Sélection d'une édition

    Le chemin royal de Chambly

    Le 15 octobre 1673, le capitaine Jacques de Chambly accorda officiellement les concessions de sa seigneurie devant le notaire royal Antoine Adhémar. Les terres les plus à l'ouest par rapport au fort Chambly (en direction de La Prairie) étaient situées sur la côte dite « Mont-Royal », le long de la rivière L’Acadie. La dernière de ces terres fut concédée à René Dumas dit Rencontre, un jeune soldat d'à peine 22 ans.

    Après cinq années de durs labeurs, Dumas, insatisfait du rendement de ses terres trop humides se décida à quitter ce milieu plutôt malsain.

    René Dumas déménagea à l'été 1678 avec sa jeune famille en un lieu facilement accessible à pied, la seigneurie voisine de La Prairie-de-la-Magdeleine. Il s’y rendit, par le seul chemin qui passait devant sa porte, le « Chemin Royal de Chambly », lequel le menait non seulement à La Prairie, mais, s’il le souhaitait, en canot à Montréal (Lachine) où on lui avait également offert une concession, offre qu'il déclina.

    René Dumas dit Rencontre reçut des Jésuites, seigneurs de La Prairie-de-la-Magdeleine, une des terres situées le plus à l'est par rapport au fort de La Prairie, à savoir sur la côte Saint-Claude, à moins de 3 heures de marche de ses nombreuses terres de Chambly qu'il cherchera à vendre.

    Trois ans plus tard, lors du recensement de 1681, René Dumas, sa femme Marie Lelong, ainsi que leurs cinq enfants sont bien installés dans leur habitation à La Prairie. En 1687-88, les Dumas seront rejoints à La Prairie par d'autres pionniers de Chambly qui ont également choisi de quitter leurs terres. Ce sont Louis Bariteau dit Lamarche et François Bourassa dit LaRonde. Jean LeBeau dit l'Alouette et quatre autres familles de Chambly sont partis à Boucherville et quatre autres familles migrèrent vers Montréal. Curieusement, aucune de ces familles ne se rendra à Longueuil. Combien de pionniers de Chambly se seraient rendus à pied vers Longueuil si un tel chemin avait existé?

    Quelques années plus tard, en mai 1698, Pieter Schuyler maire d'Albany, ainsi que son frère Johannes sont venus ici en mission diplomatique pour le comte de Bellomont, le nouveau gouverneur de New York. Leur mission consistait à se rendre à Montréal avec une vingtaine de prisonniers français et ensuite de poursuivre vers Québec afin de rencontrer le gouverneur Frontenac et lui annoncer que le traité de Ryswick avait mis fin à la guerre en Europe.

     
    Selon le récit de Pieter Schuyler (Journey and Negociation at Canada, July 22, 1698), une fois arrivés au poste de contrôle du fort Chambly le 17 mai 1698, pour atteindre Montréal le lendemain, les deux frères n’avaient d’autre choix que d’emprunter le même chemin qu'ils avaient utilisé en 1690 et 1691, soit le seul chemin reliant Chambly à Montréal via La Prairie!

    Le 12 juin 1698, à son retour de Québec, Pieter Schuyler se trouve en présence de Louis-Hector de Callière gouverneur militaire de Montréal. La petite seigneurie de Longueuil est directement face à lui sur la rive-sud du fleuve Saint-Laurent et la seigneurie de La Prairie, elle, est à une lieue et demie (7,3 km) au sud-ouest.

     

    Le 15 octobre 1673, le capitaine Jacques de Chambly accorda officiellement les concessions de sa seigneurie devant le notaire royal Antoine Adhémar. Les terres les plus à l'ouest par rapport au fort Chambly (en direction de La Prairie) étaient situées sur la côte dite « Mont-Royal », le long de la rivière L’Acadie. La dernière de ces terres fut concédée à René Dumas dit Rencontre, un jeune soldat d'à peine 22 ans. Après cinq années de durs labeurs, Dumas, insatisfait du rendement de ses terres trop humides se décida à quitter ce milieu plutôt malsain. René Dumas déménagea à l'été 1678 avec sa jeune famille en un lieu facilement accessible à pied, la seigneurie voisine de La Prairie-de-la-Magdeleine. Il s’y rendit, par le seul chemin qui passait devant sa porte, le « Chemin Royal de Chambly », lequel le menait non seulement à La Prairie, mais, s’il le souhaitait, en canot à Montréal (Lachine) où on lui avait également offert une concession, offre qu'il déclina. René Dumas dit Rencontre reçut des Jésuites, seigneurs de La Prairie-de-la-Magdeleine, une des terres situées le plus à l'est par rapport au fort de La Prairie, à savoir sur la côte Saint-Claude, à moins de 3 heures de marche de ses nombreuses terres de Chambly qu'il cherchera à vendre. Trois ans plus tard, lors du recensement de 1681, René Dumas, sa femme Marie Lelong, ainsi que leurs cinq enfants sont bien installés dans leur habitation à La Prairie. En 1687-88, les Dumas seront rejoints à La Prairie par d'autres pionniers de Chambly qui ont également choisi de quitter leurs terres. Ce sont Louis Bariteau dit Lamarche et François Bourassa dit LaRonde. Jean LeBeau dit l'Alouette et quatre autres familles de Chambly sont partis à Boucherville et quatre autres familles migrèrent vers Montréal. Curieusement, aucune de ces familles ne se rendra à Longueuil. Combien de pionniers de Chambly se seraient rendus à pied vers Longueuil si un tel chemin avait existé? Quelques années plus tard, en mai 1698, Pieter Schuyler maire d'Albany, ainsi que son frère Johannes sont venus ici en mission diplomatique pour le comte de Bellomont, le nouveau gouverneur de New York. Leur mission consistait à se rendre à Montréal avec une vingtaine de prisonniers français et ensuite de poursuivre vers Québec afin de rencontrer le gouverneur Frontenac et lui annoncer que le traité de Ryswick avait mis fin à la guerre en Europe.   Selon le récit de Pieter Schuyler (Journey and Negociation at Canada, July 22, 1698), une fois arrivés au poste de contrôle du fort Chambly le 17 mai 1698, pour atteindre Montréal le lendemain, les deux frères n’avaient d’autre choix que d’emprunter le même chemin qu'ils avaient utilisé en 1690 et 1691, soit le seul chemin reliant Chambly à Montréal via La Prairie! Le 12 juin 1698, à son retour de Québec, Pieter Schuyler se trouve en présence de Louis-Hector de Callière gouverneur militaire de Montréal. La petite seigneurie de Longueuil est directement face à lui sur la rive-sud du fleuve Saint-Laurent et la seigneurie de La Prairie, elle, est à une lieue et demie (7,3 km) au sud-ouest.  ...

    Le chemin « royal » de Chambly (suite 3)

    Le Grand Voyer Jacques Levasseur de Néré (1664-1724), qui semble être l'auteur de cette carte, nous affirme également sur l'en-tête de la carte: « Idée de la Situation du Fort de Chambly et de ses Environs: Le chemin de la Magdelaine, est fort humide en été, et par conséquent difficile, mais s'il étoit défriché et que l'on fit des faussés dans les terres, et le long un canal pour l'écoulement des eaux, il seroit sec et facile. Il n'est que de 4 à cinq lieues ».

    Un autre Grand Voyer qui nous apporte de précieuses   informations au sujet du Chemin de Chambly est Jean-Eustache LaNoullier de Boisclerc (1689-1750).  LaNoullier fut le Grand Voyer responsable de la construction du célèbre « Chemin du Roy », ce grand chemin d'une largeur de 24 pieds, reliant Québec et Montréal qu'il avait complété en 1737.

    Moins bien connue est l'autre grande œuvre de LaNoullier, à savoir les travaux qu'il avait mis en branle en 1739 pour compléter un autre Chemin du Roy allant de la seigneurie de Varennes sur la rive-sud de Montréal en direction nord-sud jusqu'à La Prairie-de-la-Magdeleine pour ensuite pénétrer à l'intérieur des terres et se rendre à l'important fort de Chambly. Ce tracé de La Prairie vers Chambly était connu  sous le vocable de Chemin de Chambly tel que nous l'indique un remarquable travail de paléographie complété au printemps 2018 par l'équipe de M. Gaétan Bourdages de la SHLM.

    En 1735, afin d'ouvrir de nouvelles concessions dans la seigneurie de La Prairie, un nouveau pont devait être construit pour enjamber la petite rivière Saint-Jacques dans le secteur de la Fourche et du rang de Fontarabie … et ce sur la vieille route allant de La Prairie en direction de Chambly. Quel nom portait ce chemin … et surtout, qui allait le faire et payer pour les travaux ?

    La réponse nous arrive le 20 juillet de la même année dans un procès-verbal du Grand Voyer qui allait trancher cette question de façon sans équivoque. LaNoullier écrivait ceci au sujet de cette corvée royale: « Pour ce qui est du pont de la rivière St-Jacques qui interromp le Chemin de Chambly, il sera fais et entretenu par tous les habitants de La Prairie de la Madeleine à commencer depuis les p.er habitants près le fort joingnant le fleuve St-Laurent jusqu'aux d'er habitants de Fontarabie, et ce au prorata des terres que chacun d'eux possède le long du dit Chemin de Chambly …».

    Quinze ans après la fin du régime français, le nom du Chemin de Chambly réapparaît sur une carte militaire peu connue de La Prairie. Cette fois c'est en 1776 alors que les troupes allemandes du Baron et Général Friedrich Adolphus Riedesel occupaient La Prairie; son cartographe, le sous-lieutenant Ludwig Cancrinus, nous laissa une autre preuve que le chemin reliant « La Prairie-Sainte-Magdeleine in America » et le fort Chambly était toujours désigné du nom de « Chemin de Chambli ».

    Carte No.5

    Urheber Karte von dem Dorf La Prairie Ste. Madelaine in Amérika [bei Montreal]

    Carte allemande de La Prairie de Herr Ludwig Cancrinus, cartographe de la 5e compagnie du Régiment Erbprinz du Colonel Willhelm Rudolph von Gall. 1776

    Au sujet de l'hypothèse favorisant Longueuil, si nous faisons abstraction de la grande confusion créée par la carte trouvée au tout début de la colonie dans la Relation des Jésuites de 1665-66, aucune indication n'apparaît sur aucune autre carte d'époque qui pourrait nous laisser croire qu'il y avait effectivement un chemin pouvant aller à Longueuil à partir du fort Chambly; alors qu'au contraire toutes sans exception indiquent clairement un tracé allant du fort de Chambly en direction de La Prairie.

    En conclusion, nous affirmons que Samuel de Champlain en 1611, le Marquis Henri Chastelard de Salières commandant du Régiment de Carignan en 1665, le Général britannique James Murray en 1763, le cartographe militaire allemand Ludwig Cancrinus en 1776 ainsi que les deux Grands Voyers; Jacques Levasseur de Néré en 1717 et Jean-Eustache LaNoullier de Boisclerc en 1735, ne peuvent tous être dans l'erreur. Donc, il n'y a plus aucun doute possible, les gens de La Prairie peuvent maintenant revendiquer non seulement le premier chemin de fer du Canada en 1836, mais aussi, presque deux siècles plus tôt, le tout premier « Chemin du Roy » de la Nouvelle-France; à savoir le « Chemin de Chambly » tel que « construit » par les soldats du Régiment de Carignan à l'automne 1665, et que celui-ci se rendait de toute évidence du Fort Chambly à La Prairie-de-la-Magdeleine et non pas à Longueuil !

    Post-Scriptum : Au début du 19e siècle, suite à la construction du chemin de fer La Prairie / Saint-Jean, le vieux « Chemin royal de Chambly » perd de son importance; son tracé initial est toujours là, mais son nom sera changé dans le vocable populaire pour celui que nous utilisons aujourd'hui … le chemin de Saint-Jean.  

    Le Grand Voyer Jacques Levasseur de Néré (1664-1724), qui semble être l'auteur de cette carte, nous affirme également sur l'en-tête de la carte: « Idée de la Situation du Fort de Chambly et de ses Environs: Le chemin de la Magdelaine, est fort humide en été, et par conséquent difficile, mais s'il étoit défriché et que l'on fit des faussés dans les terres, et le long un canal pour l'écoulement des eaux, il seroit sec et facile. Il n'est que de 4 à cinq lieues ». Un autre Grand Voyer qui nous apporte de précieuses   informations au sujet du Chemin de Chambly est Jean-Eustache LaNoullier de Boisclerc (1689-1750).  LaNoullier fut le Grand Voyer responsable de la construction du célèbre « Chemin du Roy », ce grand chemin d'une largeur de 24 pieds, reliant Québec et Montréal qu'il avait complété en 1737. Moins bien connue est l'autre grande œuvre de LaNoullier, à savoir les travaux qu'il avait mis en branle en 1739 pour compléter un autre Chemin du Roy allant de la seigneurie de Varennes sur la rive-sud de Montréal en direction nord-sud jusqu'à La Prairie-de-la-Magdeleine pour ensuite pénétrer à l'intérieur des terres et se rendre à l'important fort de Chambly. Ce tracé de La Prairie vers Chambly était connu  sous le vocable de Chemin de Chambly tel que nous l'indique un remarquable travail de paléographie complété au printemps 2018 par l'équipe de M. Gaétan Bourdages de la SHLM. En 1735, afin d'ouvrir de nouvelles concessions dans la seigneurie de La Prairie, un nouveau pont devait être construit pour enjamber la petite rivière Saint-Jacques dans le secteur de la Fourche et du rang de Fontarabie ... et ce sur la vieille route allant de La Prairie en direction de Chambly. Quel nom portait ce chemin ... et surtout, qui allait le faire et payer pour les travaux ? La réponse nous arrive le 20 juillet de la même année dans un procès-verbal du Grand Voyer qui allait trancher cette question de façon sans équivoque. LaNoullier écrivait ceci au sujet de cette corvée royale: « Pour ce qui est du pont de la rivière St-Jacques qui interromp le Chemin de Chambly, il sera fais et entretenu par tous les habitants de La Prairie de la Madeleine à commencer depuis les p.er habitants près le fort joingnant le fleuve St-Laurent jusqu'aux d'er habitants de Fontarabie, et ce au prorata des terres que chacun d'eux possède le long du dit Chemin de Chambly …». Quinze ans après la fin du régime français, le nom du Chemin de Chambly réapparaît sur une carte militaire peu connue de La Prairie. Cette fois c'est en 1776 alors que les troupes allemandes du Baron et Général Friedrich Adolphus Riedesel occupaient La Prairie; son cartographe, le sous-lieutenant Ludwig Cancrinus, nous laissa une autre preuve que le chemin reliant « La Prairie-Sainte-Magdeleine in America » et le fort Chambly était toujours désigné du nom de « Chemin de Chambli ». Carte No.5 Urheber Karte von dem Dorf La Prairie Ste. Madelaine in Amérika [bei Montreal] Carte allemande de La Prairie de Herr Ludwig Cancrinus, cartographe de la 5e compagnie du Régiment Erbprinz du Colonel Willhelm Rudolph von Gall. 1776 Au sujet de l'hypothèse favorisant Longueuil, si nous faisons abstraction de la grande confusion créée par la carte trouvée au tout début de la colonie dans la Relation des Jésuites de 1665-66, aucune indication n'apparaît sur aucune autre carte d'époque qui pourrait nous laisser croire qu'il y avait effectivement un chemin pouvant aller à Longueuil à partir du fort Chambly; alors qu'au contraire toutes sans exception indiquent clairement un tracé allant du fort de Chambly en direction de La Prairie. En conclusion, nous affirmons que Samuel de Champlain en 1611, le Marquis Henri Chastelard de Salières commandant du Régiment de Carignan en 1665, le Général britannique James Murray en 1763, le cartographe militaire allemand Ludwig Cancrinus en 1776 ainsi que les deux Grands Voyers; Jacques Levasseur de Néré en 1717 et Jean-Eustache LaNoullier de Boisclerc en 1735, ne peuvent tous être dans l'erreur. Donc, il n'y a plus aucun doute possible, les gens de La Prairie peuvent maintenant revendiquer non seulement le premier chemin de fer du Canada en 1836, mais aussi, presque deux siècles plus tôt, le tout premier « Chemin du Roy » de la Nouvelle-France; à savoir le « Chemin de Chambly » tel que « construit » par les soldats du Régiment de Carignan à l'automne 1665, et que celui-ci se rendait de toute évidence du Fort Chambly à La Prairie-de-la-Magdeleine et non pas à Longueuil ! Post-Scriptum : Au début du 19e siècle, suite à la construction du chemin de fer La Prairie / Saint-Jean, le vieux « Chemin royal de Chambly » perd de son importance; son tracé initial est toujours là, mais son nom sera changé dans le vocable populaire pour celui que nous utilisons aujourd'hui … le chemin de Saint-Jean.  ...

