
- Au jour le jour, décembre 2020
Le boulevard Taschereau
Un nouveau boulevard
Pour des raisons inconnues, en février 1929, le conseil municipal de La Prairie manifeste son désir de voir le futur boulevard Taschereau aboutir, non pas sur la rue Sainte-Élisabeth, mais plutôt à l’angle des rues Notre-Dame et Édouard VII. Une demande qui, heureusement, ne fut pas retenue.
Peu importe, c’est par un radieux après-midi du lundi 12 septembre 1932 que la cérémonie d’ouverture du nouveau boulevard de la rive-sud débuta dans la municipalité de Montréal-Sud sise juste au sud du nouveau pont du Havre (Montreal Harbour Bridge) ouvert deux ans plus tôt. C’est ce pont, rebaptisé quatre ans plus tard pont Jacques-Cartier, qui fut à l’origine de la création du « boulevard Laprairie ». Le nouveau boulevard est au nombre de plusieurs grands travaux publics (édifices, routes, ponts etc.) qui, en pleine crise économique, avaient été mis en marche afin de donner du travail aux trop nombreux chômeurs.
Le nouveau boulevard devait d’abord relier La Prairie à Longueuil, et surtout offrir un accès direct et rapide au pont Jacques-Cartier. La nouvelle route était d’une largeur totale de 60 pieds (18 mètres) et d’une longueur de 9 milles (14,5 kilomètres). C’est la journée même de son inauguration que la nouvelle voie de circulation fut nommée en l'honneur de Louis-Alexandre Taschereau (1867-1952), quatorzième premier ministre du Québec. Dans La Prairie, jusqu’en avril 1990, le tronçon situé à l’ouest du chemin de Saint-Jean s’appelait boulevard Sainte-Élisabeth.
Plusieurs ministres et dignitaires étaient présents à l’inauguration, ainsi que les maires et de nombreux conseillers des municipalités riveraines dont le Dr Joseph-Moïse Longtin, maire de La Prairie de 1912 à 1938.
L’abbé Albéric Corbeil, curé de Montréal-Sud, assura la bénédiction du boulevard selon les rites de l’époque. Ensuite, l’honorable Joseph-Édouard Perreault, ministre de la voirie précisa que la construction de cette nouvelle voie de circulation nécessita une dépense de 140 M$ dont 100 M$ furent versés en salaires et 40 M$ servirent à payer les travaux de conception et les matériaux nécessaires à la réalisation de l’œuvre.
Dès que le premier ministre eut coupé le ruban qui barrait la route, le cortège des dignitaires amorça son trajet vers La Prairie. On s’arrêta dans chacune des municipalités traversée, dont le maire souhaitait la bienvenue au premier ministre ainsi qu’aux nombreuses personnes qui l’accompagnaient.

- Au jour le jour, décembre 2020
Le boulevard Taschereau (suite 1)
Tout le long du boulevard, les demeures étaient décorées et les habitants se pressaient à la rencontre du premier ministre Taschereau et de ses collègues. Précisons qu’à cette époque il n’y avait que quelques maisons entre le chemin de la Pinière et La Prairie. La situation devait s’améliorer avec l’ouverture du boulevard Taschereau.
À La Prairie, le convoi fut accueilli par le maire Longtin. Des discours furent prononcés et l’on dévoila le monument de béton qui indiquait clairement que la nouvelle voie porterait le nom de boulevard Taschereau. Ce monument fut longtemps peint en blanc puis décapé. Il disparut en 2009 à l’occasion du réaménagement de l’intersection du boulevard Taschereau et du chemin de Saint-Jean.
Impacts locaux
En 1942, La Prairie comptait déjà pas moins de 290 automobiles et 50 camions.
Or, puisque les gouvernements subventionnaient le transport par autobus sur le chemin d’en bas (Édouard VII), il n’était pas question de payer pour ouvrir le boulevard Taschereau en hiver. Des citoyens de La Prairie se sont donc organisés pour déneiger la voie jusqu’en 1943, alors que le ministère de la Voirie prit les choses en mains.
