- Au jour le jour, mars 2014
L’énigme du moulin à vent de La Prairie : Remarques générales
Bien que notre article de décembre 2013 ait eu le mérite d’ouvrir le débat sur l’existence d’un premier moulin à vent à La Prairie, à la lumière de l’article de M. LeBeau, nous reconnaissons d’emblée que notre hypothèse était erronée.
Il est vrai que les moulins à tour de bois ainsi que les moulins à pivot (chandelier) étaient économiques « parce qu’ils n’étaient qu’affaire de charpenterie ». Pourtant, leur nombre semble avoir été limité en Nouvelle-France à cause de leur détérioration rapide (durée utile entre 15 et 20 ans). La plupart ont été vite remplacés par des tours de pierre. La conception des moulins et leurs meules de pierre étaient importées de France mais, étant donné l’abondance des forêts et la présence d’habiles artisans, on peut douter que ce fût le cas pour les charpentes de bois. D’ailleurs, apparues au 18e siècle, les « pierres du pays » n’atteignirent jamais la qualité des pierres de France.
Certes, en 1668, on érigea à Batiscan un moulin à tour mixte, soit un moulin en bois sur une base en pierre, et on pourrait aisément prétendre que le premier moulin de La Prairie ait été du même type, ou encore à pivot comme l’affirme M. LeBeau, d’autant que le contrat d’août 1683 est un contrat de charpenterie destiné à ressoler le moulin. Selon NicotNicot, Thresor de la langue française, 1606 , la sole est la basse superficie sur laquelle les autres sont établies. D’après une ancienne illustration publiée par Gilles DeschênesDeschênes Gilles, Quand le vent faisait tourner les moulins, Septentrion, 2009. Page 213. , les Jésuites avaient fait construire au pays des Hurons une tour de moulin à vent en bois.
ET POURTANT …
Après avoir enseigné au Collège de Québec de 1705 à 1709, François- Xavier Charlevoix quitte la Nouvelle- France pour n’y revenir qu’en septembre 1720. C’est lors de ce retour qu’il remonte le Saint-Laurent et navigue jusqu’à MichillimakinacFondée en 1670 et située dans la péninsule du nord du Michigan, Michilimakinac fut le site d’une mission (puis d’un fort). Elle devint le plus important comptoir français de traite. . Rien n’indique que Charlevoix ait visité La Prairie au cours de ses deux séjours parmi nous. Son Histoire et description générale de la Nouvelle-France paraîtra à Paris en 1744. Dans la réédition de 1976 publiée aux Éditions Élysée, on peut lire, au sujet de La Prairie, à la page 103 du tome second que : « […] Ce Fort était à trente pas du Fleuve, sur une hauteur escarpée entre deux Prairies, dont une, qui regardait un endroit appelé la Fourche, est coupée par une petite Rivière à la portée du canon du Fort, & un peu plus près par une Ravine. Entre les deux il y a un CourantUn courant d’eau, C’est un canal ou un ruisseau qui court. Il y a un courant d’eau qui fait moudre des moulins. Dictionnaire de L’Académie française, 5e édition (1798). , sur lequel on avait bâti un Moulin. […] ».
Qui croire? Bien que le récit de Peter Schuyler fasse référence à un « windmilne », nous sommes d’avis que la dernière phrase du texte de Charlevoix laisse clairement entendre que le premier moulin de La Prairie était en réalité un moulin à eau. Or, il est permis d’en douter. Certes, le moulin à eau avait ses avantages. Le vent étant imprévisible, incontrôlable et irrégulier, en certains endroits et lorsque cela était possible, on optait pour un moulin à eau. De plus on ne pouvait mettre le vent en réserve comme c’était le cas pour l’eau à l’aide de digues.