    Le chemin « royal » de Chambly (suite 2)

    En prime, il n'y avait aucun pont à construire dans cette direction, car le chemin traversait la petite rivière l’Acadie à un gué bien connu et qui existe toujours (cliquez pour voir la photo) situé à mi-chemin entre le fort Chambly et La Prairie.

     

    Carte No.3

    D'ailleurs un demi-siècle plus tôt, soit le 7 juin 1611, alors qu'il attendait avec impatience à Montréal l'arrivée de ses alliés algonquins, le grand explorateur Samuel de Champlain avait visité le lieudit la « Prairie » en canot. Il nota cet endroit d'importance stratégique sur la rive-sud situé « à une lieue et demie de la Place Royalle » et il l'a bien identifié sur sa carte de la région. Au sujet de ce sentier qui débutait à un kilomètre à l'intérieur des terres, le sieur de Champlain affirmait aussi dans ses écrits que:

    « Le septiesme jour je fus recognoitre une petite rivière par où vont quelques fois les sauvages à la guerre, qui se va rendre au saut de la rivière des Yroquois … »! Cette affirmation nous confirme qu'en 1611, au moins 52 ans avant l'arrivée du Régiment de Carignan, il y avait déjà un sentier indien allant du lieu-dit de la « Prairie » en direction du futur Chambly sur la rivière Richelieu.

     

    Carte No.2

     Une attestation convaincante de l'excellente qualité des sentiers existants en 1665 le long du Richelieu et de ses rivières tributaires nous parvient du Régiment de Carignan lui-même;  « … ses bords sont revestus de beaux pins, parmy lesquels on marche aisément: comme en effet cinquante de nos hommes y ont fait à pied, par terre, près de vingt lieues de chemin, depuis l'entrée de la rivière jusques au       Sault ». Cette Relation des Jésuites de 1665 nous confirme en fait qu'une compagnie du Régiment de Carignan a marché sans encombre et sans la nécessité de « construire » un chemin sur une distance de 96,5 km le long de la rive occidentale du Richelieu pour se rendre au fort Chambly. Note: Ce sentier majeur réapparaît un siècle plus tard en 1763 sur la carte du Général James Murray. (voir la carte no 3)

    Sans grandes modifications à son tracé original pendant les premières décennies de la Seigneurie de Chambly, il en est autrement suite à la grande Bataille de La Prairie de l'été 1691. Cette glorieuse victoire de l'armée française eut lieu à mi-chemin sur ce sentier reliant le fort Chambly et La Prairie-de-la-Magdeleine. Suite à la signature du traité de La Grande Paix de Montréal dix ans plus tard, il devenait impératif d'améliorer ce chemin pour des raisons militaires et afin de faciliter le retour vers Chambly de tous ses censitaires évacués au début de la guerre franco-iroquoise en 1687-88.

    Pour ce faire, regardons ce qu'en dit le Mémoire du roi Louis XIV adressé à MM. de Vaudreuil et de Beauharnois en date du 14 juin 1704, soit seulement trois ans après la signature de la Grande Paix de Montréal … « Sa Majesté approuve qu'on emploie les troupes cette année à faire des chemins dans les bois pour la commodité des habitants et qu'on commence par celui de Chambly à Montréal, qu'ils estiment le plus pressé ». Le roi se souciait du bien-être des habitants de Chambly et de … La Prairie.

    Encore la question qui tue: Par où passait le chemin menant de « Chambly à Montréal »?  Les gens qui prétendent qu’il passait par Longueuil se doivent de consulter une carte militaire datant de 1717, soit 13 ans après l'approbation des travaux routiers par le roi Louis XIV et seulement six ans après la fin des travaux de construction du nouveau fort de pierre à Chambly.

    Carte No.4

    Cette vieille carte militaire nous indique qu'il n'y a qu'un seul chemin partant du fort Chambly en direction de Montréal … et celui-ci, passe par le nord-ouest longeant la rivière l’Acadie en direction de La Prairie-de-la-Magdeleine, comme il est d'ailleurs très explicitement écrit par l'auteur sur le tracé de ce chemin de La Magdeleine … « Chemin qui va rendre à La Prairie de la Magdelaine par terre ».

    En prime, il n'y avait aucun pont à construire dans cette direction, car le chemin traversait la petite rivière l’Acadie à un gué bien connu et qui existe toujours (cliquez pour voir la photo) situé à mi-chemin entre le fort Chambly et La Prairie.   Carte No.3 D'ailleurs un demi-siècle plus tôt, soit le 7 juin 1611, alors qu'il attendait avec impatience à Montréal l'arrivée de ses alliés algonquins, le grand explorateur Samuel de Champlain avait visité le lieudit la « Prairie » en canot. Il nota cet endroit d'importance stratégique sur la rive-sud situé « à une lieue et demie de la Place Royalle » et il l'a bien identifié sur sa carte de la région. Au sujet de ce sentier qui débutait à un kilomètre à l'intérieur des terres, le sieur de Champlain affirmait aussi dans ses écrits que: « Le septiesme jour je fus recognoitre une petite rivière par où vont quelques fois les sauvages à la guerre, qui se va rendre au saut de la rivière des Yroquois ... »! Cette affirmation nous confirme qu'en 1611, au moins 52 ans avant l'arrivée du Régiment de Carignan, il y avait déjà un sentier indien allant du lieu-dit de la « Prairie » en direction du futur Chambly sur la rivière Richelieu.   Carte No.2  Une attestation convaincante de l'excellente qualité des sentiers existants en 1665 le long du Richelieu et de ses rivières tributaires nous parvient du Régiment de Carignan lui-même;  « … ses bords sont revestus de beaux pins, parmy lesquels on marche aisément: comme en effet cinquante de nos hommes y ont fait à pied, par terre, près de vingt lieues de chemin, depuis l'entrée de la rivière jusques au       Sault ». Cette Relation des Jésuites de 1665 nous confirme en fait qu'une compagnie du Régiment de Carignan a marché sans encombre et sans la nécessité de « construire » un chemin sur une distance de 96,5 km le long de la rive occidentale du Richelieu pour se rendre au fort Chambly. Note: Ce sentier majeur réapparaît un siècle plus tard en 1763 sur la carte du Général James Murray. (voir la carte no 3) Sans grandes modifications à son tracé original pendant les premières décennies de la Seigneurie de Chambly, il en est autrement suite à la grande Bataille de La Prairie de l'été 1691. Cette glorieuse victoire de l'armée française eut lieu à mi-chemin sur ce sentier reliant le fort Chambly et La Prairie-de-la-Magdeleine. Suite à la signature du traité de La Grande Paix de Montréal dix ans plus tard, il devenait impératif d'améliorer ce chemin pour des raisons militaires et afin de faciliter le retour vers Chambly de tous ses censitaires évacués au début de la guerre franco-iroquoise en 1687-88. Pour ce faire, regardons ce qu'en dit le Mémoire du roi Louis XIV adressé à MM. de Vaudreuil et de Beauharnois en date du 14 juin 1704, soit seulement trois ans après la signature de la Grande Paix de Montréal … « Sa Majesté approuve qu'on emploie les troupes cette année à faire des chemins dans les bois pour la commodité des habitants et qu'on commence par celui de Chambly à Montréal, qu'ils estiment le plus pressé ». Le roi se souciait du bien-être des habitants de Chambly et de ... La Prairie. Encore la question qui tue: Par où passait le chemin menant de « Chambly à Montréal »?  Les gens qui prétendent qu’il passait par Longueuil se doivent de consulter une carte militaire datant de 1717, soit 13 ans après l'approbation des travaux routiers par le roi Louis XIV et seulement six ans après la fin des travaux de construction du nouveau fort de pierre à Chambly. Carte No.4 Cette vieille carte militaire nous indique qu'il n'y a qu'un seul chemin partant du fort Chambly en direction de Montréal … et celui-ci, passe par le nord-ouest longeant la rivière l’Acadie en direction de La Prairie-de-la-Magdeleine, comme il est d'ailleurs très explicitement écrit par l'auteur sur le tracé de ce chemin de La Magdeleine … « Chemin qui va rendre à La Prairie de la Magdelaine par terre »....

    Le chemin « royal » de Chambly

    Vers 1665 au début de la colonie, le « chemin de Chambly » qui reliait le fort stratégique de Chambly sur le Richelieu au fleuve Saint-Laurent, et à Montréal, fut reconnu comme étant le premier lien routier de la Nouvelle-France. En effet, les historiens qui nous ont précédés, sans trop se questionner sur ce qui semblait être une évidence, ont toujours soutenu l'hypothèse que ce titre de « premier lien routier » revenait au chemin reliant les villes de Chambly et de Longueuil, mais qu'en est-il?

    Suite à la réapparition d'une ancienne carte française datée de 1717, il nous est permis de croire que cette hypothèse ne tient plus la route. Après analyse de plusieurs cartes et documents d'archives, nous croyons plutôt que le premier chemin reliant le fort de Chambly à Montréal, le soi-disant tout premier « chemin de Chambly », passait par La Prairie!

    À l'automne de 1665, après la construction de plusieurs forts sur le Richelieu, M. Henri Chastelard Marquis de Salières, colonel commandant du Régiment de Carignan reçut ordre du nouveau gouverneur de la Nouvelle-France, Monsieur Daniel de Rémy de Courcelles, de construire avant l'hiver un chemin pour relier le nouveau fort de Chambly au fleuve Saint-Laurent et à Montréal.

     

     

    CARTE NO.1

    Plan des Forts faicts par le Régiment Carignan Salières sur la Rivière de Richelieu dicte autrement des Iroquois en la Nouvelle-France.

    En effet, le 26 octobre 1665, les troupes des capitaines Contrecoeur, Lafredière ainsi que celles du Colonel de Salières allaient embarquer sur la rivière Richelieu pour leur retour à « Saurel » et poursuivre leur trajet vers Montréal pour y passer l'hiver. Selon son Mémoire, avant son départ, même si la saison était fort avancée et que ses hommes n'étaient qu'en souliers et uniformes militaires d'été, le colonel de Salières … « fit commander trente-six hommes avec six officiers ou Sergens pour  aller travailler à faire un chemin de ce fort St Louys (Chambly) à Montréal à travers le bois et marais …».

    Au départ, il faut noter qu'en 1665 Charles Le Moyne, le futur seigneur de Longueuil, ainsi que sa femme et ses quatre enfants demeuraient à Montréal sur la rue Saint-Paul à deux portes de l'église Bonsecours. C'est ce même Charles Le Moyne qui hébergera le Marquis de Salières, son fils François ainsi que plusieurs autres officiers du Régiment de Carignan durant l'hiver 1665-1666. Et, c'est également lui qui commanda, au mois d'octobre 1666, les Canadiens qui devaient guider à partir des forts du Richelieu, les troupes françaises jusqu'au sud du lac Champlain et au pays des Iroquois. En 1665, afin de faire un chemin au travers les bois et marais à partir du fort Chambly en direction de Montréal la distance en ligne droite vers le futur emplacement de Longueuil était de 21,5 km tandis que la distance en ligne droite vers La Prairie n'était que de 17,5 km. Nonobstant ce qui précède, il y avait une autre contrainte de taille au sujet de cette hypothèse d'un chemin vers Longueuil, celui-ci nécessiterait un pont considérable pour enjamber la rivière l’Acadie … tandis qu'en direction de La Prairie une piste ou sentier indien, plusieurs fois centenaire, existait déjà! Ce sentier indien ne nécessitait qu'un petit effort de débroussaillage et d'émondage des branches d'arbres pour qu'on le qualifie de « chemin » en 1665.

     

    Vers 1665 au début de la colonie, le « chemin de Chambly » qui reliait le fort stratégique de Chambly sur le Richelieu au fleuve Saint-Laurent, et à Montréal, fut reconnu comme étant le premier lien routier de la Nouvelle-France. En effet, les historiens qui nous ont précédés, sans trop se questionner sur ce qui semblait être une évidence, ont toujours soutenu l'hypothèse que ce titre de « premier lien routier » revenait au chemin reliant les villes de Chambly et de Longueuil, mais qu'en est-il? Suite à la réapparition d'une ancienne carte française datée de 1717, il nous est permis de croire que cette hypothèse ne tient plus la route. Après analyse de plusieurs cartes et documents d'archives, nous croyons plutôt que le premier chemin reliant le fort de Chambly à Montréal, le soi-disant tout premier « chemin de Chambly », passait par La Prairie! À l'automne de 1665, après la construction de plusieurs forts sur le Richelieu, M. Henri Chastelard Marquis de Salières, colonel commandant du Régiment de Carignan reçut ordre du nouveau gouverneur de la Nouvelle-France, Monsieur Daniel de Rémy de Courcelles, de construire avant l'hiver un chemin pour relier le nouveau fort de Chambly au fleuve Saint-Laurent et à Montréal.     CARTE NO.1 Plan des Forts faicts par le Régiment Carignan Salières sur la Rivière de Richelieu dicte autrement des Iroquois en la Nouvelle-France. En effet, le 26 octobre 1665, les troupes des capitaines Contrecoeur, Lafredière ainsi que celles du Colonel de Salières allaient embarquer sur la rivière Richelieu pour leur retour à « Saurel » et poursuivre leur trajet vers Montréal pour y passer l'hiver. Selon son Mémoire, avant son départ, même si la saison était fort avancée et que ses hommes n'étaient qu'en souliers et uniformes militaires d'été, le colonel de Salières ... « fit commander trente-six hommes avec six officiers ou Sergens pour  aller travailler à faire un chemin de ce fort St Louys (Chambly) à Montréal à travers le bois et marais ...». Au départ, il faut noter qu'en 1665 Charles Le Moyne, le futur seigneur de Longueuil, ainsi que sa femme et ses quatre enfants demeuraient à Montréal sur la rue Saint-Paul à deux portes de l'église Bonsecours. C'est ce même Charles Le Moyne qui hébergera le Marquis de Salières, son fils François ainsi que plusieurs autres officiers du Régiment de Carignan durant l'hiver 1665-1666. Et, c'est également lui qui commanda, au mois d'octobre 1666, les Canadiens qui devaient guider à partir des forts du Richelieu, les troupes françaises jusqu'au sud du lac Champlain et au pays des Iroquois. En 1665, afin de faire un chemin au travers les bois et marais à partir du fort Chambly en direction de Montréal la distance en ligne droite vers le futur emplacement de Longueuil était de 21,5 km tandis que la distance en ligne droite vers La Prairie n'était que de 17,5 km. Nonobstant ce qui précède, il y avait une autre contrainte de taille au sujet de cette hypothèse d'un chemin vers Longueuil, celui-ci nécessiterait un pont considérable pour enjamber la rivière l’Acadie … tandis qu'en direction de La Prairie une piste ou sentier indien, plusieurs fois centenaire, existait déjà! Ce sentier indien ne nécessitait qu'un petit effort de débroussaillage et d'émondage des branches d'arbres pour qu'on le qualifie de « chemin » en 1665.  ...

    Les officiers des troupes de la Marine à La Prairie en 1691

    En 2017 une importante consultation de documents d'archives en France et au Québec a permis au généalogiste émérite Marcel Fournier et à ses collègues de réaliser une forme de dictionnaire inédit intitulé «Les troupes de la Marine au Canada entre 1683 et 1760» dans lequel livre nous retrouvons également un index des noms de tous les 889 officiers de la Marine qui ont servi au Canada pendant cette période.