Le développement de cette artère commerciale qui, avec le temps, deviendra la voie obligée vers La Prairie, n’est pas sans lien avec la création, en 1954, de la paroisse du Christ-Roi et plus tard du parc industriel. C’est ainsi que lentement, au fil des années, tant les services publics que les commerces et les industries, délaisseront le village (le Vieux Fort) pour venir s’installer le long du boulevard Taschereau qui, jusqu'en 1992, s’appelait Saint-Élisabeth à l’intérieur des limites de La Prairie. Depuis le chemin de Saint-Jean, il s’étire jusqu’à l'intersection du boulevard Montcalm et de l'autoroute 15/route 132 à Candiac comme boulevard à 2 voies par direction.
Depuis le réaménagement de l'intersection en 2008, le monument de béton a été remplacé par un arrangement floral. À l'est du chemin de Saint-Jean, le boulevard Taschereau se greffe d'une troisième voie de circulation par direction et devient exclusivement commercial.
Un cri du coeur
L’inauguration du nouveau boulevard fut suivie d’une grande assemblée politique à Longueuil, réunion au cours de laquelle le premier ministre s’attaqua avec fougue à la signature du traité de canalisation du Saint-Laurent.
« La canalisation du Saint-Laurent est un projet néfaste et antinational et quel que soit le gouvernement à Ottawa, que ce soit King, Lapointe ou Bennett, je n’hésiterai pas à me séparer de lui le jour où il voudrait aligner le traité de canalisation. Celui qui osera commettre ce crime national me trouvera sur son chemin, car je place ma race avant mon parti. » Taschereau y percevait une ingérence américaine dans les affaires de la province et du pays.
En mars 1934, le sénat américain rejette le traité de canalisation par 46 voix contre 42. Le président Roosevelt croit cependant que la canalisation se fera et qu’elle ne peut être empêchée parce qu’elle est une amélioration naturelle. Si les États-Unis refusent d’y participer elle restera à faire par le Canada qui en retirera tous les avantages.
Le 24 avril 1959 à Saint-Lambert, la voie maritime du Saint-Laurent s’ouvrait à la circulation devant des milliers de curieux, mais en l’absence du premier ministre du Canada qui avait préféré demeurer à Ottawa pour préparer son programme parlementaire. Deux jours plus tard, le luxueux yacht Britannia franchissait l’écluse en présence de la reine Élisabeth, du président Eisenhower et du premier ministre John Diefenbaker.

- Au jour le jour, novembre 2020
La saga du boulevard Édouard VII (suite 4)
Le dossier s’éternise
« On se plaint beaucoup de l’état du chemin Édouard VII entre le pont Victoria et La Prairie. Les travaux ont déjà coûté beaucoup d’argent, mais les plans n’ont pas été convenablement préparés, ou ils n’ont pas été convenablement exécutés; une grande partie du chemin est en ruine et ne peut être utilisée. Un chemin temporaire qui avait été construit à côté, paraît aussi avoir été mal conçu ou mal exécuté, et lui aussi est impraticable dans certaines conditions atmosphériques. Le résultat est que la valeur du chemin Édouard VII tout entier est réduite à néant, au moins quant à Montréal et son voisinage. »
On accuse donc M. Robert Rogers, le ministre fédéral des Travaux publics depuis 1912, de faire traîner les travaux en longueur. Sur ce, le conseil municipal adresse en ces termes une nouvelle requête au ministre Rogers, laquelle requête lui parviendra par l’entremise du député É. Patenaude :
« Ce conseil, après avoir étudié soigneusement cette question, croit de son devoir, dans l’intérêt public de soumettre respectueusement au gouvernement fédéral, la demande de cette modification, dans la largeur du chemin de vingt-quatre pieds à trente- cinq pieds pour mieux assurer l’utilité et l’efficacité de ces importants travaux.
Ce conseil s’engage à exproprier le terrain nécessaire à cet élargissement. »
Évidemment, il n’est ici question que de la partie appartenant au fédéral, c’est-à-dire la distance qui sépare la rivière Saint-Jacques du village de La Prairie.
Malgré tous ces soubresauts, le transport par autobus vers Saint-Lambert devient accessible en 1917.