D’autres sources plaident en faveur du moulin à vent :
« L’année 1668 sera le témoin également de l’érection de trois autres de ces moulins (à vent) […] Deux ans plus tard, soit au début de la trêve iroquoise, c’est au tour des seigneuries de Chambly, de Sorel, de Repentigny, de Lachesnaye, de Lachine (fort Rémy), de Laprairie, […] de voir surgir le même type de moulin. »Deschênes Gilles, Quand le vent faisait tourner les moulins, Septentrion, 2009. Pages 57-58
« Les seigneurs y font construire un moulin à vent vers 1670. En effet, ils concèdent une terre à Laprairie le 11 novembre à Joseph Tissot et le contrat précise que Tissot devra faire moudre son grain au moulin de la seigneurie. »Langlois Michel, Des moulins et des hommes 1608-1700, Drummondville, Maison des ancêtres 2005. Page 149
Étonnamment, Deschênes et Langlois n’indiquent pas leurs sources. Cela est d’autant plus regrettable que personne à ce jour n’a pu retracer le contrat de construction du ou des moulins du village de La Prairie.
Or, le contrat du 3 septembre 1681 passé devant le notaire Jean Cusson entre la Compagnie de Jésus et Laurent Franger, farinier, règle la question de façon très claire :
« […] Laurens Frager farinier dudit lieu du Cap lequel de gré a reconnu et par ces presentes reconnoit et confessent avoir et tenir a tiltre de ferme des révérends peres Jesuites de la Compagnie de Jesus un moulin a vent sis et scittué en leur seigneurie de la Prairie de la Magdeleine […] » Paléographie par M. Jules Guérard de la Société pour la Sauvegarde du Patrimoine de Pointe-Claire.
Charlevoix était donc dans l’erreur et Peter Schuyler avait bien vu. Le premier moulin de La Prairie était situé au nord-est du village et il était actionné par le vent. S’agissait-il d’une tour en bois ou d’un moulin à pivot ? La question demeure.
« Néanmoins, l’exportation du moulin à pivot au Canada au début de la colonisation française demeure un phénomène plausible. Comment du reste, à une époque où tout se faisait selon la tradition, pouvait-il en être autrement, de la part des hommes de métier ? »Deschênes Gilles, Quand le vent faisait tourner les moulins, Septentrion, 2009. Page 210.
On peut envisager la conjecture suivante : en 1718, les seigneurs jésuites décident de construire un immense moulin à eau à la côte Sainte-Catherine. Auraient-ils à la même époque décidé d’abandonner le vieux moulin en bois situé du côté de la rivière Saint-Jacques pour le remplacer par une tour de pierre sise à l’extrémité sud-ouest du village ?
Contrairement à ce que nous qu’affirme M. LeBeau, l’emplacement du moulin à tour de pierre au sud-ouest du village éloignait plutôt qu’il ne rapprochait ce dernier du quai et du chemin de Saint-Jean, puisque ceux-ci étaient à l’époque situés à l’extrémité nord-est du village. Désormais sous le vent, ce nouveau moulin n’avait pas besoin d’être très haut.
P.S. Au contraire de ce que nous avions écrit dans l’article de décembre 2013, le meunier était bien Philippe Jarny et non Pierre Jarny.
- Au jour le jour, février 2014
Assemblée générale annuelle
Les membres de la SHLM recevront sous peu une convocation à l’assemblée générale annuelle du 18 mars prochain. La convocation sera accompagnée de l’ordre du jour ainsi que d’une invitation à postuler pour devenir membre de notre conseil d’administration. Une activité importante à noter à votre agenda.
- Au jour le jour, février 2014
M. Guy Dupré, hommage à un grand Laprairien (suite)
Afin d’y installer un premier hôtel de ville, en 1927, la ville fit l’acquisition de la maison d’Alexandre Demers, l’ancien propriétaire de l’aqueduc, sise au 304, rue Saint-Ignace. En 1968, l’hôtel de ville aménagea dans le nouvel édifice du 600, boulevard Taschereau. Ces locaux étant devenus trop exigus, en 1990, on déménagea à nouveau, cette fois au 170, boulevard Taschereau. M. Dupré aura donc connu trois hôtels de ville différents au cours de sa longue carrière.
En 1989, après une retraite bien méritée comme fonctionnaire municipal, Guy Dupré fut nommé directeur général de la Régie d’assainissement des eaux du bassin de La Prairie. La RAEBL est responsable depuis 1990 de la gestion des eaux usées de cinq villes situées sur la rive sud de Montréal : Candiac, Delson, La Prairie, Sainte-Catherine et Saint- Constant. La station d’épuration de Sainte-Catherine traite les eaux usées des municipalités de Sainte-Catherine, de Delson, de Candiac et de la majorité de la population de La Prairie. Trois ans plus tard, M. Dupré quittait son poste à la Régie pour se lancer en politique municipale. Élu maire de La Prairie en 1991, il occupa cette fonction jusqu’en 2005.
