Sélection d'une édition

    Cet héritage venu de France

    De par le monde, toutes les langues parlées sont dites “vivantes”; elles évoluent, s’adaptent, accueillent les changements. Les francophones du Québec et de l’Acadie ont conservé des mots qui ne figurent plus dans la liste de l’Académie française. Ces mots, venus avec nos ancêtres, ont fait partie du vocabulaire actif de toutes les générations qui nous ont précédées en terre d’Amérique. Observons-nous ! Avons-nous utilisé les mots suivants ?

    Queuqu’un

    Queuqu’un. Quelqu’un. Nous disons aussi queuque-x-un. Chifflet, grammairien du Grand Siècle, nous avertit que c’est mieux de ne pas faire sonner le l de quelqu’un : les honnêtes gens disaient queuqu’un. Que l’on cherche bien dans les différents parlers dialectaux de France et l’on y trouvera de nos jours la même prononciation. La première syllabe, queu, se mouille en Acadie : tcheu.
     

    Poque

    Poque. Onomatopée. Coup sec et bruyant : ça fait poque en tombant. À un certain jeu d’enfant, on frappe le front en disant : Poque, poque la mailloche. Au Canada, le mot se dit, comme en vieux français pour bosse, meurtrissure : cet enfant s’est fait une grosse poque en tombant.
     

    Pace que

    Pace que. Pace que, le r tombant. C’est de l’ancien français : “Par la prédication du bon empereor Henri, et pace que chascun estoit desirans de conquerre sor ses anemis”. (VILLEHARDOUIN)
     

    Tiré de : Poirier, Pascal, Le Glossaire acadien, Éditions d’Acadie, 1993.

    De par le monde, toutes les langues parlées sont dites “vivantes”; elles évoluent, s’adaptent, accueillent les changements. Les francophones du Québec et de l’Acadie ont conservé des mots qui ne figurent plus dans la liste de l’Académie française. Ces mots, venus avec nos ancêtres, ont fait partie du vocabulaire actif de toutes les générations qui nous ont précédées en terre d’Amérique. Observons-nous ! Avons-nous utilisé les mots suivants ? Queuqu’un Queuqu’un. Quelqu’un. Nous disons aussi queuque-x-un. Chifflet, grammairien du Grand Siècle, nous avertit que c’est mieux de ne pas faire sonner le l de quelqu’un : les honnêtes gens disaient queuqu’un. Que l’on cherche bien dans les différents parlers dialectaux de France et l’on y trouvera de nos jours la même prononciation. La première syllabe, queu, se mouille en Acadie : tcheu.   Poque Poque. Onomatopée. Coup sec et bruyant : ça fait poque en tombant. À un certain jeu d’enfant, on frappe le front en disant : Poque, poque la mailloche. Au Canada, le mot se dit, comme en vieux français pour bosse, meurtrissure : cet enfant s’est fait une grosse poque en tombant.   Pace que Pace que. Pace que, le r tombant. C’est de l’ancien français : “Par la prédication du bon empereor Henri, et pace que chascun estoit desirans de conquerre sor ses anemis”. (VILLEHARDOUIN)   Tiré de : Poirier, Pascal, Le Glossaire acadien, Éditions d’Acadie, 1993....

    Notre parlure – L’habitant

    Comme nous parlions des habitants de Nouvelle-France, nous vous fournissons plus de détails sur cet habitant ainsi que quelques exemples de notre parlure, héritage que les Acadiens et les Canadiens-français ont conservé du parler de l'ancienne France.
     

    Sous le régime français, on appelait un habitant le tenancier qui s'établissait à demeure au Canada sur une terre qu'il prenait à redevance, en opposition à ceux qui n'y faisaient qu'un séjour temporaire comme les fonctionnaires, les soldats, les coureux-de-bois. De tenancier, l'habitant est devenu propriétaire.
     

    Le mot est resté, mais non pas sans prendre un sens légèrement péjoratif. Ceci est probablement dû au fait que, dans l'ancienne langue, manant et habitant se disaient l'un pour l'autre et étaient également méprisés des nobles et des grands : "Habitant et canadien étaient synonymes", nous dit Geoffrion, (Zigzags [autour de nos parlers]).
     

    Le terme habitant, en Acadie, est inusité dans le sens que lui donnent les Canadiens: c'est fermier que nous disons. Le cultivateur acadien est un fermier qui a le titre, l'entière propriété de sa terre, à l'égal du farmer anglais, à l'égal de l'habitant canadien d'aujourd'hui : "Quand je dis paysans (du Canada), je me trompe; il faut dire habitants, car ce titre de paysan n'est non plus reçu ici qu'en Espagne, soit parce qu'ils ne payent ni sel, ni taille; qu'ils ont la liberté de la chasse et de la pêche, ou qu'enfin leur vie aisée les met en parallèle avec les Nobles" (LA HONTAN, [Nouveaux] Voyages [de Mr le baron de La Hontan], 1684).

    Ceci montre que, déjà sous Colbert, le mot habitant s'était relevé et avait pris, dans la colonie au moins, ses lettres de noblesse.
     

