
- Au jour le jour, janvier 2016
Jacques Marchand Desligneris, curé de La Prairie
Fils du militaire Constant Le Marchand, sieur de Lignery, et d’Anne Robutel de La Noue, Jacques Marchand des Lignery est né à Montréal (Ville-Marie) le 29 décembre 1701. Il fut élevé dans une fratrie composée de sept garçons et deux filles. Outre Jacques, le plus connu des enfants du couple fut François-Marie, dont les trois fils devinrent officiers dans les troupes de la Marine.
Ordonné le 24 août 1727, Jacques fut d’abord missionnaire à Champlain de 1728 à 1731. Par la suite, sa nomination à la cure de La Prairie ne se fit pas sans quelques turbulences.
C’est en décembre 1733 qu’apparaît la première signature de Jacques Desligneris (sic) dans les cahiers de comptes de la fabrique de la Nativité ; pourtant, il était bien le curé de l’endroit depuis 1731. Toutefois, le 4 juin 1739, Louis Norman, Vicaire général du diocèse, lors d’une visite qu’il fit à La Prairie, s’exprimait ainsi dans son ordonnance : « Ordonnons à Messire Jacques Desligneris MissionnaireLes soulignés sont de nous. de ladite paroisse de publier notre présente ordonnance […] ». En décembre de la même année, Desligneris se désigne ainsi : […] « Jacques Desligneris prêtre faisant les fonctions curiales dans la paroisse de La Prairie […] ». Était-il curé ou missionnaire? Tout ça n’était pas très clair et les événements qui suivirent n’aidèrent en rien à simplifier la situation.
En novembre 1740, sans doute dans le but de rétablir le bon ordre dans les nominations aux cures, les chanoines du Chapitre assemblés à Québec décidèrent qu’à l’avenir, le Grand Vicaire ne pourrait changer les curés et les missionnaires sans l’agrément du Chapitre.
Certains prêtres, n’ayant été jusqu’alors que des missionnaires ou des desservants, voulurent obtenir auprès du Chapitre des lettres de cures fixes. Alors que les paroissiens de Boucherville réclamaient la présence de Jacques Desligneris, les jésuites souhaitaient sa nomination à La Prairie. Le Chapitre fit la sourde oreille à certaines demandes et nomma des curés dans dix paroisses. C’est ainsi que, le 5 octobre 1740, Monsieur Desligneris fut institué curé de La Prairie par le Chapitre. En conséquence, le 8 novembre suivant, Monsieur Jorian se désista de la cure de La Prairie [sans y avoir mis les pieds] à laquelle il avait été nommé par le Chapitre. C’est que Monsieur Jorian avait déjà été curé de La Prairie de 1728 à 1731 : souhaitait-il y revenir? Dans les cahiers de comptes et de délibérations des marguilliers de la Nativité, la dernière signature du curé Jorian date de février 1731.
À son arrivée à Québec en 1741, Monseigneur Pontbriand exigea aussitôt la démission des dix curés nommés par le Chapitre. C’est ainsi que, le 8 octobre 1741, Monsieur Desligneris dut se désister à son tour, sans pour autant quitter La Prairie. Attendu qu’il avait en dix ans gagné l’estime et la confiance des paroissiens par son zèle et par sa conduite, le Chapitre décida de le réhabiliter dans la cure et de lui expédier les titres et les provisions. De plus, les jésuites, seigneurs de La Prairie, usèrent en sa faveur de leur droit de patronage et de présentation.
Le territoire sous la responsabilité du curé Desligneris était immense : il comprenait Saint-Philippe, Saint-Constant et les concessions de Saint-Michel et de Saint-Rémi. Sans doute cultivé et très sociable, il n’était pas intellectuel. On raconte qu’il aimait les jeux de société, dont les échecs et le tric trac.
Durant ses quarante-quatre années de ministère à La Prairie, et bien que l’église n’avait qu’un quart de siècle à son arrivée en 1731, il y fit faire de nombreux et importants travaux. Le sculpteur Paul Jourdain dit Labrosse fut chargé de faire un retable ainsi que l’autel et la balustrade. Le nouveau tabernacle, œuvre de Liébert, fut doré à Montréal par les Sœurs de Marguerite d’Youville. Louis Haguenier fabriqua dix-huit nouveaux bancs dans le jubé ainsi qu’un confessionnal, et les grandes croisées furent refaites à neuf. En 1773-1774, l’église se vit élargie de bas-côtés de 15 pieds de largeur, qu’on mit en communication avec le corps de l’église en pratiquant des ouvertures en arcades dans les longs pans de la nef. On remplaça la clôture de pieux du cimetière par un premier mur de pierre.
Le curé Desligneris ne lésinait pas sur la dépense pour embellir son église. Il commanda également l’achat de deux tableaux pour les chapelles du Saint-Rosaire et de Saint-François Xavier, et le sanctuaire fut orné d’une lampe argentée et d’un lustre. Bref, l’église, que soixante ans plus tard on jugera vieille et vétuste, devait à cette époque être d’une grande beauté.
Bon papa, Desligneris était aimé de tous ses paroissiens. Les garçons étant totalement dépourvus de maître d’école, il engagea Amable Brugière afin de leur faire la classe.
En juillet 1743, les chenilles dévastaient les moissons. Le fléau était tel que le grand vicaire donna le pouvoir au curé de La Prairie de conjurer ces insectes. Des prières publiques et des processions furent organisées afin de faire disparaître cette calamité.
