1834 : première école de rang à la côte des Prairies
Les habitants de la côte des Prairies profitent alors de ce contexte favorable pour mettre en place leur maison d’école. François Moquin, Pierre Brosseau, Antoine Ste-Marie, Étienne Dumontet, Louis Brossard et François Sénécal expriment ici le désir de voir leurs enfants accéder à l’instruction.
Le 27 juin 1834, à la résidence de la veuve Étienne Dumontet, ces mêmes habitants sont rassemblés devant le notaire Médard Hébert dans le but d’agréer la donation d’un lopin de terre « … à la charge par ces derniers de bâtir immédiatement sur le terrain donné par la dite veuve Étienne Dumontet, une maison de grandeur suffisante pour y tenir école »3
Deux semaines plus tard, soit le 15 juillet 1834, les syndics Louis Brossard, François Sénécal et Paul Banlié se présentent au bureau du notaire Médard Hébert pour la signature du contrat lié à l’embauche de l’enseignant Justin Louis Héroux.4
Ce dernier s’engage « pour le temps et espace d’une année… de montrer et enseigner du mieux qu’il lui sera possible, aux enfants de la côte des Prairies dite paroisse de Laprairie, (……) la lecture, l’écriture, l’arithmétique, le catéchisme et autres choses tel et de la manière qu’un bon instituteur doit faire en pareil cas. »
En retour, les syndics acceptent de lui fournir « une maison bien close et convenable pour tenir une école » ainsi qu’un poêle de fonte, une table et des bancs pour les écoliers. Les parents apportent également leur contribution puisque l’enseignant recevra, en plus de l’allocation de base prévue (20 livres par an), la somme de 20 sols par mois pour chaque écolier capable de payer ainsi qu’une demi-corde de bois franc.
L’emplacement de la future école est prévu sur la devanture du lot 70 en bordure du chemin des Prairies, ce qui a comme avantage d’être situé au milieu du rang.5
Dès la fin juin 1834, les habitants entreprennent une corvée de construction afin d’ériger la maison d’école à la date convenue par les syndics. Construite en bois, le bâtiment conserve les caractéristiques de l’habitation rurale de l’époque. Sauf la dimension de la salle de classe qui devait être « de grandeur suffisante » pour accueillir au moins 20 élèves, tel que stipulé dans le contrat de l’enseignant Héroux.
Mais cet élan est bientôt freiné par le refus du Conseil législatif de renouveler les subventions votées par la Chambre d’assemblée. Le 1er mai 1836, dans un climat de confrontation entre les représentants du peuple et le pouvoir colonial, la loi des écoles de syndics est abolie. La privation de subventions entraîne alors la fermeture d’un grand nombre de petites écoles de campagne.
Qu’est-il advenu de l’école de la côte des Prairies? La communauté locale et les parents ont-ils pu réunir les fonds nécessaires pour la maintenir en fonction?
Dans ses ouvrages dédiés à l’histoire de l’éducation au Québec, l’historienne Andrée Dufour mentionne que la moitié seulement des anciennes écoles de syndics survivent en 1838.
« Dans la majorité des paroisses et des townships, il ne reste plus que quelques écoles et parfois même une seule, souvent située dans le village même ».6
Après la Rébellion de 1837-1838 et l’entrée en vigueur de l’Acte d’Union du Bas-Canada et du Haut-Canada (1841), une nouvelle législation scolaire remet sur pied un réseau d’écoles primaires publiques dans chacune des régions et communautés locales du Bas-Canada. En 1845, les commissaires d ‘écoles, élus par les habitants des paroisses, ont maintenant la responsabilité de percevoir une taxe foncière de l’ensemble des propriétaires. S’ajoutent à ces fonctions, le recrutement des maîtres et la construction des écoles.
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3 BAnQ -Montréal, greffe du notaire Médard Hébert, le 27 juin 1834
4 BAnQ-Montréal, greffe du notaire Médard Hébert, le 15 juillet 1834
5 Cadastre abrégé de la Seigneurie de Laprairie de la Madeleine, Les Prairies.
6 Dufour, Andrée. Tous à l’école. État, Communautés rurales et Scolarisation au Québec de 1826 à 1859. HMV, 1996, p.91-121.