Toponymie – L’Ile du Seigneur

Voici le premier d’une série d’articles sur la toponymie de la région immédiate de LaPrairie. Puisse cette démarche créer un intérêt nouveau pour cette facette de l’histoire si souvent ignorée.

Quelle étonnante histoire que celle de l’île du Seigneur. C’est avec surprise d’abord que le chercheur constate que ce mince îlot n’apparaît que tardivement sur les cartes (secondes moitié du XXe siècle). Comment expliquer semblable phénomène ? Mentionnons d’abord qu’il existait à la Côte Sainte-Catherine, sur les bords du fleuve juste en amont de l’île à Boquet, un immense moulin de pierre construit par les Jésuites dans le premier quart du XVIIIe siècle. Ce moulin actionné par une roue à aubes, servait à produire de la farine et plus tard fut utilisé comme moulin à carder. Incendié à la fin des années 1940, on choisit de démolir l’imposante structure en ruine lors des travaux de construction de la Voie maritime du Saint-Laurent.

Or, afin d’assurer un débit d’eau constant à la roue du moulin, les Jésuites avaient fait ériger sur le lit du fleuve un petit rempart de pierre (les anciens disaient une “dam”) qui servait à diriger l’eau des rapides vers le moulin. Vers 1905-1910, les frères Médéric et Moïse Guérin, qui logeaient dans le moulin, eurent l’idée d’accumuler de la terre et des pierres sur le petit rempart déjà existant. Avec les années, le muret devint un îlot de 50 sur 100 pieds auquel un petit point de bois (de lourdes planches déposées temporairement) permettait d’accéder pendant la belle saison. Environ 25 pieds séparaient la petite île naissante de la terre ferme. Médéric Guérin y installa une petite cabane (elle eut jusqu’à 5 chambrettes) qui lui servait de logement en été et de point de vente illicite de bière et de “whisky blanc” durant les années 1920.

         Comme le poisson abonde à cet endroit (proximité des rapides), Médéric en profita pour préparer des bouillons de poissons (carpe, maillé, alose) à ses visiteurs, ce qui lui assurait un revenu supplémentaire. Une bonne part du poisson capturé était aussi cédée à des marchands de Montréal. Qu’on ajoute à cela l’argent recueilli dans la petite boîte à aumônes qu’il plaçait à côté d’une statue de Saint-Antoine exposée bien à la vue sur l’île, et l’on comprendra comment M. Guérin parvenait à subsister.

Célibataire, “bon vieux”, Médéric Guérin était apprécié et recevait à chaque été sur “son île” un nombre impressionnant de visiteurs. Cela alla tant et si bien qu’on finit par l’appeler “le seigneur de la dam” et plus tard “le seigneur de l’île”. De “seigneur de l’île” à “l’île du seigneur”, il n’y a qu’un pas que l’imagination populaire eut tôt fait de franchir. Le “seigneur” décédé dans les années 1940, l’île fut abandonnée pour être intégrée plus tard au rempart de retenue du canal de la Rive-sud. L’île apparaît maintenant sur les cartes et loge une partie du parc provincial de la Côte-Sainte-Catherine.

Informateurs : M. Paul Favreau et Mme Berthe Dubuc-Favreau de LaPrairie.     

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