Las des lenteurs administratives, en décembre 1919, le conseiller De Gruchy propose la résolution suivante : « Que cette corporation depuis plusieurs années n’a cessé de faire des demandes pour obtenir la construction du boulevard Édouard VII, la jetée et le prolongement de la ligne de tramway jusqu’à Laprairie. Que les circonstances paraissent favorables à la réalisation de ces projets, la ligne de la Montreal & Southern Counties Railway étant à une distance relativement courte de Laprairie (environ quatre milles), la section du Boulevard construite par le Gouvernement provincial étant pratiquement achevée, et la jetée en voie de construction depuis plusieurs années déjà. Que ce conseil voudrait bien pouvoir compter sur le bienveillant concours de tous ceux qui peuvent aider à la réalisation de ces projets, et plus particulièrement de l’honorable Georges Simard dont le travail a été particulièrement effectif dans le passé. »
Hélas, jamais le tramway ne se rendra à La Prairie.
Une fin précoce
Malgré la digue de béton érigée en 1922, durant les décennies suivantes l’entretien du boulevard a toujours été source de difficultés. Le responsable de la voirie pour le comté devait tous les printemps procéder à des réparations sur le pont enjambant la rivière Saint-Jacques. C’est que les glaces montaient sur le pont et endommageaient le parapet, le tablier et une partie du chemin.
L’inauguration du boulevard Taschereau en 1932 va délester le boulevard Édouard VII d’une partie des véhicules qui l’empruntent pour se rendre à La Prairie.
À compter de 1963, la route de campagne 3 (ancien boulevard Édouard VII) le long du rivage du Saint-Laurent est transformée en autoroute sur 22 kilomètres entre Longueuil et Candiac. La nouvelle autoroute 132, dont une partie repose sur l’ancien lit du fleuve, est ouverte à la circulation en décembre 1965. Ces travaux sonnent le glas du vieux boulevard construit un demi-siècle plus tôt.
Par contre, la partie du boulevard Édouard VII qui s’étend de la route 104 à Rouses Point via Saint-Philippe, Saint-Jacques et Napierville, existe toujours.

- Au jour le jour, novembre 2020
Prière de modérer vos transports
Avec l’arrivée de l’automobile et des nouveaux fous du volant au début du 20e siècle les autorités ont dû réagir rapidement afin d’assurer une circulation qui soit à la fois sécuritaire pour les conducteurs et pour les piétons. Avant même l’apparition des feux de signalisation et des panneaux stop vers 1920, les élus locaux ont vite compris qu’il fallait limiter la vitesse de ces bolides de plus en plus nombreux et de plus en plus rapides.
C’est ainsi qu’en août 1915, le conseil municipal de La Prairie décidait de faire fabriquer des planchettes « comme avis ou indication aux automobilistes pour prévenir les accidents souvent causés par les excès de vitesse.
Ces planchettes pourront être achetées en émail ou construites en bois ou en tôle de 30 pouces carrés, peintes le fond en blanc et lettrées en anglais et en français comme suit : Speed limit et limite de vitesse : 9 milles à l’heure. »
En septembre de l’année suivante, le règlement no 25 stipulait qu’aucun véhicule moteur ne pourra circuler à plus de 14 milles à l’heure sur les rues du Boulevard, Sainte-Marie, chemin de Saint-Jean et Saint-Ignace. Toute personne prise à excéder cette vitesse sera passible d’une amende de 40 $ plus les frais. Une amende plutôt salée pour l’époque.
L’histoire ne dit pas de quelle façon on évaluait la vitesse des véhicules.

- Au jour le jour, novembre 2020
La saga du boulevard Édouard VII
À cause de sa position géographique, proximité de Montréal et lieu de transit vers Saint-Jean-sur-Richelieu et le Richelieu, La Prairie a toujours été au carrefour des grandes voies de circulation. Depuis la création de la municipalité au printemps 1846, les élus municipaux ont dû œuvrer à répondre à de nombreux besoins souvent pressants : réseaux d’aqueducs et d’égouts, lutte aux incendies, sécurité publique, nouveaux modes de transport, voies de circulation, etc.
Pour réussir dans ce périlleux exercice où les intérêts privés s’opposent souvent aux intérêts du plus grand nombre, le conseil de ville devait, et doit toujours, obtenir le consentement des citoyens. Un exercice subtil et délicat où tout progrès consenti signifie une augmentation de l'impôt foncier. Toute décision jugée inadéquate est sanctionnée lors du prochain scrutin.
