Sélection d'une édition

    L’excommunication à son meilleur sous Mgr Briand

    Ce texte est tiré d’un article paru dans l’Ancêtre, volume 10, no.1, septembre 1983, sous la plume de M. Henri-P. Tardif.

    L’excommunication a été brandie et appliquée à maintes reprises au début de la colonie. Il est intéressant de scruter à la loupe les causes et les pénitences imposées, ce qui parfois nous porte à sourire ou à rire à gorge déployée.

    M.Tardif se limite aux excommunications décrites par Mgr Briand de 1762 à 1784, au début du régime français. Pour ce faire, il passe en revue les lettres de Mgr Briand qui fut évêque de Québec de 1741 à 1794.

    Dans un tableau très bien constitué, M.Tardif compile les références, les sanctions et les causes de l’excommunication.

    Raymond Monette
     

    CAS D’EXCOMMUNICATION DE 1762 À 1784 SOUS MGR BRIAND par H.P. Tardif (1er partie)

    Introduction

    Lors d’une étude récente sous le cas de Marie- Madeleine Tardif, une excommuniée de l’Ancienne LoretteH.P.Tardif : Marie -Madeleine Tardif (1738-1807) Une exco mmuniée, l’Ancêtre décembre 1982, Vol 9, No.4, p.128-136. je fus intrigué par la question d’excommunication en général, par ses causes, le type de pénitence imposée pour la réhabilitation et finalement par la question de la politique suivie par Mgr Briand concernant l’excommunication et la réhabilitation avec l’église. Malgré qu’un autre cas d’excommunication ait déjà été mentionné dans l’AncêtreDenis Racine : Jean-baptiste Racine dit Noyer (1721- 1788)- Excommunié de St-Michel l’Ancêtre, janvier1980, Vol 6, No.5, p.139-143. il existe très peu d’information publiée au sujet de cette pratique au début de la colonie. Sans en faire une étude approfondie, il m’a semblé qu’un coup d’oeil sur la question serait d’intérêt général et cette brève revue de la période 1762 à 1784 sous Mgr Briand est donnée dans cet article.
     

    Revue de la période 1762-1784

    Une partie de la correspondance de Mgr Briand est déjà colligéeAnonyme : Inventaire de la correspondance de Mgr Jean Olivier Briand, évêque de Québec 1741-1794 Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec 1929-1930, p.44-136 et a pu être examinée aux Archives de l’Archevêché. Les résultats de cette courte étude furent des plus satisfaisants car Mgr Briand était très actif et très prolifique en ce qui concerne l’excommunication. Un survol de cette correspondance nous indique que les problèmes de délits inacceptables pour l’église étaient traités de la façon suivante :

    a. Le curé de la paroisse informait l’évêque du cas en question et lui demandait quelle était la conduite à suivre;

    b. l’évêque imposait une sanction à être lue en chaire ou menaçait d’une sanction si les personnes concernées ne se repentaient pas;

    c. le curé écrivait de nouveau pour donner l’état de la situation concernant soit le non-repentir du "coupable", le repentir avec demande de réconciliation, etc.;

    d. l’évêque répondait suivant le cas, soit avec une sanction ou une sentence d’excommunication, soit avec le cérémonial de réconciliation ou de levée de l’excommunication, etc.
     

    Cette correspondance est malheureusement partielle et il est souvent difficile d’approfondir chaque cas car en général nous n’avons que les lettres de Mgr Briand sans avoir celles de l’autre parti ou vice-versa. Toutefois un examen très rapide de cette correspondance nous a permis de dresser une liste assez complète de cas d’excommunication et cette liste est donnée en annexe. Elle nous démontre qu’un nombre considérable de personnes ont subi l'excommunication ou en ont été menacées tout en craignant des sanctions équivalentes individuellement, et que des centaines de personnes voire des paroisses entières ont subi le même sort collectivement pendant l’épiscopat de Mgr Briand.

