Le dossier s’éternise
« On se plaint beaucoup de l’état du chemin Édouard VII entre le pont Victoria et La Prairie. Les travaux ont déjà coûté beaucoup d’argent, mais les plans n’ont pas été convenablement préparés, ou ils n’ont pas été convenablement exécutés; une grande partie du chemin est en ruine et ne peut être utilisée. Un chemin temporaire qui avait été construit à côté, paraît aussi avoir été mal conçu ou mal exécuté, et lui aussi est impraticable dans certaines conditions atmosphériques. Le résultat est que la valeur du chemin Édouard VII tout entier est réduite à néant, au moins quant à Montréal et son voisinage. »
On accuse donc M. Robert Rogers, le ministre fédéral des Travaux publics depuis 1912, de faire traîner les travaux en longueur. Sur ce, le conseil municipal adresse en ces termes une nouvelle requête au ministre Rogers, laquelle requête lui parviendra par l’entremise du député É. Patenaude :
« Ce conseil, après avoir étudié soigneusement cette question, croit de son devoir, dans l’intérêt public de soumettre respectueusement au gouvernement fédéral, la demande de cette modification, dans la largeur du chemin de vingt-quatre pieds à trente- cinq pieds pour mieux assurer l’utilité et l’efficacité de ces importants travaux.
Ce conseil s’engage à exproprier le terrain nécessaire à cet élargissement. »
Évidemment, il n’est ici question que de la partie appartenant au fédéral, c’est-à-dire la distance qui sépare la rivière Saint-Jacques du village de La Prairie.
Malgré tous ces soubresauts, le transport par autobus vers Saint-Lambert devient accessible en 1917.
Las des lenteurs administratives, en décembre 1919, le conseiller De Gruchy propose la résolution suivante : « Que cette corporation depuis plusieurs années n’a cessé de faire des demandes pour obtenir la construction du boulevard Édouard VII, la jetée et le prolongement de la ligne de tramway jusqu’à Laprairie. Que les circonstances paraissent favorables à la réalisation de ces projets, la ligne de la Montreal & Southern Counties Railway étant à une distance relativement courte de Laprairie (environ quatre milles), la section du Boulevard construite par le Gouvernement provincial étant pratiquement achevée, et la jetée en voie de construction depuis plusieurs années déjà. Que ce conseil voudrait bien pouvoir compter sur le bienveillant concours de tous ceux qui peuvent aider à la réalisation de ces projets, et plus particulièrement de l’honorable Georges Simard dont le travail a été particulièrement effectif dans le passé. »
Hélas, jamais le tramway ne se rendra à La Prairie.
Une fin précoce
Malgré la digue de béton érigée en 1922, durant les décennies suivantes l’entretien du boulevard a toujours été source de difficultés. Le responsable de la voirie pour le comté devait tous les printemps procéder à des réparations sur le pont enjambant la rivière Saint-Jacques. C’est que les glaces montaient sur le pont et endommageaient le parapet, le tablier et une partie du chemin.
L’inauguration du boulevard Taschereau en 1932 va délester le boulevard Édouard VII d’une partie des véhicules qui l’empruntent pour se rendre à La Prairie.
À compter de 1963, la route de campagne 3 (ancien boulevard Édouard VII) le long du rivage du Saint-Laurent est transformée en autoroute sur 22 kilomètres entre Longueuil et Candiac. La nouvelle autoroute 132, dont une partie repose sur l’ancien lit du fleuve, est ouverte à la circulation en décembre 1965. Ces travaux sonnent le glas du vieux boulevard construit un demi-siècle plus tôt.
Par contre, la partie du boulevard Édouard VII qui s’étend de la route 104 à Rouses Point via Saint-Philippe, Saint-Jacques et Napierville, existe toujours.