Guy Dupré fut le premier maire de La Prairie à accorder à la Société d’histoire une subvention annuelle suffisamment importante pour lui permettre d’engager une coordonnatrice trois jours par semaine et de consacrer le reste de l’argent à la réalisation de nombreux projets.
En plus de ses fonctions officielles, Guy Dupré a consacré un nombre incalculable d’heures au bénévolat. Reçu Chevalier de Colomb à l’âge de 18 ans, il a été au nombre des membres fondateurs du Club Optimiste en plus de siéger durant 20 ans au conseil de surveillance de la Caisse populaire. Tout cela, sans compter le temps employé à aider de nombreux individus et organismes.
LA FONDATION GUY DUPRÉ
Notre personnage a connu deux grandes passions au cours de sa vie publique, la ville de La Prairie et l’église de la Nativité. Aujourd’hui, il est encore très fier d’avoir, à titre de maire, contribué avec son équipe à l’ouverture des quartiers de la Citière, de la Clairière, de l’Arrondissement et du Grand Boisé.
À l’aube de ses 80 ans, M. Dupré aime se rappeler avec satisfaction que c’est grâce à la fondation qui porte son nom que « son église » est aujourd’hui éclairée. L’église de la Nativité, construite en 1841, est un édifice imposant dont le clocher peut être aperçu de très loin. Comme il traversait fréquemment le pont Champlain, le maire de La Prairie en vint à se demander pourquoi le clocher de l’église demeurait dans le noir. Au cours d’une discussion avec Denis Lavallée, son ami et alors gérant de la Caisse populaire, ce dernier lui suggéra de créer une fondation à son nom, ce qui lui permettrait d’amasser des fonds pour éclairer le clocher. Ainsi dit, ainsi fait. La fondation prit naissance en 1992.
Parti en croisade auprès des professionnels, des commerçants et des employés municipaux, M. Dupré réussit à amasser 26 000 $ afin de défrayer les coûts d’installation du système d’éclairage. Dans les années qui suivirent, un tournoi de golf réunissant des gens d’affaires et des professionnels ont permis à la fondation de récolter en moyenne 15 000 $ annuellement. L’argent servait d’abord àpayer les frais d’éclairage du clocher, le reste étant généreusement distribué auprès d’organismes locaux.
La Société d’histoire a abondamment profité de ces largesses puisque, pendant plusieurs années, elle a reçu de la fondation une somme de 2 500 $. Malheureusement, des problèmes de santé et la mauvaise conjoncture économique ont obligé M. Dupré à mettre un terme aux activités de sa fondation à la fin de 2013. Au cours de ses vingt et une années d’existence, l’organisme aura distribué plus de 300 000 $, un exploit remarquable.
Marié depuis 56 ans, M. Dupré a toujours été secondé par son épouse, madame Louise Provost durant sa vie active.
Après avoir travaillé de nombreuses années à l’imprimerie des Frères de l’instruction chrétienne, solidement secondée par son fils Luc, Mme Provost fondait, en 1985, sa propre entreprise, l’Imprimerie Moderne La Prairie Inc. Le commerce, qui fut vendu en 2007, connut beaucoup de succès.
En 1972, le couple fut au nombre des premiers résidents, rue des Tulipes, dans le nouveau quartier de la Magdeleine. Hélas, en 2013, après plus de quarante ans, ils durent vendre leur maison pour aller habiter à Brossard, dans un édifice mieux adapté à leurs besoins. Étonnamment, et comme par un clin d’oeil de l’histoire, M. Dupré habite aujourd’hui à la limite ouest de ce qui fut autrefois la terre de son ancêtre maternel Charles Diel.
- Au jour le jour, février 2014
Nouvelles heures d’ouvertures
Soucieuse d’améliorer son offre de service auprès de ses membres et du grand public, la Société d’histoire de La Prairie-de-la-Magdeleine est heureuse de vous annoncer que ses heures d’ouverture seront étendues.
