les combats du front de l’Ouest.
1915
Le 27 janvier 1915, le soldat montréalais envoya cette carte postale (voir au haut de cette page) à Domina De Montigny avec la note suivante:
« Monsieur, Je crois que se sont les dernières nouvelles que je vous envoie sur le sol anglais. Nous somme en bonne santé. Nous partons pour la France le 1 février. J.B. Cantin »
Celle-ci est la plus vieille carte postale de Cantin que la SHLM possède dans le fonds d’archives P20[8]. Cantin et le corps expéditionnaire canadien avaient alors terminé leur formation dans la zone d’entraînement militaire se trouvant sur la plaine de Salisbury, dans le sud-est de l’Angleterre.
Il faudra attendre jusqu’au 30 avril avant que Cantin ne réécrive à De Montigny. Cette fois-ci, il s’agit d’une lettre envoyée à La Prairie par l’entremise du YMCA (Young Men’s Christian Association). Dans celle-ci, Cantin raconte sa blessure subie lors de la deuxième bataille d’Ypres, en Belgique :
[…] J’ai été blessé à l’épaule gauche et a la jambe droite a la hauteur de la cuisse. J’ai a vous dire que les obus des allemands sont dur car il u en a une qui a fait explosion pret de moi j’étais sur une hauteur et quand je me suis réveillé j’étais dans un fossé a plusieurs verges. Je suis encore souffrant du gaz que j’ai respiré les journeaux doivent vous en avoir parler avant moi.[9] […]
En effet, la deuxième bataille d’Ypres a vu, pour la première fois de la guerre, l’utilisation d’armes chimiques[10] par les Allemands. Cantin et le corps expéditionnaire y subirent de graves blessures.
Pendant le mois de mai, le soldat montréalais écrivit une autre lettre ainsi qu’une carte postale mettant au courant De Montigny de l’évolution de son séjour à l’hôpital.
Cantin se remit de ses blessures le 10 juin et envoya une carte postale avec une question adressée à De Montigny : « Monsieur, […] quel est l’opinion de la guerre nous il suffit d’être aux tranchées pour ne rien connaitre. Écrire c’est notre seule satisfaction que nous avons dans les tranchées. Quand les obus ne nous inonde pas trop. […][11] »
Note: Toutes les transcriptions sous les images sont exactes. Aucune correction orthographique ou grammaticale n’a été appliquée.
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[1] Lucien Martin, La Prairie. Regard sur un passé glorieux. 2017, 41-51.
[2] Bibliothèque et Archives Canada, Dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, Recherche : base de données, Item : Cantin, John Baptiste (26175), https://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-militaire/premiere-guerre-mondiale/dossiers-personnel/Pages/item.aspx?IdNumber=86651
[3] Idem.
[4] Idem.
[5] Stacey, C.P., « Corps expéditionnaire canadien ». Dans l’Encyclopédie Canadienne. Historica Canada. Article publié février 06, 2006; Dernière modification mars 29, 2020. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/corps-expeditionnaire-canadien
[6] Idem.
[7] Idem.
[8] Fonds d’archives P20, Archilog, SHLM.
[9] Fonds d’archives P20, Archilog, SHLM.
[10] Roy, R.H., et Richard Foot, « Le Canada et la deuxième bataille d’Ypres ». Dans l’Encyclopédie Canadienne. Historica Canada. Article publié juillet 27, 2006; Dernière modification décembre 04, 2018. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/deuxieme-bataille-dypres
[11] Fonds d’archives P20, Archilog, SHLM.

- Au jour le jour, octobre 2020
Urbanisation et environnement
Introduction
J’arrive bientôt à la fin de mon baccalauréat en histoire après presque trois années passées à l’Université de Montréal. C’est l’histoire de l’environnement qui a retenu mon attention et qui continue de nourrir ma passion pour la discipline en général. La plupart du temps, lorsqu’un historien rédige l’histoire, elle reflète souvent les enjeux de son époque. Quoi de mieux que de réinterpréter un moment pivot de l’histoire de La Prairie en ces temps incertains avec la Covid-19 et la menace des changements climatiques qui se fait de plus en plus pressante. Je vous propose ici une réinterprétation de notre histoire locale.