De plus, comme c’est le cas qui nous occupe ici, certaines innovations ne peuvent être réalisées qu’à la condition d’obtenir d’importantes subventions de la part des gouvernements provincial et fédéral. Le succès de ces requêtes étant souvent tributaire des allégeances politiques, l’exercice exige délicatesse et diplomatie.
Enfin, il arrive parfois que certains projets soient mis de l’avant parce qu’ils sont épaulés par des groupes de pression ou des individus militants.

- Au jour le jour, novembre 2020
La saga du boulevard Édouard VII (suite 1)
Le boulevard Édouard VII
Ancienne piste utilisée par les Amérindiens, la première route qui reliait la côte Saint-Lambert à La Prairie était un chemin de terre peu carrossable qui longeait le fleuve. Par grands vents, la houle frappait les voitures et les obligeait à rebrousser chemin. En hiver, ce n’était guère mieux, la glace qui s’y formait et la poudrerie qui créait des bancs de neige rendaient la circulation très difficile.
En avril 1903, la « question des bons chemins » est de plus en plus à l’ordre du jour des discussions entre nos députés provinciaux. L’ensemble des élus sont unanime à admettre que pour assurer à nos campagnes tous les avantages au niveau des transports, il est nécessaire d’améliorer ou de transformer nos chemins ruraux de manière à en rendre l’usage plus commode à toute période de l’année.
Il faut avant tout convaincre les citoyens qu’il leur en coûterait moins cher de mettre les routes sous le contrôle de la municipalité que de les faire entretenir par des particuliers. D’où les nombreux tronçons de route payants. On ne pourra atteindre cet objectif qu’en maintenant, au-delà de toutes distinctions politiques, l’aide financière du gouvernement en faveur des comtés et des municipalités qui voudront bien prendre en charge l’amélioration de leurs chemins.
La situation est d’autant plus préoccupante qu’un phénomène nouveau envahit graduellement nos routes et va bientôt transformer l’Amérique. L’avènement de l’automobile crée une petite révolution. De 396 en 1908, en une décennie le nombre de véhicules va passer à près de 27 000 sur les routes du Québec. Poussiéreux par temps sec et boueux sous la pluie, en plus des clous tombés des fers des chevaux qui provoquent de multiples crevaisons, l’état des chemins impose un virage majeur de la part des gouvernements.
La situation à La Prairie
L’incendie du vapeur Laprairie au quai de la municipalité à l’été 1909 a privé les cultivateurs de la région d’un lien vital avec les marchés de Montréal. Les élus municipaux travaillent à convaincre un nouveau capitaine de vapeur d’assurer le lien fluvial avec Montréal. De plus, l’ancien chemin qui longe le fleuve depuis Saint-Lambert et qui date des débuts de la colonie est devenu difficilement praticable. En conséquence, l’absence d’une route convenable entre Saint-Lambert et La Prairie ainsi que d’une digue protégeant le chemin et la municipalité des inondations, prive La Prairie de tout espoir de développement.
Pourtant, depuis 1898, le pont Victoria comprend deux voies de chemin de fer et deux voies latérales à péage pour les véhicules et les piétons. Un service de tramway y est ajouté en 1908. Il n’y manque qu’une route fiable pouvant assurer des liaisons régulières avec la métropole.
À l’automne 1909, une délégation de La Prairie s’est rendue auprès du gouvernement fédéral duquel elle a obtenu la promesse d’une aide de 11 000 $ pour la construction d’une jetée qui s’étendrait de la rivière Saint-Jacques jusqu’au village, c’est-à-dire sur la partie inondable du chemin. Une promesse qui tardera à se réaliser.

- Au jour le jour, novembre 2020
La saga du boulevard Édouard VII (suite 2)
Le plan des ingénieurs Boucher et Demers date de 1909. Le tracé proposé du futur boulevard commence au club de golf Ranelagh devenu le Country Club de Montréal en 1920. Ce tracé est plus éloigné de la rive du fleuve que l’ancien chemin de terre. Ce plan sera repris et modifié en 1912 par une autre firme d’ingénieurs.
