En feuilletant de vieux dictionnaires

Le court récit qui suit contient quelques mots et expressions, présentés en italiques, dont vous êtes invités à trouver le sens. Ce sont des exemples du langage populaire français du XVIIIe siècle. La scène pourrait se passer à Lyon, rue Du Bœuf, vers 1800.

Chez le marchand de vin, deux compères sont attablés près d'une fenêtre et sirotent un bon petit blanc tout en portant jugement sur les passants de la rue.

Passe près de la fenêtre un quidam titubant qui fixe un moment la bouteille des deux amis.

– Lui as-tu vu le portrait? un abreuvoir à mouches sur le museau et un autre dans le front.

– T'as trop pinté, bonhomme, remarque l'autre en aparté, tu me fais penser à mon beau-frère. Tu sais, ajoute-t-il pour son compère, c'est un fameux biberon. Quand on lui demande quel temps il fait, il vous répond : Il fait soif.

– Eh? regarde-moi ça. Vois-tu cet algonquin qui bouscule tout le monde?

– Ça se conduit en argousin.

– Et celui-là qui se hâte en serrant les dents.

– J'te parie qu'il s'en va où le roi ne va qu'à pied. Après un moment de silence :

– Eh! l'ami, il me semble que ton regard s'attarde sur cette créature qui m'a tout l'air d'une gourgandine.

– Tu te méprends.

– Holà! fais pas la sainte n'y touche.

Abreuvoir à mouches : Plaie large et profonde, faite au visage avec le tranchant d'un sabre, ou quelquefois même avec un instrument contondant. L'abreuvoir à mouches provient fort souvent de blessures que les enfants de Bacchus se font, soit en se battant à coups de poings, soit en donnant du nez contre terre.

Algonquin : Terme injurieux et de mépris, qui signifie balourd malotru; homme audacieux et grossier. On se sert particulièrement de ce mot pour désigner un étranger ou un inconnu dont la figure est dure et rebutante, et qui se présente en un lieu avec hardiesse et incivilité.

Argousin : Sobriquet injurieux qui équivaut à iroquois, butor, lourdaud, homme stupide et grossier. C'est aussi le nom qu'on donne aux officiers subalternes qui surveillent les galériens.

Où le roi ne va qu'à pied : i.e. aux privés, à la chaise percée, où on ne peut envoyer personne à sa place.

Gourgandine : coureuse, femme qui a passé sa jeunesse dans la débauche et la prostitution.

Références :

D'Hautel, Dictionnaire du bas langage ou des manières de parler usitées par le peuple… 1808

Lorédan Larchey, Les excentricités du langage, 5e édition, 1865

L'ouvrage de Lorédan Larchey est restreint et se limite aux « excentricités », mais il est facile à consulter et sa présentation est particulièrement intéressante.

Le dictionnaire de D'Hautel ne dispose pas, dans sa version numérique, d'un logiciel qui donne un accès direct à des mots ou des pages. Il faut pratiquement le parcourir une page après l'autre et il est volumineux. Comme le précédent, sa typographie se lit bien.

Ces dictionnaires et bien d'autres peuvent être consultés sur le site LEXILOGOS.

Choisir Langue française, puis, dictionnaires anciens du VIIIe au XIXe s., puis, français du XIXe s., puis, français populaire.

Le site offre à la consultation un ensemble de dictionnaires et encyclopédies, conservés par la Bibliothèque Nationale de France, à partir des plus anciens. L'histoire de l'évolution de la langue française depuis ses débuts est aussi bien exposée sur le site, entre autres aspects de la langue.

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