Peu avant sa mort, son testament, rédigé au presbytère alors qu’il était alité, révèle qu’il possédait une bibliothèque d’une centaine de livres religieux, dont plusieurs étaient orphelins de quelques tomes, car il en prêtait volontiers à ses paroissiens et nombreux étaient ceux qui oubliaient de les lui remettre. Le voyageur suédois Pier Kalm, de passage à La Prairie en octobre 1749, le qualifiait « d’homme assez noble et instruit ». En dictant ses dernières volontés, le curé Desligneris ordonna que son corps soit inhumé dans le sanctuaire de l’église paroissiale et ses dettes payées. Il céda le quart de ses biens aux pauvres de la paroisse et un autre quart à la paroisse.
Le 1er avril 1775 : « Par nous soussigné vicaire général a été inhumé dans le sanctuaire de cette église le corps de Messire Jacques Marchand Desligneries, curé de cette paroisse décédé le 30 mars dernier âgé de 73 ans et 3 mois. Ont été présents messieurs Jollivet, Carpentier, Duburon, Dufraust, Pétrimoulx, Foucher prêtres et les R.P. Floquet et Goudan Jésuites.[Duburon (curé de Varennes), Pétrimoulx (Chambly), Youville-Dufrost (Boucherville), Foucher (jeune prêtre), Gamelin (Saint-Philippe), Carpentier (Longueuil).] Montgolfier, vicaire général ».
Sans avoir été un grand personnage, fidèle aux préceptes du Rituel de Québec (le manuel du curé canadien) rédigé par Saint-Vallier, à la fois conseiller, guide spirituel, gardien de la moralité publique et chargé de lourdes responsabilités, Jacques Desligneris fut un curé bien de son temps.

- Au jour le jour, octobre 2015
Florent Bourgeault, curé de La Prairie
N.D.L.R. Pour les dates et les différents ministères de Florent Bourgeault, nous renvoyons le lecteur à l’article rédigé par Monsieur Jean Joly, paru dans ce bulletin en mars 2010.
Rappelons seulement que Monsieur Bourgeault était curé de Pointe-Claire avant d’être nommé à la cure de La Prairie en 1877.
Florent Bourgeault est né le 23 février 1828 à Lavaltrie du mariage de Victor Bourgeault cultivateur, et de Marie-Josèphe Bourque. D’une constitution robuste, on lui reconnaissait une grande mémoire, une érudition en théologie et un très fort « attachement à sa nationalité ».
À son arrivée à La Prairie en 1877-1878, la diphtérie, les fièvres typhoïdes et la variole avaient fait de nombreuses victimes dans le village de La Prairie. Les épidémies étaient fréquentes en cette fin de 19e siècle.
Plus tard, Hyacinthe Sylvestre note dans son journal : 1885 : octobre et novembre – picoteÀ la fin du 19e siècle, on confond fréquemment la varicelle (picote) et la variole. Cette dernière est souvent mortelle.. Le curé Bourgeault fut si malade à la fin de décembre 1885 qu’il reçut la visite de l’évêque de Montréal et dû être administré. Avait-il été une victime tardive de l’épidémie de variole, une maladie très contagieuse, qui sévissait alors? Après une période d’incubation de dix jours apparaissaient des maux de tête, des douleurs et de la fièvre. Malgré l’intervention en chaire des curés qui prônaient des mesures de préventions, certains médecins et une partie de la population ne croyaient pas en l’efficacité du vaccin. Parmi ceux qui étaient atteints, un malade sur trois en mourait. À La Prairie, les morts, causées par cette épidémie, ont été enterrées du côté gauche de l’église près du couvent des Sœurs de la C.N.D. Étonnamment, le journal personnel de Monsieur Bourgeault est totalement muet sur cet épisode. Heureusement, à la mi-février 1886, il était complètement rétabli.
À son retour à la santé, les paroissiens lui adressèrent leurs vœux, le remerciant pour son dévouement, son zèle apostolique et son vif intérêt pour la cause de l’éducation et l’avancement intellectuel de la population de La Prairie. L’allocution soulignait également sa générosité envers les vieillards et les orphelins de l’hospice de la Providence.
Lors des fêtes du JubiléSans doute un anniversaire lié au règne de la reine Victoria. en juin 1878, le curé note : « Plusieurs arriérés se sont confessés. Il y a eu entre 1600 et 1700 communions. », ce qui représente une tâche considérable. Heureusement qu’il pouvait compter sur l’aide de son vicaire, l’abbé Cyrille Huet.
Sans doute dans le cadre de sa visite paroissiale annuelle, Monsieur Bourgeault entreprit à l’hiver 1878 de faire le recensement complet de la population de La Prairie. En plus des habitants du village et des côtes, le document cite les noms des religieuses et des pensionnaires du couvent de la Congrégation de Notre-Dame et de l’hospice de la Providence. Non seulement ce recensement constitue une mine d’informations sur les familles, les métiers, les habitations et l’état de santé des habitants, il recèle en plus de nombreux détails sur la topographie, l’état des chemins et la toponymie. Jusqu’à la fin de son ministère à La Prairie, le curé y ajouta de nouveaux détails, dont la date et la cause du décès de certains paroissiens.
Cette énumération détaillée de ses ouailles en début de ministère témoigne de son intérêt et de son attachement envers ceux et celles dont il avait la responsabilité spirituelle.
Outre les charges de son ministère, le curé Bourgeault veillait au bien-être de Barbe, sa sœur aînée née en 1825. Réputée très pieuse, elle logeait au presbytère. Lors de sa nomination à l’archevêché de Montréal en 1891, il louera pour elle l’ancienne maison du Dr Palardy située sur la rue Mansfield. De passage à La Prairie en août 1887, l’abbé Frédéric Baillargé, qui fut vicaire du curé Bourgeault de 1881 à 1883, note : « Le Révérend Monsieur Bourgeault, curé de La Prairie, vieillit peu. C’est le cas de le dire : Le travail ne tue point. » Alors que Mademoiselle Barbe Bourgeault atteint l’âge de soixante-deux ans, il ajoute à son sujet : « elle porte allègrement ses cinquante et quelques années ».
