Le régiment de Maisonneuve et le droit de cité

Merci au major (ret) Jacques Coiteux pour sa collaboration à cet article.

Le Régiment de Maisonneuve est originaire de La Prairie et célèbre cette année son 132e anniversaire. Pour une histoire plus détaillée du régiment voir l’article de Denis Pinsonnault dans le Au jour le jour de janvier 2012.

Prétextant des coûts trop élevés liés au maintien des troupes dans sa colonie d’Amérique du Nord, l’armée britannique quittait le Canada en 1871, obligeant ainsi les autorités fédérales à organiser graduellement un corps d’armée canadien. C’est après avoir agi comme officier du détachement volontaire de La Prairie lors de la guerre contre les Fenians Société fondée en 1857 par des Irlandais des États-Unis dans le but d’aider l’Irlande à se libérer de l’Angleterre. Ils firent une incursion au Nouveau-Brunswick en 1866 et deux petites incursions au Québec en 1870., que quelques années plus tard, le 4 juin 1880, Julien Brosseau (1837-1912), alors maire de La Prairie, fonde le 85e Bataillon d’Infanterie. Ce fils d’aubergiste et capitaine d’un navire à vapeur qui faisait la navette entre La Prairie et Montréal devint commandant du bataillon avec le grade de lieutenant-colonel. À ses débuts, cette unité rurale de volontaires comptait 278 hommes réunis en 6 compagnies, dont le corps des officiers était presque entièrement canadien-français.

* * *

Le 26 septembre 1885, les citoyens de ville de La Prairie, fiers de leurs militaires, leur ont présenté deux superbes drapeaux qui avaient été confectionnés par des dames de la localité. C’est aussi à cette époque que la révérende mère Marie Victoire, impressionnée de voir le 85e Bataillon défiler, se serait exclamée : « Regardez ces soldats ! Voyez comme ils ont bon cœur et bon bras ! » C’est de là que provient la fameuse devise du Régiment de Maisonneuve dont ses membres sont si fiers, et qui se lit : « Bon Cœur et Bon Bras ! »

Le 8 mai 1900, le 85e Bataillon devient le 85e Régiment d’infanterie du Canada pour ensuite prendre le nom de Régiment de Maisonneuve, en 1920, rappelant ainsi le nom du fondateur de Montréal, Paul Chomedey, Sieur de Maisonneuve.

De nos jours, le régiment est une unité de réserve des Forces canadiennes spécialisée dans le domaine de l’infanterie légère. Il regroupe des hommes et des femmes qui résident dans la grande région de Montréal. Ses membres incluent des étudiants, des gens d’affaires et des professionnels qui endossent l’uniforme à temps partiel pour s’entraîner afin d’être prêts à servir leurs concitoyens et leur pays en cas de besoin. Ses membres veillent aussi à honorer la mémoire des disparus, au respect de ses traditions, et à défendre l’honneur et la réputation du Régiment de Maisonneuve au sein des Forces canadiennes. Son centre administratif est situé au manège militaire de la rue Cathcart, à Montréal.

Le Régiment continue de s’illustrer au sein de la Première Réserve des Forces armées canadiennes. Ces dernières années, ses membres ont participé à différentes missions outre-mer, notamment en Bosnie, à Haïti, et en Afghanistan. Au pays, le Régiment a aussi été appelé à intervenir pour venir en aide aux sinistrés lors de la tempête de verglas en janvier 1998 et lors des inondations du printemps 2011 à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Ajoutons que le Régiment est la seule unité au Québec à avoir reçu le mandat d’ouvrir une deuxième compagnie d’infanterie sur la Rive-Sud. Cette compagnie, composée d’un effectif de 120 personnes, occupera un nouveau manège militaire à Saint-Hubert dont la construction doit débuter au début de 2013 pour se compléter en 2015. En l’absence de la disponibilité d’un espace suffisant, la construction du manège n’a hélas pu être envisagée à La Prairie.

LE DROIT DE CITÉ

Le 9 septembre dernier, au cours d’une cérémonie haute en couleurs, le Régiment demandait le droit de cité aux autorités de la ville de La Prairie.