Ainsi, à compter du lundi 10 février, nous vous accueillerons selon l’horaire suivant :
• lundi de 13 h à 17 h
• mardi, mercredi et jeudi de 9 h à midi et de 13 h à 17 h
De plus, le Club de généalogie accueillera les chercheurs comme à l’habitude le lundi de 19 h à 21 h et, à compter du 1er février, nos portes seront ouvertes le samedi de 13 h à 17 h.
- Au jour le jour, février 2014
M. Guy Dupré, hommage à un grand Laprairien
Joseph Gaston Guy Dupré est né sur la rue Sainte-Marie à La Prairie le 24 mars 1934. Troisième de quatorze enfants (dix garçons et quatre filles) issus du mariage de George Dupré (fondeur-mouleur) et de Marie-Berthe Yelle, Guy Dupré a perdu sa mère alors qu’elle n’était âgée que de cinquante-neuf ans.
La famille a habité durant quelques années un des deux logements de la maison de pierre du 164-166, rue Saint-Georges. Le chirurgien Robert Sheldon bâtit cette maison de pierre entre 1807 et 1825. Une partie de la maison était alors utilisée comme bureau de consultation. En 1825, Joseph Twiss, marchand et horloger, fait l’acquisition de la propriété qu’il partage deux ans plus tard avec son frère Austin ; l’ancien bureau de consultation devient alors une boutique. Lors du grand feu de 1846, la maison subit de sérieux dommages. Joseph Tremblay achète la propriété en 1847 et utilise de la brique américaine pour rebâtir les pignons.
L’ancêtre paternel, François Dupré Mikinac (nom amérindien qui s’explique sans doute par sa participation active à la traite des fourrures) a épousé Marie Allaire à Contrecoeur en mars 1729. Quatre générations plus tard, l’arrière-grand-père Louis-Charles Dupré (maître-chantre) s’installe à La Prairie et, en février 1874, adopte Ernestine Poissant pour épouse. L’annuaire Lovell et Gibson de 1842-1843 indique que deux messieurs Dupré possédait chacun un magasin général rue Sainte-Marie. Or, ces deux personnages ne sont pas des ancêtres de Gaston Guy.
Charles Diel, l’ancêtre maternel de M. Dupré fut l’un des premiers censitaires à s’établir à la côte Saint-Lambert. « Parti de La Rochelle le 24 mai 1665 à bord du Saint-Sébastien, Charles Diel, dit Le Petit Breton, de la compagnie La Fouille du régiment de Carignan arrive à Québec le 12 septembre1665. Charles, à la fin des guerres iroquoises, fait partie des 400 soldats qui décident de rester en Nouvelle- France sur les 1 200 du régiment de Carignan-Salières arrivé en 1665. Après ses trois ans dans la compagnie La Fouille qui était assignée à la protection de Trois-Rivières, il s’installe à La Prairie dans les années qui suivent. On trouve son nom au recensement de 1673 parmi les habitants du fort de La Prairie. En février 1674, il reçoit une concession de terre au Mouillepied, territoire qui fait partie de Saint-Lambert présentement. Le ruisseau qui longe sa terre porte le nom de Diel, mais est aussi appelé le ruisseau du Petit Charles dans certains documents. En 1676, il se marie avec la fille de Hugues Picard qui est née à Ville-Marie. Au recensement de 1681, il est noté qu’il a deux enfants, un fusil, 3 vaches et 4 arpents en valeur. En 1684 puis en 1688, il s’engage comme voyageur […]. »

Issu de si vaillants ancêtres, le jeune Guy fit de solides études à l’Académie Saint- Joseph dans les classes des Frères de l’instruction chrétienne. Parmi ses nombreux maîtres, il y eut le frère Léo Lecavalier (voir la photo en page 4) qui, plus tard, travailla ardemment à l’établissement de la première bibliothèque municipale de La Prairie, aujourd’hui le 200, avenue Balmoral. M. Lecavalier a également été conseiller en orientation auprès des élèves du secondaire et conseiller municipal durant huit ans. Décédé en 1996, le conseil municipal a attribué son nom à la bibliothèque municipale en 1997.
