Sélection d'une édition

    Conférence 1691 – Bataille de La Prairie

    Que s’est-il réellement produit à La Prairie en cette journée du 11 août 1691 ? Comment se
    sont déroulés les deux affrontements ?

    Le conférencier et historien Gaétan Bourdages apportera certaines précisions sur ce fait militaire particulier.

    De plus, il traitera des résultats des recherches archéologiques réalisées sur le site présumé de la seconde bataille.

    Que s'est-il réellement produit à La Prairie en cette journée du 11 août 1691 ? Comment se sont déroulés les deux affrontements ? Le conférencier et historien Gaétan Bourdages apportera certaines précisions sur ce fait militaire particulier. De plus, il traitera des résultats des recherches archéologiques réalisées sur le site présumé de la seconde bataille....

    La maison Brossard est sauvée

    Le 1er décembre 2014, le « Comité pour la sauvegarde de la maison Brossard[1] » présentait un volumineux rapport réclamant le classement de ce bâtiment exceptionnel, classement auquel s’opposera fermement le propriétaire.

    De nombreux arguments plaidaient alors en faveur de la protection de la maison. Construite à la fin du 18e siècle, elle demeure, à l’intérieur du territoire de Brossard, le seul témoin intact d’un modèle architectural très en vogue à l’époque. La maison Brossard revêt également une grande valeur historique puisque la famille Brossard a occupé le site à partir de 1743 et les ancêtres de monsieur Georges-Henri Brossard, maire fondateur de la ville, ont habité l’édifice. De plus, la terre des Brossard, sur laquelle la maison a été construite, a été transmise de père en fils jusqu’à l’aube du vingt et unième siècle.

    Inoccupée depuis le départ de Jean-Paul Brossard en 1998 à la suite de la crise du verglas (M. Brossard est décédé quelques années plus tard), la maison, en plus de subir les affres du climat et du vandalisme, a été l’objet d’une saga judiciaire qui s’est poursuivie de 2005 à 2011.

    C’est que Robert Brossard, un citoyen américain, cousin et héritier du dernier propriétaire, réclamait à la succession de Jean-Paul Brossard le paiement des coûts de rénovation de la propriété. Finalement, sa demande fut rejetée par la cour et, en conséquence, le nouveau propriétaire s’occupa peu ou pas de la maison qui était pourtant considérée comme un véritable trésor architectural par d’importantes firmes d’architectes.

    Face à la lente détérioration de la maison, Mme Yolande Sainte-Marie prit l’initiative, en 2014, de mettre sur pied le « Comité pour la sauvegarde de la maison Brossard ». Pendant que le Comité exerçait des pressions auprès de la municipalité et du ministère des Affaires culturelles (MCC), le propriétaire envisageait de céder une partie du terrain à un promoteur pour la construction de logements (en copropriété). M. Robert Brossard, qui pourtant était très à l’aise financièrement, souhaitait utiliser l’argent de la vente des terrains adjacents pour financer la restauration de la maison ancestrale.

    En 2016, l’administration du maire Paul Leduc donnait un avis de motion gelant l’émission d’un permis de démolition de la maison et entreprenait des démarches auprès du MCC en vue du classement de l’édifice. Ces décisions étaient, à n’en pas douter, une suite logique d’une lettre adressée au maire par le Comité de sauvegarde en janvier 2015.

    Entre 2013 et 2017, la ville de Brossard refusait dix-neuf propositions d’aménagement du site. Il faut comprendre que le promoteur immobilier devrait avoir accès aux terrains adjacents par une rue qui contournerait la maison et cela en conformité avec les règlements municipaux.

    En 2017, une modification au règlement de zonage vint par la suite contrecarrer les plans de Robert Brossard et du promoteur. Le dossier s’enlisait pendant que la maison et ses dépendances se détérioraient.

    Heureusement, en juillet 2020, pour donner suite à son intention manifestée auprès du Comité à l’été 2019, la ministre de la Culture et des Communications, en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, Mme Nathalie Roy, annonce le classement, de la maison Brossard et du site patrimonial de la Maison Brossard.

    De ce qui précède s’ensuit une nouvelle saga judiciaire. En 2018, Robert Brossard conteste devant la cour le nouveau règlement de zonage arguant que ce dernier constitue une expropriation déguisée, alors que le promoteur immobilier exige des dédommagements pour les constructions qui n’auront pas lieu. Plus tard, le propriétaire réclamera devant la justice l’annulation du classement de la maison par le MCC.

    Ces actions judiciaires traînent en longueur alors que M. Robert Brossard décède de la Covid 19 à l’automne 2021. Les procédures de sa succession aux États-Unis ont pour effet de prolonger les délais des règlements des poursuites au Québec. Cependant, les négociations de la municipalité avec sa succession seront grandement facilitées.

    En juin dernier, cette longue lutte pour la sauvegarde de la maison Brossard se conclut d’heureuse façon. À la séance du 13 juin, à l’instigation de la mairesse, Mme Doreen Assaad, le conseil municipal de Brossard a approuvé à l’unanimité l’acquisition de la maison Brossard pour un montant de 2,4 M$. L’acquisition inclut l’ensemble du site, aussi classé patrimonial, soit le bâtiment du chemin des Prairies et ses dépendances, ainsi que le terrain de 16 000 mètres carrés. Une entente hors cour est également intervenue avec le promoteur immobilier dont l’entente avec Robert Brossard n’avait pas été respectée.

    Au cours de l’été, la végétation a envahi le terrain. Des travaux devront être entrepris pour s’assurer de l’intégrité et de l’étanchéité de la maison. Désormais propriété municipale, on songe déjà à son utilisation future au service de la population de Brossard.

    On comprendra qu’il s’agit là d’un immense soulagement pour les membres du Comité de sauvegarde.

     

    ______________________________

    [1] Gaétan Bourdages, Hélène Sainte-Marie, Yolande Sainte-Marie, Bertrand Thibodeau et Stéphane Tremblay

    Le 1er décembre 2014, le « Comité pour la sauvegarde de la maison Brossard[1] » présentait un volumineux rapport réclamant le classement de ce bâtiment exceptionnel, classement auquel s’opposera fermement le propriétaire. De nombreux arguments plaidaient alors en faveur de la protection de la maison. Construite à la fin du 18e siècle, elle demeure, à l’intérieur du territoire de Brossard, le seul témoin intact d’un modèle architectural très en vogue à l’époque. La maison Brossard revêt également une grande valeur historique puisque la famille Brossard a occupé le site à partir de 1743 et les ancêtres de monsieur Georges-Henri Brossard, maire fondateur de la ville, ont habité l’édifice. De plus, la terre des Brossard, sur laquelle la maison a été construite, a été transmise de père en fils jusqu’à l’aube du vingt et unième siècle. Inoccupée depuis le départ de Jean-Paul Brossard en 1998 à la suite de la crise du verglas (M. Brossard est décédé quelques années plus tard), la maison, en plus de subir les affres du climat et du vandalisme, a été l’objet d’une saga judiciaire qui s’est poursuivie de 2005 à 2011. C’est que Robert Brossard, un citoyen américain, cousin et héritier du dernier propriétaire, réclamait à la succession de Jean-Paul Brossard le paiement des coûts de rénovation de la propriété. Finalement, sa demande fut rejetée par la cour et, en conséquence, le nouveau propriétaire s’occupa peu ou pas de la maison qui était pourtant considérée comme un véritable trésor architectural par d’importantes firmes d’architectes. Face à la lente détérioration de la maison, Mme Yolande Sainte-Marie prit l’initiative, en 2014, de mettre sur pied le « Comité pour la sauvegarde de la maison Brossard ». Pendant que le Comité exerçait des pressions auprès de la municipalité et du ministère des Affaires culturelles (MCC), le propriétaire envisageait de céder une partie du terrain à un promoteur pour la construction de logements (en copropriété). M. Robert Brossard, qui pourtant était très à l’aise financièrement, souhaitait utiliser l’argent de la vente des terrains adjacents pour financer la restauration de la maison ancestrale. En 2016, l’administration du maire Paul Leduc donnait un avis de motion gelant l’émission d’un permis de démolition de la maison et entreprenait des démarches auprès du MCC en vue du classement de l’édifice. Ces décisions étaient, à n’en pas douter, une suite logique d’une lettre adressée au maire par le Comité de sauvegarde en janvier 2015. Entre 2013 et 2017, la ville de Brossard refusait dix-neuf propositions d’aménagement du site. Il faut comprendre que le promoteur immobilier devrait avoir accès aux terrains adjacents par une rue qui contournerait la maison et cela en conformité avec les règlements municipaux. En 2017, une modification au règlement de zonage vint par la suite contrecarrer les plans de Robert Brossard et du promoteur. Le dossier s’enlisait pendant que la maison et ses dépendances se détérioraient. Heureusement, en juillet 2020, pour donner suite à son intention manifestée auprès du Comité à l’été 2019, la ministre de la Culture et des Communications, en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, Mme Nathalie Roy, annonce le classement, de la maison Brossard et du site patrimonial de la Maison Brossard. De ce qui précède s’ensuit une nouvelle saga judiciaire. En 2018, Robert Brossard conteste devant la cour le nouveau règlement de zonage arguant que ce dernier constitue une expropriation déguisée, alors que le promoteur immobilier exige des dédommagements pour les constructions qui n’auront pas lieu. Plus tard, le propriétaire réclamera devant la justice l’annulation du classement de la maison par le MCC. Ces actions judiciaires traînent en longueur alors que M. Robert Brossard décède de la Covid 19 à l’automne 2021. Les procédures de sa succession aux États-Unis ont pour effet de prolonger les délais des règlements des poursuites au Québec. Cependant, les négociations de la municipalité avec sa succession seront grandement facilitées. En juin dernier, cette longue lutte pour la sauvegarde de la maison Brossard se conclut d’heureuse façon. À la séance du 13 juin, à l’instigation de la mairesse, Mme Doreen Assaad, le conseil municipal de Brossard a approuvé à l’unanimité l’acquisition de la maison Brossard pour un montant de 2,4 M$. L’acquisition inclut l’ensemble du site, aussi classé patrimonial, soit le bâtiment du chemin des Prairies et ses dépendances, ainsi que le terrain de 16 000 mètres carrés. Une entente hors cour est également intervenue avec le promoteur immobilier dont l’entente avec Robert Brossard n’avait pas été respectée. Au cours de l’été, la végétation a envahi le terrain. Des travaux devront être entrepris pour s’assurer de l’intégrité et de l’étanchéité de la maison. Désormais propriété municipale, on songe déjà à son utilisation future au service de la population de Brossard. On comprendra qu’il s’agit là d’un immense soulagement pour les membres du Comité de sauvegarde.   ______________________________ [1] Gaétan Bourdages, Hélène Sainte-Marie, Yolande Sainte-Marie, Bertrand Thibodeau et Stéphane Tremblay...
    Texte alternatif

    Le 179, rue Saint-Laurent

    N.D.L.R. Voici le second d’une série d’articles sur des maisons patrimoniales de La Prairie, dont la survie est due au travail et à la ténacité de femmes admirables. Dans le cas présent, nous tenons à remercier Mme Monique Dugal, l’ancienne propriétaire, pour la documentation et l’histoire de la maison. Notre reconnaissance se porte également vers Mme Zoé Belk, l’actuelle propriétaire depuis 2020, pour avoir acheté la maison et pour son chaleureux accueil.

    La présence de la brique

    Petite habitation de 7,80 m (25,5 pieds) sur 7,22 m (23,7 pieds), sise sur la rive nord-est de la rue Saint-Laurent à proximité du chemin de Saint-Jean. Elle est à l’extérieur du périmètre du site patrimonial (arrondissement historique). À l’origine, maison à deux étages avec solage en pierres des champs, murs en pièce sur pièce, revêtement extérieur et cheminée de briques (voir la photo ci-jointe). Selon une inscription située au-dessus de la porte d’entrée, elle aurait été construite en 1853, une date tout à fait plausible selon l’architecte Michel Létourneau. Si le revêtement de brique était antérieur à l’ouverture de la première briqueterie industrielle à La Prairie en 1890, nous ignorons la provenance de ce matériau.

    Cependant, plusieurs indices plaident en faveur d’une production artisanale de briques à La Prairie dans la seconde moitié du 19e siècle. Au Fort-Lennox de l’Île-aux-Noix, on m’a déjà affirmé que la poudrière, bien antérieure à 1890, était construite de briques de La Prairie. Il en serait de même pour certaines demeures dont l’ancienne maison de Toussaint Moquin qui était au 1125, chemin de Saint-Jean, face au Marché des jardiniers. Démolie en septembre 2007, elle avait été bâtie en 1856 par Ambroise Hébert sur une terre de 50 arpents.

    Le 179, rue Saint-Laurent avant 1976.

    « La maison aurait été construite avec trois rangs de brique “américaine” transportée par chemin de fer ou avec de la brique provenant de la briqueterie Coupal-Lareine à La Tortue. Il existe une autre maison de même type et de la même époque sise au 1215 chemin de Saint-Jean (Centre chiropratique Guy Briand). »

    À cela, ajoutons que : « De par son sol argileux, La Prairie est un lieu privilégié pour la fabrication de briques. En 1872, M. Thibodeau commence à exploiter le sol pour faire les premières briques d’argile entièrement fabriquées à la main. En 1877, les frères Coupal achètent la briqueterie et la modernisent en implantant un moule. Cette entreprise artisanale ferme ses portes en 1891 ne pouvant concurrencer avec la première grande industrie de briques fondée en 1890 », lit-on dans le document Collection St-Lawrence Brick Company Limited. »[1]

    Bref, l’origine de la brique devra faire l’objet de futures recherches.

    L’état réel du bâtiment

    Au cours du 20e siècle, le lot 44, sur lequel se situe le 179, a été l’objet de nombreuses transactions immobilières dont la cession de plusieurs parties du lot original.

    En février 1976, Mme Monique Dugal achète la maison de M. Gérard Fournier pour la somme de 8 500$. Ce dernier l’avait acquise moins d’un an plus tôt, en avril 1975, pour 6 500 $.

    Au moment de la signature du contrat d’achat devant le notaire Jean-Guy Lamarre dont l’étude était située au 950 chemin du Sault St-Louis, madame Dugal déclare prendre l’immeuble dans son état actuel, affirmant l’avoir bien vu et visité et en être satisfaite. Toutefois, dans les faits, si l’acquéreuse affirme être bien informée de l’état réel du domicile, elle ignore sans doute ce qu’il lui en coûtera d’efforts et d’investissements pour rendre la maison habitable.

    En réalité, le bâtiment est dans un état de délabrement avancé. Le 1er mai 1976, la nouvelle propriétaire s’attaque à la démolition des murs de briques et des planchers. À l’intérieur, les trois planchers superposés étaient pourris et les combles étaient isolés avec de la terre. Des murs intérieurs, il ne restait que les pièces de bois équarries dont neuf étaient pourries et ont dû être remplacées. Les travaux achevés, la maison n’est plus le taudis qu’elle était, les combles sont habitables et sur les murs extérieurs, les planches en bois debout (planches posées à la verticale) ont remplacé la brique.

    Le plancher de l’appentis est formé de briques des anciens murs de la maison. Le plancher de pin du rez-de-chaussée est composé de planches récupérées d’une ancienne maison de la même époque.