     

    Cette recherche est une invitation à enrichir nos connaissancesEn 2009 dans «1691 – La Bataille de La Prairie» les auteurs affirmaient (p.131): «Nous savons également peu de choses sur les miliciens et sur les compagnies Franches de la Marine engagés dans ces combats». sur la présence et le nombre exacte d'officiers des compagnies franches de la Marine au Canada lors de la guerre Franco-Iroquoise et surtout au moment de la grande opération militaire qui eut lieu durant l'été de l'année 1691.

     

    L’analyse rétrospective de cet index nous permet de savoir avec certitude qu'il y avait 168 officiers de la Marine présent au Canada en 1691. Le décompte des grades est le suivant: 30 capitaines, 16 capitaines réformés, 35 lieutenants, 27 lieutenants réformés, 35 enseignes, 9 enseignes réformés ainsi que 16 cadets. De ces 168 officiers de la Marine, 115 sont d'origine française et 53 sont canadiens.Ce total de 168 officiers de la Marine est exactement le double de l'estimé établi par René Chartrand dans: Le Patrimoine Militaire Canadien, Tome I, 1000 – 1754, Montréal, Art Global,1993, page 111.

     

    Donc, un total de 168 officiers pour seulement 28 compagnies présentes dans la colonie, soit 6 officiers par compagnie. Si nous excluons de ce nombre les officiers d'État-Major et de la garde personnelle des trois gouverneurs présents en Nouvelle-France; soit à Québec, Trois-Rivières et Montréal, il restait environ 5 officiers pour chaque compagnie. Il est important de souligner que cette situation de surplus d'effectifs militaires avec expérience de combat représentait un très grand avantage en temps de guerre.

    Une compagnie de la Marine était normalement composée d’un maximum de cinquante hommes incluant un capitaine, un lieutenant ainsi qu’un enseigne. En 1691, suite à plusieurs années de petite guerre, il ne restait au Canada que plus ou  moins 1100 soldats de la Marine en plus de leurs  officiers, soit des formations réduites à un nombre  de 42 à 43 hommes en moyenne par compagnie.

     

    Louis-Hector de Callières, le gouverneur militaire de Montréal, ainsi que le baron de LaHontan nous confirmaient qu'il y avait 15 compagnies à La Prairie le matin du 10 août 1691 et donc de conclure qu'il y avait aussi 75 à 80 officiers présents. Suite au départ du bataillon du commandant de Valrennes, pour se rendre au fort Chambly, il restait toujours 11 compagnies à La Prairie avec environ 55 à 60 officiers.

     

    Tôt le matin du 11 août, après l'escarmouche qui eut lieu devant le fort La Prairie, c'est bien le feu et les nombreuses embuscades de l'ennemi le long du sentier menant vers le fort Chambly qui expliqueraient la poursuite inefficace de la part de l'armée française. En effet Pieter Schuyler, le commandant des envahisseurs newyorkais, avait donné ordre à son arrière-garde de mettre le feu dans les champs de blé de La Prairie «burning their corne and hay» et tout au long du sentier lors de la retraite de son armée. Cette action eut l'avantage d'empêcher l'anéantissement complet de son armée newyorkaise par les troupes françaises qui, elles, tentaient d'appliquer la stratégie militaire énoncée par Callières, à savoir, «mettre l'ennemi entre deux afin qu'ils ne nous eschapassent pas».

     

    Une fois arrivé à la traverse de la petite rivière Mont-Royal (l’Acadie) «à mi-chemin» entre les deux forts de La Prairie et de Chambly, Schuyler affirmait dans son Journal qu'il faisait face à un bataillon composé d'environ 300 soldats français ainsi qu'une quarantaine de leurs alliés. Cette troupe composée de 6 compagnies de la Marine et d'une compagnie de miliciens canadiens avait environ 35 à 40 officiers à sa têteLes six compagnies de la Marine avaient pour capitaines plusieurs hommes ayant combattus en Europe dans la grande armée du Général Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne. Il s'agit des capitaines, Philippe Clément sieur du Vuault et de Valrennes, 47 ans; monsieur le Marquis Antoine de Crisafi-Grimaldi, 39 ans; son jeune frère, le Chevalier de Malte monsieur Thomas de Crisafi-Grimaldi, 25 ans; monsieur Nicolas Daneau de Muy, 40 ans; monsieur Claude Guillouet d'Orvilliers, 33 ans; monsieur le capitaine et Major des troupes Joseph de Monic, 35 ans. Se rajoutant à ceux-ci, le jeune capitaine de la milice de Montréal le sieur Vincent LeBer du Chesne, âgé de 24 ans.. De ces chiffres il faut retenir a posteriori que la mort de 3 ou 4 jeunes officiers et de quelques soldats lors des durs combats qui ont suivi ne pouvait être considérée comme une lourde perte militaire pour les forces françaises.

     

    Par contre, dans une lettre écrite 3 jours après la bataille, le gouverneur Frontenac nous résume les faits au sujet de la victoire française et des lourdes pertes de l'ennemi: «après un combat qui dura près d'une heure et demie…le Sieur de Valrennes les fit plier et les mit entièrement en déroute, leur ayant tué plus de six-vingt (120) hommes sur la place parmi lesquels il y avait cinq ou six de leurs principaux chefs tant Anglais que SauvagesSelon Charles de Monseignat, premier secrétaire de Frontenac, sur le champ de bataille le grand Sachem du nom de « Onnonragewas » avait été une des nombreuses victimes du côté des envahisseurs. Également connu sous le nom de «Janetje» par les Hollandais et de «Lawrence» par les Anglais, Onnonragewas avait été qualifié de «bel entremetteur» ou fourbe par les Français car il avait passé l’automne et l’hiver précédents à Montréal, à négocier pour la paix avec le gouverneur Callières. Il avait quitté Montréal au printemps 1691 ayant pris l’engagement d’y revenir avec les membres de sa famille et de son clan pour s’établir au «Sault» avec les Agniers chrétiens. En fait, comme Callières s’en doutait, Onnonragewas n’était là qu’afin de mieux espionner pour le compte de ses alliés et fournisseurs d’Albany. , blessé un bien plus grand nombre, pris leurs drapeaux et fait quelques prisonniers ».

     

    Lors de ces événements Monsieur le comte de Frontenac était aux Trois-Rivières avec son État-Major ainsi que le commandant des troupes de la Marine en Nouvelle-France, le colonel Philippe Rigaud de Vaudreuil. Et, suite aux rapports qu'on lui fit, il nous confirmait également dans sa lettre du 14 août les pertes françaises pour toute cette journée: «Nous y avons perdu, de notre côté, 7 ou 8 officiers des plus braves et trente ou quarante soldats et habitants sans quelques blessés».

    Rétrospectivement, il serait illogique de croire, comme l'ont fait plusieurs historiens canadiens, que la perte de 4 des 55 à 60 officiersLes quatre officiers décédés suite aux affrontements malheureux du 11 août, 1691 devant le fort La Prairie sont: le capitaine Pierre d’Escayracde l’Autheur et de Reau, 24 ans; le capitaine réformé le sieur d’Hosta, 29 ans; le lieutenant réformé le sieur Domergue de Saint-Médard, 28 ans; et enfin le dénommé «Saint-Cirque» qui est plutôt le capitaine Jean-Louis Jadon de Cirgues et de Malmort âgé de 43 ans. présents au fort La Prairie le matin du 11 août 1691 avait été catastrophique pour l'armée française. La même conclusion s'imposerait pour la perte des 4 officiersLes quatre officiers décédés suite à la grande bataille du 11 août, 1691 à «mi-chemin» entre le fort Chambly et La Prairie sont:le lieutenant réformé Maurice Le Varlet de Saint-Maurice, 26 ans; le cadet Jean-Baptiste Denys de La Bruyère, 22 ans (filleul du comte de Frontenac); le lieutenant de la compagnie de Valrennes, Monsieur Antoine d’Aubusson du Verger-Dumas-Dupuys, 27 ans (beau-frère de Madeleine de Verchères); ainsi que le capitaine de la milice de Montréal, le sieur Vincent LeBer du Chesneâgé de 24 ans (frère de Jeanne LeBer, première recluse d’Amérique du Nord). sur un total de 35 à 40 officiers présents lors de la grande bataille qui suivi à «mi-chemin entre les deux forts».

     

    Monsieur de Callières, le grand stratège de cette opération d'encerclement de l'ennemiLe roi Louis XIV avait créé au mois d’avril 1693 «l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis» dans le but de récompenser les officiers les plus valeureux de son royaume. En Nouvelle-France, dès l’automne de cette année 1693, le premier sujet du roi à recevoir ce grand honneur a été nul autre que Louis-Hector de Callières. Ceci, afin de souligner sa contribution stratégique, facteur clé de la victoire décisive des troupes françaises lors des opérations militaires dans la seigneurie de La Prairie-de-la-Magdeleine, le 11 août 1691., avait encore à sa disposition un très grand nombre d'officiers aguerris ayant l’expérience de combat sur les champs de batailles européens, capables d'assumer le commandement des troupes et de les mener à la victoire … tel que nous le confirment ces nouvelles recherches sous la direction de Marcel Fournier.

     

    NB: Kahnawake, le grand village du «Sault» récemment palissadé par les alliés Agniers était situé à 6 km au nord-ouest du fort de La Prairie. Suite à la mort tragique du Grand Agnier «Togouirout » en 1690 ce village fut par la suite, en 1691, commandé par «Tatakwiséré » le plus grand de ses capitaines de guerre. Afin d'en assurer la sécurité et surtout pour empêcher le va-et-vient d'espions ou de certains Agniers sympathiques aux Mohawks, M. de Callières y avait posté une demi-compagnie de soldats avec de jeunes officiers canadiens de la Marine. Cette troupe était commandée par le lieutenant Nicolas d'Ailleboust de Manthet (28 ans) qui, accompagné de ces mêmes Agniers, avait aussi commandé l'expédition punitive de l'année précédente sur Schenectady, N.Y. L'enseigne Augustin Le Gardeur de Repentigny (28 ans), cousin de Nicolas, était également présent en plus d'un autre enseigne de la région de Montréal, Zacharie Robutel de LaNoue (26 ans).

     

    Jean-François Lozier – Université d'Ottawa: Flesh Reborn … The Saint-Lawrence Valley Mission Settlements through the Seventeenth Century. – McGill-Queen's University Press -2018

     

    En 2017 une importante consultation de documents d'archives en France et au Québec a permis au généalogiste émérite Marcel Fournier et à ses collègues de réaliser une forme de dictionnaire inédit intitulé «Les troupes de la Marine au Canada entre 1683 et 1760» dans lequel livre nous retrouvons également un index des noms de tous les 889 officiers de la Marine qui ont servi au Canada pendant cette période.   Cette recherche est une invitation à enrichir nos connaissancesEn 2009 dans «1691 - La Bataille de La Prairie» les auteurs affirmaient (p.131): «Nous savons également peu de choses sur les miliciens et sur les compagnies Franches de la Marine engagés dans ces combats». sur la présence et le nombre exacte d'officiers des compagnies franches de la Marine au Canada lors de la guerre Franco-Iroquoise et surtout au moment de la grande opération militaire qui eut lieu durant l'été de l'année 1691.   L’analyse rétrospective de cet index nous permet de savoir avec certitude qu'il y avait 168 officiers de la Marine présent au Canada en 1691. Le décompte des grades est le suivant: 30 capitaines, 16 capitaines réformés, 35 lieutenants, 27 lieutenants réformés, 35 enseignes, 9 enseignes réformés ainsi que 16 cadets. De ces 168 officiers de la Marine, 115 sont d'origine française et 53 sont canadiens.Ce total de 168 officiers de la Marine est exactement le double de l'estimé établi par René Chartrand dans: Le Patrimoine Militaire Canadien, Tome I, 1000 – 1754, Montréal, Art Global,1993, page 111.   Donc, un total de 168 officiers pour seulement 28 compagnies présentes dans la colonie, soit 6 officiers par compagnie. Si nous excluons de ce nombre les officiers d'État-Major et de la garde personnelle des trois gouverneurs présents en Nouvelle-France; soit à Québec, Trois-Rivières et Montréal, il restait environ 5 officiers pour chaque compagnie. Il est important de souligner que cette situation de surplus d'effectifs militaires avec expérience de combat représentait un très grand avantage en temps de guerre. Une compagnie de la Marine était normalement composée d’un maximum de cinquante hommes incluant un capitaine, un lieutenant ainsi qu’un enseigne. En 1691, suite à plusieurs années de petite guerre, il ne restait au Canada que plus ou  moins 1100 soldats de la Marine en plus de leurs  officiers, soit des formations réduites à un nombre  de 42 à 43 hommes en moyenne par compagnie.   Louis-Hector de Callières, le gouverneur militaire de Montréal, ainsi que le baron de LaHontan nous confirmaient qu'il y avait 15 compagnies à La Prairie le matin du 10 août 1691 et donc de conclure qu'il y avait aussi 75 à 80 officiers présents. Suite au départ du bataillon du commandant de Valrennes, pour se rendre au fort Chambly, il restait toujours 11 compagnies à La Prairie avec environ 55 à 60 officiers.   Tôt le matin du 11 août, après l'escarmouche qui eut lieu devant le fort La Prairie, c'est bien le feu et les nombreuses embuscades de l'ennemi le long du sentier menant vers le fort Chambly qui expliqueraient la poursuite inefficace de la part de l'armée française. En effet Pieter Schuyler, le commandant des envahisseurs newyorkais, avait donné ordre à son arrière-garde de mettre le feu dans les champs de blé de La Prairie «burning their corne and hay» et tout au long du sentier lors de la retraite de son armée. Cette action eut l'avantage d'empêcher l'anéantissement complet de son armée newyorkaise par les troupes françaises qui, elles, tentaient d'appliquer la stratégie militaire énoncée par Callières, à savoir, «mettre l'ennemi entre deux afin qu'ils ne nous eschapassent pas».   Une fois arrivé à la traverse de la petite rivière Mont-Royal (l’Acadie) «à mi-chemin» entre les deux forts de La Prairie et de Chambly, Schuyler affirmait dans son Journal qu'il faisait face à un bataillon composé d'environ 300 soldats français ainsi qu'une quarantaine de leurs alliés. Cette troupe composée de 6 compagnies de la Marine et d'une compagnie de miliciens canadiens avait environ 35 à 40 officiers à sa têteLes six compagnies de la Marine avaient pour capitaines plusieurs hommes ayant combattus en Europe dans la grande armée du Général Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne. Il s'agit des capitaines, Philippe Clément sieur du Vuault et de Valrennes, 47 ans; monsieur le Marquis Antoine de Crisafi-Grimaldi, 39 ans; son jeune frère, le Chevalier de Malte monsieur Thomas de Crisafi-Grimaldi, 25 ans; monsieur Nicolas Daneau de Muy, 40 ans; monsieur Claude Guillouet d'Orvilliers, 33 ans; monsieur le capitaine et Major des troupes Joseph de Monic, 35 ans. Se rajoutant à ceux-ci, le jeune capitaine de la milice de Montréal le sieur Vincent LeBer du Chesne, âgé de 24 ans.. De ces chiffres il faut retenir a posteriori que la mort de 3 ou 4 jeunes officiers et de quelques soldats lors des durs combats qui ont suivi ne pouvait être considérée comme une lourde perte militaire pour les forces françaises.   Par contre, dans une lettre écrite 3 jours après la bataille, le gouverneur Frontenac nous résume les faits au sujet de la victoire française et des lourdes pertes de l'ennemi: «après un combat qui dura près d'une heure et demie…le Sieur de Valrennes les fit plier et les mit entièrement en déroute, leur ayant tué plus de six-vingt (120) hommes sur la place parmi lesquels il y avait cinq ou six de leurs principaux chefs tant Anglais que SauvagesSelon Charles de Monseignat, premier secrétaire de Frontenac, sur le champ de bataille le grand Sachem du nom de « Onnonragewas » avait été une des nombreuses victimes du côté des envahisseurs. Également connu sous le nom de «Janetje» par les Hollandais et de «Lawrence» par les Anglais, Onnonragewas avait été qualifié de «bel entremetteur» ou fourbe par les Français car il avait passé l’automne et l’hiver précédents à Montréal, à négocier pour la paix avec le gouverneur Callières. Il avait quitté Montréal au printemps 1691 ayant pris l’engagement d’y revenir avec les membres de sa famille et de son clan pour s’établir au «Sault» avec les Agniers chrétiens. En fait, comme Callières s’en doutait, Onnonragewas n’était là qu’afin de mieux espionner pour le compte de ses alliés et fournisseurs d’Albany. , blessé un bien plus grand nombre, pris leurs drapeaux et fait quelques prisonniers ».   Lors de ces événements Monsieur le comte de Frontenac était aux Trois-Rivières avec son État-Major ainsi que le commandant des troupes de la Marine en Nouvelle-France, le colonel Philippe Rigaud de Vaudreuil. Et, suite aux rapports qu'on lui fit, il nous confirmait également dans sa lettre du 14 août les pertes françaises pour toute cette journée: «Nous y avons perdu, de notre côté, 7 ou 8 officiers des plus braves et trente ou quarante soldats et habitants sans quelques blessés». Rétrospectivement, il serait illogique de croire, comme l'ont fait plusieurs historiens canadiens, que la perte de 4 des 55 à 60 officiersLes quatre officiers décédés suite aux affrontements malheureux du 11 août, 1691 devant le fort La Prairie sont: le capitaine Pierre d’Escayracde l’Autheur et de Reau, 24 ans; le capitaine réformé le sieur d’Hosta, 29 ans; le lieutenant réformé le sieur Domergue de Saint-Médard, 28 ans; et enfin le dénommé «Saint-Cirque» qui est plutôt le capitaine Jean-Louis Jadon de Cirgues et de Malmort âgé de 43 ans. présents au fort La Prairie le matin du 11 août 1691 avait été catastrophique pour l'armée française. La même conclusion s'imposerait pour la perte des 4 officiersLes quatre officiers décédés suite à la grande bataille du 11 août, 1691 à «mi-chemin» entre le fort Chambly et La Prairie sont:le lieutenant réformé Maurice Le Varlet de Saint-Maurice, 26 ans; le cadet Jean-Baptiste Denys de La Bruyère, 22 ans (filleul du comte de Frontenac); le lieutenant de la compagnie de Valrennes, Monsieur Antoine d’Aubusson du Verger-Dumas-Dupuys, 27 ans (beau-frère de Madeleine de Verchères); ainsi que le capitaine de la milice de Montréal, le sieur Vincent LeBer du Chesneâgé de 24 ans (frère de Jeanne LeBer, première recluse d’Amérique du Nord). sur un total de 35 à 40 officiers présents lors de la grande bataille qui suivi à «mi-chemin entre les deux forts».   Monsieur de Callières, le grand stratège de cette opération d'encerclement de l'ennemiLe roi Louis XIV avait créé au mois d’avril 1693 «l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis» dans le but de récompenser les officiers les plus valeureux de son royaume. En Nouvelle-France, dès l’automne de cette année 1693, le premier sujet du roi à recevoir ce grand honneur a été nul autre que Louis-Hector de Callières. Ceci, afin de souligner sa contribution stratégique, facteur clé de la victoire décisive des troupes françaises lors des opérations militaires dans la seigneurie de La Prairie-de-la-Magdeleine, le 11 août 1691., avait encore à sa disposition un très grand nombre d'officiers aguerris ayant l’expérience de combat sur les champs de batailles européens, capables d'assumer le commandement des troupes et de les mener à la victoire … tel que nous le confirment ces nouvelles recherches sous la direction de Marcel Fournier.   NB: Kahnawake, le grand village du «Sault» récemment palissadé par les alliés Agniers était situé à 6 km au nord-ouest du fort de La Prairie. Suite à la mort tragique du Grand Agnier «Togouirout » en 1690 ce village fut par la suite, en 1691, commandé par «Tatakwiséré » le plus grand de ses capitaines de guerre. Afin d'en assurer la sécurité et surtout pour empêcher le va-et-vient d'espions ou de certains Agniers sympathiques aux Mohawks, M. de Callières y avait posté une demi-compagnie de soldats avec de jeunes officiers canadiens de la Marine. Cette troupe était commandée par le lieutenant Nicolas d'Ailleboust de Manthet (28 ans) qui, accompagné de ces mêmes Agniers, avait aussi commandé l'expédition punitive de l'année précédente sur Schenectady, N.Y. L'enseigne Augustin Le Gardeur de Repentigny (28 ans), cousin de Nicolas, était également présent en plus d'un autre enseigne de la région de Montréal, Zacharie Robutel de LaNoue (26 ans).   Jean-François Lozier - Université d'Ottawa: Flesh Reborn … The Saint-Lawrence Valley Mission Settlements through the Seventeenth Century. - McGill-Queen's University Press -2018  ...

