Tout le long du boulevard, les demeures étaient décorées et les habitants se pressaient à la rencontre du premier ministre Taschereau et de ses collègues. Précisons qu’à cette époque il n’y avait que quelques maisons entre le chemin de la Pinière et La Prairie. La situation devait s’améliorer avec l’ouverture du boulevard Taschereau.
À La Prairie, le convoi fut accueilli par le maire Longtin. Des discours furent prononcés et l’on dévoila le monument de béton qui indiquait clairement que la nouvelle voie porterait le nom de boulevard Taschereau. Ce monument fut longtemps peint en blanc puis décapé. Il disparut en 2009 à l’occasion du réaménagement de l’intersection du boulevard Taschereau et du chemin de Saint-Jean.
Impacts locaux
En 1942, La Prairie comptait déjà pas moins de 290 automobiles et 50 camions.
Or, puisque les gouvernements subventionnaient le transport par autobus sur le chemin d’en bas (Édouard VII), il n’était pas question de payer pour ouvrir le boulevard Taschereau en hiver. Des citoyens de La Prairie se sont donc organisés pour déneiger la voie jusqu’en 1943, alors que le ministère de la Voirie prit les choses en mains.
Le développement de cette artère commerciale qui, avec le temps, deviendra la voie obligée vers La Prairie, n’est pas sans lien avec la création, en 1954, de la paroisse du Christ-Roi et plus tard du parc industriel. C’est ainsi que lentement, au fil des années, tant les services publics que les commerces et les industries, délaisseront le village (le Vieux Fort) pour venir s’installer le long du boulevard Taschereau qui, jusqu'en 1992, s’appelait Saint-Élisabeth à l’intérieur des limites de La Prairie. Depuis le chemin de Saint-Jean, il s’étire jusqu’à l'intersection du boulevard Montcalm et de l'autoroute 15/route 132 à Candiac comme boulevard à 2 voies par direction.
Depuis le réaménagement de l'intersection en 2008, le monument de béton a été remplacé par un arrangement floral. À l'est du chemin de Saint-Jean, le boulevard Taschereau se greffe d'une troisième voie de circulation par direction et devient exclusivement commercial.
Un cri du coeur
L’inauguration du nouveau boulevard fut suivie d’une grande assemblée politique à Longueuil, réunion au cours de laquelle le premier ministre s’attaqua avec fougue à la signature du traité de canalisation du Saint-Laurent.
« La canalisation du Saint-Laurent est un projet néfaste et antinational et quel que soit le gouvernement à Ottawa, que ce soit King, Lapointe ou Bennett, je n’hésiterai pas à me séparer de lui le jour où il voudrait aligner le traité de canalisation. Celui qui osera commettre ce crime national me trouvera sur son chemin, car je place ma race avant mon parti. » Taschereau y percevait une ingérence américaine dans les affaires de la province et du pays.
En mars 1934, le sénat américain rejette le traité de canalisation par 46 voix contre 42. Le président Roosevelt croit cependant que la canalisation se fera et qu’elle ne peut être empêchée parce qu’elle est une amélioration naturelle. Si les États-Unis refusent d’y participer elle restera à faire par le Canada qui en retirera tous les avantages.
Le 24 avril 1959 à Saint-Lambert, la voie maritime du Saint-Laurent s’ouvrait à la circulation devant des milliers de curieux, mais en l’absence du premier ministre du Canada qui avait préféré demeurer à Ottawa pour préparer son programme parlementaire. Deux jours plus tard, le luxueux yacht Britannia franchissait l’écluse en présence de la reine Élisabeth, du président Eisenhower et du premier ministre John Diefenbaker.