    Un an plus tard, le coût des travaux de « restauration » s’élevait à 60 000 $, nettement plus que les 3 000 $ de subvention accordée par le projet PAQ (programme d’amélioration de quartier) et deux fois plus que le prix, à l’époque, d’un bungalow neuf dans le quartier de la Magdeleine.

    Encore des travaux

    Douze ans plus tard, en juin 1989, à la demande du ministère de la Culture, il faut remplacer la toiture qui était en bardeaux d’asphalte par du bardeau de cèdre et refaire la galerie qui devra avoir la longueur de la façade.

    Au printemps 2001, de nouveaux travaux s’imposent, on doit remplacer les portes avant et arrière et réparer la cheminée de briques. Tous les propriétaires de maisons anciennes savent pertinemment que ces habitations exigent une surveillance et des soins constants.

    D’ailleurs, à l’automne 2019, d’importants travaux de décontamination fongique dans le vide sanitaire s’imposent (présence de moisissures sur la fondation en moellons). On doit également procéder à l’isolation du plancher avec du polyuréthane giclé, car de la moisissure apparaît également sur le plancher du rez-de-chaussée. Ces interventions sont complétées par le nettoyage de la fondation, la réparation des fissures et l’ajout d’un traitement imperméable.

    Plus encore, la végétation autour de la propriété provoque une pression hydrostatique sur la fondation en moellons. Il faut donc excaver sur le pourtour de la maison afin d’enlever le vieux drain de fondation et le remplacer par un nouveau drain en PVC. Au surplus, afin d’éviter de futurs problèmes, on creuse deux bassins de rétention des eaux de surface avant et arrière. Tout cela a exigé des sommes très importantes.

     Une maison patrimoniale?

    « Immeuble patrimonial : tout bien immeuble qui présente un intérêt pour sa valeur archéologique, architecturale, artistique, emblématique, ethnologique, historique, paysagère, scientifique ou technologique. »

    « Les termes de maisons ancestrales désignent plus généralement celles datant de plus d’une centaine d’années, donc celles dont la construction remonte au début du 20e siècle ou avant. »

    On aura compris que les vieilles maisons ne sont pas toutes des maisons dites patrimoniales.

    Avant les travaux majeurs de 1976, par son architecture et son historique, le 179 rue Saint-Laurent pouvait certainement être désigné « maison patrimoniale ».

    Murs intérieurs en pièce sur pièce.

    Bien que son état ait exigé des interventions importantes, le bâtiment n’a pas changé d’endroit ni de vocation. Les murs intérieurs sont toujours en pièce sur pièce et il y a un reste d’une ancienne cheminée de briques à l’intérieur de la maison (côté nord).

    Bref, jusqu’où peut-on aller dans les rénovations sans altérer le caractère patrimonial du bâtiment?

    Un exemple parmi plusieurs

    Parfois, il faut savoir jusqu’où aller trop loin dans les travaux. Dans certains cas, comme celui du 179 rue Saint-Laurent, des modifications majeures risquent d’effacer le caractère patrimonial du bâtiment. Mais, il arrive hélas qu’il n’existe d’autre choix que de tout refaire ou presque.

    Autrefois, à Saint-Guillaume (anciennement Saint-Guillaume-d’Upton) on pouvait admirer une maison patrimoniale en pièce sur pièce construite en 1840 à l’époque de la naissance de la municipalité. Inoccupée depuis quelques décennies, en 2000, la maison, pourtant en très bon état, menaçait de basculer dans le ruisseau du Chêne à cause de l’érosion.

    « Sa propriétaire, sachant que cette maison ancestrale allait être démolie, fit numéroter chaque pièce avant sa démolition. Ensuite, elle l’a fait remonter par des experts sur un terrain qu’elle possédait à Terrebonne. Il a fallu sept mois à une équipe de travailleurs spécialisés pour que la maison retrouve tout l’attrait qu’elle avait au milieu du dix-neuvième siècle. Les parties manquantes ont été trouvées parmi d’autres maisons anciennes détruites. »[2]

    Reconstruite à plus de 100 kilomètres de son lieu d’origine, cette demeure conserve-t-elle encore son caractère patrimonial ? Elle conserve certes un certain cachet dans son nouveau site, mais elle est définitivement privée de ses valeurs historiques, ethnologiques et paysagères. Certes, le déménagement valait quand même mieux que sa destruction.

     

    Maison centenaire à Saint-Guillaume: rang du ruisseau des Chênes.
    La maison de Saint-Guillaume reconstruite

    Bien sûr, il existe de nombreux exemples du même genre à travers le Québec.

    Maison patrimoniale ou pas ? Peut-être que dans le cas dont il est ici question, il s’agit d’un faux débat. Madame Monique Dugal a habité la petite maison de bois durant 44 ans. Elle y a consacré beaucoup d’intérêt ainsi que des sommes considérables afin de la maintenir en état.

    Vendue en 2020, la maison est aujourd’hui occupée par une jeune famille qui en prend grand soin. Malgré ses transformations, avec ses murs en pièce sur pièce, ses planchers de larges planches, ses combles et son extérieur de planches verticales, le 179 conserve un cachet particulier. Il s’agit certes d’un bâtiment d’intérêt et surtout d’un endroit où il fait bon vivre.

    ______________________________

    [1] Le Reflet, le mardi 13 août 2019.

    [2] Le Journal de Montréal, samedi, le 8 avril 2006, page 27.

    N.D.L.R. Voici le second d’une série d’articles sur des maisons patrimoniales de La Prairie, dont la survie est due au travail et à la ténacité de femmes admirables. Dans le cas présent, nous tenons à remercier Mme Monique Dugal, l’ancienne propriétaire, pour la documentation et l’histoire de la maison. Notre reconnaissance se porte également vers Mme Zoé Belk, l’actuelle propriétaire depuis 2020, pour avoir acheté la maison et pour son chaleureux accueil. La présence de la brique Petite habitation de 7,80 m (25,5 pieds) sur 7,22 m (23,7 pieds), sise sur la rive nord-est de la rue Saint-Laurent à proximité du chemin de Saint-Jean. Elle est à l’extérieur du périmètre du site patrimonial (arrondissement historique). À l’origine, maison à deux étages avec solage en pierres des champs, murs en pièce sur pièce, revêtement extérieur et cheminée de briques (voir la photo ci-jointe). Selon une inscription située au-dessus de la porte d’entrée, elle aurait été construite en 1853, une date tout à fait plausible selon l’architecte Michel Létourneau. Si le revêtement de brique était antérieur à l’ouverture de la première briqueterie industrielle à La Prairie en 1890, nous ignorons la provenance de ce matériau. Cependant, plusieurs indices plaident en faveur d’une production artisanale de briques à La Prairie dans la seconde moitié du 19e siècle. Au Fort-Lennox de l’Île-aux-Noix, on m’a déjà affirmé que la poudrière, bien antérieure à 1890, était construite de briques de La Prairie. Il en serait de même pour certaines demeures dont l’ancienne maison de Toussaint Moquin qui était au 1125, chemin de Saint-Jean, face au Marché des jardiniers. Démolie en septembre 2007, elle avait été bâtie en 1856 par Ambroise Hébert sur une terre de 50 arpents. Le 179, rue Saint-Laurent avant 1976. « La maison aurait été construite avec trois rangs de brique “américaine” transportée par chemin de fer ou avec de la brique provenant de la briqueterie Coupal-Lareine à La Tortue. Il existe une autre maison de même type et de la même époque sise au 1215 chemin de Saint-Jean (Centre chiropratique Guy Briand). » À cela, ajoutons que : « De par son sol argileux, La Prairie est un lieu privilégié pour la fabrication de briques. En 1872, M. Thibodeau commence à exploiter le sol pour faire les premières briques d’argile entièrement fabriquées à la main. En 1877, les frères Coupal achètent la briqueterie et la modernisent en implantant un moule. Cette entreprise artisanale ferme ses portes en 1891 ne pouvant concurrencer avec la première grande industrie de briques fondée en 1890 », lit-on dans le document Collection St-Lawrence Brick Company Limited. »[1] Bref, l’origine de la brique devra faire l’objet de futures recherches. L’état réel du bâtiment Au cours du 20e siècle, le lot 44, sur lequel se situe le 179, a été l’objet de nombreuses transactions immobilières dont la cession de plusieurs parties du lot original. En février 1976, Mme Monique Dugal achète la maison de M. Gérard Fournier pour la somme de 8 500$. Ce dernier l’avait acquise moins d’un an plus tôt, en avril 1975, pour 6 500 $. Au moment de la signature du contrat d’achat devant le notaire Jean-Guy Lamarre dont l’étude était située au 950 chemin du Sault St-Louis, madame Dugal déclare prendre l’immeuble dans son état actuel, affirmant l’avoir bien vu et visité et en être satisfaite. Toutefois, dans les faits, si l’acquéreuse affirme être bien informée de l’état réel du domicile, elle ignore sans doute ce qu’il lui en coûtera d’efforts et d’investissements pour rendre la maison habitable. En réalité, le bâtiment est dans un état de délabrement avancé. Le 1er mai 1976, la nouvelle propriétaire s’attaque à la démolition des murs de briques et des planchers. À l’intérieur, les trois planchers superposés étaient pourris et les combles étaient isolés avec de la terre. Des murs intérieurs, il ne restait que les pièces de bois équarries dont neuf étaient pourries et ont dû être remplacées. Les travaux achevés, la maison n’est plus le taudis qu’elle était, les combles sont habitables et sur les murs extérieurs, les planches en bois debout (planches posées à la verticale) ont remplacé la brique. Le plancher de l’appentis est formé de briques des anciens murs de la maison. Le plancher de pin du rez-de-chaussée est composé de planches récupérées d’une ancienne maison de la même époque. Un an plus tard, le coût des travaux de « restauration » s’élevait à 60 000 $, nettement plus que les 3 000 $ de subvention accordée par le projet PAQ (programme d’amélioration de quartier) et deux fois plus que le prix, à l’époque, d’un bungalow neuf dans le quartier de la Magdeleine. Encore des travaux Douze ans plus tard, en juin 1989, à la demande du ministère de la Culture, il faut remplacer la toiture qui était en bardeaux d’asphalte par du bardeau de cèdre et refaire la galerie qui devra avoir la longueur de la façade. Au printemps 2001, de nouveaux travaux s’imposent, on doit remplacer les portes avant et arrière et réparer la cheminée de briques. Tous les propriétaires de maisons anciennes savent pertinemment que ces habitations exigent une surveillance et des soins constants. D’ailleurs, à l’automne 2019, d’importants travaux de décontamination fongique dans le vide sanitaire s’imposent (présence de moisissures sur la fondation en moellons). On doit également procéder à l’isolation du plancher avec du polyuréthane giclé, car de la moisissure apparaît également sur le plancher du rez-de-chaussée. Ces interventions sont complétées par le nettoyage de la fondation, la réparation des fissures et l’ajout d’un traitement imperméable. Plus encore, la végétation autour de la propriété provoque une pression hydrostatique sur la fondation en moellons. Il faut donc excaver sur le pourtour de la maison afin d’enlever le vieux drain de fondation et le remplacer par un nouveau drain en PVC. Au surplus, afin d’éviter de futurs problèmes, on creuse deux bassins de rétention des eaux de surface avant et arrière. Tout cela a exigé des sommes très importantes.  Une maison patrimoniale ? « Immeuble patrimonial : tout bien immeuble qui présente un intérêt pour sa valeur archéologique, architecturale, artistique, emblématique, ethnologique, historique, paysagère, scientifique ou technologique. » « Les termes de maisons ancestrales désignent plus généralement celles datant de plus d’une centaine d’années, donc celles dont la construction remonte au début du 20e siècle ou avant. » On aura compris que les vieilles maisons ne sont pas toutes des maisons dites patrimoniales. Avant les travaux majeurs de 1976, par son architecture et son historique, le 179 rue Saint-Laurent pouvait certainement être désigné « maison patrimoniale ». Murs intérieurs en pièce sur pièce. Bien que son état ait exigé des interventions importantes, le bâtiment n’a pas changé d’endroit ni de vocation. Les murs intérieurs sont toujours en pièce sur pièce et il y a un reste d’une ancienne cheminée de briques à l’intérieur de la maison (côté nord). Bref, jusqu’où peut-on aller dans les rénovations sans altérer le caractère patrimonial du bâtiment? Un exemple parmi plusieurs Parfois, il faut savoir jusqu’où aller trop loin dans les travaux. Dans certains cas, comme celui du 179 rue Saint-Laurent, des modifications majeures risquent d’effacer le caractère patrimonial du bâtiment. Mais, il arrive hélas qu’il n’existe d’autre choix que de tout refaire ou presque. Autrefois, à Saint-Guillaume (anciennement Saint-Guillaume-d’Upton) on pouvait admirer une maison patrimoniale en pièce sur pièce construite en 1840 à l’époque de la naissance de la municipalité. Inoccupée depuis quelques décennies, en 2000, la maison, pourtant en très bon état, menaçait de basculer dans le ruisseau du Chêne à cause de l’érosion. « Sa propriétaire, sachant que cette maison ancestrale allait être démolie, fit numéroter chaque pièce avant sa démolition. Ensuite, elle l’a fait remonter par des experts sur un terrain qu’elle possédait à Terrebonne. Il a fallu sept mois à une équipe de travailleurs spécialisés pour que la maison retrouve tout l’attrait qu’elle avait au milieu du dix-neuvième siècle. Les parties manquantes ont été trouvées parmi d’autres maisons anciennes détruites. »[2] Reconstruite à plus de 100 kilomètres de son lieu d’origine, cette demeure conserve-t-elle encore son caractère patrimonial ? Elle conserve certes un certain cachet dans son nouveau site, mais elle est définitivement privée de ses valeurs historiques, ethnologiques et paysagères. Certes, le déménagement valait quand même mieux que sa destruction.   Maison centenaire à Saint-Guillaume: rang du ruisseau des Chênes. La maison de Saint-Guillaume reconstruite Bien sûr, il existe de nombreux exemples du même genre à travers le Québec. Maison patrimoniale ou pas ? Peut-être que dans le cas dont il est ici question, il s’agit d’un faux débat. Madame Monique Dugal a habité la petite maison de bois durant 44 ans. Elle y a consacré beaucoup d’intérêt ainsi que des sommes considérables afin de la maintenir en état. Vendue en 2020, la maison est aujourd’hui occupée par une jeune famille qui en prend grand soin. Malgré ses transformations, avec ses murs en pièce sur pièce, ses planchers de larges planches, ses combles et son extérieur de planches verticales, le 179 conserve un cachet particulier. Il s’agit certes d’un bâtiment d’intérêt et surtout d’un endroit où il fait bon vivre. ______________________________ [1] Le Reflet, le mardi 13 août 2019. [2] Le Journal de Montréal, samedi, le 8 avril 2006, page 27....

    Élections 2023

    Élections 2023

    Conformément aux règlements de la SHLM, deux postes étaient en élection au conseil d’administration pour l’année 2023. Seules deux mises en candidature ont été reçues dans les délais prescrits. En conséquence, lors de l’assemblée générale annuelle du 21 mars dernier, messieurs Antoine Simonato et Samuel Castonguay ont été réélus au CA pour les deux prochaines années.

    Élections 2023 Conformément aux règlements de la SHLM, deux postes étaient en élection au conseil d’administration pour l’année 2023. Seules deux mises en candidature ont été reçues dans les délais prescrits. En conséquence, lors de l’assemblée générale annuelle du 21 mars dernier, messieurs Antoine Simonato et Samuel Castonguay ont été réélus au CA pour les deux prochaines années....