Une route qui longera le fleuve
En janvier 1910, les maires des comtés de Laprairie et de Napierville présents au Ranelagh Club de Saint-Lambert à l’invitation du Dr Simard Georges-Aimé Simard, pharmacien, politicien, fondateur de la municipalité de Préville et homme d'affaires mort à Saint-Lambert en 1953., se sont montrés très intéressés par le plan de la future route présenté par les ingénieurs Boucher et Demers.
Dans la lancée de la croisade en faveur des « bons chemins », amorcée par La Presse à l’automne 1910, on projette de construire un boulevard qui, longeant le fleuve, relierait le pont Victoria à La Prairie et se poursuivrait jusqu’à Rouses Point. Ce serait la première des grandes routes provinciales.
« Mais, La Presse estime que les autorités gouvernementales ne bougent pas assez rapidement. En 1912, sa campagne pour l’amélioration de la voirie n’a rien perdu de sa vigueur et elle décide, par une initiative spectaculaire de retenir davantage l’attention de ses lecteurs : au coût de 30 000 $, elle fait asphalter les 15 premiers kilomètres d’une nouvelle route conduisant à la frontière. Pour sauvegarder son image, le gouvernement n’a d’autre choix que de prendre la relève. » Robert Prévost. Trois siècles de tourisme au Québec, Éditions du Septentrion, Sillery, année 2000, page 66
Selon le témoignage de plusieurs aînés de La Prairie interviewés au début des années 1980, la contribution de La Presse, bien qu’exceptionnelle, aurait été plus modeste. La Presse aurait plutôt fait construire à ses frais le premier tronçon d’une longueur d’un mille. C’est « le mille de La Presse » qui s’allongeait du club de golf à Saint-Lambert jusqu’au pont du ruisseau Simard (ancien ruisseau Yelle).
Dans les années qui suivirent, afin de desservir les cultivateurs, cette route a été complétée jusqu’à La Prairie. Ce prolongement a également permis aux briqueteries de La Prairie de fonctionner durant l’hiver alors qu’avant on n’y travaillait qu’en été. On l’appelait le « chemin d’en bas », mais son entretien en hiver a toujours été ardu à cause de la proximité du fleuve.
Une nombreuse délégation de citoyens du comté de Laprairie, dont le Dr S.A. Longtin maire de La Prairie et le Dr T.A. Brisson ancien maire, rencontre, en mai 1911, Joseph-Édouard Caron ministre provincial de l’agriculture. Le ministre Caron prendra la responsabilité du ministère de la Voirie lors de sa création en 1912. Sur la foi de promesses antérieures, les délégués croient pouvoir obtenir une aide de 90% pour construire la route projetée. La délégation apprend du ministre Caron que l’aide financière du gouvernement provincial sera plutôt de 75%. Le reste des coûts devra être assumé par les municipalités riveraines. Désireux de voir le projet mené à terme, M. Georges A. Simard, président du comité de la route de Montréal à Rouses Point, fait remarquer aux délégués que l’offre est généreuse.
L’année suivante, les rivalités politiques interviennent inévitablement dans le dossier.
En février 1912, M. Simard accuse la municipalité de la Prairie de montrer de la mauvaise volonté dans l’entreprise. En s’adressant au député conservateur Patenaude, il reproche au gouvernement fédéral d’avoir suspendu la construction de la digue indispensable à la poursuite des travaux de la nouvelle route. Faut-il voir là une lutte de pouvoir entre le comité de M. Simard et certains politiciens? Bien que La Prairie soit depuis longtemps un fief conservateur, autant sous le gouvernement Laurier (libéral) que sous celui de Borden (conservateur), le dossier de la digue tardera à se régler.
Ésioff-Léon Patenaude, né à Saint-Isidore, est élu, en 1908 et en 1912, député du Parti conservateur du Québec dans Laprairie. En 1915, sous Robert Borden, il passe à la Chambre des communes du Canada.
Au mois d’août suivant, nouvelle visite du maire à Québec afin de demander au gouvernement de faire commencer les travaux le plus tôt possible à l’intérieur des limites de la ville. On voudrait que le chemin soit construit sur le modèle en mineral rubber du « mille de La Presse ».
