La coupe de la glace

Dès le mois de décembre, après les premières grosses gelées, monsieur Langlois examinait le fleuve pour savoir où serait la meilleure place pour ouvrir le chantier. Tout dépendait du vent et de la neige accumulée sur la glace. Le chantier se situait au large, pour ne pas avoir les débris qui descendaient le fleuve et qui se ramassaient dans le bassin de La Prairie.

Si beaucoup de neige s'accumulait, il fallait, au temps approprié, gratter la neige pour que la glace puisse épaissir davantage.

Vers la fin de janvier, début de février, on décidait d'ouvrir le chantier. Habituellement, c'était au large de l'ancien quai de La Prairie, entre La Prairie et la Pointe à Moquin à Brosseau.

 Les fêtes de Noël étant passées, les gens jetaient leurs arbres de Noël et les petits frères Dupré les ramassaient pour monsieur Langlois. On les utilisait pour baliser le chemin qui allait au site du chantier. On transportait ensuite les machines nécessaires, le palan, le monte-charge, les scies et autres outils pour ouvrir le trou et faire le canal pour monter les blocs de glace. On sciait la glace avec une grande scie et une scie mécanique en patrons de 36" x 48". Une fois le canal ouvert et le monte-charge installé, les hommes décollaient une bande de glace pour l'amener vers le canal. Une fois rendus dans le canal, les hommes, avec un grand pic, donnaient un coup sec pour séparer les blocs, qui remontaient le monte-charge pour arriver dans les "sleigh" (les premières années), ensuite sur la plate-forme d'un camion pour être transportés à la glacière contenant 4 000 tonnes, situé sur la rue Saint-Laurent. Quelques années après, il y eut une deuxième glacière sur la rue Capitale. Les murs des glacières étaient remplis de brin de scie pour garder la fraîcheur car ces blocs de glace devaient durer tout l'été. Un élévateur extérieur servait à monter les blocs.

Tous les hommes travaillant au chantier portaient des grappins par-dessus leurs bottes afin de ne pas glisser sur la glace. Ces grappins étaient faits avec un morceau de fer, des pics et deux bandes pour les attacher. Durant toutes les années que monsieur Langlois a fait chantier, il n'y a pas eu d'accident grave.

Une année, vers 11 :00 a.m., en marchant sur la glace, monsieur Langlois entendit un bruit étrange venant de sous la glace et pressentit un danger. Alors, il a demandé aux hommes de monter tout l'équipement avant d'aller dîner. A leur retour, vers 14:00 p.m., toute la place où était le chantier était sous l'eau. C'était vraiment un miracle qu'il n'y ait pas eu d'accident ou perte; la bénédiction de Dieu a protégé les hommes.

Les années se suivaient mais ne se ressemblaient pas. Les jours où il faisait un froid sibérien, difficile à endurer, monsieur Langlois emportait un grand chaudron de café chaud, additionné d'un peu de rhum ou de cognac afin que les hommes n'attrapent pas de mal.

Je veux rendre hommage à tous les hommes qui ont bravé le froid et le danger afin que d'autres aient un peu plus de confort.

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