Barbe Bourgeault n’était pas la seule à loger au presbytère avec son frère curé. Le recensement cité plus haut contient la liste des cinq personnes qui y habitaient : Florent Bourgeault 50 ans, curé; Barbe Bourgeault 53 ans, ménagère; Phélonise Masson 40 ans, engagée, fille de François Masson journalier et de Marie-Louise Morin (décédée) de Saint-Lin; Bridget Corcoran 35 ans (décédée de consomption le 18 juin 1879), engagée, fille de Luke et de Jane Mulligan de Saint-Alphonse; Joseph Labrecque 27 ans, engagé, fils de Gordien, menuisier (décédé) et d’Anne-Nancy Desroches de l’IndustrieAujourd’hui Joliette..
On aura compris qu’à l’époque où la présente liste fut dressée, Florent Bourgeault était sans vicaire pour le seconder dans ses tâches. Le presbytère dont il est ici question fut construit en 1848, deux années après le grand incendie qui détruisit une grande partie du village. En 1910, il a été remplacé par le presbytère actuel.
Était-ce par souci d’économie que le curé de La Prairie possédait un cheval âgé de vingt-six ans ? Afin de le ménager, Monsieur Bourgeault le menait au pas. En conséquence, il lui fallait des heures pour franchir, par exemple, la distance entre La Prairie et L’Acadie.
L’Université de Montréal
Lorsque l’Université Laval est fondée à Québec en 1852 en tant qu’institution diocésaine, l’évêque de Montréal, Mgr Bourget, s’adresse à Rome pour obtenir une université dans son propre diocèse. Cette demande est refusée et l’affaire prend une tournure personnelle entre les évêques.
Malgré l’éternelle rivalité Québec-Montréal, c’est le 6 janvier 1878 qu’a eu lieu, dans la chapelle du Grand Séminaire de Montréal, rue Sherbrooke, l’inauguration officielle de l’Université de Montréal, alors succursale de l’Université Laval. Fruit de plus de vingt-cinq ans de démarches, de propositions et de polémiques, c’est devant près de 200 personnes, dont l’évêque de Montréal, Mgr Fabre, et l’archevêque de Québec, Mgr Taschereau, que la nouvelle université voit le jour.
L’ouverture de la succursale de Montréal ne marque en rien la fin de la querelle. Le 20 mai 1881, un projet de loi est présenté devant le Comité des Bills privés, projet dans lequel l’Université Laval demande le pouvoir de multiplier ses chaires d’enseignement dans les limites de la province de Québec. En réalité, Laval souhaite maintenir sa succursale établie à Montréal, ce qui ferait en sorte que Montréal serait sous la tutelle de Québec pour l’éducation supérieure. Bref, l’Université Laval veut se faire donner le contrôle absolu, ce qui signifie le monopole de l’enseignement supérieur dans toute la région de Montréal.
Le projet de loi donnera lieu à de nombreuses divergences et à des guerres intestines; libéraux et ultramontains seront tour à tour pris à partie. À cause du statut futur du collège Sainte-Marie, les Jésuites aussi s’en mêlèrent. La population et le clergé étaient divisés et le curé Bourgeault était d’avis que Mgr Fabre s’était compromis dans cette affaire. Une pétition circulait contre le projet de loi. Hyacinthe Sylvestre, marchand à La Prairie, note dans son journal personnel : « le vendredi 13 mai 1881 – signé requête contre Laval ». Progressivement, le mélange de la religion, de la politique et de l’enseignement s’amplifia et divisa profon- dément les francophones du Québec.
En mai 1881, le curé Bourgeault adresse deux lettres au député provincial conservateur dans Laprairie Léon-Benoit-Alfred Charlebois. Il lui souligne d’abord que les prêtres du comté sont divisés au sujet du projet de loi en faveur de l’Université Laval. Et il espère « que tout tournera à bien pour Québec et pour Montréal ». Dans la seconde lettre, il précise : « En vous remerciant de m’avoir adressé le projet de loi en faveur de l’Université Laval, je prends la liberté d’exprimer l’espoir que la demande de Québec ne sera pas accordée. » Voilà une opinion clairement exprimée.
En 1890, Mgr Fabre obtient de Rome que l’Université de Montréal devienne quasi indépendante de l’Université Laval. Cependant, le climat se détériore tellement qu’il faudra plusieurs interventions à Rome pour tenter de calmer les esprits et amener une paix relative entre les opposants, paix qui ne sera assurée qu’avec la création de l’Université de Montréal en 1920.
Départ de La Prairie
Pieux, très soumis à son évêqueCharles-Édouard Fabre, évêque de Montréal de 1876 jusqu’à son décès en 1896. et investi d’une responsabilité envers la morale publique, en 1890, Monsieur Bourgeault adresse, d’un ton autoritaire, la lettre suivante au docteur Thomas-Auguste Brisson maire de la municipalité:
La Prairie le 16 août 1890
T.A. Brisson, Ecr. M.D.
Mon cher docteur
Monseigneur de Montréal a défendu, à 4 ou 5 reprises, et bien strictement, les excursions, les voyages de plaisir, les pics-nics, etc. le dimanche. Si donc, il doit s’en faire encore les dimanches, je serai obligé de les défendre. J’ai besoin de votre réponse avant demain matin.
Si vous faites des excursions, pics-nics, etc. la semaine, vous en prenez la responsabilité, et pourvu qu’il n’y ait pas de désordres (supposant que la réunion est bien composée) je ne puis à la rigueur les défendre; mais les dimanches je ne puis les tolérer.