En mars 1913, le conseil de ville s’engage à contribuer à hauteur de 1 000 $ par mille de chemin dans la municipalité et à prendre à sa charge l’entretien du dit chemin. Dès septembre, les travaux sont en marche dans La Prairie.
Pourtant, en novembre, le nouveau ministre de la Voirie annonce en chambre que le boulevard Édouard VII Suite au décès de sa mère, la reine Victoria en 1901, le roi Édouard VII occupa le trône d’Angleterre jusqu’à sa mort en 1910. Il avait inauguré le pont Victoria en août 1860. serait terminé si ce n’était de l’incurie du gouvernement fédéral au sujet du tronçon de deux milles dans La Prairie, lequel ne peut être achevé parce que la digue tant réclamée n’est pas construite. Six mois plus tard, la situation n’a guère évoluée malgré les plaintes de la population, le bout de chemin en terre qui appartient au fédéral est toujours dans le même pitoyable état.

- Au jour le jour, novembre 2020
La saga du boulevard Édouard VII (suite 3)
Le projet du tramway
À La Prairie tous ont hâte que le projet aboutisse et on veut davantage qu’un bon chemin. En ce même mois de novembre 1913, il est unanimement résolu que le Dr Brisson soit autorisé à prendre des options de la Succession Beaudry et Georges Dubois afin de pouvoir offrir un droit de passage de 30 pieds à la Cie des tramways électriques le long du boulevard Édouard VII. Au mois de janvier suivant, les élus municipaux adoptent un règlement de 24 longs paragraphes qui précise :
« Que la ville de Laprairie accorde par les présentes à la Montreal & Southern Counties Railway Company (1897) les permissions, droit, privilège, franchise et pouvoir, pour une période n’excédant pas vingt et un ans, à partir de la passation du présent règlement, le cinquième jour de janvier 1914, d’établir, construire, entretenir et exploiter, dans ladite ville de Laprairie, un chemin de fer électrique ou tramway à voie unique, avec les emplacements nécessaires […] »
« Que la compagnie devra commencer la construction de sa dite voie ferrée, dans un an, à compter, de la passation du présent règlement, pourvu qu’un droit de passage complet large de trente pieds et parallèle à route Édouard VII, depuis la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil, à la Ville de Laprairie lui soit accordé gratuitement, et que le gouvernement fédéral construise la chaussée projetée depuis le lot no 33 jusqu’à la ville de Laprairie, et que la compagnie devra terminer et mettre en opération sa dite voie de chemin de fer dans deux ans à partir de la passation du présent règlement […] »
Notons que cette entreprise de tramway relie le centre-ville de Montréal à la Rive-Sud via une voie qui lui est réservée sur le pont Victoria.
Insatisfait, en mars 1914, le maire demande au conseil s’il est favorable à l’élargissement du boulevard Édouard VII dans nos rues, car il serait avantageux de procéder alors que les travaux progressent. On propose donc d’envoyer une autre délégation de citoyens à Québec afin d’obtenir l’accord du gouvernement. Au final, c’est une demande écrite qui sera expédiée à Québec demandant de faire passer la largeur de 16 pieds à 24 pieds sous promesse d’une contribution de la ville à hauteur de 500 $ supplémentaires par mille.
Puisque le dossier traîne en longueur, on adresse une nouvelle requête auprès des Travaux publics à Ottawa afin que la digue et le rempart soient réparés au plus tôt.
Hélas, l’imbroglio au sujet de la digue s’éternise puisqu’en avril 1915 le journal Le Canada résume ainsi la situation : « Voilà trois ans que, à chaque session, le ministre des Travaux publics du gouvernement fédéral promet de faire compléter immédiatement le tronçon du chemin de Saint-Lambert à La Prairie qui doit faire aboutir à Montréal la route provinciale, appelée boulevard Édouard VII. »
« Pendant ces trois étés, des travaux ont été ébauchés sur ce tronçon de chemin, et des milliers de dollars ont été dépensés sans profit pour personne, sauf peut-être pour les amis de M. Patenaude, le distributeur du patronage fédéral du comté. »

- Au jour le jour, septembre 2020
La Prairie et la guerre de 1812 – le Meuron
Plaise aux généalogistes, suite à la lecture du livre de Maurice Vallée, « Le Régiment suisse de Meuron au Bas-Canada », nous avons retenu les noms de tous les soldats du Régiment de Meuron qui avaient eu un lien quelconque avec La Prairie.