    Extraits des procès-verbaux du conseil municipal de La Prairie.

    Des histoires de police

    3 mai 1880 : Monsieur le Maire soumet à ce Conseil que le vapeur Laprairie tiendra à l’avenir une ligne régulière entre Montréal et La Prairie les dimanches et fêtes d’obligations. Et qu’il serait convenable de former un comité de police aux fins de nommer des constables, les faire habiller convenablement dans le but que le bon ordre soit maintenu en tout temps en cette municipalité.

    7 juillet 1890 : Le comité de police est autorisé à faire des arrangements avec un constable pour faire maintenir l’ordre au carré public où des gamins s’amusent parfois à insulter les Frères de l’Académie.

    18 mars 1924 : Il est décidé de faire l’achat de 2 pistolets et d’une garcette pour les hommes de police.

    19 juillet 1926 : Le constable devra avoir à porter continuellement son uniforme.

    Au sujet de l’ancien chemin de fer

    28 février 1887 : Sur motion de Monsieur Doré. Secondé par Monsieur Hébert. Il est résolu unanimement que le secrétaire-trésorier soit chargé de faire les recherches nécessaires pour arriver à connaître les véritables propriétaires du terrassement de l’ancien chemin de fer et de s’enquérir à quelles conditions ce terrassement pourrait être cédé à la Corporation (c’est-à-dire la municipalité) dans toute l’étendue des limites du village en vue de l’exaucer pour prévenir les inondations.

    N.D.L.R.   C’est sans doute cette intervention qui a donné naissance à la rue de la Levée (digue).

    Le prix de l’essence – 19 mars 1934

    Rien de nouveau sous le soleil : Le Conseil municipal de La Prairie vote une résolution pour demander au gouvernement fédéral de combattre le trust de la gazoline.

    La compagnie Lallemand

    21 janvier 1935 : Étude de la question de l’établissement de la manufacture de levain de Lallemand et Frère. Le CNR veut construire une voie d’évitement sur la rue de la Levée pour desservir la Cie Fred A.  Lallemand and Refining Company of Canada Limited.

    N.D.L.R. : Cette importante entreprise de sirops alimentaires fut plus tard remplacée par la Cie Rose & Laflamme. Elle occupait un immense terrain entre les rues Saint-Georges, Saint-Ignace et Saint-Jacques. Ce vaste périmètre est aujourd’hui abandonné depuis plus de 40 ans.

     

     

     

    Des histoires de police 3 mai 1880 : Monsieur le Maire soumet à ce Conseil que le vapeur Laprairie tiendra à l’avenir une ligne régulière entre Montréal et La Prairie les dimanches et fêtes d’obligations. Et qu’il serait convenable de former un comité de police aux fins de nommer des constables, les faire habiller convenablement dans le but que le bon ordre soit maintenu en tout temps en cette municipalité. 7 juillet 1890 : Le comité de police est autorisé à faire des arrangements avec un constable pour faire maintenir l’ordre au carré public où des gamins s’amusent parfois à insulter les Frères de l’Académie. 18 mars 1924 : Il est décidé de faire l’achat de 2 pistolets et d’une garcette pour les hommes de police. 19 juillet 1926 : Le constable devra avoir à porter continuellement son uniforme. Au sujet de l’ancien chemin de fer 28 février 1887 : Sur motion de Monsieur Doré. Secondé par Monsieur Hébert. Il est résolu unanimement que le secrétaire-trésorier soit chargé de faire les recherches nécessaires pour arriver à connaître les véritables propriétaires du terrassement de l’ancien chemin de fer et de s’enquérir à quelles conditions ce terrassement pourrait être cédé à la Corporation (c’est-à-dire la municipalité) dans toute l’étendue des limites du village en vue de l’exaucer pour prévenir les inondations. N.D.L.R.   C’est sans doute cette intervention qui a donné naissance à la rue de la Levée (digue). Le prix de l’essence - 19 mars 1934 Rien de nouveau sous le soleil : Le Conseil municipal de La Prairie vote une résolution pour demander au gouvernement fédéral de combattre le trust de la gazoline. La compagnie Lallemand 21 janvier 1935 : Étude de la question de l’établissement de la manufacture de levain de Lallemand et Frère. Le CNR veut construire une voie d’évitement sur la rue de la Levée pour desservir la Cie Fred A.  Lallemand and Refining Company of Canada Limited. N.D.L.R. : Cette importante entreprise de sirops alimentaires fut plus tard remplacée par la Cie Rose & Laflamme. Elle occupait un immense terrain entre les rues Saint-Georges, Saint-Ignace et Saint-Jacques. Ce vaste périmètre est aujourd’hui abandonné depuis plus de 40 ans.      ...

    Contretemps et malheurs du patrimoine bâti – Le 191, rue Saint-Henri

    Pourquoi habiter et entretenir de vieilles maisons si ce n’est qu’on est habité par la passion, qui est chez certains presque une religion, car leur entretien représente un lot de défis. Bien que solides parce qu’elles sont réalisées avec des matériaux qui vieillissent bien, comme la pierre, la brique et le bois, elles exigent des soins constants. Il faut y mettre du temps et de la patience et travailler avec des gens de confiance (maçon, plombier, électricien, etc.), car tout cela peut vite devenir un gouffre financier. Si possible, on mettra la main à la pâte pour que ce soit moins dispendieux.

    Dans l’exemple qui suit, nous tenons à mettre en lumière l’apport de mesdames Lina et Anne-Marie Chopin aux travaux majeurs effectués au 191, rue Saint-Henri, alors qu’elles y habitaient. Des interventions qui ne se firent pas sans difficulté. Heureusement qu’Anne-Marie était jeune et passionnée, car on était loin de se douter que les travaux allaient s’étaler sur deux années.

    À l’intérieur, retrait de l’ancienne cuisine qui donnait sur le salon. Remplacement du recouvrement de vinyle de cette cuisine par des planches faites sur mesure pour s’agencer au plancher déjà en place.

    Démolition de la salle de bain à l’étage, et retrait du vieux bain de fonte. C’est à ce moment qu’on s’est aperçu qu’il n’y avait pas de plancher dans cette pièce, il n’y avait que quelques lattes de bois sur lesquelles plusieurs épaisseurs de vinyle avaient été installées au fil des ans. Retrait de la vieille tuyauterie et construction d’une grande salle de bain et d’une salle d’eau dans la pièce adjacente (le 2logement).

    Enlèvement du gypse sur le mur de l’entrée arrière donnant sur le salon, c’est à ce moment qu’on s’est aperçu qu’il n’y avait plus de mortier entre les pierres. Ce mur ainsi que le linteau de la fenêtre arrière donnant sur le grand balcon ont été refaits. Le pire était à venir.

    Toute l’électricité était à refaire. Il a fallu retirer d’anciens fils électriques noirs qui couraient entre l’ancienne cuisine, la salle de bain et jusqu’au grenier. Plusieurs sections de ces fils n’avaient plus de gainage et, dans d’autres sections, ils étaient transpercés par des clous de 6 à 8 pouces. L’électricien a dû également refaire toute l’électricité dans chacune des pièces de la maison et recalibrer les panneaux. Une mise à la terre a été installée pour le hangar… il n’y en avait pas !

    Il a fallu se départir du système de chauffage biénergie (fournaise et réservoir d’huile), devenu désuet, avec pour conséquence le retrait de tous les conduits d’air dans la maison. Le tout fut remplacé par un chauffage par convecteurs dans chaque pièce.

    Les propriétaires n’étaient pas au bout de leurs peines. Le bris de l’entrée d’eau inonde la cave en terre battue rouge. Le sol devient très instable en plus de se transformer en un terrain de boue. Intervention d’urgence faite par l’excavateur Serge Germain.

    Pendant la réfection du boulevard, de nombreux camions à fort tonnage circulent sur la rue Saint-Henri, ce qui provoque des poussées latérales sur la maison et son entrée d’eau. De plus, la pression du nouveau système d’eau de la Ville est devenue trop forte. Ces deux facteurs combinés causent à nouveau la rupture de la conduite d’eau, mais du côté de la maison cette fois. Il faut agir d’extrême urgence pour sauver la maison. Sans aide financière, la propriétaire se voit obligée de mettre en vente le terrain adjacent à l’arrière de la maison afin de disposer des fonds nécessaires pour effectuer les travaux.

    Un spécialiste en fondations procède au retrait de 500 tonnes de terre dans le but de permettre une pente adéquate pour une nouvelle colonne d’égout.

    Comme si cela ne suffisait pas, les fondations montrant des signes inquiétants, on doit procéder au remplacement de l’ancien mortier des murs de la cave. Robert Hill a ensuite solidifié les murs de la fondation les plus problématiques, ainsi que le cointage de toutes les poutres de la cave.

    Une ceinture de béton a été ajoutée tout autour du mur de soutènement, puis un plancher de béton a été coulé.

    On a remplacé l’ancien mortier des murs de la cave.

    Ensuite, Lina, la mère d’Anne-Marie a nettoyé toutes les pierres de la fondation et Maxime Letendre a refait tout le mortier. « J’ai aussi nettoyé à fond les poutres (des troncs d’arbres d’origine)[1] avec du sel de bore pour éliminer toute trace de moisissure possible, et j’ai appliqué une huile haut de gamme pour nourrir le bois et arrêter leur dégradation en raison de l’excès d’humidité pendant toutes ces années. Finalement, j’ai poli et gratté toutes les pierres pour qu’elles soient belles et apparentes. »

     

    Le plancher est supporté par les troncs d’arbres d’origine.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Dans le but d’améliorer la ventilation de la cave, on a enlevé la petite galerie en façade car elle cachait l’unique entrée d’air de la cave.

    On a pratiqué un accès au sous-sol et coulé un plancher de béton.

    Enfin, il a fallu ouvrir le mur de fondation à l’arrière afin d’y pratiquer un accès au sous-sol à partir de l’extérieur. Cela pour éviter que cet endroit soit une impasse sans qu’il ait d’issue comme c’était le cas depuis la construction de la maison.

    Ouf… un chantier colossal qui a heureusement pris fin sans catastrophe. Il aura fallu aux dames Chopin (Lina et Anne-Marie, mère et fille) beaucoup de foi, de chance et de cœur au ventre pour passer à travers tout ça.

    « Il a fallu vendre le terrain adjacent à l’arrière de la maison pour financer les travaux d’entretien et de rénovation »

    Sources consultées :

    Jean-Louis Bordeleau, Reconvertir nos églises, un chemin de croix, Le Devoir,28 décembre 2022.

    Louise-Maude Rioux Soucy, Pas de protection sans vision, Le Devoir, 29 décembre 2022.

    Jean-François Nadeau, Un couvent trop cher pour Saint-Gédéon, Le Devoir,5 janvier 2023.

    ______________________________

    [1] D’immenses troncs d’arbres supportent également le plancher de l’église de La Nativité construite en 1841.

    Pourquoi habiter et entretenir de vieilles maisons si ce n’est qu’on est habité par la passion, qui est chez certains presque une religion, car leur entretien représente un lot de défis. Bien que solides parce qu’elles sont réalisées avec des matériaux qui vieillissent bien, comme la pierre, la brique et le bois, elles exigent des soins constants. Il faut y mettre du temps et de la patience et travailler avec des gens de confiance (maçon, plombier, électricien, etc.), car tout cela peut vite devenir un gouffre financier. Si possible, on mettra la main à la pâte pour que ce soit moins dispendieux. Dans l’exemple qui suit, nous tenons à mettre en lumière l’apport de mesdames Lina et Anne-Marie Chopin aux travaux majeurs effectués au 191, rue Saint-Henri, alors qu’elles y habitaient. Des interventions qui ne se firent pas sans difficulté. Heureusement qu’Anne-Marie était jeune et passionnée, car on était loin de se douter que les travaux allaient s’étaler sur deux années. À l’intérieur, retrait de l’ancienne cuisine qui donnait sur le salon. Remplacement du recouvrement de vinyle de cette cuisine par des planches faites sur mesure pour s’agencer au plancher déjà en place. Démolition de la salle de bain à l’étage, et retrait du vieux bain de fonte. C’est à ce moment qu’on s’est aperçu qu’il n’y avait pas de plancher dans cette pièce, il n’y avait que quelques lattes de bois sur lesquelles plusieurs épaisseurs de vinyle avaient été installées au fil des ans. Retrait de la vieille tuyauterie et construction d’une grande salle de bain et d’une salle d’eau dans la pièce adjacente (le 2e logement). Enlèvement du gypse sur le mur de l’entrée arrière donnant sur le salon, c’est à ce moment qu’on s’est aperçu qu’il n’y avait plus de mortier entre les pierres. Ce mur ainsi que le linteau de la fenêtre arrière donnant sur le grand balcon ont été refaits. Le pire était à venir. Toute l’électricité était à refaire. Il a fallu retirer d’anciens fils électriques noirs qui couraient entre l’ancienne cuisine, la salle de bain et jusqu’au grenier. Plusieurs sections de ces fils n’avaient plus de gainage et, dans d’autres sections, ils étaient transpercés par des clous de 6 à 8 pouces. L’électricien a dû également refaire toute l’électricité dans chacune des pièces de la maison et recalibrer les panneaux. Une mise à la terre a été installée pour le hangar… il n’y en avait pas ! Il a fallu se départir du système de chauffage biénergie (fournaise et réservoir d’huile), devenu désuet, avec pour conséquence le retrait de tous les conduits d’air dans la maison. Le tout fut remplacé par un chauffage par convecteurs dans chaque pièce. Les propriétaires n’étaient pas au bout de leurs peines. Le bris de l’entrée d’eau inonde la cave en terre battue rouge. Le sol devient très instable en plus de se transformer en un terrain de boue. Intervention d’urgence faite par l’excavateur Serge Germain. Pendant la réfection du boulevard, de nombreux camions à fort tonnage circulent sur la rue Saint-Henri, ce qui provoque des poussées latérales sur la maison et son entrée d’eau. De plus, la pression du nouveau système d’eau de la Ville est devenue trop forte. Ces deux facteurs combinés causent à nouveau la rupture de la conduite d’eau, mais du côté de la maison cette fois. Il faut agir d’extrême urgence pour sauver la maison. Sans aide financière, la propriétaire se voit obligée de mettre en vente le terrain adjacent à l’arrière de la maison afin de disposer des fonds nécessaires pour effectuer les travaux. Un spécialiste en fondations procède au retrait de 500 tonnes de terre dans le but de permettre une pente adéquate pour une nouvelle colonne d’égout. Comme si cela ne suffisait pas, les fondations montrant des signes inquiétants, on doit procéder au remplacement de l’ancien mortier des murs de la cave. Robert Hill a ensuite solidifié les murs de la fondation les plus problématiques, ainsi que le cointage de toutes les poutres de la cave. Une ceinture de béton a été ajoutée tout autour du mur de soutènement, puis un plancher de béton a été coulé. On a remplacé l’ancien mortier des murs de la cave. Ensuite, Lina, la mère d’Anne-Marie a nettoyé toutes les pierres de la fondation et Maxime Letendre a refait tout le mortier. « J’ai aussi nettoyé à fond les poutres (des troncs d’arbres d’origine)[1] avec du sel de bore pour éliminer toute trace de moisissure possible, et j’ai appliqué une huile haut de gamme pour nourrir le bois et arrêter leur dégradation en raison de l’excès d’humidité pendant toutes ces années. Finalement, j’ai poli et gratté toutes les pierres pour qu’elles soient belles et apparentes. »   Le plancher est supporté par les troncs d’arbres d’origine.                   Dans le but d’améliorer la ventilation de la cave, on a enlevé la petite galerie en façade car elle cachait l’unique entrée d’air de la cave. On a pratiqué un accès au sous-sol et coulé un plancher de béton. Enfin, il a fallu ouvrir le mur de fondation à l’arrière afin d’y pratiquer un accès au sous-sol à partir de l’extérieur. Cela pour éviter que cet endroit soit une impasse sans qu’il ait d’issue comme c’était le cas depuis la construction de la maison. Ouf… un chantier colossal qui a heureusement pris fin sans catastrophe. Il aura fallu aux dames Chopin (Lina et Anne-Marie, mère et fille) beaucoup de foi, de chance et de cœur au ventre pour passer à travers tout ça. « Il a fallu vendre le terrain adjacent à l’arrière de la maison pour financer les travaux d’entretien et de rénovation » Sources consultées : Jean-Louis Bordeleau, Reconvertir nos églises, un chemin de croix, Le Devoir,28 décembre 2022. Louise-Maude Rioux Soucy, Pas de protection sans vision, Le Devoir, 29 décembre 2022. Jean-François Nadeau, Un couvent trop cher pour Saint-Gédéon, Le Devoir,5 janvier 2023. ______________________________ [1] D’immenses troncs d’arbres supportent également le plancher de l’église de La Nativité construite en 1841....