Bien à la hâte j’ai pris tout à l’heure le Plan du cimetière.
Avec le dévouement ordinaire
Votre curé et serviteur.
F. Bourgeault ptre
Mgr Payette racontera quelques décennies plus tard que Florent Bourgeault dut partir de La Prairie parce qu’il était détesté de tous les paroissiens. Plus personne ne venait à la grande messe parce que ses sermons étaient trop longs et qu’il se répétait constamment. Il est souvent plus facile de changer quelqu’un d’affectation plutôt que de lui demander de modifier son caractère. Compte tenu de ses mérites (il s’occupait beaucoup des pauvres et des malades), la seule façon de s’en débarrasser sans le blesser aurait été de le nommer à une fonction supérieure. Ce qui fut fait en septembre 1892, suite au décès de Monsieur Maréchal il fut désigné grand vicaire à l’archevêché. Cette mutation peut donc être interprétée comme une promotion-réprimande.
À son départ de La Prairie, après avoir donné un grand nombre d’ouvrages de littérature au collège de l’Assomption, son alma mater, il a emporté le reste de sa bibliothèque avec lui. À la mort de Mgr Fabre en décembre 1896, il fut nommé vicaire capitulaire.
Avec l’âge et les lourdes responsabilités, sa santé se détériorait. En avril 1893, alors qu’il habite à l’archevêché, il demande au docteur Brisson de La Prairie d’aller le visiter : « Je ne suis pas malade, mais la bile est abondante depuis quelques semaines. Heureusement elle s’en va naturellement, mais il y a alternativement constipation et évacuations bilieuses abondantes. L’appétit est un peu dérangé. Il y a un peu de douleur au côté droit. »
Florent Bourgeault est décédé subitement d’une « congestion cérébraleUne congestion cérébrale ou congestion vasculaire survient quand il y a une perturbation de la circulation sanguine menant vers le cerveau. L’obstruction d’une artère ou une hémorragie interne peuvent être mortelles. Les mangeurs excessifs en sont souvent les victimes. » le 9 juillet 1897 à l’âge de 71 ans. Sa sœur Barbe lui a survécu jusqu’en 1900. Tout comme ses prédécesseurs, il fut inhumé dans la crypte de la cathédrale Saint-Jacques le Majeur. Commencée en 1858 et bénie en septembre 1860, l’église Saint-Jacques fut reconstruite par l’architecte Victor Bourgeault (un cousin de Florent) entre 1880 et 1884. Acquise en 1973 par l’Université du Québec à Montréal, l’église est partiellement démolie entre 1975 et 1979. Le clocher et le transept sud sont conservés. Nous ignorons ce qu’il est advenu alors des sépultures logées dans la crypte.

- Au jour le jour, octobre 2015
Le premier col bleu
Le 4 avril 1893, le conseil municipal de La Prairie décide « d’engager un homme à l’année qui fera tous les ouvrages de la corporation avec un salaire de vingt-deux piastres par mois sans logement et vingt piastres par mois en le logeant et il s’oblige à faire tous les ouvrages de la corporation qui lui sera commandé de faire par qui de droit et d’avoir soin de la station de pompier [sise à l’actuel 249, rue Sainte-Marie], de veiller aux cours d’eau [quelques ruisseaux traversent le village], trottoirs [en bois], propriétés de la corporation et en même temps d’être constable, veiller au bon ordre et à la tranquilité publique et même aller travailler sur le chemin d’hiver [c’est-à-dire le pont de glace sur le fleuve] s’il le peut pour les bénéfices de la corporation et le dit sieur Couture [Joseph Couture] accepte ces conditions et l’engagement est conclu. »

- Au jour le jour, octobre 2015
Encore une noyade
Avant l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent, les citoyens de La Prairie jouissaient d’un accès direct aux eaux du fleuve. Les nombreuses activités aquatiques (les baignades à la plage, les randonnées en canot, la chasse à la sauvagine, la pêche et les traversées vers Montréal sur les bateaux à vapeur) n’étaient pas sans comporter leur lot de dangers. Chaque année, on comptait donc quelques noyades.
La Minerve du 10 juillet 1872 relatait que « mardi après-midi, un jeune homme de 13 ans, du nom de J.C. Harpers, droguiste de Montréal, s’est noyé en se baignant près de l’ancien quai [sans doute l’ancien quai du chemin de fer qui était situé vis-à-vis de la rue Saint-Henri]. », que « son corps n’a été retrouvé qu’hier vers dix heures, et déposé sur la plage, où le député-coroner A. Beauvais, a tenu l’enquête » et « [qu’on] doit l’inhumer à Montréal. »

- Au jour le jour, octobre 2015
Un grave accident
L’édition du 18 décembre 1908 du journal La Patrie rapportait l’événement suivant : « À 10 heures ce matin, Émile Barbeau, âgé de 22 ans, fils de M. Victor Barbeau, conseiller de Laprairie et l’un des principaux citoyens de cette paroisse, a été victime d’un grave accident. Il charroyait du bois avec son oncle, M. Alexis Moquin, lorsqu’il tomba de sa charge et roula sous les roues de la voiture de son oncle, qui le suivait.
L’infortuné a été meurtri par la voiture et il souffre de lésions graves. Les Dre Siméon et Joseph Longtin prodiguent leurs soins au blessé dont tout le monde ici souhaite le prompt rétablissement. »

- Au jour le jour, octobre 2015
La crise économique des années 30
La crise économique des années 1930 a lourdement frappé des millions de familles en Europe et en Amérique du Nord. Alors que les milieux ruraux étaient moins touchés, les grandes villes et les petites municipalités ont dû redoubler d’efforts pour venir en aide à un trop grand nombre de chômeurs. À La Prairie, comme ailleurs, les élus multiplièrent les demandes d’aide financière auprès des gouvernements de la province et du pays.
