Bijouterie Guy Serres

Dernier né d’une famille de quatre enfants (Aurore, Marie-Antoinette, Jean Roch et Guy), Guy Serres a vu le jour à La Prairie en 1935. Fils d’Alice Legrand et de Roch Serres, le jeune Guy a dû quitter La Prairie à l’âge d’un an puisque son père venait de racheter l’hôtel Le Relais Terrapin situé sur la rue Saint-Charles à Longueuil. Roch Serres avait déjà été propriétaire du même hôtel (un ancien relais de diligences) de 1920 à 1925. Hélas, après six autres années au Terrapin, désemparé par le décès de son fils aîné âgé de dix-huit ans, M. Serres dut se résoudre à vendre l’hôtel à nouveau.

Le jeune Jean Roch, suite à une longue randonnée à vélo sous la pluie, avait contacté une « tuberculose galopante » ou phtysieLa tuberculose galopante ou phtysie détruit le tissu pulmonaire en quelques mois. à la laquelle il ne survécut que quelques mois dans un sanatorium de Sainte-Agathe-des-Monts Ouvert en 1908, ce sanatorium fut le premier au Québec. .

C’est ainsi que la famille revint à La Prairie et que Joseph Guy entreprit son cours primaire à l’Académie Saint-Joseph dirigée par les FrèresRasée par les flammes dans la nuit du 3 janvier 1978, l’école était située à l’angle du chemin de Saint-Jean et de la rue Saint-Ignace. de l’Instruction chrétienne. Sa cinquième année complétée, le futur horloger se vit à nouveau contraint de quitter La Prairie puisque son père avait fait l’acquisition d’une taverne à Montréal. Il compléta donc sa sixième et sa septième année à Saint-StanislasL’école primaire Jacques-Marquette devint l’école secondaire Saint-Stanislas de 1929 à 1966. L’ESSS était la fierté des Frères de l’Instruction chrétienne dans toute la province de Québec. avant d’entreprendre son cours classique au Collège Sainte-Marie dirigé par les Jésuites. Le cours classique durait huit ans (Éléments latins, Syntaxe, Méthode, Versification, Belles-lettres, Rhétorique, Philo-I et Philo II) et menait à la prêtrise ou encore à l’université vers des professions dites libérales : droit, médecine, architecture etc.

La voie était donc toute tracée puisque Guy voulait devenir architecte. Or, en Belles-lettres, cette fois au Collège Brébeuf, on lui fi t clairement savoir, sans doute un peu tardivement, que le cours classique ne lui convenait pas. Fort en mathématiques, le futur horloger résolut de s’inscrire dans une école privée afin de suivre en un an un cours accéléré qui devait lui ouvrir les portes de l’école d’architecture. Or, le cours terminé, il apprit, non sans amertume, que l’Université de Montréal ne reconnaissait pas la formation donnée par cette école. Il aurait pu poursuivre sa formation en entreprenant des études en architecture à l’Université McGill mais, en ce début des années 1950, l’immersion dans un milieu totalement anglophone l’intimidait.

Guidé par sa soeur AuroreAurore Martin, du nom de son époux, a oeuvré comme bénévole à la SHLM durant plusieurs années. , son aînée de quinze ans qui était une véritable mère pour lui, Guy Serres entreprit de se chercher une nouvelle orientation professionnelle. Il opta pour la bijouterie puisque le métier alliait l’habileté manuelle et l’art du dessin. C’est ainsi qu’il s’inscrit à l’Institut d’horlogerie et de bijouterie du Canada, situé sur la rue Saint-Hubert à Montréal. Au cours de cette année de formation, il apprend la bijouterie durant le jour et s’initie aux secrets de l’horlogerie en soirée.

Après avoir oeuvré durant trois ans dans le domaine, M. Serres ouvre en 1958 sa première boutique au 242, chemin de Saint-Jean. En juin 1964, dans l’église Notre-Dame du Sacré-Coeur, le jeune bijoutier épouse Louise Dumontet (Guillaume et Juliette Lemieux), originaire de Brosseau. Le père de Louise possédait des terres sur le chemin des Prairies et fut, en décembre 1950, parmi les membres fondateurs de la Caisse populaire de La Prairie. Les jeunes mariés habitèrent durant quelques temps un petit logement situé à l’arrière de la boutique. Deux enfants naîtront de cette union, Nathalie l’aînée et Yanick né en 1970. À l’époque, Aurore, la soeur aînée de Guy, habitait à l’étage au-dessus du commerce.

Les affaires vont bien jusqu’à ce jour néfaste de septembre 1968, un vendredi 13 à 13 heures, alors que deux jeunes hommes se livrent à un cambriolage majeur. Les pertes sont si importantes que le propriétaire se voit forcé d’écouler le matériel restant durant un an et contraint de mettre fin aux activités de son commerce le 12 septembre 1969.

