L’Académie Saint-Joseph : Ti-Gris

Avec la deuxième année a lieu le changement obligatoire d'école et l'admission à I'Académie Saint-Joseph sur la rue Saint-Ignace au Vieux-Fort. C'est aussi le souvenir, celui-là bien net, du frère Bruno, dit Ti-Gris, un Breton à n'en pas douter élevé au bord de la mer et qui dut passer son enfance à hurler de toutes ses forces face aux vents et marées affrontés sur les plages de son pays natal. Je déduis cet aspect de son histoire personnelle du fait que Ti-Gris enseignait plus en criant qu'en parlant. Et il ne s'agit pas là de la simple impression subjective d'un enfant comme en ont fait foi plusieurs témoins auditifs dont les élèves du couvent local rapportant que leur professeur devait parfois fermer les fenêtres de leur classe parce que les vociférations de Ti-Gris les dérangeaient et les empêchaient d'entendre ce qu'elle leur disait. Et le couvent, situé à côté de l'église, était à un bon pâté de maison de l'Académie. Les frères de l’Instruction Chrétienne étaient arrivés au Québec en 1888 et il en vint d'autres de France par la suite jusqu'à ce que la relève locale devienne suffisante pour satisfaire aux besoins. Le cri faisait-il partie des attitudes pédagogiques normales de ces enseignants de la vieille France? Difficile à dire.

Ti-Gris avait aussi avait aussi d'autres méthodes pédagogiques qui semblaient lui être propres. Ainsi, il enseignait la lecture autant par les mains que par les yeux. Cela se passait de la manière suivante. Chaque matin le test de lecture s'effectuait par groupe d'une dizaine d'élèves. Ces dix élèves se plaçaient les uns à côté des autres en une rangée face au tableau noir à l'avant de la classe. À tour de rôle chacun devait lire une ou peut-être plusieurs phrases écrites au tableau. On commençait par l'élève à gauche de la rangée, Ti-Gris lui-même placé à la gauche de cet élève une strappe à la main. Si l'élève passait bien le test de lecture il retournait à sa place sans plus. Si le test était raté, il était de mise de tendre la main pour que Ti-Gris la réchauffe avec sa strappe. Certains demeuraient réticents à s'offrir spontanément au supplice. Mal leur en prenait car le révérend frère leur empoignait alors le poignet et redoublait de coups pédagogiques. Je ne sais si c'est à cause de mes dispositions naturelles à l'apprentissage de la lecture ou par crainte de la douleur physique, toujours est-il que je n'ai pas souvent « mangé » de la strappe à Ti-Gris… Certains qui y goûtaient souvent s'avérèrent peu friands de la mesure et décidèrent de faire quelque chose à ce propos. On planifia l'enlèvement de la strappe et c'est Ti-Zoune Champagne qui accomplit l’exploit. Il fut en effet assez courageux pour s'introduire dans la classe et cela sans être vu à un moment où l'école devait être vide de tous ses élèves. La strappe fut brûlée aux pieds des remparts près du neuve non loin de l’école et ce en présence de nombreux témoins. El le plus beau de celle histoire c'est que personne ne vendit jamais la mèche et que malgré ses recherches Ti-Gris ne parvint jamais à savoir cc qu'il était advenu de son martinet. Comme quoi même de jeunes enfants peuvent faire preuve d'une grande solidarité face à l'abus de pouvoir.

***

Par beau temps on jouait dehors. Le drapeau était le sport de compétition d'équipe favori quand l'état du sol le permettait. L'hiver on jouait sur la patinoire ou on glissait sur la magnifique glissoire que les frères aménageaient dans la descente qui menait au fleuve, entre les remparts, près de la cour.

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