    Contretemps et malheurs du patrimoine bâti

    Introduction

    Afin de mieux saisir la situation actuelle des édifices patrimoniaux au Québec, nous avons cru pertinent de les partager en quatre catégories :

    1. Les églises et les lieux de culte des différentes traditions religieuses constituent le patrimoine religieux. Au Québec, les lieux de culte sont des propriétés privées : ils appartiennent aux fabriques de paroisses. Or les églises, en particulier l’Église catholique, ne peuvent plus consacrer de ressources au maintien de ce patrimoineMalgré de nombreux efforts, au Québec depuis 2003, 663 lieux de culte (sur 2751 bâtiments répertoriés) soit le quart, ont été fermés, démolis ou recyclés.
    2. Les édifices conventuels dont, dans certains cas, les propriétaires sont encore des communautés religieuses.
    3. Les maisons privées.
    4. Les bâtiments commerciaux, industriels et agricoles (voir à ce sujet l’Association québécoise pour le patrimoine industriel).

    De toute évidence, le patrimoine bâti au Québec constitue un vaste chantier. Actuellement, pour quiconque souhaite préserver un bâtiment ancien, la démarche s’avère le plus souvent ardue. En refondant, en 2012, la Loi sur le patrimoine culturel, le ministère de la Culture et des Communications a transféré aux municipalités plusieurs obligations et pouvoirs en lien avec le patrimoine bâti.

    Or, dans la très grande majorité des cas, les municipalités ne possèdent aucun inventaire du patrimoine bâti situé à l’intérieur de leur périmètre. De plus, trop souvent, elles n’ont ni l’expertise ni les ressources financières et humaines pour assurer leur mandat, avec pour conséquence que plusieurs bâtiments historiques sont abandonnés et finissent par disparaître.

    La Prairie

    À La Prairie la situation est différente. En 1975, grâce à la vigilance et aux efforts de la société d’histoire, le ministère de la Culture désigna arrondissement historique (site patrimonial) le périmètre du vieux fort ou Vieux-La Prairie. Plus tard, en 2008, la MRC de Roussillon confia, à l’architecte Michel Létourneau le mandat de dresser un inventaire du patrimoine bâti dans les onze municipalités qui en font partie. Cette initiative a, depuis, été imitée par d’autres MRC.[1]

    Ces actions eurent de nombreux effets à l’intérieur et hors du site patrimonial : programme d’amélioration de quartier, fouilles archéologiques (55 sites archéologiques amérindiens et euro-québécois), amélioration du mobilier urbain, aide financière municipale et provinciale, plan de conservation du site et création du Musée d’archéologie de Roussillon.

    Notons également qu’à La Prairie, les conseils municipaux et les propriétaires ont multiplié les investissements pour faire du Vieux-La Prairie un quartier au cachet unique que la société d’histoire locale contribue, depuis plus de cinquante ans, à enrichir par sa présence dynamique et ses nombreuses activités. Tous ces apports ont largement contribué à l’embourgeoisement du quartier et en conséquence à l’augmentation de la valeur des propriétés.

    Un parcours difficile

    C’est bien beau de dire qu’on va conserver nos bâtiments, mais à quel prix ?

    Si le bâtiment n’a pas de statut en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, il n’est pas du ressort du ministère de la Culture. Cela signifie que son propriétaire est pratiquement laissé à lui-même. Or protéger ou restaurer un bâtiment ancien exige de multiples atouts : de la passion, des ressources financières, des ouvriers spécialisés dans les structures anciennes, de l’expertise et de l’accompagnement, car tout doit être fait selon les règles de l’art.

    Avant de se lancer dans l’aventure de la restauration, tout propriétaire d’une maison ancienne aura la prudence de faire procéder à une analyse du bâtiment afin de s’assurer que les travaux antérieurs ont été faits correctement et que rien n’aurait amené l’édifice à se désagréger. Il importe d’éviter les mauvaises surprises. Cette analyse permettra également d’établir un ordre de priorité ainsi que les échéances et les coûts des travaux.

     

    Dans le cas des bâtiments situés à l’intérieur d’un site patrimonial ou encore protégés en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel (maison classée ou citée) il est possible d’obtenir des subventions pour amortir le coût des travaux.

    Cependant, pour obtenir une aide financière, on doit observer à la lettre les conditions dictées par les spécialistes du ministère de la Culture, ce qui oblige parfois à dépenser de l’argent sur une période de plusieurs années. Par exemple, des fenêtres en bois détériorées devront être remplacées par d’autres fenêtres en bois. Cela impose de les maintenir en état durant les années qui suivent et donc à dépenser davantage d’argent que si elles avaient été remplacées par un matériau synthétique (pvc).

    Bref, les règles du MCC en matière de restauration occasionnent des délais et des coûts supplémentaires, sans compter l’énorme paperasse nécessaire au respect des règles.

    La persévérance est de mise. Et les soutiens monétaires sont parfois des pièges, car ils ne représentent qu’une faible partie de l’argent nécessaire.

    Assurer et vendre

    Les assureurs, prudents de nature, proposent aux propriétaires de maisons anciennes d’apporter des modifications pour réduire les risques. Rénover des éléments désuets comme le filage électrique, le système de chauffage ou la plomberie, ou encore une vieille toiture, permettront de réduire la facture d’assurance. On dépenserait sur les travaux pour réduire la prime des assurances…

    Malgré ces conseils, les assureurs hésitent de plus en plus à assurer les maisons patrimoniales. Ou, quand ils acceptent, les primes réclamées sont prohibitives. Cela constitue une menace pour le patrimoine immobilier. D’ailleurs, impossible de vendre si la maison ne peut être assurée.

    Des pistes de solutions

    Nombreux sont ceux qui affirment, non sans raison, que le ministère de la Culture ne s’acquitte pas de son mandat de protection. Le gouvernement doit bouger et vite. Nous sommes aussi d’avis qu’une difficulté majeure face à la protection du patrimoine réside dans l’indifférence et dans l’ignorance de la population. Pourquoi ne pas mettre sur pied une vaste campagne de sensibilisation et d’éducation populaire ? La mise en œuvre de cette conscientisation pourrait débuter dès l’école primaire.

    Puisque l’argent public fait défaut, en plus du maigre budget du MCC, une taxe spéciale, si minime soit-elle, pourrait être réservée au patrimoine. Le patrimoine n’est-ce pas l’affaire de tout le monde ? Afin de partager les acquis et d’augmenter le pouvoir de négociation auprès du MCC, certains songent à fédérer les principaux organismes voués à la défense du bâti ancien. Une solution viable qui a ses limites.

    Des exemples à suivre…

    Il existe à l’intérieur du site patrimonial de La Prairie trois maisons dont les propriétaires furent et sont des femmes, lesquelles ont consacré beaucoup de passion, de travail et d’argent à leur demeure. Sans leurs efforts remarquables, ces maisons se seraient sans doute détériorées. Nous tenons ici à mettre en évidence leur apport exceptionnel (cela ressemblait parfois au parcours de la combattante) à la préservation du patrimoine bâti de La Prairie.

    Dans les lignes qui suivent, nous énumérerons les travaux effectués par mesdames Line et Anne-Marie Chopin au 191, rue Saint-Henri. Dans un article ultérieur, il sera question de deux autres maisons qui en quelque sorte ont été sauvées par l’esprit d’entreprise de femmes résolues.

    Expansion du village en 1821

    « Au début du 19e siècle, le village de La Prairie étouffe dans ses limites. Agrandir le village ne s’avère pas des plus facile. […] Il faut empiéter sur la Commune, propriété conjointe des Jésuites, seigneurs, et de colons, censitaires. »

    « Le plan d’arpentage de William Sax présente l’image d’un terrain sans obstacle. […] Chacun des nouveaux lots mesure 60 pieds de front par 90 pieds de profondeur pour une superficie de 50 toises. […] Le Fort Neuf comprend 224 lots pour habitations, 12 lots sont réservés pour l’église et son cimetière. […] Les limites sont celles d’aujourd’hui: rue Saint-Henri, rue Sainte-Rose, chemin de Saint-Jean et rue Saint-Laurent. […] Déjà en 1821, 167 lots ont trouvé acheteurs. Le bas niveau du sol du nouveau quartier fera que les habitations se construisent d’abord au sud-est de la rue Notre-Dame. […] De plus, ces terrains facilement inondables recevaient les eaux du fleuve lorsqu’à l’automne il y avait la « prise des glaces » ou inondation. […] Cette vulnérabilité retardera les constructions dans le quadrilatère des rues Saint-Laurent, Saint-Georges, Notre-Dame et Saint-Henri. »[2]

    Les nouveaux lots seront attribués par le notaire Edme Henry, agent des Jésuites, lesquels sont les seigneurs de la seigneurie de La Prairie. Jusqu’au début des années 1950, ce nouveau quartier s’appellera le Fort Neuf (par opposition au Vieux Fort).

    C’est donc à l’occasion de l’expansion du village qu’en juillet 1821, le lot no 7 est concédé à François-Marie Moquin. À peine un mois plus tard celui-ci le vend au maître-menuisier François Plante. En cette même année, ce dernier y érigera une solide maison de pierres de 44 pieds (13,25 m) sur 32 pieds (10 m). Des 22 propriétaires qui s’y sont depuis succédé, Anne-Marie Chopin fut la 8e femme à en prendre possession. Après l’avoir occupée de 2008 à octobre 2020, la maison fut vendue à Josiane Payeur.

    ______________________________

    [1] Depuis avril 2021 la Loi sur le patrimoine culturel accorde aux MRC les outils législatifs pour citer un bien ou un site patrimonial.

    [2] Claudette Houde, L’occupation du sol à La Prairie, Au jour le jour, avril et mai 1997.