L’expression avoir droit de cité, existe depuis l’antiquité et désignait à l’origine l’ensemble des privilèges qui étaient attachés à la qualité de citoyen d’une cité. Chez les Romains, le droit de cité signifiait la reconnaissance de la citoyenneté réservée aux hommes libres. Dans les Cités-États européennes du Moyen Âge, le droit de cité prit un autre sens. Constamment obligées de se défendre contre d’éventuels envahisseurs et des hordes de pillards, les Cités-États étaient entourées de remparts et ne donnaient accès qu’aux groupes armés qui s’étaient montrés dignes de confiance des autorités. Pour mériter un tel honneur, c.-à-d. avoir le droit de circuler librement dans la cité armes à la main, la troupe devait avoir démontré sa valeur et son mérite.

Aujourd’hui, la cérémonie du droit de cité existe toujours. En effet, cet honneur peut être octroyé par les autorités municipales, de temps à autre, à titre de privilège symbolique, à une unité militaire qui a su s’en montrer digne. Dans les faits, le droit de cité permet à l’unité militaire qui en reçoit la faveur, de défiler dans les rues de la ville « baïonnettes aux canons, drapeaux consacrés déployés et tambours battants ».
Bien qu’il soit originaire de La Prairie, le Régiment de Maisonneuve n’y disposait pas encore du droit de cité.

LA CÉRÉMONIE

Voici un bref résumé de la cérémonie qui s’est déroulé à La Prairie par un bel après-midi de septembre dernier. Le tout débute lorsqu’un contingent composé de deux gardes de 30 militaires au centre duquel se retrouve l’escorte aux drapeaux consacrés dont les membres sont revêtus de la grande tenue régimentaire aux vestes rouges et aux casques blancs, se dirige en colonnes de route vers le complexe Saint-Laurent où sont réunis la mairesse et les membres du conseil municipal.

Le commandant du Régiment, le Lcol Stéphane Tremblay, est en tête du Régiment, et son CmdtA, le Maj J.-F. Latreille, ferme la marche. Les baïonnettes sont au fourreau, les drapeaux consacrés sont recouverts, et aucun tambour ou musique ne se font entendre.

Lorsque la troupe arrive près du complexe Saint-Laurent, le chef de police se place symboliquement en travers de sa route afin de lui interdire le passage. Il somme le commandant du Régiment de faire connaître son identité ainsi que celle des gens en armes qui le suivent. Après avoir ordonné aux troupes de s’arrêter, le commandant s’identifie. Le chef de police l’autorise alors à « s’avancer et à se faire reconnaître », puis il lui signifie que le Régiment peut également s’avancer.

Escorté du chef de police, le Lcol Tremblay se dirige ensuite vers l’entrée de la bibliothèque Léo-Lecavalier. Il s’arrête face à la porte et y frappe trois fois avec le pommeau de son sabre. Madame la mairesse Lucie F. Roussel lui ouvre et c’est alors que le Lcol Tremblay décline son identité ainsi que celle de son Régiment.

Madame la mairesse, en compagnie des membres du conseil municipal, prend alors place à l’entrée de la bibliothèque municipale pour y lire une proclamation conférant le droit de cité au Régiment de Maisonneuve. Le commandant du Régiment signifie son acceptation puis retourne prendre place devant ses troupes pour leur donner les mots de commandement dans le but d’exercer pour la première fois leur droit de cité dans la ville de La Prairie. Les membres des deux gardes du Régiment mettent leurs baïonnettes au canon et présentent les armes alors que les officiers de l’escorte aux drapeaux consacrés dégainent les couleurs régimentaires.

Par la suite le commandant du Régiment invite la mairesse, Mme Lucie F. Roussel, à passer en revue le Régiment au son de la musique des Fusilliers Mont-Royal. La revue terminée, baïonnettes au fourreau, les membres du Régiment exécutent trois tirs successifs d’une salve à blanc au rythme de la marche « Le régiment de Sambre et Meuse ».

Après les tirs à blanc, les militaires défilent sur la rue St-Laurent, baïonnette au canon et musique en tête, puis tournent à gauche sur la rue St-Jean avant de terminer leur marche face à l’église, devant le site de fondation et premier poste d’entraînement du Régiment durant la décennie 1880.

Lorsque le commandant, ses officiers, ses sous-officiers sont de retour à la bibliothèque Léo-Lecavalier, afin d’attester de l’honneur qui vient d’être accordé, la mairesse invite le commandant Tremblay à signer les deux parchemins officiels qui contiennent le texte de la proclamation du droit de cité. Suit la signature du livre d’or de la ville par les nombreux invités. Honneur au Régiment de Maisonneuve qui est enfin de retour dans la ville qui l’a vu naître.

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