Avec une famille aussi nombreuse, on comprend facilement qu’on n’était pas riche chez les Dupré. Afin d’aider les parents à boucler le budget, les garçons durent très tôt se trouver des emplois à temps partiel. Marié à Louise Provost en juin 1957, Guy poursuivit des études en comptabilité en soirée à l’École des hautes études commerciales, rue Viger (l’édifice abrite aujourd’hui les Archives nationales du Québec à Montréal) tout en travaillant à l’épicerie de M. Sainte-Marie au 266 rue Saint-Ignace. Le jeune couple habitera durant un certain temps le logement situé au dernier étage du vieux bureau de poste de la rue Saint-Georges. Un beau jour, l’épouse de M. Léopold Péladeau, lequel était greffier à l’hôtel de ville, lui fit remarquer qu’il n’était pas très convenable qu’un étudiant des H.E.C. travaille dans une épicerie. C’est ainsi que M. Dupré obtint, en 1965, son premier emploi à la municipalité. D’abord trésorier adjoint d’Hercule Serre, il devint trésorier puis greffier à la suite du départ de Léopold Péladeau. Plus tard, il fut nommé directeur général de la ville, poste qu’il occupa jusqu’en 1989.
- Au jour le jour, février 2014
Erratum
Dans le numéro de janvier dernier, les deux paragraphes de l’introduction au texte intitulé Un patrimoine oublié, la croix du chemin des Prairies à Brossard ont été malencontreusement déplacés. Nous avons depuis apporté les corrections qui s’imposaient et le bulletin de janvier 2014 qui apparaîtra désormais sur notre site internet en constitue la version officielle.
Nous adressons toutes nos excuses à l’auteure, Mme Yolande Sainte-Marie.
- Au jour le jour, février 2014
Ateliers de généalogie à la SHLM
En devenant membre de la SHLM, vous pouvez entreprendre l’élaboration de votre arbre généalogique. Venez profiter des conseils de nos experts, de notre collection de répertoires généalogiques et de nos banques de données informatisées lors d’ateliers libres animés par le comité de généalogie de la SHLM.
Horaire des ateliers: comme d’habitude, le lundi soir entre 19 h et 21 h et, à compter du 1er février, le samedi en après-midi entre 13h et 17h.
- Au jour le jour, décembre 2013
L’énigme du moulin à vent de La Prairie : une hypothèse (suite)
De Bénac et Schuyler, deux partis ennemis, s’entendent donc sur le fait que les attaquants longèrent la rivière Saint- Jacques pour atteindre d’abord le moulin qui se trouvait entre la rivière et le fort. Comment pouvait-il en être ainsi puisque les plans d’arpenteurs et les récits de nombreux témoins confirment que le moulin avait été construit du côté opposé, au sud-ouest du fort ?
Le sulpicien François Vachon de Belmont ne précise pas l’emplacement du moulin, il note simplement :
« […] ayant eu avis que les flamans devaient donner a la prairie mr decaliere y alla les habitans camperent d un cote du fort les soldas de lautre au nombre en tout de 1200 la debauche fut extreme en toute manière cepandant avant le jour 80 loups se glisserent par le fosse derriere le moulin tuerent la santinelle endormie […] »
Lahontan, dans une lettre datée du 10 novembre 1691, ne dit rien du moulin mais parle plutôt du corps de garde :
« On m’apprit que trois cens Anglais et deux cens Iroquois s’étaient approchés il y a deux mois de l’Isle de Montréal; que le gouverneur de cette Isle ayant fait passer quinze Compagnies de l’autre côté du Fleuve dans la Prairie de la Madelaine, pour les attendre de pied ferme, qu’un détachement de ce Parti ennemi avait surpris, à la faveur de la nuit, les sentinelles avancées, et que le corps ayant joint, ils donnèrent tête baissée avec tant d’intrépidité et de courage sur les Corps de Garde et sur le Camp dans un même tems, […] »
Ainsi, selon Schuyler, le meunier aurait été tué après avoir fait feu sur un « Indien ». Or, le meunier Laurent Frangé n’apparaît nulle part dans les registres des sépultures de La Prairie pour l’année 1691. Schuyler aurait-il conclu à tort que quiconque criant « qui va là » et faisant feu depuis le moulin devait nécessairement être le meunier ?