    Introduction Afin de mieux saisir la situation actuelle des édifices patrimoniaux au Québec, nous avons cru pertinent de les partager en quatre catégories : Les églises et les lieux de culte des différentes traditions religieuses constituent le patrimoine religieux. Au Québec, les lieux de culte sont des propriétés privées : ils appartiennent aux fabriques de paroisses. Or les églises, en particulier l’Église catholique, ne peuvent plus consacrer de ressources au maintien de ce patrimoineMalgré de nombreux efforts, au Québec depuis 2003, 663 lieux de culte (sur 2751 bâtiments répertoriés) soit le quart, ont été fermés, démolis ou recyclés. Les édifices conventuels dont, dans certains cas, les propriétaires sont encore des communautés religieuses. Les maisons privées. Les bâtiments commerciaux, industriels et agricoles (voir à ce sujet l’Association québécoise pour le patrimoine industriel). De toute évidence, le patrimoine bâti au Québec constitue un vaste chantier. Actuellement, pour quiconque souhaite préserver un bâtiment ancien, la démarche s’avère le plus souvent ardue. En refondant, en 2012, la Loi sur le patrimoine culturel, le ministère de la Culture et des Communications a transféré aux municipalités plusieurs obligations et pouvoirs en lien avec le patrimoine bâti. Or, dans la très grande majorité des cas, les municipalités ne possèdent aucun inventaire du patrimoine bâti situé à l’intérieur de leur périmètre. De plus, trop souvent, elles n’ont ni l’expertise ni les ressources financières et humaines pour assurer leur mandat, avec pour conséquence que plusieurs bâtiments historiques sont abandonnés et finissent par disparaître. La Prairie À La Prairie la situation est différente. En 1975, grâce à la vigilance et aux efforts de la société d’histoire, le ministère de la Culture désigna arrondissement historique (site patrimonial) le périmètre du vieux fort ou Vieux-La Prairie. Plus tard, en 2008, la MRC de Roussillon confia, à l’architecte Michel Létourneau le mandat de dresser un inventaire du patrimoine bâti dans les onze municipalités qui en font partie. Cette initiative a, depuis, été imitée par d’autres MRC.[1] Ces actions eurent de nombreux effets à l’intérieur et hors du site patrimonial : programme d’amélioration de quartier, fouilles archéologiques (55 sites archéologiques amérindiens et euro-québécois), amélioration du mobilier urbain, aide financière municipale et provinciale, plan de conservation du site et création du Musée d’archéologie de Roussillon. Notons également qu’à La Prairie, les conseils municipaux et les propriétaires ont multiplié les investissements pour faire du Vieux-La Prairie un quartier au cachet unique que la société d’histoire locale contribue, depuis plus de cinquante ans, à enrichir par sa présence dynamique et ses nombreuses activités. Tous ces apports ont largement contribué à l’embourgeoisement du quartier et en conséquence à l’augmentation de la valeur des propriétés. Un parcours difficile C’est bien beau de dire qu’on va conserver nos bâtiments, mais à quel prix ? Si le bâtiment n’a pas de statut en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, il n’est pas du ressort du ministère de la Culture. Cela signifie que son propriétaire est pratiquement laissé à lui-même. Or protéger ou restaurer un bâtiment ancien exige de multiples atouts : de la passion, des ressources financières, des ouvriers spécialisés dans les structures anciennes, de l’expertise et de l’accompagnement, car tout doit être fait selon les règles de l’art. Avant de se lancer dans l’aventure de la restauration, tout propriétaire d’une maison ancienne aura la prudence de faire procéder à une analyse du bâtiment afin de s’assurer que les travaux antérieurs ont été faits correctement et que rien n’aurait amené l’édifice à se désagréger. Il importe d’éviter les mauvaises surprises. Cette analyse permettra également d'établir un ordre de priorité ainsi que les échéances et les coûts des travaux.   Dans le cas des bâtiments situés à l’intérieur d’un site patrimonial ou encore protégés en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel (maison classée ou citée) il est possible d’obtenir des subventions pour amortir le coût des travaux. Cependant, pour obtenir une aide financière, on doit observer à la lettre les conditions dictées par les spécialistes du ministère de la Culture, ce qui oblige parfois à dépenser de l’argent sur une période de plusieurs années. Par exemple, des fenêtres en bois détériorées devront être remplacées par d’autres fenêtres en bois. Cela impose de les maintenir en état durant les années qui suivent et donc à dépenser davantage d’argent que si elles avaient été remplacées par un matériau synthétique (pvc). Bref, les règles du MCC en matière de restauration occasionnent des délais et des coûts supplémentaires, sans compter l’énorme paperasse nécessaire au respect des règles. La persévérance est de mise. Et les soutiens monétaires sont parfois des pièges, car ils ne représentent qu’une faible partie de l’argent nécessaire. Assurer et vendre Les assureurs, prudents de nature, proposent aux propriétaires de maisons anciennes d’apporter des modifications pour réduire les risques. Rénover des éléments désuets comme le filage électrique, le système de chauffage ou la plomberie, ou encore une vieille toiture, permettront de réduire la facture d’assurance. On dépenserait sur les travaux pour réduire la prime des assurances… Malgré ces conseils, les assureurs hésitent de plus en plus à assurer les maisons patrimoniales. Ou, quand ils acceptent, les primes réclamées sont prohibitives. Cela constitue une menace pour le patrimoine immobilier. D’ailleurs, impossible de vendre si la maison ne peut être assurée. Des pistes de solutions Nombreux sont ceux qui affirment, non sans raison, que le ministère de la Culture ne s’acquitte pas de son mandat de protection. Le gouvernement doit bouger et vite. Nous sommes aussi d’avis qu’une difficulté majeure face à la protection du patrimoine réside dans l’indifférence et dans l’ignorance de la population. Pourquoi ne pas mettre sur pied une vaste campagne de sensibilisation et d’éducation populaire ? La mise en œuvre de cette conscientisation pourrait débuter dès l’école primaire. Puisque l’argent public fait défaut, en plus du maigre budget du MCC, une taxe spéciale, si minime soit-elle, pourrait être réservée au patrimoine. Le patrimoine n’est-ce pas l’affaire de tout le monde ? Afin de partager les acquis et d’augmenter le pouvoir de négociation auprès du MCC, certains songent à fédérer les principaux organismes voués à la défense du bâti ancien. Une solution viable qui a ses limites. Des exemples à suivre… Il existe à l’intérieur du site patrimonial de La Prairie trois maisons dont les propriétaires furent et sont des femmes, lesquelles ont consacré beaucoup de passion, de travail et d’argent à leur demeure. Sans leurs efforts remarquables, ces maisons se seraient sans doute détériorées. Nous tenons ici à mettre en évidence leur apport exceptionnel (cela ressemblait parfois au parcours de la combattante) à la préservation du patrimoine bâti de La Prairie. Dans les lignes qui suivent, nous énumérerons les travaux effectués par mesdames Line et Anne-Marie Chopin au 191, rue Saint-Henri. Dans un article ultérieur, il sera question de deux autres maisons qui en quelque sorte ont été sauvées par l’esprit d’entreprise de femmes résolues. Expansion du village en 1821 « Au début du 19e siècle, le village de La Prairie étouffe dans ses limites. Agrandir le village ne s’avère pas des plus facile. […] Il faut empiéter sur la Commune, propriété conjointe des Jésuites, seigneurs, et de colons, censitaires. » « Le plan d’arpentage de William Sax présente l’image d’un terrain sans obstacle. […] Chacun des nouveaux lots mesure 60 pieds de front par 90 pieds de profondeur pour une superficie de 50 toises. […] Le Fort Neuf comprend 224 lots pour habitations, 12 lots sont réservés pour l’église et son cimetière. […] Les limites sont celles d’aujourd’hui: rue Saint-Henri, rue Sainte-Rose, chemin de Saint-Jean et rue Saint-Laurent. […] Déjà en 1821, 167 lots ont trouvé acheteurs. Le bas niveau du sol du nouveau quartier fera que les habitations se construisent d’abord au sud-est de la rue Notre-Dame. […] De plus, ces terrains facilement inondables recevaient les eaux du fleuve lorsqu’à l’automne il y avait la « prise des glaces » ou inondation. […] Cette vulnérabilité retardera les constructions dans le quadrilatère des rues Saint-Laurent, Saint-Georges, Notre-Dame et Saint-Henri. »[2] Les nouveaux lots seront attribués par le notaire Edme Henry, agent des Jésuites, lesquels sont les seigneurs de la seigneurie de La Prairie. Jusqu’au début des années 1950, ce nouveau quartier s’appellera le Fort Neuf (par opposition au Vieux Fort). C’est donc à l’occasion de l’expansion du village qu’en juillet 1821, le lot no 7 est concédé à François-Marie Moquin. À peine un mois plus tard celui-ci le vend au maître-menuisier François Plante. En cette même année, ce dernier y érigera une solide maison de pierres de 44 pieds (13,25 m) sur 32 pieds (10 m). Des 22 propriétaires qui s’y sont depuis succédé, Anne-Marie Chopin fut la 8e femme à en prendre possession. Après l’avoir occupée de 2008 à octobre 2020, la maison fut vendue à Josiane Payeur. ______________________________ [1] Depuis avril 2021 la Loi sur le patrimoine culturel accorde aux MRC les outils législatifs pour citer un bien ou un site patrimonial. [2] Claudette Houde, L’occupation du sol à La Prairie, Au jour le jour, avril et mai 1997....

    La Prairie et la guerre de 1756-1760 – Partie 3

     

    Après avoir guerroyé contre les Anglais durant plus de trois ans, ce qui devait arriver arriva, les aléas de la guerre laissant entrevoir une victoire des Britanniques. Le fil des événements s’accélère, et bien que ce ne soit pas encore la panique, débute au cours de l’été 1759 un important repli des troupes vers La Prairie, car l’endroit est un port de transit vital en lien avec Montréal.

    « Aussitôt que M. de Rigaud apprendra que M. de Bourlamaque a été obligé de se retirer de Carillon et de Saint-Frédéric pour venir occuper l’île aux Noix, il fera marcher tout le monde, et même les gens infirmes et les plus vieux qui seront encore cependant en état de pouvoir manier les armes et tirer un coup de fusil, pour aller occuper Saint-Jean et Laprairie, où il assemblera tous les sauvages du saut Saint-Louis pour couvrir cette partie et établir une communication sûre de Laprairie à Saint-Jean, d’où ce corps, qui sera assemblé à Laprairie, sera également à portée de pouvoir secourir M. le chevalier en cas qu’il fut replié dans les Rapides. […]

    Il fera rassembler tous les bateaux, tant de Chambly qu’autres endroits, de même que les canots, pour les faire rendre à Laprairie, qui sera le dépôt de toutes les troupes, pour pouvoir soutenir et couvrir toutes les parties attaquées. M. de Rigaud entretiendra une correspondance bien exacte avec M. de Bourlamaque au sujet de ce qu’il y aura à faire dans toute cette partie.[i] »

    Mai 1759, abandon du fort Carillon, suivi de la construction du fort de l’île aux Noix, lequel Bougainville fera évacuer en août 1760 pour diriger ses troupes vers Montréal. Peu de temps après, les soldats français abandonnent le fort Saint-Jean en le brûlant et se préparent à défendre Montréal. Au final, toute l’armée française du lac Champlain aura passé par La Prairie ; plus de 3000 hommes.

    La flotte de Murray

    Alors que la flotte de Murray remonte le fleuve en direction de Montréal, les généraux français se demandent comment réagir devant cette menace. Il faut vite s’organiser et La Prairie apparaît dès lors comme le dernier refuge qu’il faille à tout prix occuper et protéger.

    « Tâchez, je vous supplie, de me mander ce que je dois faire. Dois-je marcher tant que je pourrai vers Longueuil et Laprairie pour vous joindre, si le vent contraire retarde la flotte ? Dois-je rester à hauteur, au risque d’être primé par un bon vent ? Où ferais-je la jonction ? Dois-je passer dans l’île de Montréal, si je puis arriver ?[ii] »

    Le 24 août, les Amérindiens quittent le fort de Saint-Jean pour se rendre à Kahnawake en passant par La Prairie.

    « Cependant, la flotte de Murray était arrivée, le 25 (août), à quatre lieues au-dessous de Montréal : le corps des troupes de M. Dumas, qui la suivait par le nord, et celui du général de Bourlamaque, par le sud, étaient aussi arrivés, le premier dans l’île de Montréal [pour se porter à la défense de la ville], et le second, à Boucherville et Longueuil. M. de Lévis voyant le corps de Bourlamaque à portée de se joindre à celui de Rauquemaure, alla reconnaître la position de ce dernier dans la vue de tenter un combat contre l’armée anglaise (de Haviland) à Saint-Jean ; et revint conférer avec M. de Bourlamaque ; mais ayant appris que M. Murray avait fait débarquer un détachement à Varennes, il envoya à Rauquemaure l’ordre de se replier à Laprairie. Trois cents miliciens attaquèrent le détachement anglais ; mais ils furent repoussés, avec perte de quelques hommes blessés, et d’une vingtaine de prisonniers. [iii]»

    De tous côtés, c’est l’amorce du repli des forces françaises vers La Prairie. Une telle concentration de militaires provoquera des problèmes de transport et de ravitaillement. Les habitants de La Prairie seront fortement sollicités.

    « J’ai mis M. de Rigaud à Laprairie avec quatre ou cinq cents Canadiens et les sauvages qu’il pourra ameuter.[iv] »

    « Il m’a paru que si les Anglais mouillaient, comme ils le peuvent, entre l’île de Montréal et les îles de Boucherville, ce village pourrait être brûlé aisément. Ma position, ici, ne me parait pas trop appuyée ; je ne puis empêcher les Anglais de débarquer au-dessous de moi, où ils voudront ; et, s’ils marchent ensuite, étant si supérieurs, je serai forcé de me replier sur Laprairie, et là je ne sais ce que j’y ferai, ni si j’y trouverai de l’appui. [v]»

    Louis-Antoine de Bougainville

    « Heureusement, le détachement de M. de Bougainville, comptant arriver à la Prairie, s’est trouvé, après avoir marché jusqu’à trois ou quatre heures du soir, au-dessus du détroit ; ce qui les a amenés à Saint-Jean. Ils sont heureux ; suivant les pratiques du pays, de trois jours ils n’eussent pénétré ce pays. Ils arrivent l’un après l’autre ; les Canadiens passent dans le bois pour ne pas s’arrêter ici ; le peu de soldats qui arrivent vont filer à la Prairie, où il faut, en toute diligence, qu’on leur fasse trouver des vivres. [vi]»

     

    Le siège du fort de l’île aux Noix se termine le 28 août quand la garnison capitule. Le lendemain, le fort de Saint-Jean est abandonné et brûlé par sa garnison.

    « J’apprends par des miliciens venus de l’Ile-aux-Noix et que j’ai arrêtés ici, qu’il avait passé aujourd’hui de Laprairie à Montréal sept à huit bateaux chargés de monde ; il est à craindre que les vingt-six bateaux sur lesquels on compte ne s’en aillent ainsi. L’officier m’avait pourtant mandé qu’il arrêterait tout le monde.[vii] »

    Le 30 août, M. de Bourlamaque se plaint au chevalier de Lévis qu’il n’y ait que dix-neuf bateaux à La Prairie. Et de poursuivre; « J’ai vu un ordre de vous, Monsieur, au capitaine de Longueuil, pour renvoyer à Chambly tous les Canadiens qui ont quitté le détachement de M. de Bougainville. J’ai cru devoir changer cette disposition et je lui ai dit de les envoyer par Laprairie au-devant de M. de Roquemaure. Le chemin de Chambly les exposerait à être enlevés en détail. »

    Dès le lendemain 1er septembre : « Quel mouvement doit faire M. de Roquemaure, si la flotte approche Longueuil ? Viendra-t-il me joindre ou passerons-nous tous deux tout de suite ? »

    « Sans doute vous êtes assuré que l’armée de M. le chevalier de La Corne empêchera les Anglais de tomber à l’improviste sur l’île de Montréal ; sans quoi l’embarquement à Laprairie ne serait pas sûr. »

    « P.S. -Quoique la flotte monte, je reste dans la même position ; s’ils débarquent entre Longueuil et Boucherville et que je ne puisse l’empêcher, je replierai sur Longueuil ce qui ne sera pas coupé, et j’enverrai dire à M. de Roquemaure de me joindre. D’ailleurs, je tâcherai de me maintenir jusqu’à ce que j’aie reçu des ordres.[viii] »

    Le fort de Chambly se rend le 1er septembre. En ce même jour, les troupes françaises demeurées sur la rive sud du fleuve reçoivent l’ordre de Lévis de se concentrer à La Prairie. Grande déception, le 2 septembre, les Amérindiens de Kahnawake apprennent que les Anglais avaient accepté la paix proposée par les Cinq Nations et, en conséquence, se refusent à attaquer l’armée anglaise.

    « Le 2 septembre, comme le chevalier de Lévis haranguait les Sauvages du Sault Saint-Louis, qu’il avait fait venir à Laprairie, pour les engager à le seconder, dans son dessein d’attaquer l’armée du colonel Haviland, un député de leur village vint leur annoncer que le général Amherst était aux Cèdres, et se retirèrent tous, en disant qu’ils allaient faire la paix avec les Anglais. Cette nouvelle fut confirmée par M. de La Corne, qui s’était retiré, à l’approche de l’armée anglaise, et qui ajouta qu’elle pourraît être le lendemain à la Chine.[ix] »

    Le 3 septembre, les troupes françaises évacuent leurs positions à La Prairie et à Longueuil et traversent le fleuve pour se porter à la défense de Montréal.

    Le 5 septembre, des éléments avancés de l’armée de Haviland arrivent à Longueuil où ils sont accueillis par Murray. Trois jours plus tard, l’armée anglaise débarque dans l’île de Montréal et marche vers la ville. Montréal capitule, c’en est fait de la Nouvelle-France.

    Nous savons cependant qu’une garnison britannique a été maintenue à La Prairie après la chute de Montréal. En avril 1761, des Iroquois de Kahnawake sont venus à La Prairie rencontrer dans ses quartiers le lieutenant George Pennington du « 44th Regiment ». Cette unité militaire est probablement demeurée sur place jusqu’à la signature du traité de Paris en février 1763.

    La Prairie connaîtra une brève période de tranquillité, il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’en septembre 1775 les rebelles américains soient à La Prairie qu’ils occuperont durant plusieurs mois avant d’être chassés par les mercenaires allemands en juin de l’année suivante. La paix aura été de courte durée.

    [i] Volume 4, page 165, Lettres et pièces militaires, le 26 mai 1759,.

     [ii]Volume 5, p. 83, Lettres et pièces militaires, à Sorel le 12 août 1760. Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    [iii] Histoire du Canada sous la domination française. M. Bibaud. Montréal, 1837, page 362.

    [iv] Volume 5, p. 14, Longueuil, 27 août 1760, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    [v] Volume 5, p. 111, Longueuil, 27 août 1760, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    [vi] Volume 10, p. 162, Saint-Jean, le 28 août 1760, Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis.

    [vii] Volume 5, p. 117, Longueuil, 29 août 1760 Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    [viii] Volume 5, p. 123, Longueuil 1er septembre 1760, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    [ix] Histoire du Canada sous la domination française. M. Bibaud. Montréal, 1837, page 363.