    Tant qu'à parler des habitants, aussi bien en rajouter un petit peu. Nicolas-Gaspard Boisseau, notaire et juge de paix, décrit dans ses Mémoires la vie des habitants.
     

    "Le printemps qui commence dans ce pays vers le 25 ou 26 avril, ils ensemencent leur terre, ce qui dure environ quatre semaines, pendant lesquelles ils sèment du blé, de l'avoine, des pois et des patates pour engraisser leurs animaux, du lin dont ils se font des chemises et autres vêtements. Ils ont aussi des moutons avec la laine desquels, mêlée avec du fil, ils se font de bons habits. De sorte qu'ils n'ont recours aux villes marchandes que pour certaines choses dont ils ne peuvent absolument se passer ou qu'ils ne recueillent pas sur leurs terres, telle que l'eau-de-vie, la mélasse dont ils se servent pour sucre, le tabac en poudre car, pour celui de fumer, ils en vendent en quantité chaque année, l'huile qui leur sert de chandelle; et un habillement complet d'étoffe étrangère qu'ils achètent tous les deux ou trois ans, le conservant pour les fêtes et les dimanches.
     

    Lorsqu'un habitant a fini ses semences, ajoute Boisseau, il raccommode ou fait des clôtures, dont toutes leurs terres sont séparées pour éviter le dommage que pourraient faire les animaux d'un chacun sur la terre de son voisin; ils font ou nettoient les fossés pour égoutter les eaux qui, sans cela, inonderaient leurs terres. Ils font ensuite leurs foins pour hiverner leurs animaux. Les foins faits, ils commencent à couper leurs grains, ce qui dure cinq ou six semaines, suivant le beau ou mauvais temps. Suivent immédiatement les labours qu'ils font ainsi l'automne par rapport au printemps trop tardif dans ces contrées. À peine ont-ils fini leur labour, que l'hiver s'avance à grands pas et amène au commencement de novembre, chaque année, une quantité de neige dont ils profitent pour couper leur bois qu'ils traînent aussitôt pour se garantir du froid de 25 à 30 degrés qui dure très souvent six mois."

    Comme nous parlions des habitants de Nouvelle-France, nous vous fournissons plus de détails sur cet habitant ainsi que quelques exemples de notre parlure, héritage que les Acadiens et les Canadiens-français ont conservé du parler de l'ancienne France.   Sous le régime français, on appelait un habitant le tenancier qui s'établissait à demeure au Canada sur une terre qu'il prenait à redevance, en opposition à ceux qui n'y faisaient qu'un séjour temporaire comme les fonctionnaires, les soldats, les coureux-de-bois. De tenancier, l'habitant est devenu propriétaire.   Le mot est resté, mais non pas sans prendre un sens légèrement péjoratif. Ceci est probablement dû au fait que, dans l'ancienne langue, manant et habitant se disaient l'un pour l'autre et étaient également méprisés des nobles et des grands : "Habitant et canadien étaient synonymes", nous dit Geoffrion, (Zigzags [autour de nos parlers]).   Le terme habitant, en Acadie, est inusité dans le sens que lui donnent les Canadiens: c'est fermier que nous disons. Le cultivateur acadien est un fermier qui a le titre, l'entière propriété de sa terre, à l'égal du farmer anglais, à l'égal de l'habitant canadien d'aujourd'hui : "Quand je dis paysans (du Canada), je me trompe; il faut dire habitants, car ce titre de paysan n'est non plus reçu ici qu'en Espagne, soit parce qu'ils ne payent ni sel, ni taille; qu'ils ont la liberté de la chasse et de la pêche, ou qu'enfin leur vie aisée les met en parallèle avec les Nobles" (LA HONTAN, [Nouveaux] Voyages [de Mr le baron de La Hontan], 1684). Ceci montre que, déjà sous Colbert, le mot habitant s'était relevé et avait pris, dans la colonie au moins, ses lettres de noblesse.   Tant qu'à parler des habitants, aussi bien en rajouter un petit peu. Nicolas-Gaspard Boisseau, notaire et juge de paix, décrit dans ses Mémoires la vie des habitants.   "Le printemps qui commence dans ce pays vers le 25 ou 26 avril, ils ensemencent leur terre, ce qui dure environ quatre semaines, pendant lesquelles ils sèment du blé, de l'avoine, des pois et des patates pour engraisser leurs animaux, du lin dont ils se font des chemises et autres vêtements. Ils ont aussi des moutons avec la laine desquels, mêlée avec du fil, ils se font de bons habits. De sorte qu'ils n'ont recours aux villes marchandes que pour certaines choses dont ils ne peuvent absolument se passer ou qu'ils ne recueillent pas sur leurs terres, telle que l'eau-de-vie, la mélasse dont ils se servent pour sucre, le tabac en poudre car, pour celui de fumer, ils en vendent en quantité chaque année, l'huile qui leur sert de chandelle; et un habillement complet d'étoffe étrangère qu'ils achètent tous les deux ou trois ans, le conservant pour les fêtes et les dimanches.   Lorsqu'un habitant a fini ses semences, ajoute Boisseau, il raccommode ou fait des clôtures, dont toutes leurs terres sont séparées pour éviter le dommage que pourraient faire les animaux d'un chacun sur la terre de son voisin; ils font ou nettoient les fossés pour égoutter les eaux qui, sans cela, inonderaient leurs terres. Ils font ensuite leurs foins pour hiverner leurs animaux. Les foins faits, ils commencent à couper leurs grains, ce qui dure cinq ou six semaines, suivant le beau ou mauvais temps. Suivent immédiatement les labours qu'ils font ainsi l'automne par rapport au printemps trop tardif dans ces contrées. À peine ont-ils fini leur labour, que l'hiver s'avance à grands pas et amène au commencement de novembre, chaque année, une quantité de neige dont ils profitent pour couper leur bois qu'ils traînent aussitôt pour se garantir du froid de 25 à 30 degrés qui dure très souvent six mois."...