Compte tenu de la topographie et des techniques de raids à embuscades très à la mode à l’époque, il est tout à fait logique que les troupes de Schuyler aient longé la rive de la rivière Saint-Jacques La maison fortifiée pour atteindre le fort de La Prairie et surprendre les troupes françaises. Ce qui pose problème c’est que deux témoins attestent que le moulin était situé entre la rivière et le fort, soit à plus de 700 mètres de sa position réelle, en bordure de l’actuelle rue Saint-Henri.
Un chef militaire d’expérience aurait sans doute divisé ses troupes en deux contingents afin d’attaquer le fort de deux côtés à la fois. La brigade venant du côté sud-ouest se serait effectivement heurtée au moulin à vent avant d’atteindre le fort situé à 250 mètres. L’autre troupe arrivant du côté de la rivière aurait d’abord dû franchir le « corps de garde » qui était peut-être la petite maison fortifiée :
« Construite vers 1688, cette petite maison mesurait environ 25 pieds X 38 pieds et était surmontée d’une énorme cheminée centrale en pierre; un toit à quatre versants en croupe la coiffait. C’était une maison d’habitation qu’on pouvait transformer en redoute sitôt qu’un danger se présentait ; de lourds contrevents fermaient les ouvertures et des meurtrières étaient percées au niveau des combles, de sorte qu’on pouvait y tirer sur l’ennemi. »Michel Létourneau, Le Bastion, Volume 2, no 1, juin 1983, page 21.
« Quant à la maison en pierre qu’on a prise et donnée pour le Fort de La Prairie, il est certain qu’elle est bien ancienne, et les meurtrières qu’on y voit dans les mansardes donnent raison de croire qu’elle a été bâtie dans un but militaire ; cependant elle n’a jamais été ni le Fort ni dans le Fort. Elle pourrait être une Redoute destinée à défendre le Fort, comme le moulin à vent construit au sud du Fort devait en être une autre. »Journal La Minerve du 20 mai 1882.
La maison fortifiée était bien située à près de 80 pas (environ 50 mètres) du fort (we came to the Windmilne within 80 paces of the Fort), sur la rue du Boulevard près de l’extrémité de la rue Sainte-Marie.
Voilà qui nous permet d’avancer l’hypothèse suivante; bien que cela n’apparaisse pas dans son récit, Schuyler aurait attaqué le fort à la fois par le nord-est et par le sud-ouest, se heurtant d’un côté à la maison fortifiée et de l’autre au moulin à vent. Ayant sans doute rédigé sa description des événements plusieurs années après les faits et peu familier avec le site de La Prairie, il aurait confondu les deux assauts et les deux bâtiments.
- Au jour le jour, décembre 2013
Le Temps des Fêtes approche à grand pas
Voilà un cadeau original à des êtres chers : offrez La Prairie – Histoire d’une ville pionnière.
Composé de 19 chapitres, chacun traitant d’un thème différent, ce livre de 475 pages plaira à tous ceux qui souhaitent en apprendre davantage sur l’histoire d’une municipalité fondée en 1667.
30 $ en format papier et 20 $ en version ePub sur notre site internet.
Nous souhaitons de Joyeuses Fêtes à tous nos lecteurs.
- Au jour le jour, décembre 2013
L’énigme du moulin à vent de La Prairie : une hypothèse
Dans les lignes qui suivent, nous tenterons de comprendre pourquoi Peter Schuyler, dans son récit de l’attaque du 11 août 1691 contre le fort de La Prairie, a situé le moulin à vent quelque part entre la rivière Saint-Jacques et la palissade de bois. Nous savons aujourd’hui que la tour de pierre était à l’opposé du fort, à plus de 700 mètres au sud-ouest.
D’entrée de jeu, convenons qu’à cause de l’importance de la structure et des coûts engendrés par sa construction, ainsi que du rendement très faible de ce type de moulin, il n’y eut qu’un seul moulin à tour de pierre à La Prairie. Il est également impensable qu’on ait songé à quelque époque que ce soit à défaire le moulin pierre par pierre pour le reconstruire à l’autre extrémité du village.