      Après avoir guerroyé contre les Anglais durant plus de trois ans, ce qui devait arriver arriva, les aléas de la guerre laissant entrevoir une victoire des Britanniques. Le fil des événements s’accélère, et bien que ce ne soit pas encore la panique, débute au cours de l’été 1759 un important repli des troupes vers La Prairie, car l’endroit est un port de transit vital en lien avec Montréal. « Aussitôt que M. de Rigaud apprendra que M. de Bourlamaque a été obligé de se retirer de Carillon et de Saint-Frédéric pour venir occuper l’île aux Noix, il fera marcher tout le monde, et même les gens infirmes et les plus vieux qui seront encore cependant en état de pouvoir manier les armes et tirer un coup de fusil, pour aller occuper Saint-Jean et Laprairie, où il assemblera tous les sauvages du saut Saint-Louis pour couvrir cette partie et établir une communication sûre de Laprairie à Saint-Jean, d’où ce corps, qui sera assemblé à Laprairie, sera également à portée de pouvoir secourir M. le chevalier en cas qu’il fut replié dans les Rapides. […] Il fera rassembler tous les bateaux, tant de Chambly qu’autres endroits, de même que les canots, pour les faire rendre à Laprairie, qui sera le dépôt de toutes les troupes, pour pouvoir soutenir et couvrir toutes les parties attaquées. M. de Rigaud entretiendra une correspondance bien exacte avec M. de Bourlamaque au sujet de ce qu’il y aura à faire dans toute cette partie.[i] » Mai 1759, abandon du fort Carillon, suivi de la construction du fort de l’île aux Noix, lequel Bougainville fera évacuer en août 1760 pour diriger ses troupes vers Montréal. Peu de temps après, les soldats français abandonnent le fort Saint-Jean en le brûlant et se préparent à défendre Montréal. Au final, toute l’armée française du lac Champlain aura passé par La Prairie ; plus de 3000 hommes. La flotte de Murray Alors que la flotte de Murray remonte le fleuve en direction de Montréal, les généraux français se demandent comment réagir devant cette menace. Il faut vite s’organiser et La Prairie apparaît dès lors comme le dernier refuge qu’il faille à tout prix occuper et protéger. « Tâchez, je vous supplie, de me mander ce que je dois faire. Dois-je marcher tant que je pourrai vers Longueuil et Laprairie pour vous joindre, si le vent contraire retarde la flotte ? Dois-je rester à hauteur, au risque d’être primé par un bon vent ? Où ferais-je la jonction ? Dois-je passer dans l’île de Montréal, si je puis arriver ?[ii] » Le 24 août, les Amérindiens quittent le fort de Saint-Jean pour se rendre à Kahnawake en passant par La Prairie. « Cependant, la flotte de Murray était arrivée, le 25 (août), à quatre lieues au-dessous de Montréal : le corps des troupes de M. Dumas, qui la suivait par le nord, et celui du général de Bourlamaque, par le sud, étaient aussi arrivés, le premier dans l’île de Montréal [pour se porter à la défense de la ville], et le second, à Boucherville et Longueuil. M. de Lévis voyant le corps de Bourlamaque à portée de se joindre à celui de Rauquemaure, alla reconnaître la position de ce dernier dans la vue de tenter un combat contre l’armée anglaise (de Haviland) à Saint-Jean ; et revint conférer avec M. de Bourlamaque ; mais ayant appris que M. Murray avait fait débarquer un détachement à Varennes, il envoya à Rauquemaure l’ordre de se replier à Laprairie. Trois cents miliciens attaquèrent le détachement anglais ; mais ils furent repoussés, avec perte de quelques hommes blessés, et d’une vingtaine de prisonniers. [iii]» De tous côtés, c’est l’amorce du repli des forces françaises vers La Prairie. Une telle concentration de militaires provoquera des problèmes de transport et de ravitaillement. Les habitants de La Prairie seront fortement sollicités. « J’ai mis M. de Rigaud à Laprairie avec quatre ou cinq cents Canadiens et les sauvages qu’il pourra ameuter.[iv] » « Il m’a paru que si les Anglais mouillaient, comme ils le peuvent, entre l’île de Montréal et les îles de Boucherville, ce village pourrait être brûlé aisément. Ma position, ici, ne me parait pas trop appuyée ; je ne puis empêcher les Anglais de débarquer au-dessous de moi, où ils voudront ; et, s’ils marchent ensuite, étant si supérieurs, je serai forcé de me replier sur Laprairie, et là je ne sais ce que j’y ferai, ni si j’y trouverai de l’appui. [v]» Louis-Antoine de Bougainville « Heureusement, le détachement de M. de Bougainville, comptant arriver à la Prairie, s’est trouvé, après avoir marché jusqu’à trois ou quatre heures du soir, au-dessus du détroit ; ce qui les a amenés à Saint-Jean. Ils sont heureux ; suivant les pratiques du pays, de trois jours ils n’eussent pénétré ce pays. Ils arrivent l’un après l’autre ; les Canadiens passent dans le bois pour ne pas s’arrêter ici ; le peu de soldats qui arrivent vont filer à la Prairie, où il faut, en toute diligence, qu’on leur fasse trouver des vivres. [vi]»   Le siège du fort de l’île aux Noix se termine le 28 août quand la garnison capitule. Le lendemain, le fort de Saint-Jean est abandonné et brûlé par sa garnison. « J’apprends par des miliciens venus de l’Ile-aux-Noix et que j’ai arrêtés ici, qu’il avait passé aujourd’hui de Laprairie à Montréal sept à huit bateaux chargés de monde ; il est à craindre que les vingt-six bateaux sur lesquels on compte ne s’en aillent ainsi. L’officier m’avait pourtant mandé qu’il arrêterait tout le monde.[vii] » Le 30 août, M. de Bourlamaque se plaint au chevalier de Lévis qu’il n’y ait que dix-neuf bateaux à La Prairie. Et de poursuivre; « J’ai vu un ordre de vous, Monsieur, au capitaine de Longueuil, pour renvoyer à Chambly tous les Canadiens qui ont quitté le détachement de M. de Bougainville. J’ai cru devoir changer cette disposition et je lui ai dit de les envoyer par Laprairie au-devant de M. de Roquemaure. Le chemin de Chambly les exposerait à être enlevés en détail. » Dès le lendemain 1er septembre : « Quel mouvement doit faire M. de Roquemaure, si la flotte approche Longueuil ? Viendra-t-il me joindre ou passerons-nous tous deux tout de suite ? » « Sans doute vous êtes assuré que l’armée de M. le chevalier de La Corne empêchera les Anglais de tomber à l’improviste sur l’île de Montréal ; sans quoi l’embarquement à Laprairie ne serait pas sûr. » « P.S. -Quoique la flotte monte, je reste dans la même position ; s’ils débarquent entre Longueuil et Boucherville et que je ne puisse l’empêcher, je replierai sur Longueuil ce qui ne sera pas coupé, et j’enverrai dire à M. de Roquemaure de me joindre. D’ailleurs, je tâcherai de me maintenir jusqu’à ce que j’aie reçu des ordres.[viii] » Le fort de Chambly se rend le 1er septembre. En ce même jour, les troupes françaises demeurées sur la rive sud du fleuve reçoivent l’ordre de Lévis de se concentrer à La Prairie. Grande déception, le 2 septembre, les Amérindiens de Kahnawake apprennent que les Anglais avaient accepté la paix proposée par les Cinq Nations et, en conséquence, se refusent à attaquer l’armée anglaise. « Le 2 septembre, comme le chevalier de Lévis haranguait les Sauvages du Sault Saint-Louis, qu’il avait fait venir à Laprairie, pour les engager à le seconder, dans son dessein d’attaquer l’armée du colonel Haviland, un député de leur village vint leur annoncer que le général Amherst était aux Cèdres, et se retirèrent tous, en disant qu’ils allaient faire la paix avec les Anglais. Cette nouvelle fut confirmée par M. de La Corne, qui s’était retiré, à l’approche de l’armée anglaise, et qui ajouta qu’elle pourraît être le lendemain à la Chine.[ix] » Le 3 septembre, les troupes françaises évacuent leurs positions à La Prairie et à Longueuil et traversent le fleuve pour se porter à la défense de Montréal. Le 5 septembre, des éléments avancés de l’armée de Haviland arrivent à Longueuil où ils sont accueillis par Murray. Trois jours plus tard, l’armée anglaise débarque dans l’île de Montréal et marche vers la ville. Montréal capitule, c’en est fait de la Nouvelle-France. Nous savons cependant qu’une garnison britannique a été maintenue à La Prairie après la chute de Montréal. En avril 1761, des Iroquois de Kahnawake sont venus à La Prairie rencontrer dans ses quartiers le lieutenant George Pennington du « 44th Regiment ». Cette unité militaire est probablement demeurée sur place jusqu’à la signature du traité de Paris en février 1763. La Prairie connaîtra une brève période de tranquillité, il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’en septembre 1775 les rebelles américains soient à La Prairie qu’ils occuperont durant plusieurs mois avant d’être chassés par les mercenaires allemands en juin de l’année suivante. La paix aura été de courte durée. [i] Volume 4, page 165, Lettres et pièces militaires, le 26 mai 1759,.  [ii]Volume 5, p. 83, Lettres et pièces militaires, à Sorel le 12 août 1760. Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis. [iii] Histoire du Canada sous la domination française. M. Bibaud. Montréal, 1837, page 362. [iv] Volume 5, p. 14, Longueuil, 27 août 1760, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis. [v] Volume 5, p. 111, Longueuil, 27 août 1760, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis. [vi] Volume 10, p. 162, Saint-Jean, le 28 août 1760, Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis. [vii] Volume 5, p. 117, Longueuil, 29 août 1760 Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis. [viii] Volume 5, p. 123, Longueuil 1er septembre 1760, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis. [ix] Histoire du Canada sous la domination française. M. Bibaud. Montréal, 1837, page 363....

    La Prairie et la guerre de 1756-1760 – Partie 2

    La Prairie au service de la guerre

    Au début de la guerre, malgré une incursion sans grandes conséquences, la situation est relativement calme autour de La Prairie. En septembre 1756, « quelques sauvages qui escortaient M. le marquis de Montcalm, firent prisonniers un capitaine de troupes anglaises et un cadet écossais ; les habitants de la Prairie avoient aussi arrêté un Écossais qui était d’un détachement qui s’était avancé jusqu’à la Prairie, où il avait enlevé un homme et une femme. »

    Des bataillons transitent par La Prairie pour atteindre Saint-Jean et de là se rendre à Carillon. Quelques régiments camperont temporairement chez nous et d’autres y prendront leurs quartiers d’hiver : Royal-Roussillon, La Sarre, Béarn et Berry. Les gites d’hiver permettront à plusieurs soldats de trouver ici une femme à marier et d’y fonder une famille.

    « M. de Vaudreuil, à ce qu’on m’a mandé, a ordonné aux bataillons de Royal-Roussillon et de Guyenne de s’établir dans les quartiers de la côte du fleuve, depuis Sorel jusqu’à Laprairie. [i]»

    En période d’accalmie, il n’est pas interdit de prendre du bon temps. Février 1757, « M. le marquis de Montcalm a été à La Prairie voir le détachement des troupes de terre qui fait partie de celui qui est aux ordres de M. de Rigaud, et il a donné un grand dîner à tous les officiers et cadets du détachement. »  Et Bourlamaque d’ajouter, « J’ai fait hier (le 19 février), la revue de votre détachement à Laprairie, et j’y ai donné à dîner, et je vous dirais si je vous faisais la relation d’un autre, avec autant de profusion que de magnificence, à deux tables servies également, faisant trente-six couverts, et je joins copie des instructions que j’ai cru devoir remettre à M. de Poulhariez.[ii] »

    Quelques mois plus tard, en juin 1757, le régiment de Languedoc est parti le 24 pour aller camper entre la Prairie et Saint-Jean et « travailler provisionnellement à un chemin que l’on pourra faire l’année prochaine à demeure, étant le plus nécessaire à la colonie ». Ce même jour, Montcalm couche à La Prairie. Il y reviendra à quelques reprises.

    La Prairie étant à bonne distance des champs de bataille, cette accalmie persistera durant les années 1756, 1757 et 1758.

    L’importance du ravitaillement

    Les militaires français ont vite compris l’importance d’assurer de bonnes récoltes afin de pouvoir nourrir les troupes convenablement. Voilà pourquoi il importe de protéger les environs de La Prairie. Évidemment, le départ des miliciens vers leurs champs pour assurer les récoltes contribue à diminuer le nombre des combattants. Par contre, la mobilisation croissante des Canadiens pour la guerre et les opérations de transport ne permettent pas d’exploiter efficacement les ressources agricoles de la vallée du Saint-Laurent.

    Le nombre de miliciens varie selon les besoins déterminés par le gouverneur, qui ne mobilise qu’une partie des 12 000 conscrits disponibles afin de ne pas compromettre les travaux agricoles et les opérations de transport. Avant la campagne décisive de 1759, il n’y aura guère plus de 4 000 habitants mobilisés simultanément dans la vallée du Saint-Laurent pour aller à la guerre.

    « Je reçois, Monsieur, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, et ferai partir, demain matin, les deux cents Canadiens que vous m’ordonnez d’envoyer aux récoltes.

    J’en ai déjà fait partir deux cents des différentes paroisses du gouvernement de Montréal sans avoir eu l’ordre que les représentations des habitants et les nouvelles que j’avais de l’état des récoltes. M. de Vassan, à qui j’avais écrit, pour avoir de lui quelques détails là-dessus, m’a mandé que toutes celles de Laprairie et des paroisses voisines, étaient fort avancées, et qu’il comptait faire pour finir avec le monde qu’il avait.

    On fera passer mille livres de poudre à la Prairie ; il en restera autant, et plus pour le fort Chambly. Il faudra envoyer à la Prairie deux milliers de balles, et les couvertes seront aussi envoyées à la Prairie où M. Cadet qui avisât au moyen de faire mettre en pain les trente quarts de farine.[iii] »

    « J’ai appris de Laprairie que M. de Roquemaure avait donné l’ordre d’y faire tout le pain que l’on pourrait.[iv] »

    « M. de Laas écrit à M. Cadet [le munitionnaire] pour le prévenir qu’il a resté à la Prairie quatre cent cinquante pains que nous n’avons pu emporter par rapport à la pluie. […] Je vous serai obligé de m’envoyer deux chevaux pour servir d’ordonnance. Ils pourront prendre des selles que nous avons portées de la Prairie.[v] »

    Lorsque les troupes combattent à bonne distance de la vallée du Saint-Laurent, afin d’assurer leur ravitaillement en vivres et en munitions, elles sont suivies de viandes sur pied (moutons, poules, etc.) et de charrettes remplies de provisions et de poudre.

    Les Anglais sont, eux aussi, bien au fait de l’importance d’un ravitaillement régulier. Un soldat bien nourri est un meilleur combattant. D’ailleurs, lorsque l’armée de Wolfe remonte le Saint-Laurent vers Québec, ses unités s’assurent de brûler les récoltes, les maisons et les bâtiments de ferme sur les deux rives.

    Partagés entre les travaux des champs et l’obligation de combattre, et sans doute las de toutes ces années de guerre, lorsque l’issue des combats annoncera la défaite, nombre de miliciens feront défection au grand dam des chefs de guerre.

    « Les colons me paraissent de bien mauvaise volonté. M. de Rigaud a rassemblé trois cents hommes à Laprairie ; c’est tout ce qu’ont pu fournir, en dix jours tous les soins de M. le marquis de Vaudreuil et des officiers, détachés pour rassembler les milices. J’étais réduit à mon petit camp, sans espérance d’avoir un seul homme. Je pense que les sept cents que vous ayez fait partir, seront perdus pour les deux côtés et qu’ils déserteront tous en chemin.