Ironie du sort ou acte prémédité, à la fin du mois de septembre 1969, la bijouterie Larose ouvre ses portes au 408 rue Sainte-Élisabeth (aujourd’hui boulevard Taschereau). Qui plus est, ce local était le voisin immédiat de l’emplacement actuel de la Bijouterie Guy Serres.

Orphelin de son commerce, de 1969 à 1972, Guy Serres perfectionne son savoir-faire au sein d’un important atelier de réparation, de fabrication et d’importation de Montréal où il agit à titre de contrôleur de la qualité. On lui confi ait notamment la responsabilité d’inspecter pas moins de 500 à 600 bijoux par jour. Des années riches en expertise et en apprentissages.

Fort d’une quinzaine d’années d’expérience dans la bijouterie, Guy Serres décide en décembre 1972 de redémarrer son commerce au sous-sol du 874, rue Sainte-Élisabeth. Une heureuse décision puisque cette époque, qualifiée aujourd’hui « des années folles de la bijouterie », allait permettre à l’entreprise de redémarrer sur des fondations très solides.

Au fil des années, la bijouterie se construit une solide réputation d’honnêteté et de qualité de ses produits. Hélas, le 10 septembre 1981, le malheur frappe à nouveau. Deux hommes, armés d’un révolver et d’une fausse bombe, font irruption dans le commerce et s’emparent de plus de 200 000 $ de bijoux.

Voici comment les journaux de l’époque relatèrent l’incident :

« Les suspects, très élégamment vêtus, ont pénétré dans la bijouterie Guy Serres, du 874 boulevard Sainte-Élizabeth, vers 17h15, à la manière de simples clients.

Une fois à l’intérieur, les gredins n’ont toutefois par tardé à dévoiler leur intention, et c’est l’arme braquée que l’un d’eux a menotté les occupants de la boutique [deux hommes et une femme], après avoir déposé sur le comptoir une mallette de cuir brun qui devait apparemment contenir une bombe.

Ouverte, la mallette laissait d’ailleurs distinctement voir un dispositif constitué d’un circuit imprimé et d’une pile reliés par un fil. Une antenne et deux clignotants rouges complétaient l’instrument, capable de berner n’importe quel amateur.

Ensuite, les bandits n’ont mis que quelques minutes pour vider tous les comptoirs […]. Leur fuite a été aussi discrète que leur arrivée. Cependant, les individus ont pris soin de laisser sur place la prétendue bombe, qu’on croyait être téléguidée [une fusée routière enrobée de ruban gommé noir de laquelle sortaient plusieurs petits fils reliés à une pile ainsi qu’à deux petites lumières].

Mais le propriétaire, M. Serres, ne s’est visiblement pas laissé impressionner outre mesure par le dispositif, puisqu’à peine les gangsters sortis, il s’est précipité dehors à son tour, menottes aux poignets, derrière le dos, juste à temps pour apercevoir le véhicule utilisé par les voleurs […].

Auparavant, M. Serres avait eu le réflexe de déclencher le système d’alarme, ce qui amena rapidement les policiers de Laprairie sur les lieux. […]

Heureusement que ce second cambriolage en treize ans n’allait pas mettre fin aux activités de la bijouterie. Bien au contraire, le commerce continua de progresser. En 1988, Nathalie se joint à l’entreprise et entreprend de faire ses classes. Douze ans plus tard, devenue une gestionnaire aguerrie et riche de l’expérience et du savoir-faire partagés par son père, Nathalie fait l’acquisition du commerce.

L’année suivante, en 2001, la nouvelle propriétaire décide de rénover les installations. Une décision judicieuse, qui s’est avérée très bénéfique pour l’expansion du commerce. D’ailleurs, la bijouterie connaît par la suite un tel succès et sa croissance est si bien lancée que, en 2004, on se voit obligé de déménager au 412, boulevard Taschereau, un local plus vaste et mieux adapté. Depuis lors, la clientèle de l’entreprise ne cesse d’augmenter.

Ce n’est donc pas sans une fierté bien légitime que, en 2008, la Bijouterie Guy Serres célèbre ses cinquante années d’existence et que, l’année suivante, elle est lauréate du Grand Prix d’excellence dans la catégorie « Entreprise de commerce – 10 employés et moins », dans le cadre de l’événement les « Grands Prix de l’entrepreneuriat de Roussillon 2009 ».

Bien que ce soit sa fille Nathalie qui gère désormais le commerce, le fondateur, M. Guy Serres est toujours présent dans l’entreprise et il n’a nullement l’intention de prendre sa retraite sous peu. Cependant, à l’image de nombreuses entreprises familiales, il est fort probable que la propriété ne se transmette pas à une troisième génération puisque la relève est, pour le moment, inexistante.

La Bijouterie Guy Serres demeure un modèle de compétence et de savoir-faire pour les citoyens et les commerçants de La Prairie.

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