    Notre parlure – Maganer

    Maltraiter, malmener. Une idée de coups, de sévices, s'attache à ce mot, d'un emploi universel tant au Canada qu'en Acadie et dans toutes les parties de l'Amérique où l'on trouve des descendants de premiers colonisateurs. Cette universalité, ce ne variatur dans la forme, montre qu'il nous est arrivé de France dans sa toilette définitive.

    Comment se fait-il alors qu'on ne le trouve nulle part dans les écritures de France?
     

    Maganer a subi le sort d'un très grand nombre de vocables originaires de la Germanie : les scribes de France se sont trouvés, à cause de l'indigence de notre alphabet, dans l'impossibilité de le noter phoniquement.
     

    Car, pour le trouver dans la vieille langue française, on l'y trouve. Mais voyez ce à quoi il ressemble : "Faibles et vieux mehaignez, /Par qui pains ne sont plus gaignez". (Roman de la Rose);"Lung adoucis!, lautre mehaigne". (CHARTIER); "Le plus foible mahaigne". (Il maltraite le plus faible). (DESCHAMPS, vol. v, p. 211 ).
     

    Monstrelet écrit : 'Tellement qu'ils tuèrent et mehaignèrent la plupart des dits archers";/ "Et maaingniez sui de mon corps". (VILLEHARDOUIN).

    Puis c'est Perceval: "Mehaignez estoit tout le corps".

    Ronsard (La Franciade, liv. IV): "Leur mère .. ./Fera bouillir leurs jambes, et ainsi/Tout mehaignez les doit jeter en Seine"; "Occcitre et mahaigner les gens" (FROISSART).

    Cotgrave (XVIe siècle) s'y prend à cinq ou six reprises pour figurer ce mot proprement et n'y parvient pas. Il n'a trouvé sa forme définitive, maganer, qu'en Acadie et au Canada.

    Quand lui fera-t-on les honneurs du Dictionnaire de l'Académie?

    Tiré de : Poirier, Pascal, Le Glossaire acadien, Éditions d’Acadie, 1993.

    Maltraiter, malmener. Une idée de coups, de sévices, s'attache à ce mot, d'un emploi universel tant au Canada qu'en Acadie et dans toutes les parties de l'Amérique où l'on trouve des descendants de premiers colonisateurs. Cette universalité, ce ne variatur dans la forme, montre qu'il nous est arrivé de France dans sa toilette définitive. Comment se fait-il alors qu'on ne le trouve nulle part dans les écritures de France?   Maganer a subi le sort d'un très grand nombre de vocables originaires de la Germanie : les scribes de France se sont trouvés, à cause de l'indigence de notre alphabet, dans l'impossibilité de le noter phoniquement.   Car, pour le trouver dans la vieille langue française, on l'y trouve. Mais voyez ce à quoi il ressemble : "Faibles et vieux mehaignez, /Par qui pains ne sont plus gaignez". (Roman de la Rose);"Lung adoucis!, lautre mehaigne". (CHARTIER); "Le plus foible mahaigne". (Il maltraite le plus faible). (DESCHAMPS, vol. v, p. 211 ).   Monstrelet écrit : 'Tellement qu'ils tuèrent et mehaignèrent la plupart des dits archers";/ "Et maaingniez sui de mon corps". (VILLEHARDOUIN). Puis c'est Perceval: "Mehaignez estoit tout le corps". Ronsard (La Franciade, liv. IV): "Leur mère .. ./Fera bouillir leurs jambes, et ainsi/Tout mehaignez les doit jeter en Seine"; "Occcitre et mahaigner les gens" (FROISSART). Cotgrave (XVIe siècle) s'y prend à cinq ou six reprises pour figurer ce mot proprement et n'y parvient pas. Il n'a trouvé sa forme définitive, maganer, qu'en Acadie et au Canada. Quand lui fera-t-on les honneurs du Dictionnaire de l'Académie? Tiré de : Poirier, Pascal, Le Glossaire acadien, Éditions d’Acadie, 1993....