    Le tableau en Annexe indique la cause du litige et la sanction ou menace de sanction de l’évêque. Un nombre exceptionnellement grand de cas est d’origine politique car il est relié au soutien d’une partie de la population à la cause des Bostonnais malgré leur serment de fidélité au roi d’Angleterre. Les autres cas sont dus à une variété de raisons par exemple concubinage, mariages illicites, insultes au pasteur, rébellion contre les directives du curé, refus de faire Pâques, refus de payer les dîmes, délai à faire baptiser un enfant etc. On peut facilement en conclure que l’excommunication ou la menace d’excommunication ou de sanctions similaires pour un individu ou un groupe d’individus étaient employées très fréquemment pour forcer une personne, un groupe de personnes ou tous les habitants d’une paroisse à suivre les strictes directives de l’église ou de l’évêque. La non-conformité aux directives de l’évêque amenait inéluctablement l’excommunication avec toutes les peines qu’elle comportait. De plus ces sentences s’adressaient dans plusieurs cas non seulement aux personnes directement impliquées, mais par exemple dans le cas de mariages illicites à tous ceux qui avaient supporté les mariés dans leur acte, tel parents, témoins etc. C’était un outil très puissant car peu de personnes pouvaient résister à la honte d’être mises complètement à l’écart de la communauté et en général il y avait réconciliation avec l’Église après quelques mois ou quelques années.

    Mais malgré son intransigeance et son ardeur, même Mgr Briand ne fut pas à l’abri de certaines faiblesses et il fut entravé dans son devoir au moins une fois par des considérations politiques et personnelles, à preuve cette excommunication "manquée" qu’il rapporte lui-même de façon ingénue et surprenante : "Si je n’étais pas retenu par l’amitié qui m’unissait autrefois à M. de la Coudraye beau- frère de M. Vincelotte, il y a longtemps que j’aurais porté une sentence publique d’excommunication contre ce mauvais sujet" (i.e. Vincelotte)
     

    À suivre : ( L’EXCOMMUNICATION ET SES EFFETS)