Urbanisation et environnement dans les années 70
La planification urbaine de l’environnement de La Prairie a commencé très tardivement en 1965 avec un premier plan directeur d’urbanisme. En effet, La Prairie était très peu organisée d’un point de vue d’aménagements urbains, s’étalant surtout d’est en ouest par rapport au fleuve Saint-Laurent dont les habitants considéraient, durant le 19e siècle et antérieurement, ce grand cours d’eau comme une richesse devant être exploitée plutôt que leur milieu de vie. Ce premier plan de trois pages ne proposait aucun agrandissement important du vieux village, mais plutôt une réorganisation sur papier de la ville en plusieurs quartiers distincts. Il faudra attendre une dizaine d’années plus tard pour qu’arrive un plan directeur d’urbanisme beaucoup plus ambitieux.
Parait alors dans l’édition du journal Le Reflet du mercredi 28 août 1974 l’annonce du nouveau projet de développement urbain à 300 millions de dollars par la compagnie GOREDCO (Gulf Oil Real Estate Development Co.) Claudette Houde, membre active de la SHLM, fait part d’un commentaire du ministre des Affaires municipales de l’époque sur le projet en question :
« Le ministre des Affaires municipales, le Dr Victor Goldbloom, s’est réjoui de la volonté de la Compagnie qui veut préserver et créer de nombreux espaces verts. Cette protection de l’environnement devrait pouvoir contribuer à une meilleure qualité de vie dans cette ville nouvelle que l’on veut une réponse réelle aux besoins des habitants. »
Dans son plan directeur, GOREDCO souhaitait améliorer la qualité de vie des habitants de La Prairie, urbaniser 2 600 acres supplémentaires sur tout le territoire de 10 510 acres dont 1 450 l’étaient déjà. De ces 2 600 acres, il était prévu que 520 acres seraient transformés en parcs et terrains de jeux, soit l’équivalent de 20%. Les promoteurs de GOREDCO avaient amené avec eux à La Prairie cette idéologie urbaine de nouvelle-ville, née aux États-Unis au début des années 60 et se voulant différents de l’organisation des banlieues traditionnelles d’après-guerre par sa vision « libérale, progressiste, et inclusive ». Cette idéologie amenait une conception nouvelle du rôle que devait avoir l’environnement dans la vie de banlieue :
« Like many American reformers, Rouse wholly believed in the ability of the physical environment to improve community and individual character. […] “We must believe because it is true, that people are affected by their environment-by space and scale, by color and texture, by nature and beauty; that they can be uplifted, made comfortable, important; become more productive workers, more agreeable clients, more expensive customers.” This belief in the effect of environment on character guided his new town’s design. »

- Au jour le jour, octobre 2020
Urbanisation et environnement (suite 1)
Un aperçu de ce que devait être La Prairie à la fin du projet de GOREDCO.
Par sa vision moderne et futuriste de la banlieue, le projet fut accueilli avec bienveillance autant par les politiciens fédéraux que par les provinciaux et municipaux de l’époque. Deux jours seulement après l’annonce du projet, un éditorial paru dans Le Reflet l’appuya fortement tout en s’attaquant à une éventuelle opposition citoyenne.
« Avec la publication du rapport sur le plan de développement de La Prairie par la compagnie GOREDCO, les éternellement sceptiques qui peuplent notre vieille cité en prennent pour leur rhume. […] Rien n’est ménagé pour allier le sain environnement de la campagne à la proximité des services […] De nombreux obstacles restent à surmonter, dont l’adhésion de la population n’est pas le moindre. […] Il serait regrettable qu’il divise une population dont il ne veut que servir les intérêts. »
Cette opposition se concrétisa finalement durant la campagne électorale de 1975 à La Prairie avec un opposant au maire sortant Jean-Marie Lamoureux, soit Roméo Brisson. Il avait comme slogan « GULF ne doit pas décider de la planification de La Prairie » et sa plateforme consistait à donner plus de pouvoir à la ville en matière d’aménagement en y renforçant les corps municipaux. Néanmoins, Lamoureux se fit réélire, donnant raison ainsi aux partisans de la ville nouvelle. Une majorité des acteurs de La Prairie désiraient donc voir ce grand projet se concrétiser. Les politiciens allaient de l’avant en faisant la promotion qu’une meilleure vie citoyenne allait de pair avec un bel environnement, mais ils espéraient aussi que La Prairie puisse obtenir une certaine indépendance par rapport à Montréal grâce au raccordement futur aux réseaux techniques.
Dans son plan directeur, GOREDCO mentionne qu’elle a travaillé avec la Direction générale de l’urbanisme du Ministère des Affaires municipales pour élaborer trois schémas d’aménagements possibles à atteindre. Tous ces schémas ont comme points communs l’accroissement démographique et le raccordement de la population aux réseaux techniques dans le but de favoriser une plus grande indépendance pour La Prairie.