Adolphe, Pierre : aubergiste né en Alsace vers 1787. Engagé en 1808, il fera partie de la 1ère et ensuite de la 7e compagnie. Licencié en mai 1816, après avoir reçu un lot dans le 6e rang dans le canton Grantham, il épouse Angélique Boulerice à Saint-Philippe en janvier 1819. Après la naissance de ses 6 enfants à Saint-Philippe, il ira s’installer à Saint-Valentin.
Benassio, Jean Dominique : originaire de Prato dans le Piémont en Italie. Témoin à La Prairie, le 24 janvier 1814, au mariage d’Alexis Rubin son compagnon d’armes.
Berlando, Nicolas : Natif d’Ath, en Flandres, enrôlé dans la 9e compagnie en novembre 1808. Épouse Josette Roy à La Prairie le 5 mai 1817. Témoin au mariage de son ami Jean Bénard, à La Prairie le 13 octobre 1817. Berlando s’installera à l’Acadie.
Bernard (Bénard), Jean-Baptiste : Originaire d’Orléans, enrôlé en 1808 dans la 7e compagnie et déserteur au 12 septembre 1814. Épouse Modeste Binet à La Prairie le 13 octobre 1817.
Blandin, François : Natif de Liège en Belgique, il s’engage dans la 3e cie en mai 1807. Parrain, le 8 novembre 1813, à La Prairie, au baptême de Protais-Chrétien Gisolom, fils du caporal Joseph Gisolom.
Boucke, Jean : Jardinier, natif de Casalbourgh en Italie, engagé dans la 5e compagnie. Il est décédé à La Prairie le 27 novembre 1813.
Casgrande, Jean : Soldat présent dans la 4e compagnie selon la liste de paie du 24 mars 1814 mais déclaré malade; licencié le 4 juin 1816 comme colon selon la feuille de paie du 24 juin 1816; marié à la Christ Church de Sorel, le 24 juin 1816, à Josette Fournier, de La Prairie, en présence de Peter Gaetz, sergent du Régiment de Meuron, de Jean Fillinger, de Louis Arnould et de plusieurs autres; résidant à Drummondville, fait baptiser à l'église Saint-Pierre de Sorel, le Il janvier 1817, une fille du nom de Geneviève âgée de trois mois et filleule de Joseph Granin (7) et de Geneviève Ducharme; parrain, le même jour soit le 11 janvier 1817, à l'église Saint-Pierre de Sorel, de Louise Leonais, fille de Vincent, cultivateur de Drummondville; fait baptiser à l'église Notre-Dame de La Prairie, le 18 juillet 1818, un fils du nom de Toussaint né le 16 et filleul de Toussaint Martin et d'Élisabeth Buisson; cordonnier, fait baptiser à La Prairie, le 1er juin 1820, une fille du nom d'Olive née le même jour et filleule de Paul Guérin et d'Isabelle Degongre; fait baptiser à La Prairie, le Il mars 1822, une fille du nom de Marie-Salomé née le même jour et filleule d'Amable Sainte-Marie et de Salomé Houle; fait inhumer à La Prairie, le 30 mai 1823, sa jeune fille Olive décédée le 29 à l'âge de trois ans selon le registre; fait inhumer à La Prairie, le 16 octobre 1823, sa jeune fille Marie-Salomé décédée le 15 à l'âge de huit mois selon le registre; fait baptiser sous condition à La Prairie, le 21 décembre 1823, un fils du nom d'Édouard né le même jour et filleul de Jean-Baptiste Fournier et de Marie-Flavie Houle.

- Au jour le jour, septembre 2020
La Prairie et la guerre de 1812 – le Meuron (suite 1)
Chevino, Jean-Baptiste : natif de Montante en Italie. Décédé à l’âge de 32 ans le 23 novembre 1813 et sépulture le 25 à La Prairie.