    La bataille de La Prairie – 1691 Les bombes exploseront-elles au-dessus de La Prairie ?

    Lors de son expédition de l’été 1691, avec comme but ultime la conquête de Montréal, Pieter Schuyler et son armée étaient équipés d’une nouvelle pièce d’artillerie légère : le mortier de campagne. Son armée avait démonté de sa base cette arme redoutable et l’avait transportée d’Albany, N.Y. vers le nord, via les lacs St-Sacrement (George) et Champlain, et ceci à bord d’un petit radeau tiré par des rabaskas ! 

    Ensuite, transportant sur leurs épaules ce poids de plus de 100 kilos, les hommes continuèrent à pied sur le sentier du vieux fort Saint-Jean jusqu’à deux miles de La Prairie. Ayant avec lui cette arme de siège dévastatrice, la capitulation de Montréal était effectivement envisagée et même réalisable pour le major Schuyler, mais ses toutes premières cibles devaient être les forts de La Prairie et de Chambly, qu’il croyait défendus uniquement par de petites garnisons de soldats de la Marine.

    Plus petit et plus mobile qu’un canon, le mortier de campagne pouvait effectuer des tirs de projectiles, « bombes » ou « grenades », contre des objectifs masqués lors d’un siège, par un tir courbe par-dessus les fortifications pour atteindre les défenseurs, jusque-là abrités. Avancée technologique européenne créé quelques années plus tôt au XVIIe siècle, le canon-mortier allait enfin faire son entrée en Amérique du Nord, et la réputation destructrice de cet engin de guerre n’était pas à refaire.

    D’ailleurs, le 14 avril de l’année précédente, Robert Livingston, premier secrétaire des Affaires indiennes de la province de 
    New York, informait son gouverneur d’alors, Monsieur Edmund Andros que : « ses espions racontaient que des troupes françaises allaient attaquer Albany ce printemps et qu’ils avaient, entre autres (…) douze mortiers légers ». Ces nouvelles, disait Livingston, « font le tour de New York, de la Virginie, du Connecticut et de Boston en suscitant la panique générale. En conséquence, les femmes se réfugiaient du côté de New York, et la population de la région d’Albany abandonnait ses terres ». Heureusement pour eux, cette rumeur s’est révélée fausse !

    Par contre, en 1691, autant Monsieur le comte de Frontenac que Louis-Hector de Callières, le gouverneur militaire de Montréal, nous confirmaient dans leurs correspondances que le major Schuyler et son armée avaient eu la ferme intention de faire usage de mortiers à La Prairie : « l’autre party tant anglois qu’iroquois commandé par le maire d’Orange (Albany), qui venait par le chemin de La Prairie de la Magdeleine avec des grenades (bombes) dans le dessein d’entreprendre sur quelques-uns des forts de mon gouvernement… ».

    En effet, tôt le matin du 10 août 1691, un Pieter Schuyler hésitant se préparait à attaquer soit le fort Chambly ou celui de La Prairie. Le lendemain, il se retrouvait à deux miles de son premier objectif, le village palissadé de La Prairie : « Nous avons décidé d’attaquer le fort à l’aube. Après nos prières du matin nous avons marché vers Laprarie (sic), et à une distance d’un mile avant d’y être (one mile on this side) nous sommes arrêtés pour déposer nos bagages (sac à dos, etc.)… » Une distance de « one mile » (1,6 km) est également, selon les experts militaires consultés aux forts Niagara et Ticonderoga, la distance idéale pour le tir du mortier de campagne.

    Or, il faut également savoir que le mortier restait une arme maniée par des spécialistes, car l’usage de celle-ci nécessitait un double allumage difficile et très dangereux ; le projectile explosif puis la grosse charge propulsive, en plus  de savants calculs pour la trajectoire. Cette information nous confirme, sans aucun doute, la présence au printemps 1691 des soldats et surtout des artificiers de « Her Majesty’s Second Company of Foot ». Celle-ci avait accompagné, quelques mois plus tôt, le nouveau gouverneur de New York, Monsieur Henry Sloughter, lors de sa traversée de l’Atlantique.

    Cette formation de plus de 200 soldats réguliers, dit « fusileers », était également au grand rassemblement de juin à Albany, en présence des alliés iroquois et du gouverneur Sloughter avant de se joindre au regroupement de la petite armée de Pieter Schuyler le 25 juin 1691 – (Calendrier Julien). La milice d’Albany n’avait jamais eu en sa possession cette arme, et elle n’avait sûrement pas eu l’occasion de l’utiliser auparavant. Et, de toutes évidences, elle n’avait la compétence ni pour la préparation des multiples mèches et des poudres à canon ni, dans son ensemble, pour le maniement de cette pièce d’artillerie très sophistiquée.

    Nous savons qu’en cas d’attaques ou de raids dans la région de Montréal, à la fin du 17e siècle, de petits canons étaient utilisés comme moyen de communication entre les forts afin d’alerter l’unité d’élite de la Marine située à Montréal : les « mousquetaires ». Le boulet de canon n’était pas toujours nécessaire, mais la poudre à canon était un ingrédient indispensable. Les coups de canon annonçaient l’arrivée de l’ennemi ou d’une attaque-surprise des Iroquois. Un exemple bien connu : l’attaque iroquoise qui eut lieu dans la seigneurie de Verchères en octobre 1692, quand la jeune Madeleine Jarret dite de Verchères avait tiré du canon de l’intérieur de son fortin, non pas sur l’ennemi, mais en direction de Boucherville et de Montréal afin de signaler l’attaque, et de réclamer qu’un renfort de troupes soit dépêché à leur secours.

    À l’aube, le 11 août 1691, les habitants de la seigneurie de La Prairie, ces jeunes familles pionnières qui dormaient à l’intérieur du fort, n’ont pas été surpris dans leur sommeil par l’explosion de bombes incendiaires. La guerre moderne, avec ses tirs de mortiers, ces tirs courbes en altitude, qui semaient la mort et la destruction à l’intérieur de l’enceinte d’un fort, les avaient heureusement épargnés ce jour-là. Cette situation était le résultat d’une importante planification stratégique de la part du gouverneur militaire de la région de Montréal. Monsieur de Callières avait effectivement réussi à attirer l’ennemi dans un grand « guet-apens » tout en repoussant l’attaque sur La Prairie avant même que l’envahisseur ne puisse faire usage de son artillerie.

    Mais le mystère demeure entier sur cette question : Callières savait-il à ce moment précis si l’ennemi préparait un ou plusieurs mortiers à la portée de tir du fort La Prairie ? Qu’importe, les Iroquois et les troupes de Pieter Schuyler, après un court échange de coups de feu devant le fort, se sont retirés dans la « grande ravine » et ont battu en retraite avec tellement de célérité, « with all haste », qu’ils ont même, selon Charlevoix, abandonné sur place leur canon-mortier, et ce, sans avoir tiré un seul coup ! 

    Se rendant compte de son impardonnable erreur, le major Schuyler avait ordonné la retraite de ses troupes avec peu d’espoir que ses prières du matin soient exaucées. Il fut ultimement défait « à mi-chemin » entre les deux forts par des troupes d’élite de la Marine sous les ordres du valeureux commandant de bataillon Philippe Clément du Vuault sieur de Valrennes, qui l’attendait sur « un coteau » derrière une « barricade et des abatis ». Donc, celui qui croyait surprendre a été surpris !   

    En conclusion, non… il n’y a pas eu d’éclatements de bombes sur La Prairie le 11 août 1691, aucun habitant n’y a perdu la vie, et encore moins à Montréal grâce à la vigilance du gouverneur de Callières et du courage et de la discipline de son armée ! Selon Robert Livingston, après La Prairie, la mission de l’envahisseur était bien d’attaquer Montréal… « Mont Reall where they had their designe ».

    Également, le laborieux transport de ce lourd mortier en fonte ainsi que ses « grenades », surtout de nuit et face à des vents contraires sur les lacs St-Sacrement (lake George) et Champlain, était assurément une des principales raisons expliquant le fait que le major Schuyler avait pris 37 jours pour se rendre jusqu’à La Prairie, et qu’il ne prit que neuf jours après sa défaite et l’abandon de son mortier (ou de ses mortiers) pour réaliser le long retour jusqu’à son point de départ… Albany, N.Y.

    Petit aparté 

    Selon certains documents de l’amirauté de La Rochelle,nous apprenons qu’au fort Chambly il y avait un certain « Jean Beau (LeBeau) dit l’Alouette » (ancêtre de l’auteur) qui était spécialiste des poudres à canon. Jean Beau fut, pendant plusieurs années, « ingénieur du canonnier » sur les navires de Sa Majesté Louis XIV, avant d’obtenir permission de quitter son navire au port de Québec. LeBeau, n’ayant peur de rien, était allé s’établir avec la belle Étienette Loret, la plus jolie des Filles du roi, à un endroit des plus dangereux en 1673 : la seigneurie du capitaine Jacques de Chambly. Selon certains commentaires de l’historien Charlevoix au sujet des forts et des avant-postes de la Nouvelle-France, nous savons que : « ce qui fait la sûreté de Montréal, ce sont les forts de Chambly et de La Prairie » !