Ici, le conseil municipal fit de nombreuses démarches pour attirer de nouvelles industries en leur proposant des conditions avantageuses : eau gratuite, électricité au prix coûtant et octroi d’une somme d’argent pour faciliter leur établissement. On chercha également à faire réduire certains tarifs pour les citoyens.
Parallèlement, le gouvernement provincial allouait des fonds aux municipalités pour les aider à mettre en marche des travaux publics (amélioration de la plage publique, pavage des rues Saint-Philippe et Sainte-Rose) et ainsi enrayer le chômage. À cela s’ajoutaient les secours directs. À partir de 1932, les gouvernements mirent sur pied un système de coupons échangeables contre de la nourriture, du combustible et des vêtements. À partir de décembre 1933, ces secours furent distribués sous forme de chèques par un organisme nouvellement créé: la Commission du chômage. L’objectif était d’assurer le minimum vital aux familles. À La Prairie, en avril 1936, les secours directs s’élevaient à 2 600,00 $.
Étonnamment, durant la crise, les autorités municipales et provinciales adoptèrent des mesures susceptibles de rendre la vie plus difficile à certaines personnes, sans doute dans le but d’éviter que des profiteurs n’abusent de la situation :
• Février 1934 : résolution à l’effet de priver les chômeurs de leur droit de vote.
• Avril 1934 : autorisation à l’électricien d’enlever le courant à ceux qui sont en arrérages de deux trimestres en électricité.
• Septembre 1934 : avis de la Commission municipale que le conseil ne peut accorder un escompte sur les taxes ni faire remise des intérêts.
• Avril 1936 : lettre du Département du service provincial d’hygiène informant le conseil qu’il n’interviendra pas au cas où le conseil déciderait de fermer l’eau pour faciliter le paiement.
La guerre mit fin à la crise, et l’industrie de guerre permit à une grande majorité de citadins de renouer avec une certaine prospérité.

- Au jour le jour, octobre 2015
Conférence | 350e anniversaire de l’arrivée du régiment de Carignan-Salières
Conférencier: Monsieur Michel Langlois
Dans un premier temps nous prendrons connaissance des ouvrages publiés sur Carignan-Salière. Il sera ensuite question de la formation du régiment, de son déplacement de Marsal en Lorraine jusqu’à La Rochelle, de sa traversée en Nouvelle-France, de ses activités au pays et en particulier des expéditions menées contre les Iroquois et enfin de l’établissement de certains officiers et soldats au pays.
Cette conférence de la SHLM aura lieu exceptionnellement à la salle Saint-Laurent du Complexe Saint-Laurent, situé au 500, rue Saint-Laurent à La Prairie. Elle débute à 19 h 30. Entrée libre pour les membres, 5 $ pour les non-membres.
Renseignements au 450-659-1393.

- Au jour le jour, septembre 2015
L’arrondissement historique fête ses quarante ans
UN RETOUR AUX ORIGINES L’aventure a débuté il y a plus de quarante ans. En 1972, le caractère exceptionnel du Vieux-La Prairie était menacé par un important projet de développement immobilier de la compagnie Gulf. Des citoyens avertis qui se réunissaient fréquemment songèrent à préserver ce patrimoine bâti unique en Montérégie. Afin de s’assurer une crédibilité, on rédigea une charte et la Société historique de La Prairie obtint ses lettres patentes en septembre 1972. L’organisme naissant n’allait pas chômer.
Dans les années qui suivirent, les travaux d’une équipe d’étudiants en architecture de l’Université de Montréal, dirigés par le professeur Laszlo Demeter, permirent de décrire et de souligner le caractère unique du Vieux-La Prairie. En plus de cette étude, le mauvais état et la dégradation des maisons et des infrastructures du vieux quartier, ainsi que la mise en oeuvre prochaine, par la municipalité, du programme de rénovation urbaine et la possibilité d’intégrer les deux opérations firent naître l’idée de demander au ministre de la Culture de procéder à la création d’un arrondissement historique.
Sensible aux pressions de la « société historique », le maire de l’époque, Monsieur Jean-Marie Lamoureux, sut convaincre le conseil municipal de demander au ministre Denis Hardy de protéger le vieux village. C’est ainsi que l’arrondissement historique devint réalité en 1975. Après trois années d’efforts, le Vieux-La Prairie était sauvé. La municipalité, le ministère de la Culture et la Société d’histoire joueront par la suite un rôle essentiel pour faire revivre ce secteur de La Prairie qui avait grand besoin de rénovations.
Depuis 1975, de multiples interventions (restaurations, rénovations, incendies, démolitions, fouilles archéologiques, enfouissement des fils, réfection des infrastructures et du mobilier urbain, etc.) ont largement modifié l’apparence générale du Vieux-La Prairie. À l’automne 2012, l’adoption de la nouvelle loi sur le patrimoine culturel transformait l’arrondissement historique en site patrimonial (la nouvelle appellation ne modifiant en rien la nature des choses) et obligeait le ministre à établir avec toute la diligence possible pour chaque site patrimonial classé, un plan de conservation qui renferme ses orientations en vue de la préservation, de la réhabilitation et de la mise en valeur de ce site.