    M. de Vaudreuil m’écrit que tous les habitants sont malades et qu’ils ne peuvent marcher.[vi] »

    La suite et la fin dans notre prochain bulletin…

    ______________________________

    [i] Volume 5, p.75, le 1er novembre 1759, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    [ii] François-Médard de Poulhariez, commandant du Royal-Roussillon.

    [iii] Volume 10, page 159, le 22 août 1760, Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis.

    [iv] Volume 5, p. 116, Longueuil, 29 août 1760 Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    [v] Volume 6, p. 135, le 3 septembre 1760, Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis.

    [vi] Volume 5, p. 69, Île-aux-Noix le 25 octobre 1759, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis.

    La Prairie au service de la guerre Au début de la guerre, malgré une incursion sans grandes conséquences, la situation est relativement calme autour de La Prairie. En septembre 1756, « quelques sauvages qui escortaient M. le marquis de Montcalm, firent prisonniers un capitaine de troupes anglaises et un cadet écossais ; les habitants de la Prairie avoient aussi arrêté un Écossais qui était d’un détachement qui s’était avancé jusqu’à la Prairie, où il avait enlevé un homme et une femme. » Des bataillons transitent par La Prairie pour atteindre Saint-Jean et de là se rendre à Carillon. Quelques régiments camperont temporairement chez nous et d’autres y prendront leurs quartiers d’hiver : Royal-Roussillon, La Sarre, Béarn et Berry. Les gites d’hiver permettront à plusieurs soldats de trouver ici une femme à marier et d’y fonder une famille. « M. de Vaudreuil, à ce qu’on m’a mandé, a ordonné aux bataillons de Royal-Roussillon et de Guyenne de s’établir dans les quartiers de la côte du fleuve, depuis Sorel jusqu’à Laprairie. [i]» En période d’accalmie, il n’est pas interdit de prendre du bon temps. Février 1757, « M. le marquis de Montcalm a été à La Prairie voir le détachement des troupes de terre qui fait partie de celui qui est aux ordres de M. de Rigaud, et il a donné un grand dîner à tous les officiers et cadets du détachement. »  Et Bourlamaque d’ajouter, « J’ai fait hier (le 19 février), la revue de votre détachement à Laprairie, et j’y ai donné à dîner, et je vous dirais si je vous faisais la relation d’un autre, avec autant de profusion que de magnificence, à deux tables servies également, faisant trente-six couverts, et je joins copie des instructions que j’ai cru devoir remettre à M. de Poulhariez.[ii] » Quelques mois plus tard, en juin 1757, le régiment de Languedoc est parti le 24 pour aller camper entre la Prairie et Saint-Jean et « travailler provisionnellement à un chemin que l’on pourra faire l’année prochaine à demeure, étant le plus nécessaire à la colonie ». Ce même jour, Montcalm couche à La Prairie. Il y reviendra à quelques reprises. La Prairie étant à bonne distance des champs de bataille, cette accalmie persistera durant les années 1756, 1757 et 1758. L’importance du ravitaillement Les militaires français ont vite compris l’importance d’assurer de bonnes récoltes afin de pouvoir nourrir les troupes convenablement. Voilà pourquoi il importe de protéger les environs de La Prairie. Évidemment, le départ des miliciens vers leurs champs pour assurer les récoltes contribue à diminuer le nombre des combattants. Par contre, la mobilisation croissante des Canadiens pour la guerre et les opérations de transport ne permettent pas d’exploiter efficacement les ressources agricoles de la vallée du Saint-Laurent. Le nombre de miliciens varie selon les besoins déterminés par le gouverneur, qui ne mobilise qu’une partie des 12 000 conscrits disponibles afin de ne pas compromettre les travaux agricoles et les opérations de transport. Avant la campagne décisive de 1759, il n’y aura guère plus de 4 000 habitants mobilisés simultanément dans la vallée du Saint-Laurent pour aller à la guerre. « Je reçois, Monsieur, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, et ferai partir, demain matin, les deux cents Canadiens que vous m’ordonnez d’envoyer aux récoltes. J’en ai déjà fait partir deux cents des différentes paroisses du gouvernement de Montréal sans avoir eu l’ordre que les représentations des habitants et les nouvelles que j’avais de l’état des récoltes. M. de Vassan, à qui j’avais écrit, pour avoir de lui quelques détails là-dessus, m’a mandé que toutes celles de Laprairie et des paroisses voisines, étaient fort avancées, et qu’il comptait faire pour finir avec le monde qu’il avait. On fera passer mille livres de poudre à la Prairie ; il en restera autant, et plus pour le fort Chambly. Il faudra envoyer à la Prairie deux milliers de balles, et les couvertes seront aussi envoyées à la Prairie où M. Cadet qui avisât au moyen de faire mettre en pain les trente quarts de farine.[iii] » « J’ai appris de Laprairie que M. de Roquemaure avait donné l’ordre d’y faire tout le pain que l’on pourrait.[iv] » « M. de Laas écrit à M. Cadet [le munitionnaire] pour le prévenir qu’il a resté à la Prairie quatre cent cinquante pains que nous n’avons pu emporter par rapport à la pluie. […] Je vous serai obligé de m’envoyer deux chevaux pour servir d’ordonnance. Ils pourront prendre des selles que nous avons portées de la Prairie.[v] » Lorsque les troupes combattent à bonne distance de la vallée du Saint-Laurent, afin d’assurer leur ravitaillement en vivres et en munitions, elles sont suivies de viandes sur pied (moutons, poules, etc.) et de charrettes remplies de provisions et de poudre. Les Anglais sont, eux aussi, bien au fait de l’importance d’un ravitaillement régulier. Un soldat bien nourri est un meilleur combattant. D’ailleurs, lorsque l’armée de Wolfe remonte le Saint-Laurent vers Québec, ses unités s’assurent de brûler les récoltes, les maisons et les bâtiments de ferme sur les deux rives. Partagés entre les travaux des champs et l’obligation de combattre, et sans doute las de toutes ces années de guerre, lorsque l’issue des combats annoncera la défaite, nombre de miliciens feront défection au grand dam des chefs de guerre. « Les colons me paraissent de bien mauvaise volonté. M. de Rigaud a rassemblé trois cents hommes à Laprairie ; c’est tout ce qu’ont pu fournir, en dix jours tous les soins de M. le marquis de Vaudreuil et des officiers, détachés pour rassembler les milices. J’étais réduit à mon petit camp, sans espérance d’avoir un seul homme. Je pense que les sept cents que vous ayez fait partir, seront perdus pour les deux côtés et qu’ils déserteront tous en chemin. M. de Vaudreuil m’écrit que tous les habitants sont malades et qu’ils ne peuvent marcher.[vi] » La suite et la fin dans notre prochain bulletin… ______________________________ [i] Volume 5, p.75, le 1er novembre 1759, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis. [ii] François-Médard de Poulhariez, commandant du Royal-Roussillon. [iii] Volume 10, page 159, le 22 août 1760, Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis. [iv] Volume 5, p. 116, Longueuil, 29 août 1760 Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis. [v] Volume 6, p. 135, le 3 septembre 1760, Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis. [vi] Volume 5, p. 69, Île-aux-Noix le 25 octobre 1759, Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis....

    La Prairie et la guerre de 1756-1760 – Partie 2

    La participation des Amérindiens

    Au 18siècle, les Amérindiens concluaient des alliances en fonction de leurs propres intérêts et non en fonction des intérêts des Français ou des Anglais. C’est ainsi qu’au cours de la guerre de Sept Ans, sans jamais renoncer à leur indépendance, les Iroquois combattent en tant qu’alliés des Français, ce qui à leurs yeux ne signifie nullement que les Anglais sont leurs ennemis. Ils ne sont pas des alliés inconditionnels de la France et savent, lorsqu’ils le veulent, assigner des limites à leur effort de guerre. Leur participation n’est pas spontanée et varie selon l’évolution des affrontements. Preuve en est que le 11 juillet 1757, Montcalm est à Kahnawake, accompagné de plusieurs de ses officiers supérieurs, afin de convaincre les chefs amérindiens de prendre part à l’expédition contre le Fort William Henry.

    Par ailleurs, ils signifient clairement qu’ils préfèrent l’embuscade (c’est là qu’ils sont les plus efficaces) et se refusent à prendre d’assaut à découvert des positions fortifiées.

    Ils jouent un rôle majeur lors des affrontements et plusieurs expéditions auraient été impossibles sans leur collaboration. « Dans de bonnes conditions, une force amérindienne est capable d’anéantir une armée européenne et de mettre en déroute des régiments entiers. »[i]  Bien sûr, la guerre de Sept Ans vient perturber leur existence, car à certains moments elle mobilise la quasi-totalité des hommes adultes des villages iroquois du Canada. Bien qu’elle nuise à leurs activités commerciales et qu’elle serve avant tout les intérêts des Français, la guerre présente malgré tout pour eux certains avantages qui à leurs yeux font office de victoire ; ils peuvent prendre des scalps, faire des prisonniers qu’ils pourront vendre par la suite et mettre la main sur du matériel varié.

    Les coûts de leur participation aux activités militaires sont en partie compensés par l’aide logistique que la France leur fournit : armes, équipements et provisions. En plus de guerroyer, ils sont parfois rémunérés comme chasseurs chargés d’approvisionner en gibier les soldats et les miliciens français ou encore occupés à transporter du matériel militaire.

    En 1759, les guerriers iroquois sont un peu moins de 2 000 à appuyer les expéditions françaises. À la fin de l’été 1760, convaincus de la défaite prochaine des Français et craignant la destruction de leurs villages par les Britanniques, les délégués des Sept Nations ratifient un traité qui assure leur neutralité dans la suite de la guerre et les convainc qu’ils seront traités en amis par les envahisseurs.

    Et La Prairie dans tout ça ?

    Selon l’archéologue Frédéric Hottin, de 1350 à 1600 AD, le secteur de La Prairie semble, pour les Autochtones, n’être qu’un lieu de passage, où on ne s’attarde que quelques jours, pour faire le portage reliant le fleuve Saint-Laurent à la rivière Richelieu ou pour des activités de subsistance saisonnière (chasse aux oiseaux migrateurs, pêche de certains poissons venant frayer, collecte de quenouilles pour faire des nasses, etc.). L’importance stratégique du lieu était donc déjà établie longtemps avant l’arrivée des Européens et ce n’est certes pas par hasard que les Jésuites allaient choisir d’y établir leur mission à la fin du 17e siècle.

    Comme on le sait, l’essor du village français se poursuivra après le départ de la mission amérindienne en 1676 et quelques années plus tard, la reprise des hostilités avec les Iroquois mènera à l’érection d’une première palissade de pieux.

    Hélas, malgré quelques aménagements sommaires, en 1756, le fort de La Prairie n’est pas en état d’offrir une résistance digne de ce nom face aux troupes britanniques. « Les postes français érigés dans la première moitié du 18e siècle ne sont pas conçus pour résister à l’artillerie lourde. Il s’agit de bicoques qui ne peuvent être propres qu’à déshonorer tous ceux qui y commanderont »[ii]. Leurs enceintes sont souvent comparées à de simples clôtures.

    Tel est malheureusement l’état du fort de La Prairie à l’aube de la guerre, il ne vaut rien. Le village est, depuis plus de soixante-dix ans, entouré d’une clôture de pieux effilés à leur extrémité supérieure. Selon l’ingénieur Franquet,[iii] on néglige l’état de la palissade sous prétexte que le village est couvert par le fort de Saint-Jean (1748) et par celui de Saint-Frédéric.[iv]

    D’ailleurs, lors de son voyage en Nouvelle-France au début de la décennie 1750, Franquet avait fait mention de La Prairie « qu’autant que les effets en tous genres, nécessaires à l’approvisionnement du fort St. Jean et de celui de St. Frédéric, qu’il faut indispensablement tirer des magasins de Montréal, y sont débarqués et ensuite chargés sur des charrettes, pour être voiturés à ce premier poste[v] »  c’est-à-dire de La Prairie au fort de Saint-Jean. En somme, bien que le fort ne valle guère, La Prairie s’impose comme un lieu de passage obligé.

    Il y a aura tardivement quelques espoirs d’amélioration de l’enceinte de bois qui resteront sans suite.

    Le fort de Saint-Frédéric détruit, sans doute en désespoir de cause, à quelques jours de la défaite des Plaines d’Abraham, Montcalm s’adresse en ces termes au chevalier de Lévis : « Je voudrais 1° faire rétablir en pieux les forts des Cèdres, Laprairie et Longueuil, y avoir balles et poudre, obliger les officiers à y rester ; 2° mettre le double de soldats par habitant ; que le munitionnaire qui retire plus donnât douze sols au lieu de dix ; 3° loger des soldats à Montréal chez tout le monde, exempts [et] non exempts avec charge de les nourrir ; que  M. de Vaudreuil, l’intendant, vous et moi en prissions pour l’exemple. Pourvu qu’on [leur] donne paille dans un endroit chaud et la vie, cela suffira.[vi] »

    Et Bourlamaque d’insister un mois plus tard sur la remise en forme du fort de La Prairie :

    « Il paraît que l’Île-aux-Noix  sera donnée à M. de Lusignan, du moins c’est le bruit, et il paraît s’intéresser à la commodité du logement. J’ignore aussi ce qu’on y mettra de troupes. J’ai demandé à M. de Vaudreuil de faire réparer le fort, ou enceinte de pieux, qui était à Laprairie, pour assurer cette tête de nos quartiers. Il me paraît que nos quartiers seront furieusement exposés aux courses des partis, tant ceux du bas du fleuve que ceux-ci. [vii]»

    Bref, tout au long de cette guerre, le site de La Prairie sera abondamment sollicité. Il servira de camp, de dépôt, de lieu de repos pour les blessés, de quartier d’hiver et de lieu de transit, mais jamais on n’y affrontera l’ennemi.

    Les chemins de la guerre[viii]

    C’est donc principalement à cause de sa position stratégique que La Prairie a été abondamment sollicitée par les troupes françaises au cours de cette guerre. Car, des liens fluviaux et terrestres sont depuis longtemps établis avec Montréal, Saint-Jean, Chambly et Longueuil.

    Dès 1756, les Britanniques se proposent d’attaquer Québec et Montréal à la fois par le fleuve Saint-Laurent, le lac Champlain et le lac Ontario. À partir du nord de la province de New York, ils peuvent atteindre la région montréalaise via le lac Champlain et le Richelieu, lesquels sont défendus par les forts Carillon[ix], Saint-Jean et Chambly. L’axe lac Champlain-rivière Richelieu constitue la principale route d’invasion, l’autre étant celle venant du lac Ontario.

    À partir du Richelieu, on peut rejoindre Montréal par un chemin de terre qui, construit en 1748, relie le fort de Saint-Jean au village de La Prairie. Cette voie, ainsi que celle qui va de Longueuil à Chambly, n’est pas toujours praticable et exige un entretien régulier.