Gilles Deschênes affirme que le moulin à vent de La Prairie a été construit en 1670 en même temps que ceux des seigneuries de Chambly, de Sorel, de Repentigny, de Lachesnaye, de Lachine, de Charlesbourg, de Beauport et de la côte Saint-Jean à Québec.Quand le vent faisait tourner les moulins, p. 58Le contrat de construction demeurant introuvable, Yvon Lacroix dans Les origines de La Prairie (1667-1697) confirme cette date de construction : à l’automne 1671, lors du premier contrat de concession (avec le farinier Pierre Jarny), les Jésuites obligent le censitaire de faire moudre ses grains au moulin qu’ils ont fait bâtir.Les origines de La Prairie, 1667-1697, p. 141
Et l’auteur de préciser : Il se trouve sur le grand chemin qui va du fort à la rivière St-Jacques, lequel est à proximité du fleuve et sert de limite au domaine seigneurial. Puisqu’il s’agit d’un moulin à vent, le site choisi correspond probablement à un promontoire, lieu idéal pour une construction Ibidem, p. 142 de ce genre. Selon une note en bas de page du même auteur, des recherches archéologiques l’auraient situé à environ 1 500 pieds du fort, près du fleuve, vis-à-vis de la rue Saint-Ignace actuelle. Si le moulin avait été érigé entre la rivière et le fort, cela signifierait que les seigneurs jésuites auraient choisi de l’établir sur leur domaine, du côté nord-est du fort, un site moins exposé aux vents dominants.
D’autre part, l’historien Louis Lavallée assure que « Les Jésuites ont fait construire deux moulins sur le territoire de la seigneurie. Le premier, un moulin à vent, que les contrats de concession rédigés par Tissot en 1672 mentionnent, déjà, s’élève sur un petit promontoire dans la commune, à proximité du fort et du fleuve. »La Prairie en Nouvelle-France, 1647-1760, p. 88 ce qui situe le moulin de l’autre côté du fort, au sud-ouest, où il est davantage au vent. D’ailleurs la carte du village de La Prairie dressée par l’arpenteur Amable Gipoulou en 1788 situe clairement le moulin du côté sud-ouest du village. Si le moulin n’apparaît pas sur le plan du village de Laprairie établi par l’arpenteur Joseph Rielle en juillet 1861, c’est simplement parce que le moulin était situé à l’extérieur des limites du village.
Le second moulin dont fait mention M. Lavallée est un immense moulin à eau construit au printemps 1718 par les seigneurs jésuites à la côte Sainte-Catherine.
En cette époque troublée de la fin du 17e siècle, les moulins, solides structures de pierre, sont à certains endroits des lieux stratégiques qui servent également de postes d’observation ou de refuges en cas d’attaque. Le moulin de La Prairie n’échappait pas à la règle puisque, lors de l’attaque menée par les troupes de Peter Schuyler contre le fort de pieux au matin du 11 août 1691, le hollandais venu d’Albany raconte :
« […] We resolved to fall upon the Fort, by break of day went to prayers and marched towards Leprarie, and a mile on this side layd downe our baggage, marching over the Corne field till within a quarter a mile of the Fort, then marched along the water side till we came to the Windmilne within 80 paces of the Fort, on our march we saw a fire upon the land, and as we approached neer the windmill, the fire was stirred three times to cause a flame, which we conceived to be their signe to the Forte, when we approached the Windmilne the miller called, fired and killed one of our Indians, and one of my Christians fired and killed him attempting a second shott, soe that his body hung half in and half out of the window. […] »
Le sieur de Bénac dans une lettre à Frontenac en date du 2 septembre 1691, confirme, à peu de choses près, le récit de Schuyler :
« […] Le Samedy 11 aout Les Ennemis se Coulesrent une heure avant le jour Le Long de laprairie du Costé de la petite rivière, et vinrent jusqu’au moulins, La Sentinelle, quy y estoit postée Cria quyvala, et sur ce quoi on repondoit point, tira criant aux armes et se sauva aussytot Dans Le moulin, Les Ennemis découverts Se jettent sur Le Corps de Garde quy estait entre Le moulin et Le fort et en chasserent Les habitans quy senfuirent en Desordre dans le fort. […] »