LES FÊTES DU 40E
Quarante ans, ça se fête et il ne fallait surtout pas rater l’occasion. Les fêtes du 40e anniversaire ont été rendues possibles grâce à une importante subvention du ministère de la Culture et des Communications et à la participation financière de la municipalité. Un comité organisateur fut donc mis sur pied afin de structurer les festivités de l’année 2015 à travers quatre événements majeurs dont le premier fut l’inauguration du piano public. En effet, dans le cadre des festivités entourant le 40e anniversaire du site patrimonial déclaré du Vieux-La Prairie, la Ville a récemment fait l’acquisition d’un piano public afin d’offrir à ses résidents la possibilité de pianoter en plein air. Les trois autres manifestations prévues sont le week-end d’autrefois, les journées de la culture et la fête de Noël dans le Vieux-La Prairie. Les journées des 29 et 30 août derniers marquèrent le point culminant de ces célébrations.
Ce week-end d’autrefois s’articulait autour de l’installation d’un campement historique dans le sentier du Vieux Fort. De nombreux organismes assurèrent l’animation des lieux durant deux jours : la compagnie des Méloizes, des Compagnies franches de la Marine, se fit remarquer par ses uniformes d’époque, ses tentes militaires, ses cortèges et ses impressionnants tirs de mousquets. Les Habitants du fort, un regroupement de sept ou huit familles qui vivent ensemble lors d’événements de reconstitutions historiques, s’illustrèrent par leurs vêtements, leur nourriture et leurs installations sommaires à l’image des débuts du 18e siècle.
Le public présent eut également droit à la présence de la Société d’histoire des Filles du roi (généalogie) ainsi qu’à d’intéressantes démonstrations du forgeron Sylvain Rondeau et de l’armurier des Mousquets du roi. Le Musée d’archéologie de Roussillon était ouvert aux visiteurs pour des visites commentées et l’archéologue Frédéric Hottin, responsable des collections, anima une simulation de fouilles ainsi que la présentation d’artéfacts. Le collectif Prism’Art présenta une exposition de plusieurs oeuvres face à la Maison–à-Tout-le-Monde alors que la SHLM proposait des visites guidées ainsi qu’un superbe BBQ animé par ses nombreux bénévoles et destiné à alimenter un public affamé.
Bref, malgré une publicité plutôt timide, les visiteurs se firent nombreux le dimanche et sous un soleil magnifique la fête fut couronnée d’un immense succès.

- Au jour le jour, juin 2015
Le plan de conservation du site patrimonial de La Prairie
À la suite des pressions exercées à l’époque par les membres de la Société d’historique de La Prairie (sic) et la municipalité, le Vieux La Prairie a été déclaré arrondissement historique en 1975. Bien que le projet domiciliaire GOREDCO (Gulf Oil Real Estate Development Company) n’avait pas encore été réalisé lors de la déclaration de l’arrondissement historique, il était perçu comme une menace, car on jugeait qu’il encerclerait le village. Seule une partie de ce projet a finalement été réalisée et constitue aujourd’hui le quartier de la Citière.
Deux autres raisons motivèrent à l’époque la déclaration de l’arrondissement historique : le mauvais état et la dégradation des maisons et des infrastructures du Vieux La Prairie, et « la mise en oeuvre prochaine, par la municipalité, du programme de rénovation urbaine et la possibilité d’intégrer les deux opérations en vue de respecter au mieux, les objectifs d’un éventuel plan de sauvegarde ».Dossier de déclaration de l’arrondissement historique, p. 68
Depuis 1975, de multiples interventions (restaurations, rénovations, incendies, démolitions, fouilles archéologiques, enfouissement des fils, réfection des infrastructures et du mobilier urbain, etc.) ont largement modifié l’apparence générale du Vieux La Prairie. À l’automne 2012, l’adoption de la nouvelle loi sur le patrimoine culturel transformait l’arrondissement historique en site patrimonial et obligeait le ministre à établir « avec toute la diligence possible pour chaque site patrimonial classé, un plan de conservation qui renferme ses orientations en vue de la préservation, de la réhabilitation et de la mise en valeur de ce site, et ce, en fonction de sa mise en valeur patrimoniale et de ses éléments caractéristiques ».Loi sur le patrimoine culturel, Chapitre III, Section IV. Classement des biens patrimoniaux, article 37
C’est seulement à la fin de mars dernier, soit près de trois ans après l’adoption de la loi, que le Ministère de la Culture soumettait enfin à la consultation publique une première version du plan de conservation du site patrimonial de La Prairie. Selon Monsieur Yves Lefebvre, président du Conseil du patrimoine culturel du Québec, avant la loi adoptée en 2012, rien n’obligeait le ministre à présenter un tel plan de conservation.
Le plan de conservation est d’abord destiné à guider les décisions de la ministre lors de l’autorisation d’interventions prévues aux articles 64 et 65 de la Loi sur le patrimoine culturel. Il s’adresse également aux citoyens, promoteurs et représentants municipaux qui pourront s’y référer lors de la planification d’interventions sur le territoire du site patrimonial de La Prairie. […] Le plan de conservation ne se substitue pas aux outils de planification ou de réglementation mis à la disposition des municipalités pour gérer l’aménagement de leur territoire.Plan de conservation du site patrimonial de La Prairie, page 9
Une première rencontre publique fut donc tenue à La Prairie le 15 avril 2015, rencontre à laquelle assistèrent une quarantaine de personnes, dont quatre membres du Conseil du patrimoine culturel et deux représentants du Ministère de la Culture, lesquels sont les auteurs du plan de conservation. Les intervenants devaient donc s’adresser à la fois aux auteurs du plan de conservation ainsi qu’aux membres du Conseil du patrimoine culturel, ce qui n’était pas sans causer un peu de confusion. D’ailleurs, Monsieur Lefebvre dut préciser à quelques reprises que le rôle du Conseil était d’entendre les remarques liées à la première version du plan de conservation et de recevoir par la suite les différents mémoires qui seraient présentés, afin, éventuellement, de faire à la ministre, Madame Hélène David, des recommandations au sujet de la version définitive du plan de conservation ainsi que de toute autre question relative à l’avenir du site patrimonial de La Prairie.