    « Nous sommes arrivés à Montréal après avoir été de Chambly à La Prairie sur des chevaux. Ce sont des chemins détestables ; nous avons presque tous fait des chutes dont aucune dangereuse.[x] »

    « Du fort Saint-Jean à Montréal il y a neuf lieues ; il y a un chemin de six lieues qui coupe la langue de terre qui est entre la Rivière de Sorrel et le fleuve Saint-Laurent ; de Saint-Jean il va aboutter aux habitations qui sont à la rive droite du fleuve Saint-Laurent, à un endroit que l’on appelle La Prairie, qui est une grande paroisse, où l’on fait une traversée de trois lieues dans le fleuve Saint-Laurent pour arriver à Montréal. C’est ce chemin qui fait la communication de Chambly et de Saint-Jean à Montréal. […] »[xi]

    « […] j’ai ordre de ramener quatre bataillons dans le gouvernement de Montréal pour travailler au chemin de Chambly et au fort de Saint-Jean.[xii] »

    L’état des chemins est à ce point si contraignant qu’elle donne parfois naissance à des projets illusoires :

    « Communication de Montréal à Saint-Jean dans l’état présent, lente, difficile et dispendieuse ; à examiner à la paix, s’il faudrait faire le chemin de La Prairie à Saint-Jean directement par les savannes, ou de La Prairie, ou en prenant plus bas, de Longueuil à Chambly, et de ce fort à Saint-Jean, par terre ou en accomodant la rivière ; ou s’il ne serait pas plus avantageux, en cas que cela soit possible, de faire un canal de La Prairie ou de Longueuil à Saint-Jean. Plusieurs rivières dans cette partie ; terres excellentes, inutiles par les inondations, seraient desséchées par le canal, deviendraient un grenier à grain suffisant pour nourrir une grande armée.[xiii] »

    La situation n’est guère meilleure du côté du chemin qui va de Longueuil à Chambly :

    « En un mot, vos ordres pour ce que je dois faire, M. de Roquemaure étant à Laprairie, ou l’ennemi pénétrant par le chemin de Chambly à Longueuil.

    On vous dira que ce dernier chemin n’est pas praticable. Fausseté fondée sur l’intérêt des Jésuites, qui voulaient faire un chemin dans la savane. Il n’y a que quatre lieues de Chambly à Longueuil, et dans l’état où est le chemin, les gens de pied y peuvent passer. Si M. Amherst savait cela et que sa flotte ne pût monter jusqu’à Laprairie, il serait fou de ne pas pénétrer par là. Il la joindrait demain matin, s’il voulait.[xiv] »

    ______________________________

    [i]   Peter MacLeod, Les Iroquois et la guerre de Sept Ans, page 82.

    [ii]   Dave Noël, Montcalm général américain, les éditions du Boréal, Montréal, 2018, page 30.

    [iii] Ingénieur du roi, Louis Franquet fut chargé par le gouvernement de Versailles d’inspecter les forts et autres travaux militaires de la Nouvelle-France.

    [iv] Érigé en 1734 sur les rives du lac Champlain.

    [v] Louis Franquet, Voyages et mémoires sur le Canada, Québec, Institut canadien de Québec, 1888, 212 pages, page 124.

    [vi] Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis – volume 6, p. 226, le 9 septembre 1759. La bataille des Plaines d’Abraham a eu lieu le 13 septembre.

    [vii] Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis – volume 5, p. 73, le 29 octobre 1759.

    [viii] Voir à ce sujet nos articles dans les bulletins Au jour le jour d’avril et mai 2021.

    [ix] Construit à partir de 1755 à la pointe sud du lac Champlain, non loin du fort Saint-Frédéric jugé moins résistant. Aujourd’hui fort Ticonderoga.

    [x] Volume 1, p. 78, le 17 novembre 1756.

    [xi] Volume 2, pp.137-138, le 4 septembre 1757.

    [xii] Volume 2 p. 133, le 1er septembre 1757.

    [xiii] Journal du marquis de Montcalm durant ses campagnes au Canada, Volume 7, pp. 377-378 – le 23 juin 1758.

    [xiv] Volume 5, p. 118, Lettres de M. de Bourlamaque à Lévis.

    La participation des Amérindiens Au 18e siècle, les Amérindiens concluaient des alliances en fonction de leurs propres intérêts et non en fonction des intérêts des Français ou des Anglais. C’est ainsi qu’au cours de la guerre de Sept Ans, sans jamais renoncer à leur indépendance, les Iroquois combattent en tant qu’alliés des Français, ce qui à leurs yeux ne signifie nullement que les Anglais sont leurs ennemis. Ils ne sont pas des alliés inconditionnels de la France et savent, lorsqu’ils le veulent, assigner des limites à leur effort de guerre. Leur participation n’est pas spontanée et varie selon l’évolution des affrontements. Preuve en est que le 11 juillet 1757, Montcalm est à Kahnawake, accompagné de plusieurs de ses officiers supérieurs, afin de convaincre les chefs amérindiens de prendre part à l’expédition contre le Fort William Henry. Par ailleurs, ils signifient clairement qu’ils préfèrent l’embuscade (c’est là qu’ils sont les plus efficaces) et se refusent à prendre d’assaut à découvert des positions fortifiées. Ils jouent un rôle majeur lors des affrontements et plusieurs expéditions auraient été impossibles sans leur collaboration. « Dans de bonnes conditions, une force amérindienne est capable d’anéantir une armée européenne et de mettre en déroute des régiments entiers. »[i]  Bien sûr, la guerre de Sept Ans vient perturber leur existence, car à certains moments elle mobilise la quasi-totalité des hommes adultes des villages iroquois du Canada. Bien qu’elle nuise à leurs activités commerciales et qu’elle serve avant tout les intérêts des Français, la guerre présente malgré tout pour eux certains avantages qui à leurs yeux font office de victoire ; ils peuvent prendre des scalps, faire des prisonniers qu’ils pourront vendre par la suite et mettre la main sur du matériel varié. Les coûts de leur participation aux activités militaires sont en partie compensés par l’aide logistique que la France leur fournit : armes, équipements et provisions. En plus de guerroyer, ils sont parfois rémunérés comme chasseurs chargés d’approvisionner en gibier les soldats et les miliciens français ou encore occupés à transporter du matériel militaire. En 1759, les guerriers iroquois sont un peu moins de 2 000 à appuyer les expéditions françaises. À la fin de l’été 1760, convaincus de la défaite prochaine des Français et craignant la destruction de leurs villages par les Britanniques, les délégués des Sept Nations ratifient un traité qui assure leur neutralité dans la suite de la guerre et les convainc qu’ils seront traités en amis par les envahisseurs. Et La Prairie dans tout ça ? Selon l’archéologue Frédéric Hottin, de 1350 à 1600 AD, le secteur de La Prairie semble, pour les Autochtones, n’être qu’un lieu de passage, où on ne s’attarde que quelques jours, pour faire le portage reliant le fleuve Saint-Laurent à la rivière Richelieu ou pour des activités de subsistance saisonnière (chasse aux oiseaux migrateurs, pêche de certains poissons venant frayer, collecte de quenouilles pour faire des nasses, etc.). L’importance stratégique du lieu était donc déjà établie longtemps avant l’arrivée des Européens et ce n’est certes pas par hasard que les Jésuites allaient choisir d’y établir leur mission à la fin du 17e siècle. Comme on le sait, l’essor du village français se poursuivra après le départ de la mission amérindienne en 1676 et quelques années plus tard, la reprise des hostilités avec les Iroquois mènera à l’érection d’une première palissade de pieux. Hélas, malgré quelques aménagements sommaires, en 1756, le fort de La Prairie n’est pas en état d’offrir une résistance digne de ce nom face aux troupes britanniques. « Les postes français érigés dans la première moitié du 18e siècle ne sont pas conçus pour résister à l’artillerie lourde. Il s’agit de bicoques qui ne peuvent être propres qu’à déshonorer tous ceux qui y commanderont »[ii]. Leurs enceintes sont souvent comparées à de simples clôtures. Tel est malheureusement l’état du fort de La Prairie à l’aube de la guerre, il ne vaut rien. Le village est, depuis plus de soixante-dix ans, entouré d’une clôture de pieux effilés à leur extrémité supérieure. Selon l’ingénieur Franquet,[iii] on néglige l’état de la palissade sous prétexte que le village est couvert par le fort de Saint-Jean (1748) et par celui de Saint-Frédéric.[iv] D’ailleurs, lors de son voyage en Nouvelle-France au début de la décennie 1750, Franquet avait fait mention de La Prairie « qu’autant que les effets en tous genres, nécessaires à l’approvisionnement du fort St. Jean et de celui de St. Frédéric, qu’il faut indispensablement tirer des magasins de Montréal, y sont débarqués et ensuite chargés sur des charrettes, pour être voiturés à ce premier poste[v] »  c’est-à-dire de La Prairie au fort de Saint-Jean. En somme, bien que le fort ne valle guère, La Prairie s’impose comme un lieu de passage obligé. Il y a aura tardivement quelques espoirs d’amélioration de l’enceinte de bois qui resteront sans suite. Le fort de Saint-Frédéric détruit, sans doute en désespoir de cause, à quelques jours de la défaite des Plaines d’Abraham, Montcalm s’adresse en ces termes au chevalier de Lévis : « Je voudrais 1° faire rétablir en pieux les forts des Cèdres, Laprairie et Longueuil, y avoir balles et poudre, obliger les officiers à y rester ; 2° mettre le double de soldats par habitant ; que le munitionnaire qui retire plus donnât douze sols au lieu de dix ; 3° loger des soldats à Montréal chez tout le monde, exempts [et] non exempts avec charge de les nourrir ; que  M. de Vaudreuil, l’intendant, vous et moi en prissions pour l’exemple. Pourvu qu’on [leur] donne paille dans un endroit chaud et la vie, cela suffira.[vi] » Et Bourlamaque d’insister un mois plus tard sur la remise en forme du fort de La Prairie : « Il paraît que l’Île-aux-Noix  sera donnée à M. de Lusignan, du moins c’est le bruit, et il paraît s’intéresser à la commodité du logement. J’ignore aussi ce qu’on y mettra de troupes. J’ai demandé à M. de Vaudreuil de faire réparer le fort, ou enceinte de pieux, qui était à Laprairie, pour assurer cette tête de nos quartiers. Il me paraît que nos quartiers seront furieusement exposés aux courses des partis, tant ceux du bas du fleuve que ceux-ci. [vii]» Bref, tout au long de cette guerre, le site de La Prairie sera abondamment sollicité. Il servira de camp, de dépôt, de lieu de repos pour les blessés, de quartier d’hiver et de lieu de transit, mais jamais on n’y affrontera l’ennemi. Les chemins de la guerre[viii] C’est donc principalement à cause de sa position stratégique que La Prairie a été abondamment sollicitée par les troupes françaises au cours de cette guerre. Car, des liens fluviaux et terrestres sont depuis longtemps établis avec Montréal, Saint-Jean, Chambly et Longueuil. Dès 1756, les Britanniques se proposent d’attaquer Québec et Montréal à la fois par le fleuve Saint-Laurent, le lac Champlain et le lac Ontario. À partir du nord de la province de New York, ils peuvent atteindre la région montréalaise via le lac Champlain et le Richelieu, lesquels sont défendus par les forts Carillon[ix], Saint-Jean et Chambly. L’axe lac Champlain-rivière Richelieu constitue la principale route d’invasion, l’autre étant celle venant du lac Ontario. À partir du Richelieu, on peut rejoindre Montréal par un chemin de terre qui, construit en 1748, relie le fort de Saint-Jean au village de La Prairie. Cette voie, ainsi que celle qui va de Longueuil à Chambly, n’est pas toujours praticable et exige un entretien régulier. « Nous sommes arrivés à Montréal après avoir été de Chambly à La Prairie sur des chevaux. Ce sont des chemins détestables ; nous avons presque tous fait des chutes dont aucune dangereuse.[x] » « Du fort Saint-Jean à Montréal il y a neuf lieues ; il y a un chemin de six lieues qui coupe la langue de terre qui est entre la Rivière de Sorrel et le fleuve Saint-Laurent ; de Saint-Jean il va aboutter aux habitations qui sont à la rive droite du fleuve Saint-Laurent, à un endroit que l’on appelle La Prairie, qui est une grande paroisse, où l’on fait une traversée de trois lieues dans le fleuve Saint-Laurent pour arriver à Montréal. C’est ce chemin qui fait la communication de Chambly et de Saint-Jean à Montréal. […] »[xi] « […] j’ai ordre de ramener quatre bataillons dans le gouvernement de Montréal pour travailler au chemin de Chambly et au fort de Saint-Jean.[xii] » L’état des chemins est à ce point si contraignant qu’elle donne parfois naissance à des projets illusoires : « Communication de Montréal à Saint-Jean dans l’état présent, lente, difficile et dispendieuse ; à examiner à la paix, s’il faudrait faire le chemin de La Prairie à Saint-Jean directement par les savannes, ou de La Prairie, ou en prenant plus bas, de Longueuil à Chambly, et de ce fort à Saint-Jean, par terre ou en accomodant la rivière ; ou s’il ne serait pas plus avantageux, en cas que cela soit possible, de faire un canal de La Prairie ou de Longueuil à Saint-Jean. Plusieurs rivières dans cette partie ; terres excellentes, inutiles par les inondations, seraient desséchées par le canal, deviendraient un grenier à grain suffisant pour nourrir une grande armée.[xiii] » La situation n’est guère meilleure du côté du chemin qui va de Longueuil à Chambly : « En un mot, vos ordres pour ce que je dois faire, M. de Roquemaure étant à Laprairie, ou l’ennemi pénétrant par le chemin de Chambly à Longueuil. On vous dira que ce dernier chemin n’est pas praticable. Fausseté fondée sur l’intérêt des Jésuites, qui voulaient faire un chemin dans la savane. Il n’y a que quatre lieues de Chambly à Longueuil, et dans l’état où est le chemin, les gens de pied y peuvent passer. Si M. Amherst savait cela et que sa flotte ne pût monter jusqu’à Laprairie, il serait fou de ne pas pénétrer par là. Il la joindrait demain matin, s’il voulait.[xiv] » ______________________________ [i]   Peter MacLeod, Les Iroquois et la guerre de Sept Ans, page 82. [ii]   Dave Noël, Montcalm général américain, les éditions du Boréal, Montréal, 2018, page 30. [iii] Ingénieur du roi, Louis Franquet fut chargé par le gouvernement de Versailles d’inspecter les forts et autres travaux militaires de la Nouvelle-France. [iv] Érigé en 1734 sur les rives du lac Champlain. [v] Louis Franquet, Voyages et mémoires sur le Canada, Québec, Institut canadien de Québec, 1888, 212 pages, page 124. [vi] Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis – volume 6, p. 226, le 9 septembre 1759. La bataille des Plaines d’Abraham a eu lieu le 13 septembre. [vii] Lettres de M. de Bourlamaque au chevalier de Lévis – volume 5, p. 73, le 29 octobre 1759. [viii] Voir à ce sujet nos articles dans les bulletins Au jour le jour d’avril et mai 2021. [ix] Construit à partir de 1755 à la pointe sud du lac Champlain, non loin du fort Saint-Frédéric jugé moins résistant. Aujourd’hui fort Ticonderoga. [x] Volume 1, p. 78, le 17 novembre 1756. [xi] Volume 2, pp.137-138, le 4 septembre 1757. [xii] Volume 2 p. 133, le 1er septembre 1757. [xiii] Journal du marquis de Montcalm durant ses campagnes au Canada, Volume 7, pp. 377-378 - le 23 juin 1758. [xiv] Volume 5, p. 118, Lettres de M. de Bourlamaque à Lévis....