    Jean Beau connaissait bien la recette pour la poudre à fusil (mousquet) et surtout la délicate technique de préparation de la poudre pour les canons du fort Chambly ainsi que pour d’autres forts et places fortes, comme La Prairie. En voici les éléments de base… 

    • 73 % – Salpêtre (nitrate de potassium)

    • 15 % – Charbon de bois (aulne)

    • 10 % – Soufre (importé d’Europe)

    • 1 à 2 % – Graphite (pour la résistance à l’humidité)

    Lors de son expédition de l’été 1691, avec comme but ultime la conquête de Montréal, Pieter Schuyler et son armée étaient équipés d’une nouvelle pièce d’artillerie légère : le mortier de campagne. Son armée avait démonté de sa base cette arme redoutable et l’avait transportée d’Albany, N.Y. vers le nord, via les lacs St-Sacrement (George) et Champlain, et ceci à bord d’un petit radeau tiré par des rabaskas !  Ensuite, transportant sur leurs épaules ce poids de plus de 100 kilos, les hommes continuèrent à pied sur le sentier du vieux fort Saint-Jean jusqu’à deux miles de La Prairie. Ayant avec lui cette arme de siège dévastatrice, la capitulation de Montréal était effectivement envisagée et même réalisable pour le major Schuyler, mais ses toutes premières cibles devaient être les forts de La Prairie et de Chambly, qu’il croyait défendus uniquement par de petites garnisons de soldats de la Marine. Plus petit et plus mobile qu’un canon, le mortier de campagne pouvait effectuer des tirs de projectiles, « bombes » ou « grenades », contre des objectifs masqués lors d’un siège, par un tir courbe par-dessus les fortifications pour atteindre les défenseurs, jusque-là abrités. Avancée technologique européenne créé quelques années plus tôt au XVIIe siècle, le canon-mortier allait enfin faire son entrée en Amérique du Nord, et la réputation destructrice de cet engin de guerre n’était pas à refaire. D’ailleurs, le 14 avril de l’année précédente, Robert Livingston, premier secrétaire des Affaires indiennes de la province de  New York, informait son gouverneur d’alors, Monsieur Edmund Andros que : « ses espions racontaient que des troupes françaises allaient attaquer Albany ce printemps et qu’ils avaient, entre autres (…) douze mortiers légers ». Ces nouvelles, disait Livingston, « font le tour de New York, de la Virginie, du Connecticut et de Boston en suscitant la panique générale. En conséquence, les femmes se réfugiaient du côté de New York, et la population de la région d’Albany abandonnait ses terres ». Heureusement pour eux, cette rumeur s’est révélée fausse ! Par contre, en 1691, autant Monsieur le comte de Frontenac que Louis-Hector de Callières, le gouverneur militaire de Montréal, nous confirmaient dans leurs correspondances que le major Schuyler et son armée avaient eu la ferme intention de faire usage de mortiers à La Prairie : « l’autre party tant anglois qu’iroquois commandé par le maire d’Orange (Albany), qui venait par le chemin de La Prairie de la Magdeleine avec des grenades (bombes) dans le dessein d’entreprendre sur quelques-uns des forts de mon gouvernement... ». En effet, tôt le matin du 10 août 1691, un Pieter Schuyler hésitant se préparait à attaquer soit le fort Chambly ou celui de La Prairie. Le lendemain, il se retrouvait à deux miles de son premier objectif, le village palissadé de La Prairie : « Nous avons décidé d’attaquer le fort à l’aube. Après nos prières du matin nous avons marché vers Laprarie (sic), et à une distance d’un mile avant d’y être (one mile on this side) nous sommes arrêtés pour déposer nos bagages (sac à dos, etc.)... » Une distance de « one mile » (1,6 km) est également, selon les experts militaires consultés aux forts Niagara et Ticonderoga, la distance idéale pour le tir du mortier de campagne. Or, il faut également savoir que le mortier restait une arme maniée par des spécialistes, car l’usage de celle-ci nécessitait un double allumage difficile et très dangereux ; le projectile explosif puis la grosse charge propulsive, en plus  de savants calculs pour la trajectoire. Cette information nous confirme, sans aucun doute, la présence au printemps 1691 des soldats et surtout des artificiers de « Her Majesty’s Second Company of Foot ». Celle-ci avait accompagné, quelques mois plus tôt, le nouveau gouverneur de New York, Monsieur Henry Sloughter, lors de sa traversée de l’Atlantique. Cette formation de plus de 200 soldats réguliers, dit « fusileers », était également au grand rassemblement de juin à Albany, en présence des alliés iroquois et du gouverneur Sloughter avant de se joindre au regroupement de la petite armée de Pieter Schuyler le 25 juin 1691 - (Calendrier Julien). La milice d’Albany n’avait jamais eu en sa possession cette arme, et elle n’avait sûrement pas eu l’occasion de l’utiliser auparavant. Et, de toutes évidences, elle n’avait la compétence ni pour la préparation des multiples mèches et des poudres à canon ni, dans son ensemble, pour le maniement de cette pièce d’artillerie très sophistiquée. Nous savons qu’en cas d’attaques ou de raids dans la région de Montréal, à la fin du 17e siècle, de petits canons étaient utilisés comme moyen de communication entre les forts afin d’alerter l’unité d’élite de la Marine située à Montréal : les « mousquetaires ». Le boulet de canon n’était pas toujours nécessaire, mais la poudre à canon était un ingrédient indispensable. Les coups de canon annonçaient l’arrivée de l’ennemi ou d’une attaque-surprise des Iroquois. Un exemple bien connu : l’attaque iroquoise qui eut lieu dans la seigneurie de Verchères en octobre 1692, quand la jeune Madeleine Jarret dite de Verchères avait tiré du canon de l’intérieur de son fortin, non pas sur l’ennemi, mais en direction de Boucherville et de Montréal afin de signaler l’attaque, et de réclamer qu’un renfort de troupes soit dépêché à leur secours. À l’aube, le 11 août 1691, les habitants de la seigneurie de La Prairie, ces jeunes familles pionnières qui dormaient à l’intérieur du fort, n’ont pas été surpris dans leur sommeil par l’explosion de bombes incendiaires. La guerre moderne, avec ses tirs de mortiers, ces tirs courbes en altitude, qui semaient la mort et la destruction à l’intérieur de l’enceinte d’un fort, les avaient heureusement épargnés ce jour-là. Cette situation était le résultat d’une importante planification stratégique de la part du gouverneur militaire de la région de Montréal. Monsieur de Callières avait effectivement réussi à attirer l’ennemi dans un grand « guet-apens » tout en repoussant l’attaque sur La Prairie avant même que l’envahisseur ne puisse faire usage de son artillerie. Mais le mystère demeure entier sur cette question : Callières savait-il à ce moment précis si l’ennemi préparait un ou plusieurs mortiers à la portée de tir du fort La Prairie ? Qu’importe, les Iroquois et les troupes de Pieter Schuyler, après un court échange de coups de feu devant le fort, se sont retirés dans la « grande ravine » et ont battu en retraite avec tellement de célérité, « with all haste », qu’ils ont même, selon Charlevoix, abandonné sur place leur canon-mortier, et ce, sans avoir tiré un seul coup !  Se rendant compte de son impardonnable erreur, le major Schuyler avait ordonné la retraite de ses troupes avec peu d’espoir que ses prières du matin soient exaucées. Il fut ultimement défait « à mi-chemin » entre les deux forts par des troupes d’élite de la Marine sous les ordres du valeureux commandant de bataillon Philippe Clément du Vuault sieur de Valrennes, qui l’attendait sur « un coteau » derrière une « barricade et des abatis ». Donc, celui qui croyait surprendre a été surpris !    En conclusion, non… il n’y a pas eu d’éclatements de bombes sur La Prairie le 11 août 1691, aucun habitant n’y a perdu la vie, et encore moins à Montréal grâce à la vigilance du gouverneur de Callières et du courage et de la discipline de son armée ! Selon Robert Livingston, après La Prairie, la mission de l’envahisseur était bien d’attaquer Montréal... « Mont Reall where they had their designe ». Également, le laborieux transport de ce lourd mortier en fonte ainsi que ses « grenades », surtout de nuit et face à des vents contraires sur les lacs St-Sacrement (lake George) et Champlain, était assurément une des principales raisons expliquant le fait que le major Schuyler avait pris 37 jours pour se rendre jusqu’à La Prairie, et qu’il ne prit que neuf jours après sa défaite et l’abandon de son mortier (ou de ses mortiers) pour réaliser le long retour jusqu’à son point de départ... Albany, N.Y. Petit aparté  Selon certains documents de l’amirauté de La Rochelle,nous apprenons qu’au fort Chambly il y avait un certain « Jean Beau (LeBeau) dit l’Alouette » (ancêtre de l’auteur) qui était spécialiste des poudres à canon. Jean Beau fut, pendant plusieurs années, « ingénieur du canonnier » sur les navires de Sa Majesté Louis XIV, avant d’obtenir permission de quitter son navire au port de Québec. LeBeau, n’ayant peur de rien, était allé s’établir avec la belle Étienette Loret, la plus jolie des Filles du roi, à un endroit des plus dangereux en 1673 : la seigneurie du capitaine Jacques de Chambly. Selon certains commentaires de l’historien Charlevoix au sujet des forts et des avant-postes de la Nouvelle-France, nous savons que : « ce qui fait la sûreté de Montréal, ce sont les forts de Chambly et de La Prairie » ! Jean Beau connaissait bien la recette pour la poudre à fusil (mousquet) et surtout la délicate technique de préparation de la poudre pour les canons du fort Chambly ainsi que pour d’autres forts et places fortes, comme La Prairie. En voici les éléments de base...  • 73 % - Salpêtre (nitrate de potassium) • 15 % - Charbon de bois (aulne) • 10 % - Soufre (importé d’Europe) • 1 à 2 % - Graphite (pour la résistance à l’humidité)...

    Le général Lévis à La Prairie ??

    Quoique la signature de l’acte de capitulation des troupes françaises au Canada ne se fasse que le 7 septembre 1760 au château du gouverneur Vaudreuil à Montréal, la décision, elle, a été prise quelques jours plus tôt en conséquence d’importants et de dramatiques événements survenus à La Prairie-de-la-Magdeleine.

    Malheureusement, à la suite de leur grande victoire décisive du 28 avril 1760 à Sainte-Foy, vengeant ainsi la défaite des Plaines d’Abraham de l’année précédente, les troupes françaises du général François Gaston de Lévis n’ont eu d’autres choix que de lever le siège devant les remparts de Québec et de retraiter en bon ordre vers leurs quartiers situés au cœur de la Nouvelle-France, dans la grande région de Montréal. 

    En partant pour Montréal, Lévis laisse derrière lui plusieurs soldats et officiers blessés à l’hôpital général de Québec. Quelques jours plus tard, en visite à l’hôpital, le général James Murray offre le dîner à deux capitaines français, soit Malartic du régiment de Béarn, et Bellecombe du Royal-Roussillon. 

    Dans une conversation subséquente, Murray demande à Guillaume Léonard de Bellecombe quelle serait la réaction des Français s’il offrait de bonnes conditions pour une capitulation immé-diate ? Bellecombe répond poliment : « si vous voulez le reste du Canada, vous devrez vous battre pour l’obtenir ! ».    
     
    L’effort de guerre requis pour nourrir, transporter et armer les troupes comprenant une force de 3 950 soldats français, 2 750 de la Marine et miliciens canadiens ainsi que les 270 guerriers des Sept-Nations Les 7 Nations alliées aux Français comprennent les Hurons-Wendat de Lorette, les Outaouais de Michilimakinac, les Abénakis de Saint-François et Bécancour, les Algonquins, les Agniers et les Nipissings d’Oka/Kanesetake, les Agniers d’Akwesasne, les Agniers d’Oswegatchie (Iroquois Onondagas de La Galette) ainsi que les Agniers (Mohawks) de Kahnawa:ke commandés par leur chef de guerre Atiatonharongwen.est colossal pour une petite colonie qui manque maintenant de tout. 

    Levant le siège devant Québec deux semaines après sa victoire à Ste-Foy, tout en ayant infligé d’énormes pertes aux troupes du général Murray, le chevalier de Lévis a maintenant la lourde tâche de préparer sa petite armée à une tâche surhumaine. Elle doit résister à une incomparable offensive de trois grandes armées anglaises d’environ 18 à 20 000 hommes au total, arrivant simultanément de trois directions à la fois. 

    En effet, l’armée du commandant-en-chef, le général Jeffery Amherst, arriverait à Montréal à partir des Grands Lacs, descendant le St-Laurent avec 5 586 soldats réguliers, 4 479 soldats coloniaux des provinces de New York, du New Jersey et du Connecticut ainsi que 706 guerriers Haudenosaunee (Iroquois de la Ligue des Cinq-Nations).

    L’armée du général de brigade William Haviland arriverait du sud via le lac Champlain avec mission de réduire la forteresse française de l’Île-aux-Noix et de s’emparer des forts Saint-Jean Chambly. Venant de Québec au nord, les restants de l’armée du général Murray, suivi par des renforts de Louisbourg et d’ailleurs, convergeraient avec les autres armées en remontant le fleuve Saint-Laurent sur quelques puissants navires de guerre anglais.Le général Murray laisse 1 700 soldats en garnison à Québec et avance avec 2 500 troupes qui s’embarquent dans les frégates de sa Majesté, Diana et Penzance, en plus de leurs neuf batteries flottantes, 33 transports de troupes et une suite de 22 embarcations à fond plat.

    Promu nouveau maréchal de camp, le chevalier de Lévis, sans se faire d’illusions, est un éternel optimiste, et dans sa lettre à Nicolas René Berryer, ministre de la Marine et des colonies, il affirme avoir une stratégie pour sauver la colonie : « Si nos ennemis ne coordonnent pas leurs mouvements, nous allons attaquer la première armée qui se présentera. Ceci est la seule chance qu’il nous reste… »Lévis à Berryer, 28 juin 1760. (LAC, MG18-K8, vol. 11, F, 404, rouleau C-365)..

    Mais l’avance des trois corps d’armée anglais a été méthodique, bien coordonnée, et elle submerge les défenses françaises. Déjà, à la fin août, Murray est à Varennes, Amherst descend les derniers rapides du Saint-Laurent dans la région des Cèdres avant d’accoster à L’Île-Perrot. Au même moment, les canonniers-bombardiers du général Haviland terminent le bombardement et la destruction des défenses de la forteresse de l’Île-aux-Noix. Haviland se prépare maintenant à une avance rapide en direction du fort français situé à Saint-Jean-sur-Richelieu.

    Le 29 août, le commandant en second de l’armée de terre, le général François-Charles de Bourlamaque, ordonne au général de brigade Jean-Georges Dejean de Roquemaure, qui est à la tête d’une troupe de 1,403 soldats et miliciens à St-Jean, de détruire ce fort et de « se replier le soir même à La Prairie ». Une semaine plus tôt (le 21 août), Roquemaure, sans comprendre pourquoi, n’a pas su convaincre ses 474 guerriers des Sept-Nations à le suivre pour lever le siège de la forteresse de l’Île-aux-Noix et participer, selon la stratégie du général Lévis, à l’attaque et la destruction de l’armée de Haviland. 

    Le 1er septembre 1760, réunies en catastrophe dans les environs de La PrairieLa réunion des « Sauvages » à La Prairie a toujours lieu au bord du Saint-Laurent près de l’embouchure de la rivière de la Tortue. Cet endroit est près de la résidence de Luc de La Corne « dit de St-Luc », capitaine de cavalerie et des « Sauvages ». (Nous croyons que cette maison existe toujours… ce serait la maison Melanson au bord du fleuve à Candiac).
    , les troupes qui s’étaient couvertes de gloire deux ans plus tôt (1758) lors de la bataille de Carillon (Ticonderoga) et au printemps 1760 lors de la bataille de Sainte-Foy, n’en peuvent plus et leurs « Sauvages » encore moins ! Le moral des troupes est au plus bas, ce qui précipite l’arrivée du Chevalier de Lévis à La Prairie-de-la-Magdeleine. Celui-ci a encore l’ambition illusoire d’organiser une grande contre-offensive.  

    Le 2 septembre, le général de brigade Roquemaure est présent à La Prairie avec Lévis et ses officiers, et il nous relate que : « Monsieur le Chevalier de Lévis ayant convoqué tous les sauvages à La Prairie pour les porter à le seconder dans son dessein, pendant qu’il les haranguoit, il vint un député (Saoten) de leur village leur annoncer que la paix étoit faite entre eux et les Anglois… Dans ce moment, ils se dispersèrent et laissèrent Monsieur le chevalier de Lévis tout seul avec ses officiers… »Ouiharalihte, un jeune guerrier Huron-Wendat nous relate que les Sept-Nations alliées aux Français, en négociations secrètes à Oswegatchie depuis plusieurs semaines, ont obtenus le statut de neutralité pour eux-mêmes. Maintenant, ils sont en paix avec les « British » et leurs alliés des Cinq-Nations Haudenosaunee (Iroquois) qui ont activement participé aux négociations.

    Donc, c’est à La Prairie-de-la-Magdeleine, à ce moment très précis, que la dure réalité sonne le glas pour la stratégie militaire du Chevalier de Lévis, le commandant des armées de terre en Amérique ! Roquemaure nous relate la suite et fin des délibérations de ce conseil de guerre : « … Lévis prit la résolution de faire replier sur l’île de Montréal tous les corps (d’armée) qui étoient au sud, ce qui fut exécuté avec beaucoup d’ordre le lendemain matin.». 

    Le 3 septembre au matin, toutes les troupes régulières françaises quittent La Prairie et Longueuil et se replient sur Montréal. Par contre, les miliciens canadiens et certaines troupes locales de la Marine, comme leurs alliés « Sauvages » avant eux, ont bien compris que cette guerre est maintenant terminée et ils décident, d’un commun accord, de rester sur la rive « au sud ».

    Entre temps, étant maintenant au cœur du pays ennemi, l’armée britannique fait savoir par les déclarations de ses principaux généraux qu’elle offre le statut de citoyen non combattant à tous ceux qui déposeraient leurs armes et prendre le serment d’allégeance à la couronne britannique : miliciens, compagnies de la Marine et soldats réguliers mariés et propriétaires en terre d’Amérique. Les maisons et bâtiments des gens du pays qui résisteraient encore à l’avance de l’armée anglaise seraient brûlés.  