Peu de personnes prirent la parole au cours de cette première rencontre du 15 avril. Monsieur Donat Serres, maire de la municipalité, souligna les difficultés liées à la restauration et au développement de l’ancien site de l’entreprise Rose & Laflamme. « La décontamination des sols et les fouilles archéologiques représentent des coûts qui dépassent largement la capacité de payer des citoyens ». Il est donc impensable de réaliser de tels travaux sans l’apport d’une aide financière substantielle. Or, chaque fois qu’il était question d’argent de la part d’un intervenant, les réponses des représentants du Ministère et des membres du Conseil du patrimoine étaient toujours très prudentes et plutôt laconiques : « c’est sûr qu’on est là pour accompagner nos partenaires dans la préservation du patrimoine », a répondu l’un des deux représentants du Ministère.
Au cours de cette même soirée, Monsieur Frédéric Hottin, archéologue au Musée d’Archéologie de Roussillon, a réclamé que les cinquante-cinq sites archéologiques répertoriés dans le plan de conservation soient mieux définis et que les résidents du Vieux La Prairie soient clairement informés de ce que cela signifie pour eux lorsque d’éventuels travaux sur leur propriété risquent de perturber l’un des sites inventoriés.
À titre de représentant de la SHLM, nous avons d’abord souligné aux auteurs du Plan de conservation les nombreuses inexactitudes historiques contenues dans leur document. Lorsqu’il fut question du bruit engendré par l’autoroute 132, on nous a répondu que ce problème relevait du ministère des Transports, mais que l’apparence d’un éventuel mur antibruit était du ressort du ministère de la Culture. Dans la suite de l’échange, d’autres sujets ont été abordés de façon sommaire (la signalisation, le périmètre protégé, l’aide financière aux résidents, les berges de la rivière Saint-Jacques, etc.) le président du Conseil du patrimoine nous invitant à présenter un mémoire avant le cinq mai suivant, un document qui serait par la suite résumé oralement lors d’un dernier tour de table le 15 mai 2015.
C’est ainsi que six mémoires furent exposés au cours de la soirée du 15 mai, trois étant dus à des résidents du site patrimonial, soit Madame Anne-Marie Chopin, Monsieur Michel Gauthier et Monsieur Olivier Reffo. La ville de La Prairie, le Musée d’archéologie de Roussillon ainsi que la SHLM conjointement avec l’Assemblée de fabrique de la Nativité de la Sainte-Vierge ont également présenté leur argumentation.
Il serait vain de prétendre ici rendre justice à tous ces documents. Nous nous limiterons donc à une simple nomenclature des principales recommandations soumises, y incluant au passage celles contenues dans le document conjoint de la SHLM et de l’Assemblée de fabrique :
• Le ministère de la Culture doit avoir les moyens de ses ambitions et s’assurer que les propriétaires du Vieux La Prairie aient accès aux appuis financiers et techniques nécessaires au respect des règles édictées par ce même ministère. Car, actuellement les propriétaires sont bien seuls, mal informés, mal accompagnés et en manque de ressources.
• La signalisation indiquant la présence d’un site patrimonial doit être améliorée et conforme à la nouvelle appellation.
• Le problème du bruit occasionné par la proximité de l’autoroute 132 doit être considéré comme vital et urgent à résoudre.
• Nous souhaitons que le périmètre du site patrimonial soit modifié de façon à y inclure les berges de la rivière Saint-Jacques (un tronçon de 4 km est accessible de l’embouchure jusqu’au-delà de l’autoroute 30) et à en exclure le quartier de la Citière. De plus, il serait justifié d’élargir le site patrimonial à des axes et à des bâtiments désignés : chemin Saint-Louis, Fontarabie, la Bataille et une partie du chemin de Saint-Jean.
• Puisque le site patrimonial demeure peu fréquenté malgré tous les investissements et les efforts fournis depuis quarante ans, il est impératif que de sérieux efforts soient consacrés à mieux faire connaître le site auprès de la population locale et régionale (dépliant d’information, publicité, animation, etc.).
• Malgré l’importance du périmètre concerné, il ne semble pas y avoir d’intention manifeste à régler de façon prioritaire le cas du site Rose & Laflamme. Nous souhaitons qu’à l’avenir, et particulièrement pour la restauration du site Rose & Laflamme, le ministère de la Culture prenne en compte les avis des citoyens et des associations locales, dont la Société d’histoire, qu’un tel dossier pourrait intéresser. On oublie trop souvent que le milieu est riche d’inventivité et d’imagination. Il faut à tout prix éviter de dénaturer la vocation du Vieux La Prairie en rétablissant la trame urbaine du site Rose & Laflamme. D’ailleurs, il est raisonnable de croire que l’apparition de techniques plus récentes et moins invasives pourrait permettre de décontaminer les sols à moindres coûts.
• Afin de préserver l’intégrité des bâtiments anciens, il faudrait interdire le passage des véhicules lourds et réduire la vitesse sur la rue Saint-Henri par l’installation de dos d’âne.
De nombreuses suggestions ont également été soumises afin de redynamiser et de mieux faire connaître le site patrimonial : fouilles archéologiques pour situer et reconstruire le moulin banal, reconstituer le secteur de la petite gare de 1836, proposer des visites commentées sur une tablette électronique, permettre la création de commerces associés au capital historique (recettes d’antan, objets et vêtements artisanaux, présentations de métiers anciens, etc.), reconstruire une partie de la palissade derrière le Musée d’archéologie, etc.