Cisany, Jacques : Témoin à La Prairie, le 10 janvier 1814, au mariage de son ami et compagnon d’armes Jacques-Joseph-Sébastien (Jacob) Contal.
Contal, Jacob : né le 19 juin 1783 à Perpignan, marié à La Prairie, le 10 janvier 1814, avec la permission du colonel François-Henri de Meuron-Bayard, à Josephte Kellerstein, fille de John Gotliek Kellerstein et de Louise Tifault, en présence de Louis Hitzentzemer, Jacques Cisany, Amable Lécuyer, John Gotlieb Kellerstein (père de l'épouse), Joseph Tremblay, François Barbeau, Gotlieb et Jean-Baptiste Kellerstein (frères de l'épouse) et Joseph Arcouette (beau-frère de l'épouse); présent dans la 1ère compagnie selon la liste de paie du 24 mars 1814; fait baptiser à La Prairie, le 15 novembre 1814, une fille du nom de Marie-Josette née le 14 et filleule de Guillaume Müller et de Marie-Louise Tifault; fait inhumer à La Prairie, le 17 novembre 1814, sa jeune fille Josette décédée le 15 à l'âge de deux jours selon le registre.
Dervino, Louis : déserteur à La Prairie au 25 octobre 1815.
D’hose, Jean-Baptiste : présent à La Prairie le 18 novembre 1816, au mariage de Jean Piller, ex-sergent.
Gérard, François : le 13 octobre 1817, est témoin à La Prairie au mariage de Jean Bénard.
Gilabert, Manuel : pendu comme déserteur, à La Prairie, le 2 novembre 1813
Gisolom, Christian : époux de Marie Blondetto, fait baptiser à La Prairie, le 8 novembre 1813, un fils du nom de Protais-Chrétien né le 6 et filleul du sergent François Blandin et de Catherine Briand.
Hubert, Joseph : fait inhumer, en tant que sergent de Meuron et en tant qu’époux de Maria Rosa Lopez, le 24 mars 1816, à La Prairie, un fils anonyme né, ondoyé et décédé à la maison le 23.
Keller, Jacob : aurait fait baptiser des enfants à La Prairie.
Keller, Joseph : à Saint-Philippe et l’Acadie.
Martin (Mertens), Jacob : marié à Clémence Meloche à Chambly le 26 août 1814. Vers la fin mars 1815, naissance d’un fils du nom de Joseph qui décède le 19 décembre suivant et qu’il fait inhumer à La Prairie le 20 du même mois.
Merlet, Jean : natif de Reybury en Bavière, décédé, à La Prairie, le 4 ou le 5 novembre 1813 à l’âge de quarante ans. Sépulture le 6 novembre.
Montanary, Paul (Paolo) : son petit-fils, Ambroise-Napoléon-Paul Montanary, courtier à Montréal, épouse à La Prairie, le 1er août 1881, Blanche-Colombe Sylvestre, fille du marchand général Hyacinthe Sylvestre et de Marie Foisy. Ambroise-Napoléon décède, sans descendance, à Montréal le 27 avril 1931, emportant avec lui le patronyme Montanary.
Pierre, Antoine : le 23 septembre 1816, il épouse à La Prairie Catherine Daigneau, fille d’Antoine et de Catherine Bisaillon. On le retrouve par la suite à Saint-Philippe.
Piller, Jean : sergent licencié résidant a Montréal, le 18 novembre 1816, il épouse à La Prairie Marie-Anne Donais, fille de François et de Marguerite Rhéaume de La Prairie. Marie-Anne Donais décède à l’âge de 24 ans et est inhumée à Saint-Philippe le 26 octobre 1817.
Raymond (Rémont, Remond), Antoine : natif de Genève, sergent au premier bataillon de la Milice d’Élite et incorporée, à La Prairie le 23 mai 1814, il épouse Archange Lebert, fille de feu François et de Marie-Anne Sansoucy Cette liste des soldats de Meuron en lien avec La Prairie est tirée de : Vallée, Maurice. Le Régiment suisse de Meuron au Bas-Canada, Société d’histoire de Drummondville, 2005. 378 pages. Ce livre fait partie de la collection de la bibliothèque de la Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine. Recherche par Gaétan Bourdages.