    Le 4 septembre, un bataillon comptant plus de 400 miliciens de la région de La Prairie, pensant en premier lieu à leurs familles, mais certainement avec la mort dans l’âme, se rendent à Varennes pour déposer leurs armes devant le général James Murray. Ce général de brigade anglais est le même homme qui commandait à Québec quand, seulement quatre mois plus tôt, ces glorieux habitants « Canadiens de Montréal » ont contribué de façon importante à la défaite de son armée lors de cette fameuse bataille de Sainte-Foy Ces habitants miliciens, les glorieux « Canadiens de Montréal » n’ont pas pu, à partir de leur position, se rendre à temps l’année précédente pour combattre sur les Plaines d’Abraham, mais ils ont joué un rôle crucial lors de la bataille de Sainte-Foy. Selon le gouverneur Vaudreuil : « Monsieur Legardeur de Repentigny commandait ce bataillon de réserve de la milice qui occupa le centre du champ de bataille de l’armée française avec des éléments des compagnies de la Marine. Repentigny mit un frein à l’avance rapide du centre de l’armée anglaise et les força à retourner à leur position de départ. Il repoussa également deux tentatives de l’aile droite de l’armée anglaise qui tentait de le déloger de sa position… ce bataillon était le seul à ne jamais concéder un seul pouce de terrain à l’ennemi… » — Vaudreuil à Berryer, 3 mai, 1760.  . Désormais, après sept ans de guerre, il faut penser à sa famille et enfin vivre en paix. 

    Le 5 septembre, les troupes du général Amherst sont à Sainte-Geneviève dans l’ouest de l’île de Montréal et ceux du général Murray mettent pied sur l’Île dans l’est, à Pointe-aux-Trembles.

    Le 6 septembre au soir, le gouverneur de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud, Marquis de Vaudreuil, convoque chez lui les principaux officiers des troupes de terres et de la Marine pour un dernier conseil de guerre. L’armée française n’ayant maintenant que 2500 à 3000 hommes, Vaudreuil pense que : « L’intérêt général de la colonie exigeoit que les choses ne fussent pas poussées à la dernière extrémité, et qu’il convenoit de préférer une capitulation avantageuse aux peuples et honorables aux troupes ».

    Le 7 septembre à 6 heures, le colonel Louis-Antoine de Bougainville, qui parle anglais, se rend, à la demande du gouverneur, chez le général Amherst pour ratifier les 55 articles du texte de la capitulation.

    Le 8 septembre 1760 à 8 heures le matin, Montréal passe officiellement sous contrôle britannique. 

    En conclusion, la fin abrupte des alliances avec nos « Sauvages » à La Prairie-de-la-Magdeleine le 2 septembre 1760, ainsi que le retrait subséquent des hostilités de la part des milices canadiennes deux jours plus tard, mènent à l’inévitable aboutissement de ce conflit militaire en Amérique. Également, ces événements dramatiques qui ont eu lieu à La Prairie ont le mérite d’avoir évité de nombreuses et inutiles pertes de vie, de part et d’autre, en permettant une fin hâtive et ordonnée à cette longue guerre en Nouvelle-France. Ce texte s’est, entre autres, librement inspiré des nombreuses découvertes de Peter MacLeod, directeur de la recherche du Musée de la Guerre du Canada, auteur de plusieurs œuvres d’histoire militaire coloniale dont le Backs to the Wall — The Battle of Sainte-Foy.

    Quoique la signature de l’acte de capitulation des troupes françaises au Canada ne se fasse que le 7 septembre 1760 au château du gouverneur Vaudreuil à Montréal, la décision, elle, a été prise quelques jours plus tôt en conséquence d’importants et de dramatiques événements survenus à La Prairie-de-la-Magdeleine. Malheureusement, à la suite de leur grande victoire décisive du 28 avril 1760 à Sainte-Foy, vengeant ainsi la défaite des Plaines d’Abraham de l’année précédente, les troupes françaises du général François Gaston de Lévis n’ont eu d’autres choix que de lever le siège devant les remparts de Québec et de retraiter en bon ordre vers leurs quartiers situés au cœur de la Nouvelle-France, dans la grande région de Montréal.  En partant pour Montréal, Lévis laisse derrière lui plusieurs soldats et officiers blessés à l’hôpital général de Québec. Quelques jours plus tard, en visite à l’hôpital, le général James Murray offre le dîner à deux capitaines français, soit Malartic du régiment de Béarn, et Bellecombe du Royal-Roussillon.  Dans une conversation subséquente, Murray demande à Guillaume Léonard de Bellecombe quelle serait la réaction des Français s’il offrait de bonnes conditions pour une capitulation immé-diate ? Bellecombe répond poliment : « si vous voulez le reste du Canada, vous devrez vous battre pour l’obtenir ! ».       L’effort de guerre requis pour nourrir, transporter et armer les troupes comprenant une force de 3 950 soldats français, 2 750 de la Marine et miliciens canadiens ainsi que les 270 guerriers des Sept-Nations Les 7 Nations alliées aux Français comprennent les Hurons-Wendat de Lorette, les Outaouais de Michilimakinac, les Abénakis de Saint-François et Bécancour, les Algonquins, les Agniers et les Nipissings d’Oka/Kanesetake, les Agniers d’Akwesasne, les Agniers d’Oswegatchie (Iroquois Onondagas de La Galette) ainsi que les Agniers (Mohawks) de Kahnawa:ke commandés par leur chef de guerre Atiatonharongwen.est colossal pour une petite colonie qui manque maintenant de tout.  Levant le siège devant Québec deux semaines après sa victoire à Ste-Foy, tout en ayant infligé d’énormes pertes aux troupes du général Murray, le chevalier de Lévis a maintenant la lourde tâche de préparer sa petite armée à une tâche surhumaine. Elle doit résister à une incomparable offensive de trois grandes armées anglaises d’environ 18 à 20 000 hommes au total, arrivant simultanément de trois directions à la fois.  En effet, l’armée du commandant-en-chef, le général Jeffery Amherst, arriverait à Montréal à partir des Grands Lacs, descendant le St-Laurent avec 5 586 soldats réguliers, 4 479 soldats coloniaux des provinces de New York, du New Jersey et du Connecticut ainsi que 706 guerriers Haudenosaunee (Iroquois de la Ligue des Cinq-Nations). L’armée du général de brigade William Haviland arriverait du sud via le lac Champlain avec mission de réduire la forteresse française de l’Île-aux-Noix et de s’emparer des forts Saint-Jean Chambly. Venant de Québec au nord, les restants de l’armée du général Murray, suivi par des renforts de Louisbourg et d’ailleurs, convergeraient avec les autres armées en remontant le fleuve Saint-Laurent sur quelques puissants navires de guerre anglais.Le général Murray laisse 1 700 soldats en garnison à Québec et avance avec 2 500 troupes qui s’embarquent dans les frégates de sa Majesté, Diana et Penzance, en plus de leurs neuf batteries flottantes, 33 transports de troupes et une suite de 22 embarcations à fond plat. Promu nouveau maréchal de camp, le chevalier de Lévis, sans se faire d’illusions, est un éternel optimiste, et dans sa lettre à Nicolas René Berryer, ministre de la Marine et des colonies, il affirme avoir une stratégie pour sauver la colonie : « Si nos ennemis ne coordonnent pas leurs mouvements, nous allons attaquer la première armée qui se présentera. Ceci est la seule chance qu’il nous reste... »Lévis à Berryer, 28 juin 1760. (LAC, MG18-K8, vol. 11, F, 404, rouleau C-365).. Mais l’avance des trois corps d’armée anglais a été méthodique, bien coordonnée, et elle submerge les défenses françaises. Déjà, à la fin août, Murray est à Varennes, Amherst descend les derniers rapides du Saint-Laurent dans la région des Cèdres avant d’accoster à L’Île-Perrot. Au même moment, les canonniers-bombardiers du général Haviland terminent le bombardement et la destruction des défenses de la forteresse de l’Île-aux-Noix. Haviland se prépare maintenant à une avance rapide en direction du fort français situé à Saint-Jean-sur-Richelieu. Le 29 août, le commandant en second de l’armée de terre, le général François-Charles de Bourlamaque, ordonne au général de brigade Jean-Georges Dejean de Roquemaure, qui est à la tête d’une troupe de 1,403 soldats et miliciens à St-Jean, de détruire ce fort et de « se replier le soir même à La Prairie ». Une semaine plus tôt (le 21 août), Roquemaure, sans comprendre pourquoi, n’a pas su convaincre ses 474 guerriers des Sept-Nations à le suivre pour lever le siège de la forteresse de l’Île-aux-Noix et participer, selon la stratégie du général Lévis, à l’attaque et la destruction de l’armée de Haviland.  Le 1er septembre 1760, réunies en catastrophe dans les environs de La PrairieLa réunion des « Sauvages » à La Prairie a toujours lieu au bord du Saint-Laurent près de l’embouchure de la rivière de la Tortue. Cet endroit est près de la résidence de Luc de La Corne « dit de St-Luc », capitaine de cavalerie et des « Sauvages ». (Nous croyons que cette maison existe toujours… ce serait la maison Melanson au bord du fleuve à Candiac). , les troupes qui s’étaient couvertes de gloire deux ans plus tôt (1758) lors de la bataille de Carillon (Ticonderoga) et au printemps 1760 lors de la bataille de Sainte-Foy, n’en peuvent plus et leurs « Sauvages » encore moins ! Le moral des troupes est au plus bas, ce qui précipite l’arrivée du Chevalier de Lévis à La Prairie-de-la-Magdeleine. Celui-ci a encore l’ambition illusoire d’organiser une grande contre-offensive.   Le 2 septembre, le général de brigade Roquemaure est présent à La Prairie avec Lévis et ses officiers, et il nous relate que : « Monsieur le Chevalier de Lévis ayant convoqué tous les sauvages à La Prairie pour les porter à le seconder dans son dessein, pendant qu’il les haranguoit, il vint un député (Saoten) de leur village leur annoncer que la paix étoit faite entre eux et les Anglois… Dans ce moment, ils se dispersèrent et laissèrent Monsieur le chevalier de Lévis tout seul avec ses officiers... »Ouiharalihte, un jeune guerrier Huron-Wendat nous relate que les Sept-Nations alliées aux Français, en négociations secrètes à Oswegatchie depuis plusieurs semaines, ont obtenus le statut de neutralité pour eux-mêmes. Maintenant, ils sont en paix avec les « British » et leurs alliés des Cinq-Nations Haudenosaunee (Iroquois) qui ont activement participé aux négociations. Donc, c’est à La Prairie-de-la-Magdeleine, à ce moment très précis, que la dure réalité sonne le glas pour la stratégie militaire du Chevalier de Lévis, le commandant des armées de terre en Amérique ! Roquemaure nous relate la suite et fin des délibérations de ce conseil de guerre : « … Lévis prit la résolution de faire replier sur l’île de Montréal tous les corps (d’armée) qui étoient au sud, ce qui fut exécuté avec beaucoup d’ordre le lendemain matin.».  Le 3 septembre au matin, toutes les troupes régulières françaises quittent La Prairie et Longueuil et se replient sur Montréal. Par contre, les miliciens canadiens et certaines troupes locales de la Marine, comme leurs alliés « Sauvages » avant eux, ont bien compris que cette guerre est maintenant terminée et ils décident, d’un commun accord, de rester sur la rive « au sud ». Entre temps, étant maintenant au cœur du pays ennemi, l’armée britannique fait savoir par les déclarations de ses principaux généraux qu’elle offre le statut de citoyen non combattant à tous ceux qui déposeraient leurs armes et prendre le serment d’allégeance à la couronne britannique : miliciens, compagnies de la Marine et soldats réguliers mariés et propriétaires en terre d’Amérique. Les maisons et bâtiments des gens du pays qui résisteraient encore à l’avance de l’armée anglaise seraient brûlés.   Le 4 septembre, un bataillon comptant plus de 400 miliciens de la région de La Prairie, pensant en premier lieu à leurs familles, mais certainement avec la mort dans l’âme, se rendent à Varennes pour déposer leurs armes devant le général James Murray. Ce général de brigade anglais est le même homme qui commandait à Québec quand, seulement quatre mois plus tôt, ces glorieux habitants « Canadiens de Montréal » ont contribué de façon importante à la défaite de son armée lors de cette fameuse bataille de Sainte-Foy Ces habitants miliciens, les glorieux « Canadiens de Montréal » n’ont pas pu, à partir de leur position, se rendre à temps l’année précédente pour combattre sur les Plaines d’Abraham, mais ils ont joué un rôle crucial lors de la bataille de Sainte-Foy. Selon le gouverneur Vaudreuil : « Monsieur Legardeur de Repentigny commandait ce bataillon de réserve de la milice qui occupa le centre du champ de bataille de l’armée française avec des éléments des compagnies de la Marine. Repentigny mit un frein à l’avance rapide du centre de l’armée anglaise et les força à retourner à leur position de départ. Il repoussa également deux tentatives de l’aile droite de l’armée anglaise qui tentait de le déloger de sa position… ce bataillon était le seul à ne jamais concéder un seul pouce de terrain à l’ennemi... » — Vaudreuil à Berryer, 3 mai, 1760.  . Désormais, après sept ans de guerre, il faut penser à sa famille et enfin vivre en paix.  Le 5 septembre, les troupes du général Amherst sont à Sainte-Geneviève dans l’ouest de l’île de Montréal et ceux du général Murray mettent pied sur l’Île dans l’est, à Pointe-aux-Trembles. Le 6 septembre au soir, le gouverneur de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud, Marquis de Vaudreuil, convoque chez lui les principaux officiers des troupes de terres et de la Marine pour un dernier conseil de guerre. L’armée française n’ayant maintenant que 2500 à 3000 hommes, Vaudreuil pense que : « L’intérêt général de la colonie exigeoit que les choses ne fussent pas poussées à la dernière extrémité, et qu’il convenoit de préférer une capitulation avantageuse aux peuples et honorables aux troupes ». Le 7 septembre à 6 heures, le colonel Louis-Antoine de Bougainville, qui parle anglais, se rend, à la demande du gouverneur, chez le général Amherst pour ratifier les 55 articles du texte de la capitulation. Le 8 septembre 1760 à 8 heures le matin, Montréal passe officiellement sous contrôle britannique.  En conclusion, la fin abrupte des alliances avec nos « Sauvages » à La Prairie-de-la-Magdeleine le 2 septembre 1760, ainsi que le retrait subséquent des hostilités de la part des milices canadiennes deux jours plus tard, mènent à l’inévitable aboutissement de ce conflit militaire en Amérique. Également, ces événements dramatiques qui ont eu lieu à La Prairie ont le mérite d’avoir évité de nombreuses et inutiles pertes de vie, de part et d’autre, en permettant une fin hâtive et ordonnée à cette longue guerre en Nouvelle-France. Ce texte s’est, entre autres, librement inspiré des nombreuses découvertes de Peter MacLeod, directeur de la recherche du Musée de la Guerre du Canada, auteur de plusieurs œuvres d’histoire militaire coloniale dont le Backs to the Wall — The Battle of Sainte-Foy....

    La Prairie : l’opération militaire de l’été 1691 (Partie 3)

    Le rapport de Livingston confirmait entre autres que, « Nous avons interroger Symon Groot, qui a été remis à un de nos indiens par un Agnier catholique,… il confirme leur manque de provisions ; les forces dans la région de Mont Reall (sic) étaient moins de 300 soldats et qu’il y a environ 50 hommes (miliciens inclus) à La Prairie, où nos gens veulent attaquer… aussi il n’y a qu’une garnison de 20 soldats au village palissadé des Agniers au Sault-Saint-Louis. »Sachant qu’il y avait souvent des agents ou « spyes » parmi eux, le commandant de cette demi-compagnie avait ordre de mettre le Sault–Saint-Louis en quarantaine pendant que La Prairie était sous commandement militaire. Charles de Monseignat, le secrétaire de Frontenac, confirme que deux jours avant l’attaque « on détachait continuellement des partis pour aller à la découverte ; un des fils du sieur Hertel (Zacharie-François Hertel, sieur de la Frenière, 26 ans, interprète, lieutenant des guides) accompagné de trois Algonquins et d’un Sauvage de la Montagne, découvrit un canot dans la rivière de Richelieu, au dessus du portage de Chambly (St-Jean) sur lequel il tira ; ce canot était d’Agniers (Mohawks) qui venaient aussi à la découverte. » NB : À remarquer qu’il n’y a aucun Agnier du Sault en patrouille avec le sieur Hertel. .