Compte tenu de tout ce qui précède, il apparaît clairement que les rédacteurs du Plan de conservation ont manifesté un intérêt exclusif pour la conservation du patrimoine immobilier et une préoccupation sans équivoque pour la richesse archéologique du Vieux La Prairie. Hélas, ce choix trahit chez eux une méconnaissance évidente du milieu et une ignorance des sensibilités locales. Avant d’être un rassemblement de bâtiments anciens, le plus ancien quartier de La Prairie est d’abord un milieu de vie aux interactions complexes et nul ne peut se borner à le traiter uniquement comme un seul ensemble architectural et archéologique. Les résidents du vieux quartier méritent que la municipalité et le ministère de la Culture les considèrent comme de véritables partenaires.

- Au jour le jour, mai 2015
392, chemin de Saint-Jean
L’imposante demeure de 16 pièces et d’une surface habitable de 294,6 m2 a été construite en 1939 pour servir de clinique et de demeure familiale au docteur Jean-Paul Lavallée. L’édifice, sis au centre d’un immense terrain de 1739 m2, en impose par son allure et son retrait. Le premier propriétaire a occupé les lieux jusqu’à son décès en janvier 1973, alors qu’il avait à peine soixantecinq ans. Au rez-de-chaussée inondé par la lumière du jour, le docteur Lavallée recevait ses patients et pratiquait des accouchements ainsi que des chirurgies mineures comme l’ablation des amygdales. S’y trouvait également la pharmacie puisque, à l’image de son collègue, le docteur Léonard Gouin, lequel exerçait à quelques pas de là, le docteur Lavallée était autorisé à vendre des médicaments à ses patients.
Quelques-unes des quatre chambres de l’étage, avec salle de bain centrale, étaient à l’occasion occupées par les nouvelles mamans pour une courte convalescence.
Monsieur Lavallée et son épouse Germaine Couillard ont vu grandir leurs deux filles, Carmen et MoniqueCarmen est née en octobre 1932 et Monique a vu le jour en février 1933. Cette dernière a épousé Antonin Patenaude, elle est décédée à La Prairie en octobre 1992. , dans cette demeure. L’une a épousé un notaire de Verdun et l’autre s’est mariée à un propriétaire d’une entreprise d’enseignes au néon. Elles sont aujourd’hui toutes deux décédées.
La propriétaire des quarante dernières années, Madame Marie-Claire Beaudin- Lavoie est originaire de Saint-Jacques-le- Mineur. Cette mathématicienne a enseigné à l’éducation des adultes à Montréal durant vingt-cinq ans avant d’acquérir la maison en mars 1974, soit un an après le décès de son époux. La mère de Madame Beaudin habitait dans la paroisse du Christ-Roi et était atteinte d’un cancer. Soucieuse de prendre soin de sa mère malade, l’enseignante, qui habitait alors Montréal, s’est résolue à venir habiter La Prairie. Comme la seule maison disponible à l’époque était celle du Dr Lavallée, elle l’a donc achetée pour 40 000 $, un montant appréciable puisque, à l’époque, on pouvait devenir propriétaire d’une maison unifamiliale toute neuve dans le nouveau quartier de la Magdeleine pour la moitié de cette somme. La propriété tant à l’intérieur qu’à l’extérieur est demeurée presque inchangée depuis son acquisition en 1974. La cheminée du foyer de marbre noir du salon a été condamnée depuis longtemps, la propriétaire craignant les incendies. En 2008, deux énormes peupliers malades, situés du côté de la rue Saint-Georges, ont dû être abattus.
Aujourd’hui âgée de quatre-vingt-cinq ans, Madame Beaudin a dû se résoudre à mettre la maison en vente en octobre 2013. Et, ce que l’on craignait arriva, de nombreux promoteurs se présentèrent dans le but d’acquérir le tout pour démolir l’édifice et construire des condominiums sur ce magnifique emplacement.
Heureusement, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, la Ville de La Prairie avait récemment adopté un règlement visant la protection de 42 bâtiments à valeur patrimoniale situés à l’extérieur du site patrimonial déclaré du vieux La Prairie. Bonne nouvelle, le 392, chemin de Saint-Jean est du nombre.
Au dire de la mairesse, Madame Lucie F. Roussel, « L’objectif du conseil municipal est de protéger le patrimoine bâti de la ville et de faire en sorte que la démolition soit vue comme le dernier recours envisageable ». Ainsi, par le biais des dispositions de la loi, la Ville a mis sur pied un comité qui évaluera, entre autres, critères précis (état de l’immeuble, sa détérioration, son apparence architecturale, ses coûts éventuels de restauration, etc.).
De plus, afin de préserver la qualité de vie du secteur ou l’intérêt public, le comité, composé de trois membres du conseil municipal, pourra refuser une demande de démolition ou délivrer un permis de démolition assujetti à une série de conditions.
Voilà une décision qui arrive à point nommé. On se souviendra avec tristesse qu’en octobre 2012, pour des motifs très discutables, on accorda à la hâte un permis de démolition de la magnifique demeure de pierre sise au 1303, Marie-Victorin, face au fleuve. Construite vers 1750, la maison avait, pendant plus de 250 ans, abrité plusieurs générations de la famille Sainte-Marie.
Il y a fort à parier que l’adoption du nouveau règlement 1344-M, fondée sur les recommandations du macro-inventaire dressé par l’architecte Michel Létourneau, a dû être influencée par l’attitude positive de la ville de Candiac face aux menaces qui pesaient sur la maison Page située au 32, boulevard Marie-Victorin. Un bel exemple à suivre.
Vendu à la fin de 2013 après 75 ans d’existence, le 392, chemin de Saint-Jean n’aura donc connu que deux propriétaires, lesquels ont su entretenir et conserver le bâtiment dans un état impeccable. Souhaitons que les nouveaux acquéreurs soient habités des mêmes préoccupations.