    Ce texte est tiré d’un article paru dans l’Ancêtre, volume 10, no.1, septembre 1983, sous la plume de M. Henri-P. Tardif. L’excommunication a été brandie et appliquée à maintes reprises au début de la colonie. Il est intéressant de scruter à la loupe les causes et les pénitences imposées, ce qui parfois nous porte à sourire ou à rire à gorge déployée. M.Tardif se limite aux excommunications décrites par Mgr Briand de 1762 à 1784, au début du régime français. Pour ce faire, il passe en revue les lettres de Mgr Briand qui fut évêque de Québec de 1741 à 1794. Dans un tableau très bien constitué, M.Tardif compile les références, les sanctions et les causes de l’excommunication. Raymond Monette   CAS D’EXCOMMUNICATION DE 1762 À 1784 SOUS MGR BRIAND par H.P. Tardif (1er partie) Introduction Lors d’une étude récente sous le cas de Marie- Madeleine Tardif, une excommuniée de l’Ancienne LoretteH.P.Tardif : Marie -Madeleine Tardif (1738-1807) Une exco mmuniée, l’Ancêtre décembre 1982, Vol 9, No.4, p.128-136. je fus intrigué par la question d’excommunication en général, par ses causes, le type de pénitence imposée pour la réhabilitation et finalement par la question de la politique suivie par Mgr Briand concernant l’excommunication et la réhabilitation avec l’église. Malgré qu’un autre cas d’excommunication ait déjà été mentionné dans l’AncêtreDenis Racine : Jean-baptiste Racine dit Noyer (1721- 1788)- Excommunié de St-Michel l’Ancêtre, janvier1980, Vol 6, No.5, p.139-143. il existe très peu d’information publiée au sujet de cette pratique au début de la colonie. Sans en faire une étude approfondie, il m’a semblé qu’un coup d’oeil sur la question serait d’intérêt général et cette brève revue de la période 1762 à 1784 sous Mgr Briand est donnée dans cet article.   Revue de la période 1762-1784 Une partie de la correspondance de Mgr Briand est déjà colligéeAnonyme : Inventaire de la correspondance de Mgr Jean Olivier Briand, évêque de Québec 1741-1794 Rapport de l’Archiviste de la Province de Québec 1929-1930, p.44-136 et a pu être examinée aux Archives de l’Archevêché. Les résultats de cette courte étude furent des plus satisfaisants car Mgr Briand était très actif et très prolifique en ce qui concerne l’excommunication. Un survol de cette correspondance nous indique que les problèmes de délits inacceptables pour l’église étaient traités de la façon suivante : a. Le curé de la paroisse informait l’évêque du cas en question et lui demandait quelle était la conduite à suivre; b. l’évêque imposait une sanction à être lue en chaire ou menaçait d’une sanction si les personnes concernées ne se repentaient pas; c. le curé écrivait de nouveau pour donner l’état de la situation concernant soit le non-repentir du "coupable", le repentir avec demande de réconciliation, etc.; d. l’évêque répondait suivant le cas, soit avec une sanction ou une sentence d’excommunication, soit avec le cérémonial de réconciliation ou de levée de l’excommunication, etc.   Cette correspondance est malheureusement partielle et il est souvent difficile d’approfondir chaque cas car en général nous n’avons que les lettres de Mgr Briand sans avoir celles de l’autre parti ou vice-versa. Toutefois un examen très rapide de cette correspondance nous a permis de dresser une liste assez complète de cas d’excommunication et cette liste est donnée en annexe. Elle nous démontre qu’un nombre considérable de personnes ont subi l'excommunication ou en ont été menacées tout en craignant des sanctions équivalentes individuellement, et que des centaines de personnes voire des paroisses entières ont subi le même sort collectivement pendant l’épiscopat de Mgr Briand. Le tableau en Annexe indique la cause du litige et la sanction ou menace de sanction de l’évêque. Un nombre exceptionnellement grand de cas est d’origine politique car il est relié au soutien d’une partie de la population à la cause des Bostonnais malgré leur serment de fidélité au roi d’Angleterre. Les autres cas sont dus à une variété de raisons par exemple concubinage, mariages illicites, insultes au pasteur, rébellion contre les directives du curé, refus de faire Pâques, refus de payer les dîmes, délai à faire baptiser un enfant etc. On peut facilement en conclure que l’excommunication ou la menace d’excommunication ou de sanctions similaires pour un individu ou un groupe d’individus étaient employées très fréquemment pour forcer une personne, un groupe de personnes ou tous les habitants d’une paroisse à suivre les strictes directives de l’église ou de l’évêque. La non-conformité aux directives de l’évêque amenait inéluctablement l’excommunication avec toutes les peines qu’elle comportait. De plus ces sentences s’adressaient dans plusieurs cas non seulement aux personnes directement impliquées, mais par exemple dans le cas de mariages illicites à tous ceux qui avaient supporté les mariés dans leur acte, tel parents, témoins etc. C’était un outil très puissant car peu de personnes pouvaient résister à la honte d’être mises complètement à l’écart de la communauté et en général il y avait réconciliation avec l’Église après quelques mois ou quelques années. Mais malgré son intransigeance et son ardeur, même Mgr Briand ne fut pas à l’abri de certaines faiblesses et il fut entravé dans son devoir au moins une fois par des considérations politiques et personnelles, à preuve cette excommunication "manquée" qu’il rapporte lui-même de façon ingénue et surprenante : "Si je n’étais pas retenu par l’amitié qui m’unissait autrefois à M. de la Coudraye beau- frère de M. Vincelotte, il y a longtemps que j’aurais porté une sentence publique d’excommunication contre ce mauvais sujet" (i.e. Vincelotte)   À suivre : ( L’EXCOMMUNICATION ET SES EFFETS) ...