    M. Henry Slaughter, le gouverneur de la Province of New Yorke, était également présent à Albany, et il était maintenant convaincu, plus que jamais, que le moment était propice pour passer à l’action. Et, très rassuré par les propos du jeune Symon Groot, Slaughter ordonna à Pieter Schuyler et son armée de se mettre en marche, tambours battants, trois jours plus tard.À la pleine lune suivante (9 août, 1691), Schuyler et son armée devaient faire jonction dans les environs de La Prairie avec une troupe de 500 Iroquois des Grands Lacs et ensemble ils devaient mettre La Prairie à feu et à sang, et par la suite attaquer « Mont Reall … where they had their designe ». Mais, pour son plus grand malheur, Callières l’attendait au fort La Prairie non pas avec quelques soldats, mais plutôt avec la moitié de l’armée de la Marine que M. le comte de Frontenac avait discrètement fait parvenir, dans les jours suivants, à La Prairie et au fort Chambly.

    L’envahisseur newyorkais fut donc étonné et désemparé (shock & awe) comme l’avait si bien planifié Callières, le gouverneur militaire de Montréal. Dès lors, le major Schuyler et son armée, en tombant dans ce piège, sont mis « entre deux afin qu’ils ne nous eschapassent pas, ce qui réussit assez bien pour la gloire des armes de sa Majesté, ayant resté plus de 100 des ennemys sur la place avec leur drapeau et quelques prisonniers que nous prismes… » !Louis-Hector de Callières, Gouverneur militaire de Montréal. — Lettre au ministre, 1691 et 20 septembre 1692. (À noter que Callières, avant d’être nommé gouverneur de Montréal, avait eu 20 ans de service militaire, ayant combattu pour son roi sur tous les champs de bataille européens. Louis-Hector était doué d’une vive intelligence, avec un bon sens de discipline et de commandement, en plus, il était un habile négociateur, ce qui lui sera très utile dans ses rapports avec les Indiens. Et en conséquence, Callières sera reconnu comme un des principaux architectes de la Grande Paix de Montréal en 1701).

    En conclusion, cette grande bataille épique qui eut lieu dans la seigneurie de La Prairie-de-la-Magdeleine fut gagnée non seulement sur le terrain par l’héroïque bataillon du commandant de Valrennes, mais en grande partie grâce à la qualité du renseignement et du réseau d’espionnage de cet homme de guerre exceptionnel qu’était Callières, le gouverneur militaire de Montréal.

     

    Le rapport de Livingston confirmait entre autres que, « Nous avons interroger Symon Groot, qui a été remis à un de nos indiens par un Agnier catholique,… il confirme leur manque de provisions ; les forces dans la région de Mont Reall (sic) étaient moins de 300 soldats et qu’il y a environ 50 hommes (miliciens inclus) à La Prairie, où nos gens veulent attaquer… aussi il n’y a qu’une garnison de 20 soldats au village palissadé des Agniers au Sault-Saint-Louis. »Sachant qu’il y avait souvent des agents ou « spyes » parmi eux, le commandant de cette demi-compagnie avait ordre de mettre le Sault–Saint-Louis en quarantaine pendant que La Prairie était sous commandement militaire. Charles de Monseignat, le secrétaire de Frontenac, confirme que deux jours avant l’attaque « on détachait continuellement des partis pour aller à la découverte ; un des fils du sieur Hertel (Zacharie-François Hertel, sieur de la Frenière, 26 ans, interprète, lieutenant des guides) accompagné de trois Algonquins et d’un Sauvage de la Montagne, découvrit un canot dans la rivière de Richelieu, au dessus du portage de Chambly (St-Jean) sur lequel il tira ; ce canot était d’Agniers (Mohawks) qui venaient aussi à la découverte. » NB : À remarquer qu’il n’y a aucun Agnier du Sault en patrouille avec le sieur Hertel. . M. Henry Slaughter, le gouverneur de la Province of New Yorke, était également présent à Albany, et il était maintenant convaincu, plus que jamais, que le moment était propice pour passer à l’action. Et, très rassuré par les propos du jeune Symon Groot, Slaughter ordonna à Pieter Schuyler et son armée de se mettre en marche, tambours battants, trois jours plus tard.À la pleine lune suivante (9 août, 1691), Schuyler et son armée devaient faire jonction dans les environs de La Prairie avec une troupe de 500 Iroquois des Grands Lacs et ensemble ils devaient mettre La Prairie à feu et à sang, et par la suite attaquer « Mont Reall ... where they had their designe ». Mais, pour son plus grand malheur, Callières l’attendait au fort La Prairie non pas avec quelques soldats, mais plutôt avec la moitié de l’armée de la Marine que M. le comte de Frontenac avait discrètement fait parvenir, dans les jours suivants, à La Prairie et au fort Chambly. L’envahisseur newyorkais fut donc étonné et désemparé (shock & awe) comme l’avait si bien planifié Callières, le gouverneur militaire de Montréal. Dès lors, le major Schuyler et son armée, en tombant dans ce piège, sont mis « entre deux afin qu’ils ne nous eschapassent pas, ce qui réussit assez bien pour la gloire des armes de sa Majesté, ayant resté plus de 100 des ennemys sur la place avec leur drapeau et quelques prisonniers que nous prismes... » !Louis-Hector de Callières, Gouverneur militaire de Montréal. — Lettre au ministre, 1691 et 20 septembre 1692. (À noter que Callières, avant d’être nommé gouverneur de Montréal, avait eu 20 ans de service militaire, ayant combattu pour son roi sur tous les champs de bataille européens. Louis-Hector était doué d’une vive intelligence, avec un bon sens de discipline et de commandement, en plus, il était un habile négociateur, ce qui lui sera très utile dans ses rapports avec les Indiens. Et en conséquence, Callières sera reconnu comme un des principaux architectes de la Grande Paix de Montréal en 1701). En conclusion, cette grande bataille épique qui eut lieu dans la seigneurie de La Prairie-de-la-Magdeleine fut gagnée non seulement sur le terrain par l’héroïque bataillon du commandant de Valrennes, mais en grande partie grâce à la qualité du renseignement et du réseau d’espionnage de cet homme de guerre exceptionnel qu’était Callières, le gouverneur militaire de Montréal.  ...

    La Prairie : l’opération militaire de l’été 1691 (Partie 2)

    Un bel exemple de micro-espionnage : à l’été 1690, le baron de Saint-Castin, qui était la bête noire des Anglais, fut mis au courant, par ses espions qu’il entretenait en Nouvelle-Angleterre, du vaste armement et des préparatifs navals de l’amiral Phips contre Québec. Aussitôt, Saint- Castin, par une longue marche forcée au travers des bois de quelques-uns de ses alliés abénaquis, put faire avertir à temps le gouverneur de la Nouvelle-France. Frontenac était, à ce moment-là, avec la majorité de ses troupes en mission militaire à La Prairie et à Montréal et, ainsi prévenu de cette attaque imminente, le gouverneur était retourné à temps pour répondre à son adversaire par « la bouche de ses canons », assurant ainsi une victorieuse défense de la ville de Québec.

    Incontestablement, la plus importante source de renseignements pour la sécurité de la Nouvelle-France passait par les nids d’espions qu’étaient La Prairie-de-la-Magdeleine et le fort Chambly. D’ailleurs, à ce sujet, un jeune contemporain de ces événements, l’historien Pierre-François-Xavier de Charlevoix affirmait : « Ce qui fait la sureté de Montréal, ce sont les deux villages d’Iroquois chrétiens (le Sault–Saint-Louis à La Prairie et la mission de la Montagne à Montréal) et le fort de Chambly ».

    Depuis le début de la concession des terres de la seigneurie de La Prairie en 1673 jusqu’à son décès en 1690, le géant du Sault–Saint-Louis, Athasa:tà (aussi surnommé le « Grand Agnier » ou « Togouiroui ») avait agi pour ralentir les ardeurs guerrières de ses anciens frères païens des environs d’Albany, N. Y.. Également, c’était à partir de ses nombreuses expéditions de reconnaissance et de ses raids dans le haut de la rivière Hudson, tout comme de ses nombreux espions ou informateurs au pays des Mohawks, qu’Athasa:tà avait pu relayer avec succès autant d’informations utiles au sujet des préparatifs de guerre des Anglais et Mohawks au commandant du fort Chambly et au gouverneur de Montréal.

    À la suite de sa mort tragique en juin 1690 Athasa:tàLe Grand Agnier, ce magnifique guerrier est mort le 4 juin, 1690 alors qu’il était en mission au lac Champlain. De ce héros Charlevoix nous affirme : « qu’il ne fut guéres moins pleuré des François, que de ses compatriotes ». Au pays mohawk où il est né, ce guerrier légendaire était aussi connu sous le nom de « Kryn the Great Mohawk ». fut remplacé par son neveu, le dénommé La Plaque, qui détenait le grade de lieutenant des guides dans la Marine. Un autre exemple de micro-espionnage : c’était ce même La Plaque qui, à l’été 1690, revint d’une longue et dangereuse mission de reconnaissance et d’espionnage aux lacs Champlain et Saint-Sacrement avec une bonne nouvelle pour le gouverneur Frontenac, qui attendait avec ses troupes à La Prairie-de-la-Magdeleine. Il lui annonça que le général John-Fitz Winthrop et son armée de 2000 soldats et Iroquois allaient renoncer à poursuivre son projet d’invasion du Canada, ceci à cause d’un sérieux problème de santé dans sa troupe : la petite vérole chez les Iroquois ainsi qu’une sanglante dysenterie causée par le porc avarié chez ses soldats. Également, le brave La Plaque annonça à Frontenac que les troupes du général Winthrop avaient aussi de graves problèmes de transport et d’approvisionnement et donc, qu’il abandonnait son projet. (NB : Quelques jours plus tard arrivèrent de l’est les Abénaquis du baron de Saint- Castin avec de moins bonnes nouvelles au sujet d’une flotte de 34 navires qui s’organisait à Boston et à New York.)

    Comme récompense pour sa bravoure et pour garantir sa loyauté future, Frontenac et Callières offrirent à La Plaque un voyage en France à l’automne 1690. Ce fut Atavia:tà, son frère Agnier du Sault– Saint-Louis, qui prit la relève à ce moment des plus critiques de cette interminable guerre franco-iroquoise, où déferlerait sur la colonie une cascade d’événements des plus fertiles en espionnage.

    Effectivement, au printemps 1691, Atavia:tà, qui était revenu d’une mission de reconnaissance près d’Albany, rapporta qu’il « eut avis par quelques-uns des ennemis, qu’ils faisaient un gros mouvement pour venir fondre sur la colonie ». Cette importante information sera confirmée quelques semaines plus tard par un prisonnier anglais que Schuyler, le maire d’Albany, identifia par la suite comme étant un certain « Cornelius Clatie » ; un milicien-cultivateur de Canastagione, N.Y., amené à Montréal par Atavia:tà à la mi-juillet 1691Un témoignage sur l’efficacité du micro-espionnage d’Atavia:tà et des siens ; « … l’Ennemi savait notre mot de passe (*) (et nos plans)… ils en profitèrent grandement à leur avantage… Les français savaient que nous venions 14 jours auparavant et qu’un indien, un Mohawk (espion Agnier) ayant déserté son groupe de 15 Mohawks de la rivière Shamblie leur a dit notre nombre, nos forces, le nom des officiers etc. Ils avaient aussi fait prisonnier, un dénommé Cornelius Clatie à Canastaguijone (sic), un lieu situé à 12 milles d’Albany, qui les informa de notre venu, étant au Canada deux semaines avant nous… » — Major Pieter Schuyler’s Journal of his Expedition to Canada. (*) « Courage Isopus ! ». . Sentant que la détermination des Anglais à aller de l’avant et à attaquer la Nouvelle- France pouvait facilement vaciller et ainsi contrecarrer ses plans d’encerclement, Monsieur de Callières fit appel à une autre arme très efficace de son arsenal de micro-espionnage : la déception ou l’« induction en erreur ». Afin d’assurer la réussite de sa stratégie, qui consistait à attirer l’ennemi dans un grand « guet-apens », Callières privilégia donc le contre-espionnage et la désinformation… et l’occasion s’y prêtait bien !

    De prime abord, il faut bien comprendre que les raids et les massacres de la population civile, comme celui survenu au mois d’août 1689 à Lachine près de Montréal, n’étaient pas des incidents à sens unique. Le 11 juillet 1691, Henry Sloughter, le nouveau gouverneur de la Province of New Yorke, se désolait entre autres au sujet des 150 fermes abandonnées aux environs d’Albany, « J’ai trouvé ce coin de pays en grand désordre, les fermes des environs, et Schenectady presque en ruine et détruites par les Ennemis ».

    En effet, comme représailles pour le massacre de Lachine survenu 6 mois plus tôt, il y eut effectivement un important raid français dans la nuit du 8 au 9 février 1690, au coeur de l’hiver septentrional. La principale victime de cette « petite guerre » et de ses cruautés avait été le village palissadé de Schenectady, N.Y., qui, lui aussi, fut systématiquement mis à feu et à sang. En plus, une vingtaine de personnes furent ramenées à Montréal, captives des Français et des Agniers du Sault, et parmi ceux-ci se trouvaient les cinq fils d’un notable de la place, un certain Symon Groot, qui était à Albany pour un baptême lors de cette nuit fatidiqueRapport officiel de l’incident: “60 killed and 27 prisonners … of which … all five sonnes (sic) of Symon Groot…”. Les cinq fils de Symon Groot ; Abraham, Claes, Dyrck, Phillip et l’ainé Symon Jr. sont ramenés à Montréal comme captifs des Agniers du Sault et des Français. .

    Au début de juin 1691, étant informé que deux présumés agents mohawks, « Taonnochrio et Tahonsiwago »À Albany, le 20 juin 1691 deux Mohawks ; Taonnochrio et Tahonsiwago, présumément leurs espions, seront interrogés séparément par Pieter Schuyler et Robert Livingston suite à leur dernière « visite » au Sault– Saint-Louis et à La Prairie. Deux jours plus tard, ce sera au tour de Symon Groot Jr. de subir son « examination ». , étaient en « visite » au Sault, Callières profita de l’occasion pour retourner chez les siens un prisonnier du nom de Symon Groot Jr. Auparavant, Symon fut amené du Sault au fort Rémy (Montréal), où il fut discrètement désinformé ou induit en erreur sur la situation militaire de la région de Montréal. Alors, dès son arrivé à Albany, le 22 juin 1691, Symon Jr. fut interrogé par le maire Pieter Schuyler et son secrétaire Robert Livingston le « Recorder » de la Commission des Affaires indiennes d’Albany, pour ensuite être présenté au gouverneur Henry SlaughterNew York Colonial Manuscripts; London Documents VIII, Robert Livingston to Governor Slaughter, Albany, 22 June,1691. —Present: the Mayor and Recorder (Interrogation of Symon Groot Jr.). .

     

    Un bel exemple de micro-espionnage : à l’été 1690, le baron de Saint-Castin, qui était la bête noire des Anglais, fut mis au courant, par ses espions qu’il entretenait en Nouvelle-Angleterre, du vaste armement et des préparatifs navals de l’amiral Phips contre Québec. Aussitôt, Saint- Castin, par une longue marche forcée au travers des bois de quelques-uns de ses alliés abénaquis, put faire avertir à temps le gouverneur de la Nouvelle-France. Frontenac était, à ce moment-là, avec la majorité de ses troupes en mission militaire à La Prairie et à Montréal et, ainsi prévenu de cette attaque imminente, le gouverneur était retourné à temps pour répondre à son adversaire par « la bouche de ses canons », assurant ainsi une victorieuse défense de la ville de Québec. Incontestablement, la plus importante source de renseignements pour la sécurité de la Nouvelle-France passait par les nids d’espions qu’étaient La Prairie-de-la-Magdeleine et le fort Chambly. D’ailleurs, à ce sujet, un jeune contemporain de ces événements, l’historien Pierre-François-Xavier de Charlevoix affirmait : « Ce qui fait la sureté de Montréal, ce sont les deux villages d’Iroquois chrétiens (le Sault–Saint-Louis à La Prairie et la mission de la Montagne à Montréal) et le fort de Chambly ». Depuis le début de la concession des terres de la seigneurie de La Prairie en 1673 jusqu’à son décès en 1690, le géant du Sault–Saint-Louis, Athasa:tà (aussi surnommé le « Grand Agnier » ou « Togouiroui ») avait agi pour ralentir les ardeurs guerrières de ses anciens frères païens des environs d’Albany, N. Y.. Également, c’était à partir de ses nombreuses expéditions de reconnaissance et de ses raids dans le haut de la rivière Hudson, tout comme de ses nombreux espions ou informateurs au pays des Mohawks, qu’Athasa:tà avait pu relayer avec succès autant d’informations utiles au sujet des préparatifs de guerre des Anglais et Mohawks au commandant du fort Chambly et au gouverneur de Montréal. À la suite de sa mort tragique en juin 1690 Athasa:tàLe Grand Agnier, ce magnifique guerrier est mort le 4 juin, 1690 alors qu’il était en mission au lac Champlain. De ce héros Charlevoix nous affirme : « qu’il ne fut guéres moins pleuré des François, que de ses compatriotes ». Au pays mohawk où il est né, ce guerrier légendaire était aussi connu sous le nom de « Kryn the Great Mohawk ». fut remplacé par son neveu, le dénommé La Plaque, qui détenait le grade de lieutenant des guides dans la Marine. Un autre exemple de micro-espionnage : c’était ce même La Plaque qui, à l’été 1690, revint d’une longue et dangereuse mission de reconnaissance et d’espionnage aux lacs Champlain et Saint-Sacrement avec une bonne nouvelle pour le gouverneur Frontenac, qui attendait avec ses troupes à La Prairie-de-la-Magdeleine. Il lui annonça que le général John-Fitz Winthrop et son armée de 2000 soldats et Iroquois allaient renoncer à poursuivre son projet d’invasion du Canada, ceci à cause d’un sérieux problème de santé dans sa troupe : la petite vérole chez les Iroquois ainsi qu’une sanglante dysenterie causée par le porc avarié chez ses soldats. Également, le brave La Plaque annonça à Frontenac que les troupes du général Winthrop avaient aussi de graves problèmes de transport et d’approvisionnement et donc, qu’il abandonnait son projet. (NB : Quelques jours plus tard arrivèrent de l’est les Abénaquis du baron de Saint- Castin avec de moins bonnes nouvelles au sujet d’une flotte de 34 navires qui s’organisait à Boston et à New York.) Comme récompense pour sa bravoure et pour garantir sa loyauté future, Frontenac et Callières offrirent à La Plaque un voyage en France à l’automne 1690. Ce fut Atavia:tà, son frère Agnier du Sault– Saint-Louis, qui prit la relève à ce moment des plus critiques de cette interminable guerre franco-iroquoise, où déferlerait sur la colonie une cascade d’événements des plus fertiles en espionnage. Effectivement, au printemps 1691, Atavia:tà, qui était revenu d’une mission de reconnaissance près d’Albany, rapporta qu’il « eut avis par quelques-uns des ennemis, qu’ils faisaient un gros mouvement pour venir fondre sur la colonie ». Cette importante information sera confirmée quelques semaines plus tard par un prisonnier anglais que Schuyler, le maire d’Albany, identifia par la suite comme étant un certain « Cornelius Clatie » ; un milicien-cultivateur de Canastagione, N.Y., amené à Montréal par Atavia:tà à la mi-juillet 1691Un témoignage sur l’efficacité du micro-espionnage d’Atavia:tà et des siens ; « ... l’Ennemi savait notre mot de passe (*) (et nos plans)… ils en profitèrent grandement à leur avantage… Les français savaient que nous venions 14 jours auparavant et qu’un indien, un Mohawk (espion Agnier) ayant déserté son groupe de 15 Mohawks de la rivière Shamblie leur a dit notre nombre, nos forces, le nom des officiers etc. Ils avaient aussi fait prisonnier, un dénommé Cornelius Clatie à Canastaguijone (sic), un lieu situé à 12 milles d’Albany, qui les informa de notre venu, étant au Canada deux semaines avant nous... » — Major Pieter Schuyler’s Journal of his Expedition to Canada. (*) « Courage Isopus ! ». . Sentant que la détermination des Anglais à aller de l’avant et à attaquer la Nouvelle- France pouvait facilement vaciller et ainsi contrecarrer ses plans d’encerclement, Monsieur de Callières fit appel à une autre arme très efficace de son arsenal de micro-espionnage : la déception ou l’« induction en erreur ». Afin d’assurer la réussite de sa stratégie, qui consistait à attirer l’ennemi dans un grand « guet-apens », Callières privilégia donc le contre-espionnage et la désinformation... et l’occasion s’y prêtait bien ! De prime abord, il faut bien comprendre que les raids et les massacres de la population civile, comme celui survenu au mois d’août 1689 à Lachine près de Montréal, n’étaient pas des incidents à sens unique. Le 11 juillet 1691, Henry Sloughter, le nouveau gouverneur de la Province of New Yorke, se désolait entre autres au sujet des 150 fermes abandonnées aux environs d’Albany, « J’ai trouvé ce coin de pays en grand désordre, les fermes des environs, et Schenectady presque en ruine et détruites par les Ennemis ». En effet, comme représailles pour le massacre de Lachine survenu 6 mois plus tôt, il y eut effectivement un important raid français dans la nuit du 8 au 9 février 1690, au coeur de l’hiver septentrional. La principale victime de cette « petite guerre » et de ses cruautés avait été le village palissadé de Schenectady, N.Y., qui, lui aussi, fut systématiquement mis à feu et à sang. En plus, une vingtaine de personnes furent ramenées à Montréal, captives des Français et des Agniers du Sault, et parmi ceux-ci se trouvaient les cinq fils d’un notable de la place, un certain Symon Groot, qui était à Albany pour un baptême lors de cette nuit fatidiqueRapport officiel de l’incident: “60 killed and 27 prisonners … of which … all five sonnes (sic) of Symon Groot…”. Les cinq fils de Symon Groot ; Abraham, Claes, Dyrck, Phillip et l’ainé Symon Jr. sont ramenés à Montréal comme captifs des Agniers du Sault et des Français. . Au début de juin 1691, étant informé que deux présumés agents mohawks, « Taonnochrio et Tahonsiwago »À Albany, le 20 juin 1691 deux Mohawks ; Taonnochrio et Tahonsiwago, présumément leurs espions, seront interrogés séparément par Pieter Schuyler et Robert Livingston suite à leur dernière « visite » au Sault– Saint-Louis et à La Prairie. Deux jours plus tard, ce sera au tour de Symon Groot Jr. de subir son « examination ». , étaient en « visite » au Sault, Callières profita de l’occasion pour retourner chez les siens un prisonnier du nom de Symon Groot Jr. Auparavant, Symon fut amené du Sault au fort Rémy (Montréal), où il fut discrètement désinformé ou induit en erreur sur la situation militaire de la région de Montréal. Alors, dès son arrivé à Albany, le 22 juin 1691, Symon Jr. fut interrogé par le maire Pieter Schuyler et son secrétaire Robert Livingston le « Recorder » de la Commission des Affaires indiennes d’Albany, pour ensuite être présenté au gouverneur Henry SlaughterNew York Colonial Manuscripts; London Documents VIII, Robert Livingston to Governor Slaughter, Albany, 22 June,1691. —Present: the Mayor and Recorder (Interrogation of Symon Groot Jr.). .  ...

    La Prairie : l’opération militaire de l’été 1691

    Au temps du roi Louis XIV, la modernisation de la guerre et la révolution militariste apportée par l’armée française (la plus grande d’Europe) transformèrent la nature du renseignement militaire en France tout comme dans ses coloniesGiant of the “Grand Siècle”. The French Army, 1610 – 1715. John Lynn, Cambridge, USA, 1997. . Tous les choix politiques et militaires de la France et par ricochet, de la Nouvelle-France, s’enveloppaient donc de secrets.

    Si la décision de faire la guerre appartenait en définitive au roi de France, les opérations militaires elles se faisaient par l’entremise du Ministère de la Guerre, des Affaires étrangères et de la Marine en concertation avec leurs exécutants : les gouverneurs et les principaux généraux.

    Le renseignement et l’espionnage militaire au 17e siècle revêtaient surtout deux dimensions : le macro et le micro-espionnage. Sous Louis XIV, le macro-espionnage se jouait à l’échelle internationale : l’État cherchait, par l’entremise de ses ambassadeurs, espions et courtisans, à connaître les intentions et le potentiel militaire de l’adversaire ou du pays ennemi, les stratagèmes utilisés ou les manoeuvres adoptées. Le micro-espionnage se faisait, lui, sur le terrain, où « le talent d’un homme de guerre, du général au moindre commandant de place, tient aussi à la qualité de son information »Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV — Lucien Bély, Fayard, Paris, 1990. .

    En Nouvelle-France, le macro-espionnage se résumait à un partage des informations les plus récentes et pertinentes obtenues par les espions français à la cour du roi d’Angleterre. Un exemple : la dépêche du ministre destinée au gouverneur de la Nouvelle-France au printemps 1691, reçue par Monsieur le Comte de Frontenac le 1er juillet suivant des mains de Monsieur du Tast, capitaine de la frégate royale Le Soleil d’Afrique. Cette dépêche informa Frontenac que, selon toutes les informations obtenues l’hiver précédent, il n’y aurait pas d’expédition navale prévue contre la ville de Québec en cette année 1691.

    De son côté, Frontenac savait aussi, par son propre micro-espionnage, qu’il n’y aurait pas de tentative d’invasion navale en cette année ; par contre, dans sa réponse écrite au ministre, il affirmait savoir que « Leurs mesures ont manqué du côté de la mer (en 1690), mais ils (les Anglais) se sont mis en devoir (en 1691) d’exécuter en partie ce qu’ils avaient projeté de faire du côté de la terre ».

    Son service d’espionnage ainsi que celui de Callières, le gouverneur militaire de Montréal, informèrent bien Frontenac que les Anglais planifiaient une importante attaque terrestre contre le gouvernement de Montréal, soit précisément à La Prairie-de-la-Magdeleine. Conséquemment, Frontenac fit sonner le rassemblement de la majorité de ses troupes de la Marine ayant hiverné dans la région de Québec pour les envoyer dans une opération militaire d’envergure au secours des Montréalistes« M. de Callière… avait ramassé toutes les troupes que je lui avait joints et était allé se poster au pied du fort de La Prairie… » – Frontenac

    Quelles étaient les sources de renseignements pour les gouverneurs en Nouvelle- France ? De prime abord, il y avait les missionnaires jésuites qui, par leurs nombreuses observations et « Relations », informaient les autorités de la colonie de toutes activités suspectes chez les peuples autochtones, et surtout chez les cinq nations belliqueuses en Iroquoisie. Ensuite, il y avait le légendaire baron de Saint-Castin qui, à partir de son imposant poste de traite à Pentagouet (Portland, Maine) sur la côte atlantique, agissait comme seigneur et avait accès à tous ses marchands et informateurs autant à Boston qu’à New YorkJean-Vincent d’Abbadie, baron de Saint-Castin arriva en Nouvelle-France en 1665 comme jeune enseigne dans la compagnie du capitaine Jacques de Chambly au Régiment de Carignan. En moins de dix ans, il établira son poste de commerce indépendant sur la côte atlantique, où il épousera Pidiwamiska la fille de Madokawando, le grand chef des Abénaquis-Pentagouets et sera considéré comme un des leurs. .

     

    Au temps du roi Louis XIV, la modernisation de la guerre et la révolution militariste apportée par l’armée française (la plus grande d’Europe) transformèrent la nature du renseignement militaire en France tout comme dans ses coloniesGiant of the “Grand Siècle”. The French Army, 1610 – 1715. John Lynn, Cambridge, USA, 1997. . Tous les choix politiques et militaires de la France et par ricochet, de la Nouvelle-France, s’enveloppaient donc de secrets. Si la décision de faire la guerre appartenait en définitive au roi de France, les opérations militaires elles se faisaient par l’entremise du Ministère de la Guerre, des Affaires étrangères et de la Marine en concertation avec leurs exécutants : les gouverneurs et les principaux généraux. Le renseignement et l’espionnage militaire au 17e siècle revêtaient surtout deux dimensions : le macro et le micro-espionnage. Sous Louis XIV, le macro-espionnage se jouait à l’échelle internationale : l’État cherchait, par l’entremise de ses ambassadeurs, espions et courtisans, à connaître les intentions et le potentiel militaire de l’adversaire ou du pays ennemi, les stratagèmes utilisés ou les manoeuvres adoptées. Le micro-espionnage se faisait, lui, sur le terrain, où « le talent d’un homme de guerre, du général au moindre commandant de place, tient aussi à la qualité de son information »Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV — Lucien Bély, Fayard, Paris, 1990. . En Nouvelle-France, le macro-espionnage se résumait à un partage des informations les plus récentes et pertinentes obtenues par les espions français à la cour du roi d’Angleterre. Un exemple : la dépêche du ministre destinée au gouverneur de la Nouvelle-France au printemps 1691, reçue par Monsieur le Comte de Frontenac le 1er juillet suivant des mains de Monsieur du Tast, capitaine de la frégate royale Le Soleil d’Afrique. Cette dépêche informa Frontenac que, selon toutes les informations obtenues l’hiver précédent, il n’y aurait pas d’expédition navale prévue contre la ville de Québec en cette année 1691. De son côté, Frontenac savait aussi, par son propre micro-espionnage, qu’il n’y aurait pas de tentative d’invasion navale en cette année ; par contre, dans sa réponse écrite au ministre, il affirmait savoir que « Leurs mesures ont manqué du côté de la mer (en 1690), mais ils (les Anglais) se sont mis en devoir (en 1691) d’exécuter en partie ce qu’ils avaient projeté de faire du côté de la terre ». Son service d’espionnage ainsi que celui de Callières, le gouverneur militaire de Montréal, informèrent bien Frontenac que les Anglais planifiaient une importante attaque terrestre contre le gouvernement de Montréal, soit précisément à La Prairie-de-la-Magdeleine. Conséquemment, Frontenac fit sonner le rassemblement de la majorité de ses troupes de la Marine ayant hiverné dans la région de Québec pour les envoyer dans une opération militaire d’envergure au secours des Montréalistes« M. de Callière… avait ramassé toutes les troupes que je lui avait joints et était allé se poster au pied du fort de La Prairie... » - Frontenac Quelles étaient les sources de renseignements pour les gouverneurs en Nouvelle- France ? De prime abord, il y avait les missionnaires jésuites qui, par leurs nombreuses observations et « Relations », informaient les autorités de la colonie de toutes activités suspectes chez les peuples autochtones, et surtout chez les cinq nations belliqueuses en Iroquoisie. Ensuite, il y avait le légendaire baron de Saint-Castin qui, à partir de son imposant poste de traite à Pentagouet (Portland, Maine) sur la côte atlantique, agissait comme seigneur et avait accès à tous ses marchands et informateurs autant à Boston qu’à New YorkJean-Vincent d’Abbadie, baron de Saint-Castin arriva en Nouvelle-France en 1665 comme jeune enseigne dans la compagnie du capitaine Jacques de Chambly au Régiment de Carignan. En moins de dix ans, il établira son poste de commerce indépendant sur la côte atlantique, où il épousera Pidiwamiska la fille de Madokawando, le grand chef des Abénaquis-Pentagouets et sera considéré comme un des leurs. .  ...